Il y avait tant de choses que Lars ne disait pas. Il y avait un univers en lui qui ne saurait jamais réellement s'exprimer tant la contradiction de ses sentiments l'amenait à douter lui-même de ce qu'il était. Il n'y avait personne, selon lui, qui saurait supporter les recoins les plus sombres de son être, ceux qui lui faisaient peur le soir, quand il essayait d'avoir un peu de repos. Les images qui tournaient en boucle derrière ses paupières closes lui donnaient l'image du pire de son être. Le vampire n'était pas seulement une partie de lui, il était devenu lui, il ne pouvait plus se cacher derrière le montre qu'on avait voulu créer. Ce soir encore, près de Cathan, il était parfaitement conscient que s'il n'avait pas été un triton, le contrôle aurait été bien plus difficile et cette simple pensée lui donnait envie de vomir. Il revoyait la façon dont Alexis avait frôlé la mort dans ses bras. Il avait l'image nette de ce qu'il se serait passé s'il n'avait pas pu, au dernier moment, se reprendre et cela le terrifiait. Il n'était pas une bonne personne. Les cadavres qui jonchelaient sa route parlaient pour lui et s'il essayait de se convaincre du contraire, nul doute qu'il ne méritait rien de ce que les autres lui accordaient. Parfois il avait dans l'idée que ce ne serait pas une mauvaise chose d'être attrapé par les chasseurs voulant nettoyer la surface de la Terre de son espèce. Qu'apportait-il à part la mort, la destruction, la peine ? Peut-être qu'au final toute sa vie consistait à se chercher des excuses, peut-être n'était-ce pas seulement sa relation avec la tempestaire qui était basé sur des mensonges mais le reste de son existence depuis 5 ans.
“Je m’convaincs pas que je le mérite … Parce que j’sais que c’est pas vrais, j’mérite pas un mec comme Harlow … Et il mérite putin de mieux que moi … Je le rends misérable juste pour gratter quelques instants ou je me sens bien … Mais je lui rend pas en retours … Je l’abime, je l’rejette, je l’utilise … je lui cris dessus pour un oui ou pour un non … Sérieux les fois ou on s’engueule pas ça se compte sur les doigts d’une main …”
Lars se redressa un peu mieux, remarquant dans les yeux de son meilleur ami la même lueur douloureuse qu'il avait déjà vu dans le miroir. Qu'étaient-ils aujourd'hui, l'un et l'autre, pour ceux qu'ils aimaient ? Des plaies dans leur quotidien. Ils étaient ceux qui les tiraient vers le bas, ils méritaient mieux. Alexis, Harlow, Cathan ne se berçait pas d'illusion, lui. Dieu que ses mots résonnaient dans tout l'être du vampire tant la situation lui parlait. Et dieu que cela faisait mal de l'entendre d'une autre voix que la petite au fond de sa tête. Et puis l'histoire continua. Le gâchis qu'avait été le jour où Cathan avait voulu tout arranger entre eux, la douleur qu'il pouvait lire sur son visage. Il avait envie de le prendre dans ses bras, l'empêcher d'avoir mal, il ne supportait pas de voir une telle peine sur le visage du jeune garçon et pourtant, c'est incroyable à quel point il pouvait la connaitre. Il n'était que le reflet de celui qu'il avait été, du jour où Séline s'était retourné contre lui. De cet instant où il avait compris qu'il se fourvoyait d'illusions et que rien pour elle n'était aussi important que pour lui. La désillusion de l'abandon. L'instant précis où il avait comprit ce qu'il s'était passé, où il s'était senti abandonné sur le bord de la route, comme si rien de ce qu'ils n'avaient vécu ne comptait vraiment. Comme s'il ne comptait pas. Reflet exact des mots que Cathan avait employé.
“J’me suis tranché les veines peu après …"
Il ne sursauta pas. Son coeur se serra simplement, d'une douleur indéfinissable tant il connaissait cette peine. Et tant il n'aurait jamais voulu que Cathan la connaisse à son tour. Cette sensation terrible de ne plus rien avoir à faire dans cette vie, de ne pas voir de futur possible et de ne savoir penser qu'à la façon la plus facile d'en finir. Combien de fois avait-il tenté de mettre fin à sa vie, le jeune britannique ? Bien trop de fois. Combien de fois l'avait-on récupéré et combien de fois avait-il détesté la personne qui le ramenait à la vie ? Il se revoyait, dans la Maison, à conserver les lunettes d'un homme qui venait de partir sans penser à les récupérer, casser le verre, en récupérer un bout pour se trancher les poignets. Il n'y avait rien d'autre qui comptait, il voulait sortir d'ici. D'une manière ou d'une autre et puisqu'aucun échappatoire ne semblait envisageable, en finir était la meilleure décision de sa vie. On ne l'avait pas laissé partir et en ça, il comprenait chaque mot de Cathan et se laissait porter, lui aussi, par les évènements, par la vie. Il en était toujours là. Il n'avait rien accompli de plus.
“Tu voulais savoir comme j’me sens avec lui ? J’me sens vivant … J’ai l’impression d’exister … Sans lui j’suis une putin d’coquille vide … Et en même temps j’ai envie d’crever pour tout l’mal que j’lui fais … J’suis mort de peur parce que j’suis plus celui d’il y a deux ans … Et je sais qu’il va se barrer quand il va l’découvrir … J’sais qu’il va se barrer tout cours … Encore … Et j’le mérite sérieux … Et il le mérite … Parce qu’il est l’une des plus belle personne que j’connais … fin vu ma famille s’pas dur … mais sérieux … si tu le connaissais tu l’dirais aussi … C’est un gars bien … Un bon flic … Beau à en crever ... Il devrait s’trouver quelqu’un d’autre.”
Se sentir exister en n'étant qu'une coquille vide. L'intensité de ses mots n'a rarement autant raisonner chez une personne. Il observe le lac à son tour. Observe le mouvement du courant, l'eau qui se laisse porter, qui ne cherche pas à résister. De la même façon que leurs êtres ne cherchent plus à résister à ce qu'ils sont, à combattre la vie qu'ils ne savent plus construire. Il le regarde terminer, tenter une pointe d'humour, il sent à quel point ce n'est pas sincère, à quel point il voudrait retourner à ce garçon qui fait semblant que tout va toujours bien. Alors le vampire pose une main sur son épaule pour le faire le regarder. Il n'a pas de mots pour le rassurer, il n'en voudrait pas de toute façon. Il n'a pas de mots pour exprimer ce que Cathan sait déjà ou pour lui dire ce qu'il ne croirait pas. Son regard parle pour lui, d'une douleur commune qui se réflète dans chacun de leurs regards. L'accord silencieux d'une compréhension, d'une communication qui n'a pas besoin de mots et Lars qui prend Cathan dans ses bras. Ils ne sont peut-être pas ce genre d'amitié mais ce soir, il n'y a pas d'apparence. Pas de barrières et aucun mot ne saurait réparer les dommages causés par leurs vies respectives. Lars pourrait lui montrer ses propres cicatrices. Lui parler de la Maison, de Séline, qu'est-ce que cela changerait ? Il pourrait lui dire qu'il mérite mieux mais Cathan n'y croirait pas.
« Je peux pas te dire que ça s'arrangera ou que tout va bien se passer mais je peux te dire que tu seras pas seul pour affronter ça cette fois. »Il y croyait. Plus fort qu'il ne croyait en lui-même. Et s'il fallait rester en vie pour quelqu'un, ce serait pour Cathan.
Memories consume
Like opening the wound
I'm picking me apart again
You all assume
I'm safe here in my room
Unless I try to start again