Le brésilien vu le jour dans un des immeubles les plus connus de Sao Paulo. Érigé dans le centre ville, l'édifice se composait de 24 étages et faisait parti de ces building dont les façades sont en verre. Le genre élégant. Du moins il fut un temps. Car cet immeuble, qui appartenait autrefois à la Police Fédéral de la cité, était à l'abandon depuis des années déjà. Et la seule raison pour laquelle il était connu, de nos jours, était sa population de sans domicile occupant les différents étages plutôt que de vivre dans la rue. Sa mère, effrayée à l'idée qu'on lui prenne son petit à l’hôpital car un quelconque bien-pensant estimait qu'elle n'était pas apte à subvenir aux besoins d'un enfant, avait préféré endurer le labeur auprès d'une ex-infirmière vivant dans l'édifice tout comme elle. Cela lui avait coûté une somme importante, chaque occasion étant bonne ici pour gagner de l'argent. Mais elle ne s'en préoccupait pas. A l'instant où Deolinda avait découvert sa grossesse, elle s'était juré de tout faire pour son enfant. Et elle s'y était tenue.
_____________________________________
Être sans domicile fixe n'est pas quelque chose dont on se vante, à l'école. Du moins lorsque la condition citée précédemment nous laisse la possibilité d'y aller. Mais sur ce point, sa mère, avait été intraitable. Si elle travaillait, ce n'était pas pour que son fils aille arpenter les rues et finir comme tous ces voyous que São Paulo ne connaissait que trop bien. William n'avait jamais contesté cela, bien heureux de pouvoir apprendre. Sa mère lui avait toujours dit qu'avec une bonne éducation, il pourrait s'élever dans la classe sociale et sortir de la rue. Du côté du garçon, ce n'était pas tant pour lui qu'il le souhaitait. Après tout, il ne voyait pas vraiment de problème au fait de dormir illégalement dans un immeuble abandonné et d'en changer de temps à autre. C'était sommaire et les possessions étaient limitées, mais faute d'avoir connu autre chose, il s'en accommodait. C'était pour elle, que tout cela devait changer. Pour ne plus voir ses traits se tirer lorsque la nuit vient à tomber et qu'elle ne sait où ils vont pouvoir dormir. Pour ne plus qu'elle se réveille en sursaut lorsqu'en pleine nuit, une patrouille de police passe dehors. Pour qu'elle n'ai plus à travailler derrière ce bureau de couture, sous payée par un patron qui sait qu'elle s'en contentera, faute de pouvoir trouver mieux au vu de sa situation. Pour lui rendre ce qu'elle lui offrait chaque jour.
William était ce qu'on pourrait qualifier de bon élève. En revanche, lorsqu'il s'agissait de se faire des amis, il était d'un piètre niveau et leur nombre se comptait sur une main. Peut-être était-ce l'écart trop important quant aux manières de vivre ? Non. Ils étaient quelques-uns dans cette situation, à se croiser à l'école et dans les squats. Une règle tacite semblait exister entre eux, d'après ce que William avait pu observer : Aucun contact, quel qu'il soit. Le brésilien avait échafaudé quelques théories sur les raisons de ce comportement. La honte, peut-être, de fréquenter quelqu'un qui, malgré le fait qu'il soit dans la même situation, serait au courant de leur condition. Autre possibilité, c'était pour ne prendre aucun risque. Si jamais, un jour, le secret de l'un d'entre eux venait à être découvert, rien ne pourrait relier les autres au pauvre gamin et donc jeter le doute sur eux. Quoi qu'il en soit, cela convenait à William. Il était libre et tranquille.
_____________________________________
L'enfant venait d'avoir sept ans et si son quotidien n'avait pas changé, sa mère semblait plus épuisée que jamais. Elle ne dormait que très peu la nuit, comme sur ses gardes. Au début, William avait attribué ça à la peur que la police provoquait chez chaque squatteur. Il n'était en effet pas rare que les forces de l'ordre profitent de la nuit pour faire des descentes, chassant les sans abris de l'endroit occupé illégalement à coups de matraque, espérant certainement les décourager d'y revenir. Mais l'inquiétude qu'il pouvait lire dans les yeux de sa mère chaque matin lorsqu'elle partait au travail ou lorsqu'elle lui souhaitait bonne nuit n'avait pas de commune mesure avec celle qu'il avait pu y trouver durant ces dernières années. Quelque chose se passait. Un soir, jugeant que toutes les autres personnes ayant trouvé abri dans le bâtiment délabré devaient dormir, il se lança.
