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 (rod) under the sea

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Rod & Oswald

« After the first glass of absinthe you see things as you wish they were. »
Oswald se dépêchait de préparer son appartement pour recevoir son invité. Le pas de course et les paperasses rangées grâce à une immense brassée, quelques vestiges de ses recherches pour retrouver Margot demeuraient encore. Comme par exemple ses affiches qu’il avait placardées un peu partout en ville ou bien les notes au crayon à papier qui se trouvaient au dos des restantes. Il s’était arrêté dessus, pris d’une nostalgie toxique. Il avait invité Rod à la maison pour lui offrir une soirée sympathique, et oublier ses problèmes. Alors, il ferait mieux de les ranger pour ne pas qu’il tombe dessus. Le triton avait tout raflé pour les coller dans l’unique tiroir de son bureau. Bien trop pointilleux sur l’organisation, cela ne restera pas là de toutes manières. Mais pour ce soir, c’était le lieu le plus sûr. Le petit était trop timide pour oser fouiller dans ses affaires. Cette fameuse organisation qui le poussait à tout ranger, à rentre le tout présentable, à ce que tout soit parfait pour la première impression. Jusqu’à ce qu’il se souvienne. Qu’il se souvienne de l’état aveugle de Rod et qu’en contrecoup, il se rende compte de sa stupidité. Oswald s’était assis sur sa chaise, face à ce fameux bureau et une main passa devant son visage. Quel idiot. Faire en sorte de rendre le tout propre à la vue pour un non-voyant, comme c’est cocasse. Une petite esquisse avait fleuris sur son visage brièvement. Il avait toujours autant de mal à réaliser. Sa main avait glissé pour masquer sa bouche et soutenir sa mâchoire. Non, il n’était pas dans l’erreur en y réfléchissant. Ce n’est pas parce qu’il accueillait un aveugle chez-lui qu’il devait rendre son lieu de vie imprésentable. Il devait continuer, comme si de rien était. Comme si de rien était, c’était si facile à dire. Il ne cessait de se mettre à la place de ce petit gars et de réaliser à quel point il serait malheureux aveugle. Il ne verrait que le noir, il ne pourrait plus peindre, il ne pourrait plus retranscrire ces couleurs uniques à sa façon de voir le monde. Il ne pourrait plus surveiller, et donc perdrait son travail. Il devrait apprendre une langue nouvelle à cinquante ans. Tâche pas impossible, mais longue, trop longue pour que l’envie de se passer la corde autour du cou ne le titille pas avant. Il ne pourrait pas être aveugle, cela serait pire que la mort à ses yeux et il préférerait ouvrir ses bras à la faucheuse dans ce cas. Par contre, il y avait une chose qu’il pouvait faire : l’aider. L’épauler, le soutenir, le bercer dans ses bras quand ce dernier avait besoin d’affection. Rod était comme un membre de la famille et même si Margot l’avait lâché, cela ne justifierait pas Oswald d’en faire de même. De toute façon, il s’y refuserait. Il aimait bien trop cet empoté pour le laisser tout seul. C’est ainsi, dès lors qu’il voyait un être chétif et fragile, il n’avait qu’une envie, c’était de le soutenir et de se dresser en rempart protecteur. L’empathie était trop forte chez-lui, et il pourrait faire un bon super-héros. Dommage qu’il ne soit pas adepte des collants. Oswald ne s’était pas fatigué pour ce soir. Il avait préparé des pâtes à la carbonara et un pack de bières. Bien sûr, il reste un papa et en tant que tel, il était prévoyant. Il n’était pas frillant des sodas, mais il avait acheté de l’Orangina parce que c’est la seule boisson qui l’avait inspiré sur le moment. Et puis, si ce n’est toujours pas bon, il reste de l’eau ou du café prédisposé dans la maison car indispensable au train de vie d’Oswald. Habitué à vivre seul, il n’y avait pas de grand tablé. Seulement la petite table-basse du salon qui, elle-aussi, avait été débarrassé dans le plus grand soin. Des livres entassés mis provisoirement sur son bureau, des notes, des poèmes, et même des partitions de sa propre création. Des occupations simples avec qui il ne savait pas les faire partager. Seul le cendrier avait demeuré à sa place, et il s’était allumé un petit cigare pour patienter. Attendre la sonnette, attendre l’arrivée de Rod. Bien sûr, il descendrait dès que la sonnette retentirait pour l’accueillir en bas. Chose qui n’avait pas tardé à arriver. Oswald était descendu, un pas faussement précipité. Il ne voulait pas tarder à aller chercher le gamin car, vu le quartier, il ne serait pas à l’abris de se faire dépouiller au coin de la rue. Une fois les marches de l’immeuble descendu, il avait grimacé légèrement à cause du troisième qui empestait la marijuana, mais il n’avait pas grondé pour autant. Lui-aussi, plus jeune, avait gouté à ces effluves psychédéliques. Tous le faisaient au moins une fois dans sa vie. Dommage que ça soit tous les soirs pour son voisin d’en dessous. « Bonsoir Rod. Hey, à ta gauche » Avait-il prononcé calmement pour que son invité puisse entrer sans ce manger la porte de l’immeuble. Porte qu’il tenait d’ailleurs.
