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 (basil) man feel like a woman

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man feel like a woman
basil et shura

{ulternatif} gender bender
Masse inerte couchée sur ce lit double, depuis combien de temps dormait-elle ? Aucune idée. Peut-être une heure, peut-être dix. Les traces de maquillages étalées sur son visage qui lui donnaient l’allure d’un clown bien triste prouvaient qu’elle avait passé encore une soirée bien arrosée et qu’elle n’avait pas pris le temps de se changer. Qu’à cela ne tienne, elle ne comptait pas sortir aujourd’hui et elle comptait bien rester vautrer ainsi dans ses draps toute la journée pour s’autoriser une très grosse nuit réparatrice. Cette tignasse paillée digne d’une sauvage couvrait la majeure partie de son visage et Sans y trouvait son confort en s’adossant contre l’arrière de sa tête tandis que cette dernière était appuyé sur un bras plié en deux. L’autre ballotté distraitement le vide, se laissant aller au grès des courants d’air inexistant, caressant du bout de ses ongles le parquet. Elle ronflait discrètement, bercée par les ronronnements de son chat. Elle aurait souhaité pouvoir continuer ainsi. Continuer de dormir, de rêver. Tiens d’ailleurs, de quoi pouvait bien rêver Shura ? Oh, de tout est de rien. Comme elle ne se souvenait jamais de ses rêves au réveil, elle ne pouvait pas vraiment les raconter. Tout ce qu’elle savait, c’est que ses nuits étaient agitées. Ses couvertures se retrouvaient bien souvent par terre, et elle ne se réveillait jamais dans la même position qu’au couchée. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle préfère dormir seule. Car décocher une droite pendant la nuit et être réveillée brusquement pour régler des comptes, c’était pas la meilleure façon de se faire des amis.
D’ailleurs, à propos d’amis, elle pourrait d’abord songer à se souvenir de ce qu’elle avait fait hier soir. Si on oublie son déhanché parce que madame cache un démon de la danse et la bouteille tendue vers le ciel avant de se l’enfiler pour crâner, elle devrait vérifier son portable. Vladaia avait entré des nouveaux contacts, mais pas que. Elle s’était aussi laissée embarquer dans une inscription, un site de rencontre un peu spécial pour plaisanter, Tinder ou elle ne sait quoi. Elle n’arrivait même pas à le prononcer comme il faut à cause de son accent plus l’alcoolémie qu’elle avait atteint. Sauf que si la plaisanterie aurait duré que le temps d’une soirée, les choses auraient été beaucoup plus simple. Son portable avait sonné sur sa table de chevet, juste à côté de son cendrier où reposait son joins à peine entamé de la veille. Au moins, notez qu’elle avait eu la décence de le mettre dans le cendrier plutôt que de se coucher avec. Shura grognait une première fois, pour signifier qu’elle n’avait pas envie de se réveiller. Une deuxième pour témoigner de son ras-le-bol quant à cette sonnerie de notification répétitive. Puis enfin une troisième par résignation. Sans ouvrir les yeux elle cherchait, à l’aide de sa main qui était suspendue dans le vide précédemment, ledit téléphone. Dans cette fouille paresseuse, elle avait fait renverser son cendrier par terre, et c’est ce fracas qui avait fini par lui faire lever la tête. “Putain de …”, Kochtcheï n’avait pas fini sa phrase et elle avait enterré sa tête dans l’oreiller quelques secondes. Quatrième fois, elle devait vraiment s’y intéresser au lieu de se rendormir. Sans avait enfin daigné à bouger avec tout le remue-ménage que faisait sa maîtresse. Ou alors, c’est aussi le cendrier vautré par terre qui l’avait réveillé. Baillant à s’en décrocher la mâchoire, elle avait fini par s’asseoir sur son lit. Ne serait-ce que pour voir ce qu’elle faisait de ses mains et avoir une position plus confortable pour lire son portable -enfin saisit !-. Son crétin de chat était venu renifler les cendre et le fagot. Shura l’avait poussé avec son pied pour l’écarter de ce foutoir, pestant à demi-mot le nez sur son écran “Touches pas à ça, p’tit con”.

Elle s’en occupera plus tard, elle devait d’abord savoir qui était l’emmerdeur qui avait brisé son repos bien mérité. Ou l’emmerdeuse, qui sait ? Elle pouvait juste se fier à un pseudo, alors pour ce qui se cache derrière, faudra attendre. Les yeux à demi-ouverts, elle feuilletait l’historique de sa messagerie. Ok, elle avait donné un rendez-vous, dans un restaurant -déjà rien que ceci, ça prouvait que Shura n’avait pas toute sa tête sur le moment des faits, parce que ce n’est clairement pas son genre...Rien que le fait de s’inscrire sur Tinder en faites-. Et bien sûr, à une heure totalement banale, c’est à dire 13h. L’heure où, habituellement, elle se couche ! Sa tête avait tourné en direction du réveil, et Vladaia avait fait de son mieux pour étouffer un juron venu du coeur : il était 12h, parfait. Ses mains passaient devant son visage, son soupir traversait ses doigts et à la fin de leurs parcours, ses yeux semblaient miséreux si bien qu’ils se posaient sur la seule compagnie qu’elle avait : Sans. Sans qui était en train de jouer avec son pieds, Sans qui essayait de forcer le passage et Sans qui, de manière subliminale, l’encourager à regrimper ce bordel sur sa table de chevet. Elle avait ramassé le cendrier, rallumée ce pétard qui l’attendait depuis certainement 4-5h pour être fini. Shura n’avait pas manqué de grimacer d’ailleurs, c’était dégueulasse de reprendre la fumette en cours de route. Puis elle s’était levée, elle n’avait pas spécialement hurlé en voyant la gueule qu’elle avait dans le miroir -parce que la priorité, c’était d’arranger la facade- et elle s’était mise à se préparer tout en fumant. Le seul moment où le mégot avait quitté ses lèvres, c’est quand elle s’est brossée les dents et qu’elle est allée sous la douche pour rincer son visage parce que merde, on n’est pas chez Hollywood. C’est physiquement, naturellement et tout bonnement impossible de fumer sous la douche. L’eau, ça éteint le feu, hormis si on se douche avec de l’air. On peut avoir du style et être logique.

C’était déjà beaucoup mieux. Elle ne sentait plus le vomi des potes de boisson, l’alcool et le tabac froid. Elle n’avait plus la tronche de Pierrot sous la pluie, ni des trucs divers et variés accrochés dans les cheveux. Shura respirait avec une satisfaction certaine de se sentir propre. Elle avait enfilé le pantalon, bouclé la ceinture, boutonné sa chemise, charbonné ses yeux et hop ! Elle était paraît pour une nouvelle soirée. Ou un nouveau rencards dans son cas. On ne vas pas se mentir, cela la faisait chier d’y aller. Surtout pour lui expliquer qu’en faites, y aura rien du tout. Que c’était juste des copines qui s’étaient dis que tirer son coup ne lui ferait pas de mal, et qu’elle était trop ivre pour refuser. Concrètement, avec les derniers événements, elle avait tout sauf envie de ramener un inconnu chez elle. Elle en avait le ventre serré quand elle y repensait, si bien qu’elle grimaçait en mordant son mégot. Elle avait attrapé sa veste, ses clés, ses papiers et ce qui lui faut pour fumer, puis elle avait tracé en direction de Pilgrim Village. Déjà parce que niveau restaurant, c’était un peu plus faisable pour son budget de pauvre, mais aussi parce que ça pue comme quartier Dragon Alley pour inviter quelqu’un à manger un morceau. Si c’est pour qu’on lui colle un marron dans la gueule plutôt que dans l’assiette, ce n’est franchement pas la peine. La chance et la ponctualité avaient décrété qu’elle serait la première arrivée. Shura baissait les bras et levait les yeux en l’air en grognant. Elle n’aime pas être vainqueur au chronomètre, elle ne sait jamais où se mettre. En plus, c’est cocasse quand même parce que des deux, elle était surement la dernière à s’être levée. Elle avait demandé une table pour deux et elle s’était installée à celle qu’on lui désignait. Pour faire chier un peu, Kochtcheï avait demandé à ce qu’ils soient sur la terrasse. C’était pas les Caraïbes Bray en ce moment, c’est accordé, mais c’était supportable. Et puis pour Kochtcheï, ça lui permettra de fumer en cas de stress intense. Elle massait ses tempes du bout de ses doigts en attendant, voguant distraitement son téléphone. Quelques messages apparaissaient. Certains pour la féliciter de la soirée, d’autres pour lui demandaient de la came. Shura n’avait tellement pas la tête à compter. Si bien qu’elle passait les sms commandes. Elle verra ça plus tard. Puis s’ils ne sont pas patients, ils n’ont qu’à aller voir ailleurs.
(c) DΛNDELION
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Basil Egerton
Basil Egerton
MESSAGES : 3959
AGE DU PERSONNAGE : 49
RACE : Fantôme (ex-fée)
MÉTIER/ÉTUDE : Gardien du cimetière
Man! I feel like a woman
genderbend!Shura & Basil