- Maman, de quoi as-tu peur ?N'ayant pas remarqué qu'il ne dormait pas, elle ne su retenir un sursaut. Un soupire plus tard, sa voix s'éleva dans un murmure.
- J'ai peur que, ne dormant pas à une heure pareille, tu sois fatigué demain à l'école. Alors ferme les yeux et tais toi.La voix était douce. Malgré le ton autoritaire qu'elle avait voulu y insuffler, il savait avoir encore une marge de manœuvre.
- Maman. De quoi as-tu peur ? Chaque matin quand tu me dis au revoir, je te vois douter. Et chaque soir quand tu rentres, tu as l'air soulagé que je sois encore là. Tu ne dors plus la nuit, tu ne fais que surveiller. Il se passe quoi ?Malgré l'obscurité, elle planta son regard dans le sien. Longtemps, comme jaugeant son enfant. Un conflit intérieur semblait se dérouler en elle et, de peur de faire pencher la balance du mauvais côté s'il faisait quoi que ce soit, c'est à peine s'il osait respirer. C'est sans un mot qu'elle fini par se lever et lui faire signe de la suivre. Certain que ses questions allaient enfin trouver réponse, c'est sans une hésitation qu'il se faufila sans un bruit derrière elle. Et c'est ce soir-là que sa vie changea. Ce soir-là qu'il appris l'existence d'êtres surnaturels peuplant ce monde. Que sa mère était une tempestaire. Qu'il en était un lui-même et que, très bientôt, son pouvoir allait prendre vie. Face aux doutes que le garçon avait timidement osé opposer à tout cela, sa mère s'était contenté de sortir d'un petit sachet, caché dans ses vêtements, une bague en or. Non, une flaque d'or. Et à présent, une pointe de flèche. En or aussi. La matière se pliait docilement aux souhaits de la femme. Il n'eut d'autre choix que de croire. Ce soir-là, il appris enfin une dernière chose. Qu'on en voulait à leur vie et que la vie qu'il menait, dans les rues dangereuses de la ville et allant de squats en squats était en réalité pour ne pas être retrouvé.
_____________________________________
Depuis la révélation, l'état d'esprit de William oscillait constamment entre l'excitation de voir ses pouvoirs arriver et la peur d'être retrouvé par les personnes leur voulant du mal. Mais, d'après elle, le mieux pour ne pas éveiller les soupçons était de ne rien changer à leur quotidien. Elle affirmait que, perdu dans cette foule de personnes en difficultés, au milieu de ses rues parfois malfamées et à ce niveau de l'échelle sociale, on ne les retrouverait pas facilement. Après tout, il est vrai qu'avec le pouvoir de contrôler l'or, on pourrait s'attendre à ce qu'elle ait décidé de mener la vie de rêve. Tout ce qu'il pouvait donc faire était d'imaginer sous quelle forme se manifesterait son pouvoir. Il s'imaginait déjà, contrôlant le feu, l'air ou la terre. Nul besoin de vous dire que suivre en classe devenait plus compliqué, tant son esprit se focalisait là-dessus.
C'est en pleine nuit que cela arriva, lors d'un des rares moment de relâchement que Deolinda était forcée de s'autoriser. Sans un bruit, les hommes en uniforme s'étaient glissés à l'étage occupé par les squatteurs et lancèrent l'assaut. Le garçon fut sur pied une seconde après sa mère qui, elle, commençait déjà à réunir leurs maigres possessions. Partout, ceux sur qui la police n'avait pas encore mis la main faisaient de même. William, pour qui ce n'était malheureusement pas la première fois, imita sa mère et une fois le plus important récupéré, ils s'enfuirent ensemble vers la sortie de secours. Il faisait sombre et il aurait été facile de se perdre dans une telle cohue mais les deux faisaient attention à ce que ça ne se produise pas. Trop attention, peut-être. Car aucun des deux ne vit les policiers débarquer par l'issue qu'ils comptaient emprunter avant qu'il ne soit trop tard. Le plus grand des deux hommes, arme à la main, parti à l'opposé de leur direction, fauchant allègrement de sa matraque ceux ayant le malheur de se trouver trop près. Son collègue, lui, fut sur la mère du garçon en deux pas à peine. Impuissant, William vit sa mère se recroqueviller sous les coups de l'agent.