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Rod & Oswald

« Je n'y vois que du feu, en quelques pas seulement je peux me perdre au loin - si loin dans ma rue. »
L’obscurité. Elle avait tout pris, tout emporté : le monde, l’avenir, l’envie, l’espoir. L’univers ne dépassait plus un mètre autour de toi. Comme dans un jeu d’enfant, comme un immense vertige, le seul fait de tendre le bras dans l’inconnu, c’était se livrer au hasard d’un horrible supplice. C’était risquer de se le faire mordre, trancher, arracher, brôyer, par tout ce que ton esprit paranoïaque était en mesure d’envisager - des scies tranchantes, des portes qui se ferment subitement, jusqu’aux mâchoires d’un monstre. Qui sait quels dangers rodaient dans le noir, à présent que tu ne voyais plus. Tu avais passé tant de temps replié sur toi-même, à craindre ce vide, ce silence, à craindre de faire le moindre geste. Mais il avait fallu que tu cèdes, pourtant. L’éternité, c’était long, surtout seul avec le ventre vide. Alors lentement, longuement, tu avais découvert ce monde. Une seule pièce d’abord, et tu t’étais cogné à tant de reprises, tu t’étais fait couiner et pleurer, mais seul - il fallait apprendre, apprendre à y faire seul.
Pourtant tu n’étais pas seul. Heureusement, sans quoi tu serais mort depuis longtemps. Le monde s’était précipité autour de toi sans te laisser le temps de reprendre ton souffle. Ce fut Yelena d’abord - tu avais rouvert les yeux entre ses bras, une magicienne à l’image de ton bourreau mais bénéfique cette fois, comme pour équilibrer la balance. Quarante-huit heures, c’est approximativement le temps qu’il s’était écoulé entre ta première fuite et la seconde, quarante-huit heures aux bons soins et sous l’oeil envahissant de trois individus dont tu ne savais rien. Ethan, Illarion, Yelena, autant de noms pour une reconnaissance éternelle. Dagda recroisant ton chemin fut la goutte de trop, mais ton périple ne s’était pas arrêté là. Ton état critique, ta cécité nouvelle te portèrent naturellement à l’hôpital, où tu fus encore ballotté à l’aveuglette, jusqu’à atterrir entre les mains de psychologues, de spécialistes, qui te voyaient te braquer davantage à mesure qu’ils insistaient. L’angoisse de ne pas voir mais de sentir l’oppression de multiples présences focalisées sur ta personne - un souvenir atroce, et Mortimer fut ton sauveur.
Mortimer. Rien ne justifiait que tu lui fasses plus confiance qu’à un autre, tu ignorais tout de lui jusqu’à son nom et son visage. Il t’avait tiré au calme, il t’avait entraîné à l’écart, il avait calmé ta crise d’angoisse. Il t’évoquait de belles choses plutôt que de te demander de narrer l’atrocité dont tu étais victime. Ton sauveur - celui par lequel tu pus renouer rapidement avec quelques contacts, et c’était te rendre la vie dans la solitude et la détresse où tu étais plongé. Il s’engageait à te porter secours, à t’aider à les retrouver tous, à t’héberger car tu n’avais plus rien. Et de tous les noms que tu lui aies mentionné, Oswald fut le premier qu’il reconnut de ses propres contacts, dont il put aussitôt retrouver le numéro. Toi qui avais perdu tous tes repères, qui errais dans la mélasse de l’inconnu depuis ce jour funeste - soudain, l’air pénétrait de nouveau tes poumons. Et pour la première fois de ta vie, tu n’hésitas pas une seconde à lancer un appel de ton propre chef.