« Dans un voyage en absurdie que je fais lorsque je m'ennuie, j'ai imaginé sans complexe qu'un matin je changeais de sexe, que je vivais l'étrange drame d'être une femme. »
Admettons que la curiosité soit le défaut le plus horripilant de la gente féminine - alors vous étiez indéniablement toutes deux de la pire espèce. Des jours, tu n’aurais su en donner le compte exact, que tu n’avais pas croisé le bout du nez de Kochtcheï, mais tu n’avais rien oublié des moindres détails de ses petites excursions frauduleuses et nocturnes dans la maison que tu partageais avec ta charmante cousine. Rien de son cynisme, de son caractère bien trempé et de son incomparable discrétion, rien de ces minutes trop brèves à la voir traverser sur la pointe des pieds ton salon de long en large, et ta silhouette trop maigre, plongée dans son ombre, à la suivre à la trace avec ce petit sourire de satisfaction. Vos petits mots échangés dont quelques post-its traînaient encore dans tes affaires, ou les pièges que vous vous disséminiez l’une pour l’autre. Elle était trop curieuse, toi sans doute trop oisive pour n’avoir pas mieux à faire. Chacune, en tout cas, bien trop peu attachée au sommeil. Jusque là, vous n’aviez existé l’une pour l’autre qu’à la nuit tombée, comme un rêve trop excitant qui avait tantôt tourné au cauchemar. Tu avais bien failli la tuer, cette nuit-là, cette fameuse nuit, où elle s’était aventurée trop loin. Oh, madame avait indéniablement bien plus de force que toi, tu pouvais remercier la poudre de fée, c'est elle qui t’a permis de t’en sortir aussi bien. Il n'empêche que son cou devait encore s'en souvenir au moins autant que toi.
Mais cette fois serait différente. Il devait être une heure, ou deux peut-être, de l’une de ces nombreuses nuits où tu te passais de dormir plus de trois heures. A se demander comment tu te débrouillais pour toujours trouver quelque chose à faire, mais après tout, même lorsque tu n’avais pas d’occupation sous la main, tu finissais par simplement te balader au cimetière, à profiter du silence mortel qui régnait sur les lieux, à apprendre une fois encore les dates et les noms de ces tombes sur lesquelles tu veillais comme une maîtresse d’école retenant le nom de ses élèves. Ou bien, tu t’installais près d’une fenêtre, tu te mettais à griffonner quelque croquis organique, à jouer un air de violon, dans la plus parfaite indifférence vis-à-vis du reste de la maisonnée, une chance qu'Alix ait appris à te supporter depuis un moment déjà. Il faut voir, Elise, que tu es à ce point technophobe que le vaste monde des applications de téléphone t’est encore une dimension globalement inconnue, mais à laquelle tu te familiarisais de jour en jour. Il faut bien vivre avec son temps, et le besoin de détente, de distraction - de sexe surtout t'avait amenée jusqu'à une absurdité comme Tinder. Un cruel manque de goût à tes yeux, mais si pratique, un bon compromis lorsque tu manquais de débouchés. Disons-le : de plan cul. Oh non, ce n'était certainement pas l'amour que tu y cherchais.

Tu avais reconnu son visage au premier coup d’oeil. Il était défraîchi, visiblement alcoolisé - une photo prise à l’arrachée au cours d’une soirée vraisemblablement trop arrosée. Elle n’avait rien de la Kochtcheï que tu avais vue cette nuit-là, peut-être tout simplement parce qu’elle avait sans doute plus de raison d’être heureuse où qu’elle soit à l’heure actuelle, qu’enfermée à double tour dans une cave lugubre où l’on attentait nettement à sa vie. On n’aurait pu dire pourtant que tu la préférais ainsi, au fond tu avais adoré cela, cette étincelle de folie, ce mal-être, ce doute, cette oscillation entre curiosité maladive et terreur indicible, cette colère, ce dégoût mêlé d’intérêt, cette formidable cacophonie d’émotions qui avait rendu son visage si expressif. En comparaison, celui-ci était ennuyeux à mourir - c’était peut-être aussi le fait de ton manque d’empathie, tu étais simplement incapable de lire l’expression de ce visage. Mais peu importait en vérité, tu avais reconnu Kochtcheï et cette seule coïncidence t’avait plu assez pour mettre une option sur son profil.
Le plus étonnant je pense, ce fut qu’elle fit de même. Se doutait-elle de qui tu étais ? Peut-être était-elle ivre à l’heure actuelle, ou assommée par des substances probablement illicites, cela te semblait bien être son genre. En tout cas, tu initias l’échange, et elle y répondit à ta plus grande surprise. Mais à aucun moment elle ne parut te reconnaître. Et elle finit - impensable, tu n’en revenais pas, tu t’étais mise à rire à gorge déployée, mais ta pauvre cousine! - par te donner rendez-vous pour le lendemain. Que cela "aboutisse" ou non t’importait peu, et honnêtement tu te doutais que ce ne serait pas le cas, mais de toute façon il était hors de question que tu manques une occasion pareille. Rien que pour voir son visage se décomposer en te reconnaissant, si tant est qu’elle ne t’ait pas invitée en connaissance de cause. Si tel était le cas, tu l'aurais sans doute vécu comme une victoire personnelle, ou quelque chose comme ça. Mais après tout, cette femme n'avait pas fini de t'étonner - c'était même pour cela qu'elle te plaisait.

Tu t’étais rendue sur les lieux à l’heure pile, avec cette ponctualité anglaise qui t’étais si chère. La mort a son heure, et il en va de même pour tout le reste. Tes mèches rousses relevées en un chignon négligé pour dégager un visage sans fard, tu t’étais donnée une dégaine un peu débraillée mais qui ne trompait personne - dans un pantalon juste à ta taille, une chemise bleu marine remontée aux coudes et à demi entrouverte, juste assez pour cacher le chest binder qui se trouvait en dessous, écrasant ta petite poitrine jusqu’à la rendre quasi inexistante. Tu t’étais sentie d’humeur joueuse et un tant soit peu masculine au matin. Toujours assurée dans tes moindres gestes, toujours avec cette prestance particulière, cet air un peu sournois et enveloppé de gentillesse, et ce sourire auquel il ne fallait pas se fier. Tu l’avais remarquée à distance du premier coup d’oeil, installée sur la terrasse, perdue dans les méandres de son téléphone. Tant mieux, elle ne te verrait pas arriver et n’aurait pas l’occasion de fuir - elle était prise au piège une fois encore. Honte à toi, tu pensais déjà comme un prédateur. Elle n’aurait eu qu’à se lever tu me diras, mais le voudrait-elle ? Après tout, c’était elle qui t’avait invitée là.
Tu t’étais glissée jusqu’à sa table après avoir répondu au serveur que l’on t’attendait déjà, appuyant sur la table la paume de ta main en te penchant sur elle juste assez pour lui barrer la route et toute tentative de fuite intempestive. Fraîche comme un gardon malgré une Cologne trop forte pour ton visage fin, après tout tu n’étais pas celle de vous deux à peine levée - tu avais déjà travaillé tout la matinée, et tu t’étais aménagée une juste pause tout spécialement pour cette distraction, mais elle en valait la peine. « Bonjour Kochtcheï, quel plaisir de finalement apercevoir ton visage en plein jour. » Tu t’es redressée ensuite, la dévisageant dans les moindres détails - tu ne voulais surtout rien manquer de sa réaction, et tu ne doutais pas qu’elle allait une fois de plus t’amuser au plus haut point. Après tout, tu aimais toujours chaque seconde du spectacle qu'elle t'offrait, et jusque là, elle ne t'avait déçue que rarement. « J’espère que je ne t’ai pas fait trop attendre. » Et toujours cet impérissable sourire au coin des lèvres. Allais-tu devoir lui faire la bise ? Tiens, en voilà une bonne question, peut-être étais-tu encore punie. En vérité, quelle sensation bizarre tu aurais eu à le faire, et c'était pourtant la moindre des politesses. Mais votre relation était un peu à part, pas vrai ? Au diable la politesse quand on avait déjà manqué de s'entre-tuer, mais que l'on s'appréciait juste ce qu'il faut pour ne pouvoir se le permettre.
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basil et shura

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Si la chance était un gâteau partagé entre tous les êtres humains de la Terre, elle n’aurait eu que les miettes. La tête penchée en direction de son téléphone, Shura se massait les tempes dans l’espoir que cela passe un vilain mal de tête qui ne voulait pas disparaître. C’est pour cette même raison qu’elle aurait aimé rester au lit, à flâner et à profiter de sa seule compagnie à savoir son chat. Pour attendre que cette migraine s’en aille et ne soit qu’un mauvais souvenir. Alors, elle tentait d’oublier sa présence. De se concentrer sur autre chose. Elle faisait preuve de beaucoup de patience. Ce n’était pas le genre de personne qui sautillait sur place lorsqu’elle devait attendre plus de dix minutes au même endroit, ou à répéter la question fatidique du quand est-ce qu’on arrive ?. Non, Shura faisait partie de ces personnes qui prenaient leur mal en patience. Sa toxicomanie et son perpétuelle état drogué devaient aider sans doute, mais elle était comme ces gens qui aimaient prendre leurs temps. Qui trouvaient toujours quelque chose à faire pour combler le vide créé par les minutes et les secondes intarissables. De toute façon, ce n’est pas comme si elle montrait grand chose en temps normal. Son visage était toujours figé en émotion. Vieille habitude visant à masquer ses ressentis et ainsi, éviter les critiques. Une coquille dans laquelle elle avait pris l’habitude de s’enfermer. Les doigts de sa main droite glissaient sur son écran tandis que ceux de la gauches coinçaient un mégot. Une cigarette qu’elle avait allumée pour attendre, et couper ses esprits du temps environnant qui court. Mais aussi, pour oublier son mal de tête et occuper ses mains. Le signe de son addiction. Car si elle tolérait que les minutes s’écoulent lentement, elle n’arrivait pas à ne rien faire de ses mains. Il fallait qu’elles soient toujours occupées, à triturer quelques choses ou bien à tapoter quelques notes quand rien ne pouvait se perdre entre ses griffes. Pour le moment, les notes venaient de ses ongles qui heurtaient son écran tactile. Pour les plus observateurs -et aussi ce qui ont la chance, que dis-je, le luxe de faire parti de son entourage tant celui-ci était maigre-, c’était un nouvel indice.
Son manque de délicatesse avec son téléphone témoignait de deux choses. Tout d’abord l’état de nervosité. Rencontrer un inconnu, qui plus est quelqu’un dont elle ne se souvient même plus d’avoir converser avec, ne la mettait pas particulière à l’aise et elle ne pouvait s’empêcher d’avoir des aprioris. Qui était-il, elle ou lui ? D’où venait-il ? L’avait-elle déjà croisé en ville ? Etait-ce une personne susceptible de la connaître ? Difficile de se souvenir. Elle se rappelait seulement des hurlements de Ruby, avocate prodige aussi excentrique que talentueuse -sinon elle ne l’aurait pas choisi pour plaider sa cause- avec qui elle avait pris l’habitude d’aller en boite de nuit pour faire son petit commencer, mais aussi se détendre. La paume de sa main gauche se posait contre son front, et elle essaye de réfléchir. Elle l’entendait encore rire, excitée comme une puce, entrecoupée par des Allez ! à répétition. Il faudrait qu’elle songe à ne pas se laisser menacer avec du bon temps. Des images lui revenaient en tête, ou du moins une sensation. Celle où elle se faisait dérober son téléphone, où elle grognait pour qu’on lui rende, où on répondait à sa place. Une agitation, la tête qui tourne d’avantage sous la colère, l’incapacité de mettre un pied devant l’autre dans cet état de frustration.