Quelque chose, à ce moment-là, se débloqua en lui. Il sentait, tout autour de lui, une énergie diffuse, tamisée mais présente. La lumière. Celle des étoiles et de la lune. Des lampadaires et des enseignes de magasin. Malgré l'obscurité ambiante, elle n'avait jamais vraiment disparu et cela lui apparaissait plus clairement que jamais. Sans même savoir ce qu'il faisait vraiment, il leva ses mains vers l'homme maltraitant des innocents sous le couvert de faire son travail et, appelant à lui toute l'énergie à sa disposition, l'aveugla. Une sphère de lumière pure et intense se tenait entre ses doigts et son rayonnement était dirigé droit vers le visage de son ennemi. Le policier cria et bascula en arrière, certainement sous l'effet de la surprise.
Sans perdre de temps, William aida sa mère à se relever avant de filer vers la sortie de secours. Sans regarder en arrière, ils coururent aussi loin que possible de l'immeuble. De ce cauchemar. Plusieurs rues plus loin, William fut forcé de s'arrêter. Il était épuisé et sa mère eut tout juste le temps de le rattraper alors qu'il tombait, évanoui. Utiliser son pouvoir l'avait éprouvé plus qu'il ne pouvait.
Suite à ça, Deolinda avait hésité à tout quitter, à partir refaire leur vie loin. Son fils avait utilisé son pouvoir en public et, si cela s'apprenait par les mauvaises personnes, ils seraient retrouvés. D'un autre côté, jamais le policier n'irait imaginer qu'il avait s'agit là d'une manifestation surnaturelle. Il en viendrait certainement à la conclusion que le petit, armé d'une lampe torche, avait tenté sa chance et réussi son coup. Au final, elle avait préféré rester, se persuadant que personne ne ferait attention à qui avait réussi à fuir ou non lors de cette descente de police. William, lui, ruminait. Son pouvoir c'était enfin manifesté, certes ! Mais il en était déçu. Le feu, la terre, le métal, tout cela était utile, impressionnant. Mais la lumière ? Une lampe torche ou un interrupteur faisaient déjà assez bien le travail. Sa mère avait tenté de le rassurer, de lui dire que chaque pouvoir savait se montrer utile et que leur fuite réussie en était la preuve. Mais il était loin d'être convaincu.
_____________________________________
Le temps passa et le garçon était maintenant âgé de 14 ans. Son pouvoir, qu'il ne pouvait utiliser de peur d'être découvert, sommeillait en lui et ne lui servait pas. De toute façon, à quoi aurait-il bien pu servir ? Lire dans le noir ? Servir de boule à facettes ? Pff. C'était bien sa chance d'avoir hérité de ça, quand d'autres avaient tellement mieux. Sa mère, deux fois par semaine, l'éduquait sur le monde surnaturel. Il en savait maintenant autant qu'un enfant lambda ayant grandi au sein de cet univers. Mais cela aussi, ça ne lui servait à rien, si ce n'est savoir ce qui pouvait bien le traquer. Un soir, alors qu'ils mangeaient ce que le salaire de la mère avait permis d'acheter dans une maison abandonnée, une détonation se fit entendre à l'étage d'en dessous. Immédiatement, Deolinda se tourna vers lui, sortant dans un même temps la bague en or.
- Je ne veux pas que tu tentes quoi que ce soit. Ils sont majoritairement là pour moi. Cache toi. S'ils te trouvent, ne montre en aucun cas ton pouvoir. Jamais. Je veux que tu cherches Lito. Au parc d'Ibirapuera. Il le saura, si tu le cherches et il viendra vers toi. Fais lui confiance.Le débit de parole était si rapide que le garçon n'était pas sûr d'avoir pu tout mémoriser. Il était perdu, paniqué et son esprit comme son corps se retrouvaient paralysé. Il existait un monde entre savoir qu'on était recherché et être trouvé. Les larmes montèrent à ses yeux et, alors qu'il s'apprêtait à protester, une main vint fermement se poser sur sa bouche.
- Il faut que tu sois fort. J'espère revenir, mais sinon... Sois prudent. Promet moi d'écouter. Alors qu'elle parlait, elle se dirigeait avec lui jusqu'à la chambre.