Oswald. Tu t’étais effondré au téléphone, te raccrochant à cette voix comme à celle d’un père que tu n’avais jamais eu, comme le dernier vestige d’un monde où tu voyais encore. Tu étais encore sous le choc, mais cet appel fut pour toi un déclic, une première libération, un poids qui s’envolait enfin, après les trois jours les plus horribles de ton existence. Tu n’avais rien pu lui dire bien sûr, jamais tu n’aurais osé raconter les faits tels quels - seulement, au travers de tes sanglots et de ta crise de larmes, que tu étais aveugle, soudain, et qu’il n’y avait plus rien à faire. Il avait dû être surpris, la première fois qu’il t’avait revu - en tombant sur cette moitié de visage bandé enserrant un épais coton. Comme il dut être horrifié, en apprenant que l’oeil au-dessous lui te manquait, mais tu t’obstinais bien sûr à ne pas lui raconter. Indéniablement, cet épisode de ta vie t’avait rapproché de lui, et il fallut que tu le vois plus fréquemment, comme une thérapie contre ta dépression.

Cela prit pourtant du temps. Tu avais peu à peu quitté la chambre, puis le huis-clos de la demeure de Mortimer. Pas seul bien sûr, surtout pas les premières fois. Il y avait eu Yukon, qui n’avait pas connu le repos avant de recroiser ton chemin, fou d’inquiétude, fou de douleur. Il y avait eu Bert Puppins, ce chien d’aveugle qu’il s’était fait un plaisir de t’offrir à la première occasion, et que tu n’avais pas eu le coeur de refuser. Il y avait eu Emily, cette oracle aveugle avec laquelle tu avais pris contact des suites de l’un de tes passages à l’hôpital, et de tes retrouvailles avec un ancien tortionnaire de lycée. Tout ce petit monde qui, pas à pas, grignotait ton angoisse d’un monde invisible et sans limite. Tu n’allais jamais bien loin, ou bien tu étais accompagné, et Mortimer te faisait parfois conduire lorsque tu n’avais pas le courage de refuser une invitation. C’était toujours un enfer et une galère de tous les instants que de déambuler dans ce monde sans image, mais tu avais commencé, peut-être au moins un tout petit peu, à t’y faire.
Dragon Alley. Cela faisait bizarre de s’y rendre à nouveau, après huit ans passés à s’y laisser dépérir, à redouter les mauvaises rencontres à tous les coins de rue. Cela faisait trop peu de temps que tu en étais parti - la peur grondait toujours dans tes tripes, et tu savais que quelque part dans l’obscurité, il y avait encore une adresse où tes vieilles affaires se laissaient pourrir. Depuis que le monstre à tes trousses en connaissait l’emplacement, tu n’osais plus y reposer le pied, encore moins seul, encore moins sans ta vue. Mais d’avoir laissé tout ceci en plan, quelque part, te reliait encore à ces rues comme si tu ne les avais jamais quittées. Tu étais encore le taré, la victime, l’homosexuel des bas quartiers - l’ombre de toi-même, mais aveugle en supplément.

Te voilà rendu au pied de l’immeuble, Bert patientant sagement au bout de la laisse serrée dans ta main. Celle-ci vient toucher le mur, le crépi irrite ta paume, mais tu tâtonnes - tu tâtonnes jusqu’aux sonnettes, et tu comptes. Tu comptes jusqu’à atteindre celle de Oswald, l’angoisse aux tripes à l’idée de t’être trompé pour celle du troisième. Et tu attends là. Tu attends, le teint trop pâle, le front humide, le vide dans ton dos pèse et tu colles ta main au crépi pour le sentir à nouveau comme pour te rattraper au monde physique dans ce néant de vibrations que tu gères encore trop peu. Le temps a pansé quelques unes de tes plaies, mais de quoi as-tu l’air - toujours cireux, trop rachitique. Lorsque ta peau n’est pas blanche, c’est qu’elle porte la marque des cicatrices de tes brûlures soignées tant bien que mal, ou des ecchymoses de tout ce que tu percutes sur ton chemin au fil des jours. Tu es une fresque, une fresque de douleur, de malheur, de maladresse et de malchance. Et ton visage à moitié coincé dans ce bandeau qui gratte, mais que tu te refuses à gratter pour la seule bonne raison que le moindre contact ne fait que te rappeler douloureusement ce qu’il en est : un trou béant, un trou que tu es ravi au moins de ne pas voir, un trou sans oeil et sans larme honteusement caché sous ses compresses. Il fallait être si cruel pour ôter un oeil à un nouvel aveugle - il y avait quelque chose d’infiniment rabaissant et humiliant dans ce geste. Mais, enfin, il valait mieux l’oeil que la vie - le choix était fait.