Shura s’était redressée après avoir plongée trop longtemps dans ses bribes de souvenir. Elle pensait l’avoir fait inconsciemment, mais loin de là. Elle avait sentis cette ombre approcher, cette sensation de malaise. Elle avait l’impression d’étouffer, d’avoir le coeur qui se serrait. Son subconscient s’affolait et dirigeait une gestuelle désordonnée. Des tics où elle remettait sa tignasse en arrière, où elle passait son doigt sur la coupure comme pour s’assurer qu’elle était toujours fermée. L’odeur de l’eau de Cologne lui avait fait comprendre très clairement que son “invité” était arrivé et elle avait laissé un soupir traverser ses lèvres. “Dire que j'espérais que tu me poses un lapin pour repartir aussi vite que je suis venue…” avait-elle lâché à demi-mot, plus pour elle que pour lui en faites. Ou … elle ? Lorsque cette voix avait résonné, son regard avait l’air d’avoir dessoulé expressément. Elle la regardait enfin cette ombre, et ses yeux verdoyants traduisaient une multitude de questions. Comment ? Pourquoi ? Quand ? “Quoi ?” un premier, le seul mot qui lui venait à l’esprit pour le moment et qui exprimait à merveille ce fourmillement d’interrogation. “Quoi ?!” cette fois-ci plus hargneux, plus en colère. Elle retenait ses phalanges pour ne pas gifler cette petite … Saloperie avec son sourire vicieux. Puis elle ne disait rien de plus, ne serait-ce que pour ne pas attirer plus l’attention que cela sur elles. Après tout, elles étaient dans un restaurant, à une heure bien fréquentée, et Shura n’aimait pas vraiment se donner en spectacle. Alors soit, elle allait la supporter. Ses doigts avaient cessé de tapoter quoi que ce soit. Ne serait-ce que pour se forcer à taire la nervosité et ne pas lui donner la victoire. En homme ou en femme, cela ne changeait absolument rien : elle la détestait. Ses ongles se sont mit à racler le bois de la table. Si elle le pouvait, elle aurait laissé leurs empreintes dans cette texture noble. Kochtcheï n’avait ni manqué de s’étouffer avec la fumée de sa cigarette, ni prononçait une insulte. Elle se contentait de rester sage -ou du moins de se forcer à l’être- pour ne pas provoquer de scandale. “Attendre ? Oui j’attendais bien quelqu’un, mais ce n’est certainement pas toi. La place est réservée…”. Mensonge ou stupidité ? Mensonge.

Son esprit calculateur savait pertinemment que c’était pour ”lui” qu’elle avait réservé la place. Il était 13h pile, et Kochtcheï ne croyait pas beaucoup aux coïncidences. Celle-ci était tellement éléphantesque que c’était impossible qu’il en s’agisse d’une. Alors elle ne pouvait que mentir et espérer profiter de la confusion pour s’en aller d’ici rapidement. Personne d’autre qu’Egerton ne viendra de toutes manières. Shura se taisait pour se concentrer dans sa réflexion et regarder le moindre détail qui pourrait avoir son importance, attendre le moindre mot sur lequel il pouvait rebondir pour dresser un bouclier et riposter. Elle était en alerte, sur le qui-vive et pourtant, elle n’avait rien d’une prédatrice. Elle se contentait d’attendre et d’écouter pour canaliser sa rage. Une toute petite baffe, juste une en guise de salutation… Intérieurement, elle avait étiré une grimace de dégoût en pensant à la possibilité qu’elle devait lui faire la bise et cette seule pensée a suffit à guider ses réflexes. La baffe était partie, sa main droite venant claquer la joue de la travestie avec un élan modéré tandis que l’autre resserrer son étreinte sur la cigarette au point de la briser en deux. “Non.” fit-elle en acquiesçant d’un simple signe de la tête. Leurs relations étaient particulières, il fallait bien que leur manière de se saluer le soit aussi. Merde, elle avait l’impression de devenir folle. Elle avait ramené sa main rougie contre son visage pour s’accouder à la table après s’être remise sur sa chaise. Plus ou moins droite, le dos prenant appuie sur la partie prévue à cet effet, elle avait écrasé sa cigarette brisée dans le cendrier avec une telle force qu’il était difficile de deviner ce que c’était à la base après son geste. “Poses tes fesses maintenant que t’es là, mais tu gardes un mètre de distance entre toi et moi…” La consigne était donnée, il n’y avait plus qu’à essayer de faire comme si de rien était.
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« Dans un voyage en absurdie que je fais lorsque je m'ennuie, j'ai imaginé sans complexe qu'un matin je changeais de sexe, que je vivais l'étrange drame d'être une femme. »
Se pourrait-il qu'elle soit nerveuse ? Peut-être se demandait elle à quoi ressemblerait son date. Un homme grand, fort, musclé, un peu bronzé, avec un accent des îles… En vérité, peu importait son idéal, tu savais pertinemment qu’il n’aurait pas ton image. Surtout pas à présent que tu l’avais initiée à tes passions et petits plaisirs secrets, toi, la fée maigrelette et morbide, la raison sûrement pour laquelle on pensait que les roux n’avaient pas d’âme. Tu devais lui inspirer un net dégoût hélas, tu avais pourtant bien essayé de lui faire comprendre, de la convaincre, sans succès. Au moins, elle ne t’avait pas vendue aux autorités – mais difficile de ressentir du désir pour quelqu’un comme toi, pas vrai ? Un peu trop noir, un peu trop malsain, un peu trop dangereux. On ne pouvait plus se laisser aller en confiance en ta compagnie après tout ce qu’elle avait vu. Tu t’étais approchée en silence et elle n’avait pas relevé les yeux, même lorsqu’elle eut nécessairement senti ta présence, une évidence puisqu’elle s’était mise à te parler avant que tu ne puisses placer ton premier mot. Pas si curieuse alors, en fin de compte elle s’en moquait, de ce rendez-vous. Apparemment, elle espérait ne jamais te voir arriver, qui que tu sois. Ou bien c’est une autre femme qui t’a donné rendez-vous à sa place, ou bien Kochtcheï changeait de personnalité lorsqu’elle ingérait un peu trop d’alcool. Mais c’était sans importance, vous étiez là toutes les deux, tu l’avais attrapée malgré elle et c’est ce que tu voulais. Remettre la main dessus, la revoir, l’embêter un peu. Un petit retour à ce jeu du chat et de la souris dont tu avais été trop longtemps privée.