Cache toi sous le lit et ne sors sous aucun prétexte, quoi qu'il se passe. Je t'aime, mon fils. Ne l'oublie jamais.Impuissant, en état de choc, il ne put répondre. Encore aujourd'hui, il regrette de ne pas lui avoir déclaré son amour en retour. Sa mère, arborant un courage qu'il ne lui avait jamais vu, transforma la bague en pointe de flèche et se planta face à la porte, attendant l'assaillant. Ils étaient trois. A peine le premier fut-il visible que l'or acéré fusa droit vers sa tête et il ne dut qu'à un réflexe surhumain de ne pas mourir sur le coup, se retrouvant avec une estafilade lui barrant la joue. Le concerné mit en joue la femme l'ayant attaqué, mais avant qu'il ne puisse tirer, tomba à terre. La pointe de flèche, après avoir raté sa cible était revenue à la façon d'un boomerang pour achever son oeuvre. L'homme le plus en retrait donna un ordre à l'autre, l'appelant Djinn. Malgré sa confusion, les leçons de sa mère remontèrent à son esprit et il compris qu'il s'agissait d'un magicien. Sans même voir l'être magique bouger, il assista à une scène qui le traumatiserait des années durant. Une énorme boule de feu vint cueillir sa mère au creux du ventre, l'envoyant valser à travers la pièce. Sans laisser le temps à sa victime de récupérer, le Djinn en lançant une deuxième et, après avoir poussé un long cri torturé, la voix de Deolinda s'éteignit à jamais.
- Noooon !Oubliant toutes les demandes de sa mère, l'enfant sorti de sous le lit et se jeta sur le magicien, prêt à le frapper de ses poings. Du moins tenta. Le Djinn l'attrapa au vol et il se retrouva suspendu dans le vide, se débattant inutilement.
- Tu n'aurais pas dû petit, tu vas mourir maintenant. Annonça le Djinn en tendant sa main libre vers lui.
- Non, l'interrompit le magicien.
Le tuer ne servirait à rien. Il n'a même pas développé de pouvoir, de toute évidence. Le magicien s'approcha et, sans prévenir, ficha son poing dans le visage du garçon, l’assommant sur le coup.
Puis son père a été très clair, lorsqu'il nous a renseigné. On ne touche pas à son fils._____________________________________
William rejouait dans son esprit la scène qui s'était déroulé une semaine en arrière. Il entendait sa mère hurler à mort. Assistait tel un spectateur à son intervention inutile. Ne devant la vie qu'au bon vouloir du meurtrier de sa mère. Ce dernier l'avait jugé trop inoffensif et sans pouvoir pour prendre la peine de le tuer. S'il n'avait pas utilisé son pouvoir, ce n'était pas parce qu'il n'en avait pas. A dire vrai, l'idée ne lui était même pas venue. Et puis cela n'aurait rien changé. Avec un talent faible comme le sien, il était aussi bon de ne pas en avoir. Trop occupé à ruminé et encore en deuil, il ne pouvait apprécier le spectacle qui s'offrait à lui. Le parc d'Ibirapuera était un des plus grands de la ville et sans conteste le plus beau. Il était là depuis trois jours, cherchant un dénommé Lito, comme sa mère lui avait demandé. Sauf qu'il ne trouvait personne de ce nom malgré ses recherches. Faute d'un endroit où aller, il avait dormi dans un des arbres du parc. Le confort était précaire mais il n'était pas réellement en état de s'en préoccuper. Sans bien qu'il s'en rende compte, la brume avait envahi une bonne partie du parc. Ce qui était d'ailleurs plus qu'étrange, en cette saison, malgré l'heure matinale. Il ne voyait plus à un mètre devant lui à travers cette purée de poix et l'inquiétude l'envahi. Tournant sur lui-même à la recherche d'un potentiel danger, il failli mourir de peur lorsqu'une main se posa sur son épaule. Le cri qu'il laissa échappé trahi d'ailleurs cela.
- Calme toi, mon garçon. J'ai cru comprendre que tu me cherchais. Je suis Lito.L'homme devait atteindre le mètre quatre-vingt. Un corps fin, mais de toute évidence musclé et des cheveux courts coupés en brosse, déjà presque blancs, bien que ne lui donne pas plus de quarante ans. Il était vêtu d'une tenue foncée qui mettait en valeur la puissance de ses épaules. Une fois que le cœur du garçon s'était calmé et à l'abri de la brume, le dénommé Lito commença par lui offrir ses condoléances avant de s'expliquer. Il était, selon lui un vieil ami de sa mère. Il n'était pas venu plus tôt à sa rencontre, car il avait d'abord enquêté sur la mort de cette dernière. Lui aussi était un tempestaire, chose que William avait déjà deviné. La défunte lui aurait demandé, des années de cela, de s'occuper du garçon en cas de malheur et il affirmait que, avec son accord, c'est ce qu'il ferait à présent. Sans même attendre de réponse, comme si tout cela était déjà acquis, il passa aux questions. Avait-il reconnu les hommes responsables du meurtre ? Détenait-il des informations ? Qu'en était-il de ses pouvoirs ? Les questions semblaient ne pas se tarir et l'enfant fit de son mieux pour y répondre à toute.