Les pas, l’ouverture de la porte, le frisson d’angoisse - et cette voix familière, qui t’arrache un sourire étiré jusqu’aux oreilles, aussi douloureux que ce soit pour ton visage rapiécé. « Bonsoir m’sieur O’Neill.. » Tu pourrais l’appeler Oswald et le tutoyer depuis le temps, mais la leçon ne rentrait décidément pas. Tu te détaches du crépi, glissant ta main à nouveau vers les sonnettes, brassant l’air timidement jusqu’à percuter une présence humaine du bout des doigts. Un bref sursaut, et tu te ravises, mais ton sourire est le même. Tu es heureux d’être ici, c’est idiot à dire - tu te sens seul si souvent, et Oswald est un remède précieux. « Content de vous voir. » Tu grimaces, échappant comme un petit rire devant cette blague piteuse qui te déchire tout seul. Tu as commencé à changer, Rod, tout de même. Comme si d’avoir frôlé la mort si nettement t’avait rendu un peu de vie et de courage, comme si la force de ta peine, de ta détresse, avait su grignoter suffisamment de ta dépression pour te donner envie de te lever, de marcher, d’essayer au moins un peu, quand tout s’y opposait. L’espoir, tu ne l’avais plus, mais mourir, tu ne pouvais pas. Alors, pour ne pas être seul dans le noir, au moins un peu - essayer.
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Rod & Oswald

« After the first glass of absinthe you see things as you wish they were. »
Il y avait des faits qui le dépassait et dont il ne saurait les retranscrire dans une fresque coloré. Lui qui avait l’œil contrasté du peintre impressionniste, il ne pouvait rien faire face à un tableau aussi sombre. Oswald l’entendait encore, cette voix en sanglots, à l’autre bout du combiné. Il entendait encore ses larmes comme si elles perlaient contre sa chemise tandis qu’il réalisait une étreinte pour le consoler. Le triton n’avait pas la vengeance dans la peau. C’est une notion abstraite qui lui était totalement étrangère. Mais voir ses protégés être affublés ainsi de sorts aussi honteux les uns et que les autres –et dont le hasard a décidé qu’ils auraient un bourreau commun, cette vision horrifique lui donnait presque envie d’abandonner sa douce fourrure blanche pour y gouter et y voir plus clair. Si seulement il savait. Si seulement il se doutait que le professeur respecté était à l’origine du malheur de ses enfants. Rod n’était pas son fils de chair et de sang –du moins l’espérait-il, sinon cela ferait encore mal à son compte en banque, mais il était tout comme. Un gamin en perdition dont sa fibre patriarche était touchée encore une fois. Oz ne comptait pas le faire parler de cet incident. De cette nuit qui lui avait retiré autant sa vue que l’uniformité de son visage. Il laissait libre choix à son invité de vouloir l’évoquer ou bien tirer un trait dessus. Si Rod souhaitait vider son sac, Oswald l’écoutera sans aucuns problèmes, mais il ne voulait pas le forcer. Il voulait que cela vienne de lui. Les marches étaient longues, surtout en pantoufle puisqu’elles marchaient plus vite que ses propres pas pour finir échouées au pied des marches. Maudites pantoufles, il aurait mieux fait de descendre pieds nus et les mains dans les poches. Il aurait perdu moins de temps, pour commencer, et il n’aurait pas risqué qu’un voisin apparaisse inopinément pour se moquer de lui. Fort heureusement, rien de tout ceci ne s’était produit et il avait pu atteindre le rez-de-chaussée assez vite. Bien sûr, si l’ascenseur n’était pas en panne, il serait arrivé encore plus vite, mais bon. Le quartier n’était pas très sûr et Oz comprenait que le propriétaire ne tenait pas à dépenser des milles et des cents en réparation sous risque que l’ascenseur soit vandalisé le lendemain. Parfois, il y avait des téméraires qui s’aventuraient dans cette ascenseur. Téméraire car, le plus souvent, il restait coincé à l’intérieur et il n’avait plus qu’à combler le temps d’attente comme il pouvait. Une fois, Oswald