Elle reconnaît ta voix. Tu le vois, le changement rapide sur son visage, dans ce regard qui se tourne vers toi, ce vert luisant où tu vois le jour se refléter pour la première fois. L’espace d’un instant, tu te dis que ce n’est plus ce masque ennuyeux mais de nouveau cette petite fouine trop curieuse qui s’est retrouvée face au démon. L’incompréhension. Tu as confirmation, ce n’aurait pas dû être toi. Quoi ? Quoi ?! Elle est médusée, puis en colère, tu lèves tes mains doucement en signe d’innocence et de reddition, sourire aux lèvres. Elle n’est pas contente de te voir, elle n’est pas contente que ce soit toi. Mais tu n’y peux rien, il faut se rendre à l’évidence. Tu n’es pas responsable, si elle t’a choisi, si dans un moment d’ivresse elle s’est intéressée à la mauvaise personne. Elle te dit attendre quelqu’un. Ne comprend-elle pas qu’il s’agit de toi ? Tu n’es pas tout à fait certaine, tout du moins tu te demandes si c’est là sa manière de te congédier tout de suite. Tu soupires doucement, et réponds sur un petit fond de plaisanterie. « Tu espérais le prince charmant ? Je suis désolée, ce n’était que moi. » Tu sors ton téléphone portable de ta poche de pantalon, l’agitant à hauteur de ses yeux comme pour le lui faire comprendre. Non pas seulement que tu te trouvais là, devant elle, à l’instant, parce qu’elle t’avait par mégarde donné rendez-vous – mais que toute cette flopée de messages qu’elle avait envoyé, et dont elle avait sans doute oublié le contenu… Eh bien, que tu les avais tous reçus, évidemment.
Tu étais venue sans aucune précaution, comme toujours. Tu ne représentais pas une menace, tu n’avais rien sous la main, rien dans les poches sinon ton portefeuille et ton portable. Tu ne lui promettais pas sa mort, cette fois-ci. Vous étiez en public, et tu avais seulement répondu à son invitation à dejeuner. Elle ne risquait rien, et tu ne lui voulais aucun mal – pourtant, cette nuit de cauchemar planait derrière un non-dit dans le silence. Elle était sur ses gardes, toi trop désinvolte malgré ce petit quelque chose de carnassier dans ton sourire, comme si tu te serais bien vue la dévorer toute crue à la première occasion. Sa main claqua ta joue, tu ne l’avais pas vu venir. La douleur, pas assez intense pour te faire grimacer, mais assez marquée pour ne pas te laisser indifférente. Le regard que tu relevas sur elle après ce « non » ferme, après cette gifle, c’était un pur regard de défi, une invitation nette, teinté d’un peu de curiosité et d’un peu de désir. Tu ne dis mot et relâches un soupir tiède, la regardant massacrer sa cigarette innocente. Tu es prête à partir et ranges ton téléphone en silence, tu n’es pas ici pour t’imposer, pas cette fois. Ce n’était qu’une plaisanterie, cela t’amusait de la surprendre, et de toute façon tu n’aimais pas décliner une invitation, qu’elle ait été intentionnelle ou non. Mais si elle ne voulait pas te voir, tu n’avais pas de raison de rester contre son gré.
Pourtant non. Pourtant au lieu de t’envoyer balader avec cette gifle comme une malpropre, elle t’invite – non, t’ordonne de t’asseoir. Tu te mords la lèvre, c’est fou comme c’était précisément à l’instant où elle t’imposait un mètre de distance que tu te serais bien vu les foutre en l’air pour ruiner ce trop plein d’espace. Mais tu aimes ça, quelque part, cette autorité dont elle fait preuve, et tu obéis, tu tires ta chaise et tu t’assois en face. « C’est très aimable de ta part. » Tu t’installes à ton aise et n’attends pas davantage pour te saisir de la carte, par politesse pour les serveurs qui n’attendraient pas un siècle pour prendre votre commande. « Je t’invite, si cela peut te rendre mon existence moins désagréable. » Un sourire taquin à la dérobée, mais il ne lui faut qu’une paire de secondes pour s’effacer. Ta main, presque timidement, se porte à la joue qu’elle t’a giflée il y a peu, et tu relèves le regard au dessus du papier glacé. Tu dévisages la courbe irritée de sa bouche, la taille de ses pupilles, la ligne de son nez, sa tignasse brune foisonnante qui lui donne des airs de Carmen. Lorsque tu la pousses à bout, tu lis le rejet dans ses traits avec une sorte d’évidence, mais à vouloir ré-enfiler son masque, tu risquerais d’avoir un mal fou à la lire et ne plus la comprendre. C’était souvent comme ça avec les gens introvertis, et ce qui expliquait peut-être aussi qu’elle te coupe si souvent l’herbe sous le pied. Tu n’avais pas la moindre idée d’où elle voulait en venir. Si c’était pour ne plus jamais te revoir, pourquoi diable t’inviter à t’asseoir ? Ou pensait-elle que tu t’imposerais de toute façon ? Ce ne serait pas étonnant, avec l’opinion qu’elle devait avoir de toi. Mais quelle curiosité ambulante, quel caractère. L’agitation de ses mains, de ses doigts, tu les suis aussi des yeux avec quelque chose comme de la fascination. N’était-ce pas ce qu’elle t’avait laissée après tout ? Une obsession terrible et insoutenable.
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En colère ? Bien sûr qu’elle était en colère ? Mais pas que. Elle avait l’impression d’avoir été manipulée. Par sa meilleure amie en plus, si ce n’est pas un comble ! La toute petite part de confiance qu’elle avait accordée à Ruby, l’infime bout de trésor venant de la part de la Slave, venait de s’effondrer comme un château de cartes durement construit. Elle allait avoir une petite conversation avec son avocate, et ça ne sera pas pour faire des aveux. Bien au contraire, Kochtcheï comptait plutôt lui remonter les bretelles si haut que sa jupe trop étriquée allait lui arriver sous sa plantureuse poitrine et qu’elle allait se retrouver cul-nu en public. Qu’allait-elle faire maintenant, hein ? Face à cette personne, elle était impuissante. Non pas qu’elle ne pouvait pas la mettre au tapis si l’envie lui prenait, mais plutôt parce qu’elle ne savait pas quoi penser d’elle. Elle qui avait toujours solution à tout, elle qui avait toujours un plan de secours ou une idée, Shura était toujours dépourvue face à la scientifique. Et ça, ça la mettait dans une rage folle. Une paralysie démente qui lui donnait envie de l’étouffer avec ses propres mots. Mais elle ne pouvait pas, elle voulait savoir. Kochtchei voulait toujours en savoir plus, comme une soif intarissable. La même qui la poussait à se rendre à la bibliothèque en douce pour lire et apprendre des choses que ses parents n’auraient jamais pu lui enseigner. La brune avait toujours été attirée parce qu’elle n’avait pas le droit de toucher. C’est comme ça, c’est son côté aventureux qui le veut. Et elle a beau vouloir le refouler autant qu’elle le souhaite, elle ne pouvait pas se résigner à la tuer. Pour exactement la même raison que la doc n’avait pas réussi à lui trancher la jugulaire pour la faire taire à jamais : elle s’ennuyait.
Elle tourne en rond, tous les soirs, et même lorsqu’elle dort. Elle s’ennuie de ce monde, et peut-être était-elle épuisée de se battre pour ses idéaux. Elle sait que, quelque part, elle aurait pu faire ce qui lui tenait à coeur, mais que son père a tout gâché en faisant d’elle une voleuse, une tueuse. Qu’elle a été trop docile à l’époque et que la couronne d’héritière lui paraît bien lourde maintenant. La petite moquerie avait raidi son visage de colère un peu plus. Le prince charmant, elle avait laissé un bref rictus s’échapper de ses lèvres. Elle n’avait rien demandé, c’est sa nervosité qui n’avait pas réussi à le retenir. “Fermes-la”, c’était un autre ordre. Elle avait besoin de faire du clair dans son esprit, elle avait besoin de se souvenir ce qu’elle avait fait hier soir, mais elle ne voulait pas de son aide. Malgré tout, quand cette dernière lui a montré son téléphone, Kochtcheï lui a dérobé des mains. Juste pour savoir. Juste pour voir ce qu’elle avait “envoyé” contre son gré. La brune n’avait pas manqué de regarder Elise de travers afin de s’assurer qu’elle ne bouge pas ou qu’elle ne fasse pas quoi que ce soit de déplacer. Oui, venant de quelqu’un qui vient de chiper un téléphone, c’est assez cocasse. Mais il ne fallait pas lui mettre sous le nez comme une invitation en même temps. L’aisance avec laquelle elle maîtrise la technologie lui avait permis rapidement d'accéder à l’envers du décor, à l’autre fenêtre de discussion. Au moins, elle n’avait rien supprimé, contrairement à Kochtcheï qui n’avait pas vraiment envie d’en entendre parler et qui avait donc le reflex d'effacer dès que ça devenait gênant pour son image. Elle lisait absolument tout en quelques secondes. Une lecture en diagonale qui, si elle n’était pas aussi remontée, l’aurait sûrement fait rougir. Ses yeux s’étaient légèrement agrandis, et elle s’en mordait la lèvre inférieure. Mais … mais merde … Elle avait refermé le tout, rendant son téléphone à sa propriétaire. “Bien, tu t’es éclatée ? Ça t’a amusé à ce que je vois”.

Elle se retenait. Elle retenait ses cris, ses envies de lui sauter dessus pour l’étrangler. Elle retenait sa colère, son envie de lui crever les yeux avec cette fourchette disposée sur la table. Sa remarque était si froide, si remplie de sous-entendu que c’était étonnant que ça ne lui avait pas encore explosé à la figure. Jusqu’à cette gifle, comme une soupape qui aurait explosé. Et encore, elle était modérée, car c’est son poing que la rousse aurait pu recevoir. Avec un élan tel que vu sa carrure, elle se serait écroulée par terre. Le regard noir de Shura donnait le ton : elle lui en voulait toujours. Comment ne pourrait-elle passer l’éponge aussi facilement, hein ? C’est vrai que ce n’est pas à la meilleure personne à qui on devait poser la question, mais elle lui était destinée. Elle l’aidait à y voir plus clair. Ce petit air n’aidait en rien à lui pardonner. Ça ne faisait que nourrir un peu plus sa rage par le biais de sa frustration et l’indifférence de cette dernière. Comme si c'était normal d’atteindre la vie de quelqu’un. De la menacer d’être enfermée jusqu’à sa mort pour avoir vu la face cachée. Elle qui était si solide, si neutre en émotion, cette saleté la mettait dans tous ses états. Jusqu’à réussir à la faire pleurer tant elle avait eu peur, qu’elle avait perdu ses repères et qu’elle se sentait honteuse ! Pour quelqu’un d’aussi fière que la Slave, c’était impardonnable.
Cependant ! Cette baffe lui avait permis d’évacuer un peu de haine. Suffisamment pour se résigner et ne pas la laisser partir. Car cela aurait été lui donner une victoire de plus, et c’était tout bonnement hors de questions pour Kochtcheï. Et puis, elles étaient entourées, elle n’avait rien à craindre. Parmi ces abrutis qu’on nomme “être humain”, si ça commence à dérailler, y en aura peut-être un qui aura l’intelligence d’intervenir. Ayant bousillé sa précédente cigarette sous la frustration, elle en avait ressorti une autre et elle l’avait allumé. Ses mains ne s’agitaient plus autant, elle se contentait d’utiliser la libre pour tourner les pages de la carte. Suivante, suivante, en arrière, en avant, elle n’avait aucune idée de quoi prendre. D’autant plus que cette découverte lui avait coupé l'appétit. Ça aura au moins l’avantage d’épargner le porte-monnaie me direz-vous. Elle avait la tête baissée, accoudée sur le rebord de la table. Une position que l’on pourrait traduire de défensive, renfermée sur elle-même et prête à parer toute approche considérée comme offensive. Elle avait relevé le regard enfin en direction de la rousse lorsqu’elle l’avait “remercié” d’accepter sa présence. Kochtcheï n’avait pas été plus réceptive que cela, baissant de nouveau la tête après avoir haussé les épaules en guise de réponse. Petite parenthèse, mais ça lui donnait des airs d’enfants qui boudent, et c’est difficile de dire si elle se rend compte que ça lui donne un air mignon. Elle avait fini par se fixer sur du poisson et une salade tout en se redressant pour rétorquer à la proposition. “Si seulement ça pouvait suffire. Et c’est non. Je ne veux pas me sentir en plus obligé de te remercier. Donc si tu tiens tant à participer, on fera 50/50”. À la fin de sa phrase, elle avait relevé le menton, elle faisait face à son invitée. Kochtcheï était prête à continuer, à nourrir cette assurance. Mais cette façon que la rousse avait de la dévisager ébranlait de nouveau sa confiance en elle. La brune avait ravalé ses mots, pestant dans sa main tout en prenant une bouffée de nicotine. Elle avait détourné le regard, essayant de se concentrer sur les passants. Elle les enviait, ils étaient libres. Libres de rentrer chez eux, libres d’aller au parc, libre d’aller à la piscine ou à la plage. Elle, elle était coincée dans un restaurant après avoir donné rendez-vous à celle même qui nourrit ses crises d’angoisse. Super.

Shura avait fini par arrêter de fixer ses étrangers. Et puis, elle avait ouvert de nouveau la bouche, enfin. “Arrête de me regarder comme ça... “ Souffla-t-elle en grognant un peu. Elle avait ramené ses ongles à ses lèvres pour les mordiller. Puis, une petite esquisse avait commencé à trancher son visage en deux. Un sourire faible témoin de son déclic. Elle réalisait à quel point sa situation était totalement stupide. Du bout de son pouce, elle s’était mise à masser son front tout en crachant la fumée grisâtre. “C’est totalement débile. J’dois être en train de décuver dans mon lit, j’suis encore en train de rêver en faites…” C’est du moins ce qu’elle préférait croire. Lorsque le -ou la, arrivé à ce stade, elle est perdue- serveur était arrivé pour prendre les commandes, elle avait demandé un grand whisky avec de la glace et son poisson. Le verre de whisky, c’était surtout pour digérer la situation. Elle aurait pu prendre une vodka, mais comme elle avait tourné quasiment qu’à ça hier soir, ses papilles avaient besoin d’un petit temps de pause. Elle attendait que le pingouin s’en aille pour reprendre : “Bon bah, je vais commencer par faire ce que j’étais venue faire de base, à savoir corriger le tir. Je ne me souviens pas de ce que j’ai fait hier soir. J’sais même pas à quelle heure j’me suis couchée et si j’ai réussi à me coucher toute seule. Ça, c’est …. Une putain de mauvaise blague. J’lui avais dit que je ne voulais pas, mais elle s’en est foutue comme de la dernière pluie”. Kochtcheï avait repris une grande inspiration, et maintenant elle cherchait quoi dire. Elle avait repris son air grave, le coude posé sur la table tandis que sa tête prenait de nouveau appui sur sa paume. Elle cherchait quoi dire, ne serait-ce que pour éviter les longs moments de silence pesant. “C’était pareille, quand j’suis sortie de chez-toi. À une différence près, c’est que je n’arrivais pas à savoir si j’avais rêvé ou si c’était bien réel. Mais je pense que pour te supporter, j’essaye de me forcer à croire que ça ne l’était pas. Ça fait quoi… Trois semaines, non ?” Elle n’entrait pas dans les détails, elle se contentait de prendre son verre une fois qu’elle l’avait devant son nez pour engloutir une première gorgée avec une levée de coude professionnelle.
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Basil Egerton
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« Dans un voyage en absurdie que je fais lorsque je m'ennuie, j'ai imaginé sans complexe qu'un matin je changeais de sexe, que je vivais l'étrange drame d'être une femme. »
Ta petite Kochtcheï n’est pas d’humeur et toutes tes politesses n’y feront rien. Ferme-la te répond-elle sèchement, ne tolérant pas tes plaisanteries. Elle ne sait pas de quel côté crocher dans le plat pour le tirer du four quand cela te concerne, elle n’a que l’agressivité pour se défendre de ta menaçante désinvolture. Elle se méfie, mais tu la comprends, alors tu la laisses faire, tu la laisses dire, tu te contentes d’une risette polie, d’inclinations de la tête, d’un silence obéissant. Tu la laisses même t’arracher le téléphone des mains, mais tu n’as rien de particulièrement inquiétant dessus alors tu ne te soucies pas vraiment de ce qu’elle pourrait en faire. Elle relit vos conversations, et tout ce temps tu la regardes et te tais, attentive à ses réactions. Ce n’était pas forcément honteux de ton point de vue, votre échange de la veille. Il faut dire aussi que tu n’avais jamais honte de grand chose, et tu comprenais mal quelque fois ce genre de réactions, mais tu devines sans mal que cela lui déplaît. Sans doute a-t-elle pu échapper quelques informations - des informations bénignes bien sûr, son prénom sans doute même si tu t’abstiendrais de l’utiliser sans son autorisation. Rien de très compromettant mais pour Kochtcheï, partager cela avec quelqu’un comme toi, c’était déjà bien trop. Elle te le rend, tu le reprends sagement en prenant soin de lui éviter le contact de ta main. Tu t’es éclatée, Elise ? « Je ne peux pas nier. » Nier serait mentir. Tu t’es beaucoup amusée - et tu y as pris beaucoup de plaisir. Pourtant, la tourner en ridicule n’avait jamais été ton objectif, loin de là.
Puis cette gifle, cette gifle délicieuse, ce contact retrouvé enfin, un contact qui semblait t’avoir un peu manqué. Surtout, un contact douloureux, qui faisait coïncider avec ton comportement de prédatrice une attitude de soumission. L’un et l’autre se mêlaient dans ton regard pendant que tu gardais le silence. Tu n’avais pas cherché à t’imposer, à défendre ta fierté ni aucune futilité de ce genre. Tu t’étais assise, tu étais restée sage, calme, trop aimable, devant la minette enragée qui ne savait toujours pas comment empoigner le bébé. Elle ne prêtait plus attention à toi - essayait, du moins, concentrant son regard sur la carte, refermée sur elle-même. Voilà qui rendrait le déjeuner relativement peu agréable, et tu t’étais efforcée de détendre l’atmosphère : tu proposes de payer sa part avec la tienne, elle refuse. Elle s’en fiche de toi, on dirait qu’elle veut faire comme si tu n’existais pas. Peut-être qu’il y avait quelque chose de mignon dans son attitude, toi tu trouvais cela plutôt contrariant, si tu avais voulu manger en face d’un mur tu ne te serais pas pointée ici. Mais tu prends ton mal en patience, tu acceptes son refus sans insister. Tu t’en serais bien moqué qu’elle ne te remercie pas, tu te contentais d’être polie par habitude. Cela te faisait plaisir d’être ici, de la voir, et plus que de la voir - de la regarder. Mais ton regard lui pèse, elle n’arrive plus à le soutenir. Une fois encore, elle s’efforce d’ignorer ta présence et regarde les gens passer.

Elle ne veut plus soutenir la pression de ton regard et finit par te le faire savoir. Avec un mot d’excuse, tu reportes ton attention sur ta carte accompagnée d’un soupir bref. Tu relèves les yeux derechef lorsqu’elle reprend la parole, étonnée par ses mots. Est-elle sérieuse ou était-ce du second degré, tu n’en es pas vraiment sûr, mais elle semble douter de la réalité de la scène. Il est vrai qu’après votre dernière entrevue, celle-ci semble à peine croyable. Mais ce genre de comportement était dans tes habitudes, tu étais tout sauf rancunière, et pas le moins du monde mal-intentionnée non plus. Tu étais toujours relativement dépaysante pour ceux qui te fréquentaient. Mais tu n’as pourtant pas le temps de lui répondre, vous êtes interrompues par l’arrivée du serveur. Tu lances un regard rapide vers la carte, ne montrant aucunement que tu es ennuyée, et pourtant Dieu sait que tu l’es, tu avais des choses à dire. Tu demandes le lapin (une de tes viandes préférées avec le veau et le canard. Des goûts à ton image, un goût pour la chair tendre et raffinée, pour les bêtes sans défense, et sans la moindre empathie pour des petites boules de poil.)  et un verre de rouge, pour faire exception, pour célébrer peut-être ces retrouvailles sans le dire, même si tu n’es pas vraiment portée sur l’alcool. Tu n’as même pas cillé à la mention du whisky, tu as esquissé l’ombre d’un sourire peut-être. Un choix étonnant, très peu convenable, réprouvé par la société, mais ce n’était jamais qu’une raison supplémentaire pour te le faire valoir.

Elle a repris la parole finalement, et elle avait l’air d’avoir beaucoup à dire. Alors tu l’as écoutée. Tu n’es pas vraiment étonnée, tu ne t’attendais pas à ce qu’elle t’annonce un coup de foudre inattendu sur ta personne. La déduction n’avait pas été difficile, il était évident qu’elle ne se souvenait pas de ce qu’il s’était passé, qu’elle ignorait qu’il s’agirait de toi, et tu la laissais dire ses formalités sans intervenir. Elle te parle d’Elle, une tierce personne qui te fait sourciller légèrement, mais tu ne relèves pas, tu t’abstiens de lui demander qui, pour la seule raison que ce n’était pas tes affaires. Qu’est-ce que cela pouvait bien faire, que cette personne ait passé sa nuit avec Kochtcheï, qu’elle l’ait mise dans l’embarras ? S’il fallait, tu aurais davantage à la remercier qu’autre chose. Et cette personne, cette inconnue dans l’équation, te connaissait-elle ? Avait-elle guidé Kochtcheï vers toi en connaissance de cause ? Voilà une question autrement plus intéressante, mais que tu ne posas pas. Tu étais restée finalement très composée et tu ne réagissais pas sur grand chose, parce que le contenu n’était pas très intéressant. La suite en revanche t’interpella un peu plus. Peut-être parce que tu ne t’étais pas attendue à ce qu’elle aborde le sujet, mais plutôt à ce qu’elle continue de faire comme si de rien n’était, à s’aveugler jusqu’à la fin du repas. Au lieu de cela, elle te parlait soudain de cette nuit, pas si lointaine, qui s’était passée chez toi.
Elle se demande si c’était réel. Tu aurais presque envie de dire que ça ne l’était pas, en sachant pertinemment que cela supposerait que tu savais pertinemment de quoi elle parlait - et confirmant par là-même que cela s’était produit, juste pour la déstabiliser un peu. « C’était réel, Kochtcheï. Même si tu as vu cette nuit-là des choses qui ne l’étaient pas. » Tu te frottes le dos de la main contre ton menton, te laissant aller à la réflexion, observant sa descente mais tu ne préfères pas la commenter. Ce n’est pas dans ton intérêt d’éveiller des tensions, et tu ne la juges aucunement. « Je ne suis pas venue pour me moquer de toi. Cette coïncidence m’a beaucoup amusée, je l’admets. J’ai seulement sauté sur l’occasion. Je suis contente de te revoir. » Tu lui adresses un de ces sourires désarmants et plein de franchise. Tu dis vrai, et tu le dis le plus simplement du monde comme une évidence. « Je n’ai pas l’intention de remettre en cause ce qui a été décidé cette nuit-là. Concernant ta mort, je veux dire. Je n’ai aucune intention, aucune idée derrière la tête, si ce n’est déjeuner en ta compagnie. Tu peux te détendre. Je ne vérifierai même pas que tu n’empoisonnes pas mon verre, d'ailleurs si tu veux en profiter, fais-le vite pendant que je ne regarde pas. » Tu détournes ton regard et le lance au loin à un serveur occupé, visiblement amusée par ta petite plaisanterie, avant de le retourner vers elle quelques petites secondes plus tard, un sourire taquin sur les lèvres.
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Le parcours dans la fenêtre de discussion l’avait fait pâlir doucement. Enfin façon de dire, car il était difficile de faire plus pâle qu’elle ne l’était déjà. Et ce, depuis l’arrivée de son invité. Étonnante invitée, exécrable coïncidence, la voilà contraint de prendre sur elle et de respirer. Respirer pour ne pas se laisser porter par la rage et la frapper à sang. Elle faisait de son mieux Shura, mais elle était confuse. Confuse oui. Il y a un mois, elle était loin de se douter qu’elle pouvait vaciller à ce point. C’était le Big Bang dans son âme, une multitude d’explosion qui l’empêchait de suivre le cours de ses émotions. Dans cette cacophonie, il est possible qu’il y ait une joie partagée, mais elle devait être à l’état de poussière. Les plus imposants amas qui s'entrechoquaient étaient surtout la colère, la frustration et l’indignation. Si bien que cette gifle avait eu l’effet de soupape pour décompresser. Elle ne regrettait pas son geste, loin de là. Et si elle devait recommencer, elle ne se gênera sûrement pas pour lui en remettre une. De toutes façons, ça ne sera pas pour déplaire à sa voisine de table visiblement. C’est là où cette dernière se trompait totalement. C’est justement parce que la rousse occupait la totalité de ses pensées qu’elle n’arrivait pas à se fixer dessus et à se concentrer sur elle. Dès lors qu’elle y songeait, un flot incommensurable tel un tsunami l’envahissait et elle n’arrivait pas à contrôler quoi que ce soit. Une déferlante de haine mêlée à une timide satisfaction, nourrie par les images de cette nuit, et la même confusion qui avait régné dans le noir. Kochtcheï relativisait. Quelque part, avec cette mésaventure, elle aurait pu tomber sur un inconnu bien pire qu’Egerton en face-à-face pour dîner.
Aussi, elle poussait sa colère à s’apaiser, accepter sa présence et faisait de son mieux pour remettre son masque. Comment faire ? Pour une fois, elle n’avait aucune idée. Elle utiliserait bien cette carte pour se dérober et se cacher. Sauf que ce trou de souris était éphémère et que le serveur aura vite fait de lui enlever son abri dès lors qu’elles auront fait leurs choix. Kochtcheï se contentait alors de s’en servir pour rassembler son courage et gagner un peu de temps pour faire taire la rage. Elle veut payer à sa place, et Shura refuse avec une légèrement moue désapprobatrice. Elle se mit à croiser les jambes, à dresser les remparts. Ainsi, elle pouvait dresser les limites de leurs entrevues pour éviter et prévenir tout débordement. La Slave renforçait sa coquille protectrice tout en essayant de s’ouvrir et tenter de converser. Puis finalement, elle y arrive. La brune partage sa difficulté, de la manière la plus maladroite qui soit j’en conviens, mais elle accepte au moins de faire le premier pas.

Ces quelques mots ont suffi pour qu’elle se redresse, qu’elle cesse de détourner ses émeraudes et qu’elle fixe sa convive. Bien sûr, elle fait toujours la gueule, mais que voulez-vous. Si les sourires de Shura étaient quotidiens, ils ne seraient pas des trésors. Au moins, elle parlait. Elle fumait aussi, mais cela l’aidait à rythmer son dialogue. Les explications faites, elle avait fini par entamer le sujet qui fâche. C’était sans doute son affreuse franchise incontrôlable qui avait pris les devants encore, mais pas que. Après tout, elle ne se voyait pas parler de cet accident à n’importe qui, alors c’est tout à son honneur d’en parler avec l’auteur ? Et puis, cela restait logique. Elles n’étaient que deux à le savoir. Elle avait bien insisté sur ce point pour que cela demeure ainsi. Cela ne lui laissait plus grand monde pour en discuter. En trois semaines, elle avait enfin daigné à discuter, à témoigner de son ressenti et surtout ! À l’écouter. Car oui, si Kochtcheï gardait ses yeux rivés sur elle, c’est parce que toute son attention lui était dédiée. Elle n’aimait pas qu’on lui mente, il n’y avait qu’avec soi-même qu’elle s’accordait le droit. Du coup, sa gorgée de whisky avait du mal à passer, mais moins que si elle lui avait dit le contraire. “J’me doute, je sais reconnaître un bad trip quand j’en fais un depuis le temps” lança-t-elle hasardeusement à voix basse, plus pour elle-même que pour Elise. Elle l’a laissé terminer, elle absorbait chacune de ses paroles avec une espèce de vide dans son regard. Sans doute était-elle en train de réfléchir, de peser le pour et le contre. Avec une belle dominance pour le contre dans son cas.

Ce fut de longue seconde, avant qu’elle ne reprenne une grande inspiration. Koctcheï avait retrouvé son calme, son stoïcisme dont seule elle avait le secret. C’était triste à dire, mais la personne même qui lui avait offert sa plus grande peur était aussi celle qui avait su la rassurer en ce moment même. Comment voulez-vous qu’elle arrive à se fixer avec de tels ascenseurs d’humeur. “Très bien” avait-elle commencé en reposant son verre sur la table pour s’amuser à le faire tourner en attendant qu’elles trouvent autre chose à faire. Comme par exemple dépouiller son poisson pour qu’elle puisse manger. Shura était de nouveau elle-même, prête à essayer de rendre ce dîner normal malgré le mur qu’elle avait dressé par méfiance. Elle n’avait pas ri à la plaisanterie qu’elle venait de faire, tout juste une petite esquisse discrète sur le recoin de ses lèvres. Un sourire faible, presque automatique. “En voilà une drôle d’idée” avait-elle simplement dit. Une phrase à double-sens. Était-elle vraiment drôle ou était-ce une manière subtile de dire qu’elle la prenait en note ? “D’accord, dînons ensemble alors. Faisons comme tout le monde. Mais ne te méprends pas, ça ne changera rien. Je reste méfiante. Et je maintiens la consigne, pas moins d’un mètre de distance. Si tu t’approches, je t’en remets une”. Elle avait annoncé ceci avec un ton bien plus léger qu’au début. Normal, elle était bien plus détendue après tout. Elle s’était adossée à sa chaise, se mettant dans une pose bien plus décontractée que la précédente en croisant les bras. “Alors, y-a-t-il eu du nouveau du côté de ton côté ? À quoi tu peux bien passer tes journées ?”. Tout comme pour son ton, elle arrangeait la conversation pour qu’elle soit moins oppressante, quitte à tomber dans les banalités. Kochtcheï ne cessait de la fixer pour prévenir le moindre mouvement de sa part, mais aussi pour montrer que cette fois-ci, elle était prête à lui faire face. Tant qu’elle ne remue pas le couteau dans la plaie, ça devrait aller. Ce n’est pas son genre après tout.
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Basil Egerton
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« Dans un voyage en absurdie que je fais lorsque je m'ennuie, j'ai imaginé sans complexe qu'un matin je changeais de sexe, que je vivais l'étrange drame d'être une femme. »
Tu étais ravie, que dis-je, ravie de la voir devenir un peu plus tolérante avec toi, plus patiente, plus attentive d’une certaine manière. Même si, bien sûr, tu regrettais ce nouveau masque qui se voulait impassible puisque rien ne te plaisait davantage que de la voir poussée à bout. Mais enfin! Vous étiez capables d’échange, tu pouvais croiser son regard et t’y plonger avec insistance, tout du moins essayer. Tu n’avais jamais de gêne, toi, lorsque tu regardais quelqu’un dans les yeux ou que tu t’attardais sur un visage. Tu aurais pu le soutenir des heures sans éprouver le moindre malaise, sans faiblir, sans avoir aucune impression de vulnérabilité, une autre caractéristique de ce profil psychologique que tu te traînes. Quand tu lui parlais, c’était le menton levé, le dos droit, le regard pénétrant - avec une politesse un tant soit peu envahissante, mais tu ne pensais pas mal. Tu étais obligée d’observer en détail, pour compenser ton handicap social, pour être certaine de ne pas mal interpréter, pour savoir quand tu disais le mot de trop ou quand tu faisais fausse route. Selon toi, selon ton point de vue presque touchant de naïveté, ce tête à tête se passait à merveille. Et tu étais détendue en conséquence, comme si tu étais venue déjeuner avec l’une de tes amies.
Elle t’écoute comme tu l’as écoutée, c’est un peu sur ce détail que vous vous entendez le mieux. Comme dans ta cave, trois semaines auparavant - vous attendiez respectueusement que l’autre ait terminé de parler pour dire ce qui devait être dit. Vous ne vous coupiez pas la parole, peu importe que cela soit synonyme d’intérêt ou de respect. Tu la rassuras sur les effets de ta poudre, si tant est que l’on puisse appeler cela rassurer, et elle laissa planer comme une référence perso à l’encontre de ses habitudes de droguée. Un passif que tu ignorais en grande partie, mais tu ne manquais pas une occasion d’enregistrer toutes les informations qu’elle laissait échapper dans un recoin de ton esprit. Tu repenses à votre conversation de la nuit précédente, tu supposes sans trop de mal qu’elle avait dû se faire sous l’incidence de substances illicites. Le whisky largement entamé sur la table, à moins qu’il n’ait déjà été fini, et la cigarette à ses lèvres, la seconde depuis ton arrivée, en disent tout aussi long. Kochtcheï consomme probablement le tout avec outrance. Un mode de vie qui ne devait plus convenir tout à fait à son âge. Un mode de vie qui avait dû laisser de graves séquelles sur ses organes internes. Non, ce n’est pas le moment de penser à cela - un froncement de sourcils pour te tirer l’idée de la tête. Tu vas vouloir ouvrir son corps en deux pour juger de son foie et de ses poumons, tu vas vouloir sa mort si tu te laisses aller vers ces réflexions là. Et tu remercies le service des plats pour t’avoir changé les idées et l’humeur.

Elle ne vint pas empoisonner ton vin, en même temps elle n’avait probablement rien sur elle pour se le permettre - tout au plus pouvait-elle le ruiner avec du sel, mais je ne suis pas certaine que tu l’aurais bu dans ce cas-là. Elle sembla sincèrement encline à faire des efforts, faisons comme tout le monde te dit-elle, mais tu n’en demandais pas tant. D’ailleurs, rien ne pourrait jamais se passer "comme tout le monde” dans votre cas, et encore heureux, c’était un peu ce qui te plaisait le plus. Rassure-toi, elle ne tarde pas à enchaîner sur plus original, et à te refuser sa confiance. Tu n’es pas étonnée, mais tu ne peux t’empêcher d’échapper un léger rire lorsqu’elle te fait miroiter une seconde claque. Tu n’approches pas cependant, mais tu ne peux t’empêcher de prendre une position un peu plus provocante, pour le seul plaisir de lui faire comprendre qu’elle joue sur le mauvais terrain. Tu étires ta jambe et soutient son regard, n’hésitant pas à venir chercher le bout de son pied sous la table pour y presser le tien. « Tu ne devrais pas me dire ce genre de choses Kochtcheï, j’ai bien peur d’y prendre plaisir. D’autant que j’ai toujours eu beaucoup de mépris pour les règles et les obligations. » Tu lui montres tes dents dans ce qui ressemble à un sourire, puis tu retires ce contact et tu cesses de lui imposer ton regard pour te concentrer sur ton assiette, reprenant ta posture habituelle. Tu n’as pas l’intention de manger froid, surtout pas du lapin - et plus vite elle sera débarrassée de toi, mieux elle se portera sans doute. « Voyons, de quoi pourrais-je te parler. Tu n’aimes pas les cimetières, n’est-ce pas ? J’imagine que tu ne t’intéresses pas sincèrement à la vie quotidienne d’une fossoyeuse. Je pourrais te parler des funérailles de ces trois dernières semaines mais j’ai cru comprendre que ce n’était pas un bon sujet à amener à table. » Ton père t’avait repris un tel nombre de fois, sitôt que tu t’y laissais aller - ce qui devait arriver fréquemment au cours des repas de famille. Raison pour laquelle tu préférais t’abstenir purement et simplement de parler à ces occasions. Les banalités mondaines n’avaient jamais été ton fort. Mais cette fois-ci, plutôt que comme une corvée, tu pouvais le prendre presque comme un jeu : un jeu où vous feriez semblant d’être l’une et l’autre des personnes normales. Alors tu réfléchis à quelque chose à dire, puis l’idée te vient avec une risette au bord des lèvres tandis que tu termines ta bouchée. « Oh. Ma cousine se délocalise au Pérou pour élever des alpagas. » Le pire, c’est que tu ne mentais pas, et cette franchise dans ta façon de le dire avait de quoi déstabiliser. Mais tu n’as pas pu t’empêcher de ramener le sujet à quelque chose qui t’intéressait davantage. « Ce qui signifie que nous serons seules s’il te prend à nouveau l’envie de te glisser chez moi. Mh… Quoi que cela ait bien peu de chance d’arriver, je suppose. » Tu as rivé ton regard sur elle, à demi pensive - c’était presque l’inviter, et l’on aurait pu sincèrement se demander ce que tu pouvais bien avoir derrière la tête quand tu te mettais à envisager des choses pareilles. Sans doute rien de conventionnel, et plutôt quelque chose impliquant une table d’opération et quelques scalpels. Où diable était ta promesse de parler sans arrière-pensée ? Aux oubliettes, avec le reste. C’était si difficile de ne pas céder à pléthore d’idées quand on avait sous les yeux une femme comme elle.
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{ulternatif} gender bender
Il n’y a pas eu mort d’homme, c’est ainsi qu’elle essayait de se consoler. De ne pas laisser sa colère guidait ses gestes et ses paroles. De ne pas craquer de nouveau face-à-elle comme elle avait pu le faire il y a trois semaine de cela. Combien de fois elle s’était maudite d’être entrée dans cette fichue cave ? Combien de paquet empoisonné avait-elle consommé pour oublier ? Arrivée à un stade, elle avait arrêté de compter. Kochtcheï ne craignait plus l’overdose maintenant, elle était endurcie. Elle fuyait les médecins pour ne pas avoir droit à leurs sermons et leurs conseils remplis d’hypocrisie. A quoi bon, pourquoi s’intéresser à la vie des autres quand on est déjà suffisamment occupé par la sienne ? S’il y avait bien quelque chose qu’elle détestait plus que les magiciens et leurs pokémons élémentaires, c’est bien que l’on s’immisce dans sa vie privée. Il n’y a rien à voir, rien d’intéressant en tout cas ou de glorieux. Et de ce fait, elle avait horreur de toutes les professions qui nécessitaient une certaine transparence. Les médecins, toutes spécialisations confondues même la psychiatrie -surtout la psychiatrie, si elle a besoin de se confesser, elle préfère d’avantage aller voir un curée-, les avocats et la police. C’est un peu sa triforce du dégoût, la raison pour laquelle elle s’entourait d’une coquille pour éviter les ennuis. Parce qu’après tout, rien que son vrai nom était en soit une bonne raison pour l’enfermer. Il suffisait seulement de deux mots, et la magie de l’information ferait le reste. Surtout avec internet, c’est tellement rapide, viral presque. On peut tout savoir sur quelqu’un lorsque l’on sait où chercher et elle était le mieux placée pour le savoir. Elle avait usé du même principe avec la personne qui se trouvait en face d’elle. C’était la moindre des choses de savoir à qui on a à faire.
Sauf que là, Kochtcheï avait fait une erreur. Une belle erreur, à cause de sa curiosité et de son impétuosité. Le pire, c’est qu’elle n’avait aucun justificatif pour s’être montré aussi téméraire, aussi insistante, aussi stupide ! Juste l’envie. L’envie de savoir, l’envie de connaître, l’envie de comprendre pourquoi ? Pourquoi elle avait tiqué, pourquoi elle avait pressenti quelque chose, pourquoi elle ressentait le besoin irrationnel d’aller vérifier. Oh quelque part, elle avait bien fait. Ce que les autres ne voyaient pas de la fossoyeuse, elle l’avait constaté à force d’insister et cela la mettait dans une position aussi délicate qu’unique en quelque sorte. Cela pourrait la rendre fière, la rendre souriante et pimpante, comme une femme à qui on aurait donné une coupe ou une médaille. Mais non, elle avait aussi trop perdu. D’où la neutralité parfaite sur son visage : elle n’arrivait pas à trancher.

Elle continuait d’hésiter, de se demander quel était le mieux pour elle, si elle avait vraiment le droit de se targuer. Kochtcheï avait repris la parole, suffisamment longtemps pour donner son accord. Pour dire oui, je veux bien faire un effort et essayer de faire comme tout le monde. Car soyons honnête, c’était très loin d’être le cas entre elles. Même toute la bonne volonté du monde n’y changerait rien, et c’est pour ça qu’elle revenait vers elle. Parce que ce n’était pas habituelle ni monotone. La brune la met en garde, insiste sur le point des distances quitte à devenir violente pour qu’elles soient respectées. Le public autour d’eux ne l’arrêtera pas sur ce point, ça ne sera pas la première fois qu’elle cogne avec des yeux sensibles autour. Suffit de la voir dans les bars le soir, quand elle a plus d’un litre de vodka d’engloutit et qu’elle part au quart de tour encore plus vite qu’à jeun. Elle se tait suffisamment longtemps pour que sa voisine renchérit et elle recule légèrement la tête par réflex en la voyant sourire. Puis elle sent cette présence s’inviter sur le bout de son pied, ce qui avait teint son regard d’une certaine frustration. Celle de ne pas être écouter visiblement, ou bien cette provocation venant de la rouquine. Elle la repousse sous la table, et pas de manière douce. Un coup de pied hasardeux, n’ayant pas la vision pour savoir où elle tapait. “Le mètre de distance, c’est aussi valable sous la table !” Grognait-elle, crispant ses doigts pour retenir la baffe. Et puis non, elle n’y arrive pas. Chose promise, chose due. La deuxième joue était jalouse après tout, il fallait y remédier. Kochtcheï se laisse tomber sur sa chaise avec un soupir après réaliser qu’elle venait de lui donner une seconde claque. Elle se permet même de lever les yeux au ciel. “Tu le fais exprès, t’es … incorrigible”. Pendant un petit instant, elle avait cherché ses mots tout en mettant ses mains en l’air, comme lors d’une arrestation. Un vieux reflex peut-être, suffisamment habituel pour que l’expression de son visage dessine la normalité de son geste tout en fixant la table. Elle se détend de nouveau, elle s’accoude sur le dossier de sa chaise et elle se résigne. “Bon d’accord, on laisse tomber le mètre de distance.” Cela valait mieux si elle ne voulait pas rougir ses joues à force.