_____________________________________
- Etant moi-même tempestaire, je vais tenter de t'aider à mieux contrôler tes pouvoirs. Nous n'avons évidemment pas les mêmes, mais je ferai de mon mieux pour que tu puisses les développer.- A quoi bon ? Je suis juste bon à contrôler la lumière. Je doute que faire bronzer mes ennemis jusqu'à ce que mort s'en suive soit réalisable.Lito le regarda durement, ce qui fit perdre au garçon toute envie de le contredire.
Certains pensent parfois que leur pouvoir est au-dessus des autres. Et parfois, ils en meurent. Crois-tu que mon pouvoir de brume est plus utile que le tiens ?Comme il semblait attendre une réponse, William fini par s'y risquer.
Et bien... Je ne sais pas. Non. Face à quelqu'un pouvant contrôler le feu, vous non plus vous ne...La fin de la phrase mouru dans sa gorge face au visage courroucé de son professeur.
Le seul monde qui mérite d'être conquis est celui que délimitent les frontières de notre corps et celles de notre esprit. L'autre monde, celui qui s'étend autour de nous, n'a pas besoin de maîtres.Était-il supposé y comprendre quelque chose ? Non parce que là... il doutait que ces cours puissent l'amener où que ce soit, s'il était largué dès le premier. Lito avait entreprit de prendre en charge son éducation et peu désireux de retourner seul dans les quartiers pauvres. Sans sa mère près de lui, tout semblait plus noir. Plus dangereux.
Nos pouvoirs ne sont pas offensifs, comme tu te plais tant à le souligner. Cependant, ils sont tout autant dangereux si tu sais comment les utiliser. M'as-tu entendu, senti ou vu arriver, lors de notre rencontre ? Crois-tu que, si j'avais préféré t'ouvrir la gorge plutôt que poser ma main sur ton épaule, tu aurais pu y faire quelque chose ? La force brute ne fait pas tout. Mes compétences et mon pouvoir sont en harmonie et cela est uniquement possible car je connais mes forces et mes faiblesses. Il te faudra apprendre à te connaitre, conquérir ton être et ton esprit puis utiliser ton pouvoir pour optimiser le reste.Bien qu'il ne soit pas totalement convaincu, il ne pouvait nier que l'homme avait marqué des points. Puis il ne perdait rien à essayer...
_____________________________________
Cela faisait un an maintenant que les leçons avaient commencé. Le mot entrainement serait d'ailleurs un terme plus juste. Chaque jour, Lito poussait le garçon plus loin. Physiquement, pour développer son corps. Mentalement, aussi. Il n'avait pas été question pour l'adulte comme pour l'enfant que sa scolarité s'arrête si jeune et il suivait des cours divers et variés, satisfaisant sa soif de connaissances. En revanche, il n'avait toujours pas trouvé une grande utilité à son pouvoir. En concentrant toute sa force, il parvenait à rendre la lumière suffisamment puissante pour infliger des brûlures, comme une loupe géante faisant converger les rayons du soleil, mais rien d'assez rapide ou puissant pour rivaliser avec qui que ce soit. Chaque utilisation de son pouvoir le laissait lessivé et un peu plus découragé, malgré que Lito lui ne semblait pas perdre espoir.
- Décris moi comment ton pouvoir fonctionne, selon toi.William prit le temps de réfléchir. Il ne s'était jamais prêté à cet exercice et cela s'avérait plus difficile qu'il ne l'aurait pensé. Son pouvoir reposait sur un monde de sensations, de ressentis. Mettre des mots là-dessus était ardu.