avait même surpris le propriétaire parlé avec le maire pour faire état d’une anecdote amusante. Des junkies qui avaient prévu tout ce qu’il fallait au cas où le fameux ascenseur tomberait en panne, et ils les avaient retrouvés en train d’enfumer la cabine en jouant au Strip Poker. Quand il y repense, cette anecdote l’amuse toujours autant, surtout face à l’incongruité de la mise en scène. Elle ne t’avait pas choqué, pas au sens horrifique du terme en tout cas. Parce que les criminels, c’est comme tous. Cela reste des êtres humains avant tout et dès lors qu’on touche le point sensible avec les mots, on avait toutes leurs attentions. C’est pour ça que le triton n’avait pas peur de vivre dans ce quartier. Parce qu’il avait un don pour attirer la sympathie, même chez les dealers et autres trafiquants. Enfin cela dit, cela n’allait pas aider Rod à trouver son chemin jusqu’à son appartement. Oswald avait une façon assez délicate de venir à sa rencontre. Délicate, mais gêné car il avait peur de lui faire du mal et lui en rajouter plus qu’il n’en avait subi. Ce n’était pas un violent, certes, mais il était bien capable de se mettre les responsabilités sur le dos en cas de chute de Rod. Malgré l’embarras, malgré le malaise et la gêne, Oz souriait. Il souriait avec sincérité et naturel. Il était un peu agacé que le petit continue de le vouvoyer, mais il avait fini par s’y faire. « Quand est-ce que tu vas me tutoyer et m’appeler par mon prénom… » Souffla-t-il avec toujours autant de résignation. Il n’était pas suffisamment ambitieux pour vouloir lui imposer et ce n’était certainement pas le meilleur moment pour le brusquer. Son regard s’était détourné sur le chien à qui Oz fit une brève caresse en guise de bonjour. Les animaux aussi avaient le droit aux politesses. Puis un sursaut, un bref contact surprenant qui avait réveillé ses réflexes et son alerte. Les mains en avant, il y avait eu plus de peur que de mal puisque c’est son propre corps qui avait fait barrage. Oswald pensait à une chute, la maladresse naturelle de Rod aurait pu sans grand mal l’expliquer, mais ça n’avait été qu’un faux-pas. « Content de te voir aussi. J’étais passé à l’hôpital pour te rendre visite, mais tu avais déjà mis les voiles. Ça va aller pour monter au quatrième ? L’ascenseur est toujours en panne ». Une politesse et une remarque plus ou moins inutile pour la ponctuer. Cela n’allait pas étonner Rod. Après tout, à chaque fois qu’il venait, ledit ascenseur était toujours en panne. Oz avait pris la relève quant à la fonction du chien pour guider Rod jusqu’au escalier. Il se demandait s’il avait le droit aux animaux d’ailleurs dans son immeuble. Sans doute, il y avait bien un chat qui se promenait de temps en temps dans les couloirs. Et puis, si ce n’est pas le cas, le propriétaire pouvait comprendre que ce chien était nécessaire pour les déplacements de son invité. « Attention, c’est le début des marches ». Le triton pourrait le porter, mais il ne voulait pas prendre le risque de secouer un jeune aveugle tout fraichement sortie des soins intensifs. Quand même, où était-il allé se fourrer pour ressortir dans cet état. C’était au-delà d’une simple bagarre de rue, il fallait être compléter fou ou cruel pour arracher un œil et immoler quelqu’un. Un aveugle qui plus est, qui ne peut pas se défendre et voir d’où vient l’attaque. Une petite colère naissait dans ses tripes, étouffée par les multiples questions qui lui traversaient l’esprit. « Je t’ai fait des carbonara, j’espère que ça va t’aller ». Et surtout qu’il n’en mette pas partout. Quoi que, ça pourrait être amusant de le voir chercher les pattes et la crème pour l’enfourner dans sa bouche. Sauf s’il se blesse d’avantage à coup de fourchette. Oz sait qu’il en était bien capable encore en plus. Il avait dit que la descente avait été longue ? Ce n’était rien à côté de la monter, mais c’était pour la bonne cause. