Neeve - enchantées

Mes parents m'ont appelé Neeve Uaine Loclainn ! Je suis née le 9 octobre 1981 à Bray, dans la maison familiale. Je suis un élément de 34 ans. Pour plus de précisions, je suis bisexuelle depuis que le Djinn est présent et présentement veuve depuis 3 ans. Je suis fière de dire que je travaille en tant que conservatrice au musée , ça m'aide à payer mes factures… Je suis d'ailleurs plutôt plutôt riche. On me dit souvent que je ressemble à Laetitia Casta, mais en mieux, quand même. Une dernière chose, je fais partie du groupe des êtres de la Terre, et plus précisément je suis une Wendigo.

Dernière-née d’une famille déjà composé de deux enfants, Neeve a eu une enfance heureuse. Il n’y a pas grand-chose à raconter de palpitant. La famille Loclainn vivait dans un hameau au sud-ouest de Bray, entre la montagne et la mer, dans un bois souvent désert. A peine à 1 km des premières falaises, la maison recevait lors des orages d’hiver les embruns de la mer déchainée. L’été, le soleil inondait de ses rayons le jardin verdoyant souvent occupé par les enfants jouant aux aventuriers. Jusqu’à l’année de ses 8 ans, Neeve était une fillette comme les autres, mais un jour ses prédispositions se sont  révélées. A l’instar de la quasi-totalité de sa famille, elle était aussi une magicienne. Son père s’occupait de l’apprentissage de chacun de ses enfants, comme sa femme ne pouvait nullement le faire. Aveugle, la douce Aileen faisait partie du Cercle des Oracles et n’avait jamais vu le visage de ses enfants, à part au travers d’une de ses visions.
Shannon, l’ainée des enfants Loclainn avec 5 ans de plus que Neeve, semblait posséder de grands dons pour la magie tandis que Joach, le seul garçon, n’avait toujours réussis aucuns enchantement à l’âge de 12 ans. Leur père, Pietre, n’était néanmoins pas inquiet car parfois, cela prenait du temps pour un homme d’obtenir son signe. La famille a toujours vécu à Bray, que ça soit en ville ou en bordure, et s’est avérée au fil des siècles être une grande famille d’ensorceleurs.

Souvent, les enfants se disputaient, les filles s’alliant contre le seul garçon, celui du milieu, qui se victimisait toujours comme disait Shannon. En fait, tout le monde écoutait Shannon, la grande, la forte, la belle Shannon. Elle avait toujours raison et elle, elle parvenait à faire de la magie. Pas les autres. Même si leurs parents croyaient tempérer les situations, ça n’était jamais réellement calme entre les enfants. Neeve restait légèrement à l’écart des disputes entre ses aînés, mais plus les trois grandissaient, plus les tensions augmentaient.
Le décès tragique de leur père n’arrangea évidemment pas les choses. Malgré un discours émouvant du trio infernal, rien ne parvenait à les rapprocher. Lors de cet évènement, Neeve avait 16 ans. Elle était en plein dans son apprentissage de la magie alors que l’ainée était indépendante et douée pour invoquer Djinns ou Géni. Joach lui, avait abandonné. Quelques mois avant la noyade de Pietre, son fils et lui avaient eu une rude discussion. La lignée des Loclainn perdait en puissance. Tous les descendants ne pouvaient pas tenir le lourd apprentissage qu’était celui pour devenir un puissant magicien. Joach n’était qu’un humain, pas un oracle comme sa mère, ni un mage comme feu son père. Les dernières années où il vécut dans la maison familiale furent difficile. Il en voulait à la terre entière. Au lycée, alors que la vie des créatures surnaturelles devait rester secrète, il avait osé amener un artefact magique pour l’utiliser contre un rival. Il ne se passa rien, mais Joch venait de prendre un tournant décisif.

Après son 18eme anniversaire, lorsqu’à son tour il quitta la maison, Neeve et sa mère se retrouvèrent seule. La jeune fille était bientôt majeure elle aussi, mais contrairement à ses frères et sœurs, elle ne comptait pas laisser leur mère seule. Elle n’avait rien du caractère impulsif et orgueilleux des deux autres. Au contraire, elle était toujours prête à rendre service, à accompagner leur vieux grands parents faire des courses en ville, à sourire à quiconque croisait son regard ou même à aider un jeune du hameau à faire ses devoirs. Même si elle commençait à maitriser un grand pouvoir de magicienne, elle n’en abusait pas. C’était une jeune femme vertueuse et généreuse, avec de bonnes notes au lycée et toujours un comportement adéquat, même lors de sortie en boite avec ses amis. Cependant loin d’être parfaite, Neeve pouvait se montrer solitaire à vaquer dans la forêt jusque tard dans la nuit. Souvent, on la retrouvait l’été endormie au bord de la falaise. Sa mère la surprenait régulièrement en train de parler à la carpe koï de Pietre. Neeve disait que son père était là, quelque part, et que si elle se focalisait sur un être précis, elle pouvait communiquer avec lui. Son père lui manquait tous les jours.  

Le manque de cette présence paternelle se révéla un peu plus tard, alors qu’elle fréquentait l’université à Dublin. Même si la Loclainn continuait son apprentissage magique, elle était passionnée par l’histoire, les sociétés, les conflits territoriaux … tout ce qui pouvait exister à grand échelle mais aussi au sein de sa ville natale, Bray. Si elle avait encore eu son père, elle n’aurait peut-être pas injecté un si grand espoir dans sa toute première relation amoureuse. Le beau Brian O’Driscoll était le rugbyman de la fac, le beau gosse, et, comme dans les films romantiques, il aimait la jolie intello’ du fond de la classe. Ils se marièrent alors qu’ils n’avaient que 21 ans, et ce malgré les inquiétudes d’Aileen. Joach et Shannon assistèrent au mariage. Si la cérémonie fut réussie, Neeve dans une somptueuse robe, il n’en fut pas de même pour le repas. Alors que les témoins allaient faire leur discours, Joach prit la parole pour honorer sa sœur. Malheureusement, il en profita pour lancer quelques réflexions à son aînée. La dispute qui éclata mit fin à la fête. Personne ne put séparer ces deux-là, pas même Neeve. Ce ne fut pas le plus beau jour de sa vie, mais ça ne fut pas le pire non plus. En effet, quelques mois après cet évènement, la famille apprit que Joach était entré dans le cercle des Chasseurs. Tout s’enchaina alors très vite dans la vie de Neeve. A peine installée avec Brian dans leur appartement en ville que les catastrophes s’enchainèrent. Tout d’abord, le jeune homme échoua à ses examens et n’était donc pas diplômé. Ensuite, la mort de Shannon fit la une des journaux. Les signes montraient une agression violente et une lente agonie. Au départ aucuns soupçons n’avaient pesé sur Joach, jusqu’à un soir de novembre. Un soir où il s’infiltra dans l’appartement de sa cadette et la menaça longuement. Ce ne fut qu’après des regards larmoyant et un ramassis de souvenir qu’il céda. Neeve n’en parla jamais à leur mère.

La peine s’estompa au fil de mois, comme pour la disparition de Pietre. Neeve trouva en emplois au musée et vécu tranquillement. Fière de ses racines, elle pratiquait quotidiennement la magie et invoquait divers géni. Jamais elle ne demandait une action à un Djinn, bien trop susceptible d’utiliser la magie noire. Neeve était une gentille demoiselle.

Oui c’était une gentille femme, jusqu’à ce que son mari ne fasse le faux pas de trop. 10 ans de mariage, aucuns enfants, une belle maison dans le même hameau qu’Aileen, et une maitresse. Neeve l’apprit au dépend de son mari, puisqu’elle trouva une trace de rouge à lèvre dans ses draps. Au départ elle n’avait pas compris et donc, mené l’enquête. En quelques semaines, elle avait les preuves dont elle se serait passée. Son mari la trompait, depuis longtemps. Brian menait une double vie depuis plus de 3 ans d’après une voisine trop bavarde. Neeve travaillant énormément en tant que conservatrice au Musée, elle n’était pas souvent à la maison, mais elle se décarcassait les week end pour son petit mari adoré. Et lui, il la trompait. Au départ, elle accusa le coup. Après tout, elle restait une jeune femme de 31 ans, belle et intelligente. S’ils divorçaient, elle garderait la maison et lui partirait avec ses biens. Mais un détail l’a fit changer à jamais. Un détail qu’elle découvrit en suivant son mari un soir qu’elle devait rentrer tard. Outre le fait de la tromper, il avait ce qu’elle désirait le plus au monde. Un enfant. Brian et elle essayaient depuis 5 ans d’avoir un bébé, en vain, bien que les examens de l’un et l’autre soient normaux. Neeve savait que ça blessait son époux, mais pas plus qu’elle, certainement pas. Et la femme qui vivait sur Windham Avenue, dans le beau quartier de Bray, tenait un enfant dans ses bras. Ce soir-là, Neeve démarra sa voiture en trombe et partit direction la forêt. Elle marcha longtemps sous la pluie, fulminant de tout son être. Elle était en colère, tellement, que la haine s’emparait d’elle tout entière. L’orage qui faisait rage dans le ciel s’accordait parfaitement avec l’humeur qui l’animait. Ses poils se hérissaient sur tout son corps alors qu’elle repensait à la scène qu’elle venait de voir. Des idées fusaient. Elle avait envie de mourir. De hurler. De pleurer. Marchant à vive allure elle quitta rapidement le couvert des arbres pour déboucher sur le haut plateau qui se jetait dans la mer. Elle était déchainée, tout comme Neeve. Longtemps, elle contempla les vagues s’écraser des dizaines de mètres sous elle. Ce spectacle de la calmait pas. Tout son être réclamait vengeance. Etourdie par l’orage, dévastée par la douleur et aveuglée par la rage, Neeve incanta. Le vent gagna en violence. Neeve était trempée par la pluie, ses cheveux courant dans son dos et sur son visage. Un Djinn apparut et lui apprit qu’il était Adsila, prince de vengeurs. « Tue le. Tue Brian et cet enfant qui est le sien. Tue les ! » L’orage se calma instantanément et Neeve tomba d’épuisement. Elle s’endormit.