- Je... La lumière est tout autour. Elle flotte... Un peu comme des particules en suspension. Elle est à la fois immobile et rapide comme... bah la lumière. Quand je la manipule, cela devient difficile à mesure que j'essaie de la rendre intense. C'est comme essayer de compacter encore et encore une boule de papier. Au début, la froisser est facile, mais plus elle devient petite, plus elle résiste quand on veut la rendre compacte. Et pour qu'elle soit vraiment intense, comme pour infliger une brûlure, cela demande énormément d'effort, me laissant trop fatigué pour la retenir longtemps.- Si la compacter est si compliqué, pourquoi ne pas la chasser ?La question prit le garçon au dépourvu. Déjà que son pouvoir de contrôler la lumière trouvait difficilement une utilité, s'il la faisait disparaître cela ne revenait-il pas à ne pas avoir d'élément à manipuler ? Redoutant de remettre en question la pertinence de la question, il avoua que non, mais qu'il pouvait essayer. Se concentrant, il observa la lumière autour de lui. Il ne devait pas l'attirer en un point, comme il le faisait d'habitude. Dans ce cas, peut être que la repousser à partir d'un point précis... L'étonnement lui fit relâcher sa concentration. Repousser la lumière était étonnement facile, car cela n'exigeait aucune pression, à l'inverse dans quand il l'attirait. Et sous ses yeux, une zone obscure était apparue. Non. Pas obscure. Une zone d'un noir plus noir que tout ce qu'il avait vu. Curieux, il recommença l'exercice, sous le regard approbateur de son professeur. Cette fois, sa concentration ne flancha pas et il réussit à créer une zone sans aucune lumière suffisamment grande pour l'englober lui et Lito. L'effort était déjà plus soutenu, car il ne s'agissait plus d'un point mais d'une sphère, mais cela restait supportable. Troublé par le fait d'être aveugle, il laissa tout de même la lumière aller de nouveau librement.
- Il semble que tu as là un pouvoir similaire au mien, mais en plus prononcé. Là où ma brume masque, ton obscurité fait disparaître. Si tu parviens à trouver une façon d'y voir à l'intérieur, en profitant de ton pouvoir, je pourrais t'apprendre mon art. - Oui ! S'exclama-t-il précipitamment, heureux de découvrir que finalement son pouvoir pouvait se révéler intéressant. S'il apprenait à s'en servir, il pourrait devenir fort. Et s'il devenait fort...
- Laisse-moi finir. Mon talent est basé sur la discrétion. L'harmonie. La grâce. La discipline. Tu devras apprendre à être plus silencieux que le vent. Plus fluide que l'eau. Que ce soit pour assassiner ou simplement te déplacer, chaque mouvement doit être précis, juste et efficace. Poignard ou arc, peu importe. Tu es l'arme, ils ne sont que ton prolongement. Invisible, tu seras redouté. En revanche, si ton exécution n'est pas parfaite et que tu laisses à ton ennemi la chance de te voir, pour peu qu'il soit lui aussi un combattant ou un possesseur de pouvoir confirmé, tu ne pourras plus compter que sur ta rapidité et ta technique. La force brute n'est pas destinée aux gens comme nous car elle limite les mouvements. Il ne faut pas prendre cela à la légère. Sans but précis, tu ne pourras y parvenir. Quel est ton but ?La réponse vint rapidement à l'esprit du garçon.
Venger ma mère.- Dans ce cas, que deviendras tout cela lorsqu'elle sera vengée ?Il ne su que répondre. Quel était son but ? Que ferait-il s'il obtenait ce savoir ? Graduellement, la réponse s'inscrivit en lui.
- Pour ne plus jamais être impuissant face à ce qui est mal. Je protégerai ce qui doit l'être. Invisible, mais présent lorsqu'il le faut.Commençons, à présent.
_____________________________________
Les rues malfamées de Sao Paulo qui, après le décès de sa mère, lui semblaient terrifiantes étaient devenues son terrain de jeu. Que ce soit pour la discrétion ou le combat, les voyous, racailles, gangs et autres offraient un panel fourni d'opportunités. Lito, s'il n'avait pas eu le temps de tout lui apprendre, avait été un professeur merveilleux. A présent, c'est confiant qu'il se sentait prêt à tenter sa chance. Un peu d'argent et une destination en poche, William se tourna une dernière fois vers celui qui avait été là pour lui lorsqu'il s'était retrouvé seul.
- N'oublie jamais, celui qui croit savoir n'apprend plus.- Oui, maître.- Qui es-tu ?- Je suis moi et j'ai l'intention de poursuivre mon chemin, où qu'il me mène, de la façon dont il faudra.- Ne fais pas l'idiot. N'oublie pas que personne ne devra savoir qui tu es et que tu ne peux donc utiliser ton vrai nom. Et ne rien laisser savoir de tes capacités réelles. Soit lumière ou ténèbres, jamais les deux. Et sois prudent, une fois à Bray. C'est là-bas que tu pourras obtenir des réponses, mais c'est aussi là-bas que se trouve le danger.- Ne vous en faites pas. J'ai appris du meilleur, après tout.