Son attention se reporte sur l’assiette qui venait d’être déposer sur la table et elle regarde ce … -couteau ?- truc qui ressemblait vaguement à un couvert. On lui a jamais appris à se servir de ça, tout comme on ne lui a pas appris à lever le petit doigt en mangeant. Alors, elle l’avait écarté et elle avait repris un couteau normal. De toutes façon, la chair des ailes de raies se retirent toutes seules de l’ossature, il n’y avait pas besoin de découper quoi que ce soit. Hormis d’un ustensile pour ne pas mettre les doigts dans le plat. Maintenant attardons-nous un peu sur sa façon de manger du poisson, parce que ça vaut le détour. Elle se garde de manger si elle n’a pas fini de trier. D’abord la fine pellicule d’écaille restante qu’elle met dans un coin de son assiette, ensuite ce qu’il y a de mangeable dans un autre. Elle la retourne et elle recommence sans avoir manger une seule miette encore alors que sa voisine avait bien entamé son lapin. Vous me direz, au moins, ça lui occupe les mains pendant qu’elle l’écoute. Et c’est seulement après ce chantier qu’elle se décide enfin à manger. Quand tout est à sa place. Kochtcheï relève de temps en temps la tête pour faire signe qu’elle écoute malgré la minutie de son “opération chirurgicale”. “Ce n’est pas que je ne les aime pas, je les évite. Et concernant le sujet des funérailles, je ne vois pas en quoi ce n’est pas bien d’évoquer ça à table. Ça risque de me rendre nostalgique plus qu’autre chose.” Elle n’avait rien dit de plus, commençant seulement à manger son poisson durement acquis tandis qu’elle relève un détail. Détail qui l’intéresse. Pour preuve, elle s’arrête en cours de route pour reposer sa fourchette au bord de son assiette. Sans avoir manger quoi que ce soit -encore- “Des alpagas ?” Dans la mimique de son visage, on pouvait comprendre que c’était le détail qui l’avait choqué dans cette annonce. Mais elle n’avait rien dit de plus. Cela était contraignant de savoir que sa Jiminy Criquet abandonnée tout pour vivre d’amour et d’eau fraîche au Pérou. Dommage, elle allait devoir se trouver une nouvelle amie de boisson. Et quelqu’un d’autre pour redorer le blason d’Elise également. Elle avait enfin avaler sa première bouchée, prenant son temps pour réfléchir et ne pas s’emporter à sa proposition. Elle se fout de sa gueule, ou c’est sérieux ? Kochtcheï relève le regard vers elle, et répond qu’une fois sa bouche vidée. “Pourquoi ? Je n’ai pas fini de visiter ton chez-toi. Et puis, j’ai toujours de la lecture qui m’y attend, tu continues ce dossier à mon nom au faites ? Et tous les autres, c’est quoi ? Des anciens “clients” entre guillemet ?”. Elle se sert un verre d’eau distraitement, à défaut d’arriver à finir son whisky. C’est le seul verre qu’elle va s’accorder jusqu’à 21h, autant le faire durer un peu.
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Basil Egerton
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« Dans un voyage en absurdie que je fais lorsque je m'ennuie, j'ai imaginé sans complexe qu'un matin je changeais de sexe, que je vivais l'étrange drame d'être une femme. »
Elle eut vite fait de venir punir ton audace, d’un coup dans le tibia et d’une autre claque sur ta joue encore vierge. Tu as eu un soupir, un soupir de contentement légèrement obscène, pendant que ta peau rougie égalisait sa teinte pour s’accorder à sa jumelle. Bien sûr que tu le faisais exprès, si tu te comportais de cette façon c’était bien pour la contrariété de son visage, c’était pour la pousser hors de ses gonds, et pour le contact et la douleur retrouvés. Tu avais eu ce que tu voulais. En fait, il s’en serait fallu de peu pour que tu la remercies même d’avoir cédé à la provocation - le mot était sur le bout de tes lèvres, il s’échappa finalement devant sa concession, le renoncement aux barrières. « Merci. » Elle est irritée, pourtant elle te tolère, elle retrouve son calme aussi vite qu’elle s’est emballée. Tu t’interroges sur ce qu’elle pense et ressent, tu te demandes si elle est lasse, ou en colère, frustrée, peut-être amusée pour te décourager aussi peu. L’interprétation, c’était toujours l’obstacle le plus complexe - elle abandonne de t’imposer des distances, et tu ne sais pas, au fond, si c’est pour t’enlever le plaisir de dépasser les bornes, ou si elle a aimé cette occasion de te vandaliser les joues et t’acceptes plus près d’elle. Peut-être qu’elle a aimé te la donner, cette gifle, et peut-être voudrait-elle que tu recommences, ou peut-être que ce sont tes propres envies qui t’obscurcissent la raison. Qu’attendait-elle de toi et que voulait-elle que tu fasses ? Fallait-il que tu te tiennes droit dans tes bottes, ou que tu sois cette anomalie dans le décor, ce répugnant mystère qui l’avait poussée jusque dans ta cave par intérêt pour toi ? Le doute était une impitoyable frustration, mais tu adoptais pour compenser un comportement en demi-teinte.

Les banalités reprennent le dessus, et il faut bien dire un mot sur la façon qu’avait Kochtcheï de traiter son assiette. Tu l’avais regardée faire distraitement, tu ne te moquais ni ne la jugeais mais tu étais plutôt intriguée par sa façon de faire. Dans ton milieu, on sait manger élégamment, on ne fait pas ces espèces de piles de déchets tout autour de l’assiette - surtout, on sait quels couverts utiliser et comment. Et cette distraction à mi-chemin entre fine bouche et dissection t’occupe assez l’esprit pour que tu en négliges des sujets plus bouillants. Des sujets qui te ressemblent pourtant, quand tu parles de ton cimetière et de tes enterrements c’est avec quelque chose de machinal. Pour toi c’est un quotidien, mais pour cette fois, ta petite privilégiée parvient à te déstabiliser un peu. Tu en oublies son décorticage, et tu en oublies aussi ton lapin, lorsqu’elle te dit en fait ne pas saisir en quoi le sujet devrait être évité. C’est con, mais ça te rend joyeuse, ce qu’elle te dit. Tu es à ce point habituée à te priver du sujet à table que tu ne trouves pas quoi dire, tu aimerais en parler mais les mots ne viennent pas, et au lieu de cela, il te prend l’envie de lui dire à quel point elle est formidable. Lorsqu’elle te parle de nostalgie, tu as envie de te tendre, de réagir, de répondre : oui, oui précisément ! C’est cela, cette flopée d’émotions qui vient lorsqu’on contemple la mort, que les vivants évitent mais elle admet qu’elle ne le hait pas. Et ça te fait plaisir de te sentir comprise, au moins un peu, après avoir gardé en tête de votre dernière rencontre un échec retentissant.
Le sujet dévie, mais en fin de compte, tu te fous des alpagas, et tu te fous de ta cousine aussi, quel sujet bateau, inutile, inintéressant. Tu ignores le sujet que tu as lancé toi-même, tu fais comme s’il n’avait jamais été soulevé. « Moi non plus, je ne comprends pas pourquoi on se borne à bannir des sujets aussi passionnants sous prétexte que cela éprouve la sensibilité du premier crétin qui passe. Pourquoi parler d’un mort couperait-il l’appétit, ce n’est pas comme si quiconque connaissait mes protégés avant que je ne les mentionne de toute façon. Il ne faut pas rejeter ces choses-là, ces ressentis. Il n’y a rien de plus vrai, ce n’est pas un mal. » Ton assiette, cela faisait déjà un moment qu’elle n’existait plus, tant pis, et d’ailleurs tu avais connu mieux. C’était bien le cadet de tes soucis, c’était assez fréquent pour toi de sauter des repas de toute façon. Tu t’ajustes sur ta chaise, tu te penches sur la table, la dévisageant avec toujours plus d’intensité. Elle ne fuit pas. Elle ne fuit pas devant le sujet. « Mais toi tu... » Toi, tu comprends - ou à défaut de comprendre, tu acceptes, tu tolères, et pourtant tu as tout vu. Tout vu, même ce crime-là, ce corps inanimé que tu as bafoué de la façon la plus insoutenable, avant de le démembrer sous ses yeux en lui dévissant la tête. Elle, elle avait vu ce qu’il y avait de pire, et pourtant ? Pourtant, elle semble étonnée, presque offensée, lorsque tu supposes qu’elle ne remettra jamais le pied chez toi. Non, non elle veut revenir. Elle a tout vu, mais elle veut revenir, et elle déjeune avec toi, comme si il fallait plaisanter ensemble de l’anecdote. Tu as un rire, un sourire nerveux, tu ne sais pas comment le prendre. Ce qui servait de frein à toutes tes relations, à toutes tes amitiés, ce qui t’obligeait à mentir parce que ces choses-là n’étaient acceptées nulle part - mais vous aviez passé le cap, et l’horizon était libre.
Ça te rend nerveuse, excitée, enthousiaste. Tu lui réponds, avec honnêteté, tu as le soulagement de savoir qu’elle ne grimacera plus devant quoi que ce soit après avoir connu le pire. « J’aime savoir de qui je m’entoure. Le plus souvent, je n’ouvre un de ces dossiers que lorsque la personne est déjà dans mon cimetière ou prête à y être enterrée. Il est moins courant que je m’intéresse à quelqu’un qui respire encore. Mais toi tu m’intéresses beaucoup. Et même, de plus en plus. » Cela répondait à sa question indirectement - bien sûr que tu n’avais pas laissé ce dossier à l’abandon, même s’il faut bien avouer que celui-ci était autrement plus fourni à l’intérieur de ta caboche que sur le papier. Tu t’en souviens, de cet homme, qui t’avait plu mieux que tous les autres. Tu t’en souviens, de ta déception, quand tu as vu l’horreur, la haine, le rejet, quand il a fallu que tu regrettes et que tu aies honte, des choses qu’il t’était défendu de ressentir. Ta colère, quand tu l’as tué, parce qu’il n’avait pas passé le test. Et ce test, elle l’avait passée, et elle avait évité la mort que tu étais certaine de lui faire connaître. « Kochtcheï, c’est infâme cette façon que tu as de bouleverser mes certitudes. Je ne m’en lasserai jamais, j’en suis davantage certaine chaque seconde. » Et ton souffle qui se suspend comme une éternité, et la franchise dans ton visage sans une once de moquerie, et cette envie de taper juste et sans détour. Tu n’as pas envie de perdre ton temps en pérégrination, à cet instant la question te brûle les lèvres. « Je voudrais te demander de m'épouser. »
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