Le lendemain, il n’y avait aucune trace du Djinn invoqué. Elle avait dû rêver, de toute façon, jamais elle ne serait capable d’une telle chose. Frigorifié par sa nuit passée dehors, Neeve rejoignit sa voiture et le domicile qu’elle partageait avec son traire de mari. Il n’était pas rentré cette nuit-là, aussi elle appela son avocat pour avoir des renseignements sur les procédures de divorces. Tandis qu’elle raccrochait, on frappa à sa porte. Un homme dans la fleur de l’âge rentra brusquement et lui imposa sa présence. « C’est fait. » D’abord, elle ne comprit pas, puis la lueur dans les yeux de l’homme lui fit avoir un hoquet. La jeune femme recula, tremblante. « Non. Non non c’est pas possible. NON ! » les larmes obstruant sa vision, elle ne perçut pas l’homme s’approcher. Jamais elle n’avait eu affaire à un Djinn, comment elle détestait. « Tu ments » cracha-t-elle en relevant les yeux vers le Djinn. « Tu m’as donné un ordre, je l’ai effectué. Ils sont morts. Tous les deux. Ah et si ça t’intéresse, le bébé s’appelait Brian Junior » rétorqua l’esprit d’un air narquois. Neeve chancela. Elle perdait les pédales. De sa faible voix, elle implora le Djinn de disparaitre. D’un geste, elle dessina dans les airs le pentacle de retour dans l’autre monde. Elle tremblait trop. Le pentacle n’était pas net, et l’incantation n’eut aucune fin. Elle s’effondra à la renverse sur le canapé alors que le Djinn s’empressait de s’infiltrer en elle.  

Lorsqu’elle reprit ses esprits, un policier la tenait par le bras. *Debout* Neeve reprit lentement ce qu’il lui restait d’esprit. Elle manqua de vomir au pied du policier qui n’avait toujours pas ouvert la bouche. Elle savait ce qu’il allait lui annoncer, la mort tragique de son époux et de fait, son adultère.

Le procès accusait un clochard sans famille. La maitresse de Brian avait assisté à l’agression. D’abord, le chien avait sauté à la gorge de l’enfant dans sa poussette. Un instant lui avait suffi pour égorger le pauvre bambin d’à peine 2 ans. Puis, il était redevenu calme instantanément malgré que Brian essayait de l’éloigner du bébé. C’est là que le clochard a semblé prendre la défense de son chien. Il poignarda Brian et le tua immédiatement. Coup précis pour un quinqua ayant tout oublié de la scène. *Quels cons ces humains.*

Depuis 3 ans, Adsila et Neeve partagent le même corps. Adsila n’est pas l’esprit le plus méchant que le monde ait connu, mais il prend tout de même régulièrement le dessus, surtout lorsqu’il y a une femme à séduire ou une effraction à commettre.

Dans la maison, il n’y a plus aucuns miroirs car Neeve, lorsqu’elle se contrôle, ne supporte plus de se voir. Il y a cependant, dans le double fond du tiroir de la cuisine, un petit livre à la couverture de cuir. Dedans ? Des coupures de journaux, quelques meurtres non élucidés ou des « accidents » mortels. Non, Adsila n’est pas l’esprit le plus méchant du monde … mais presque.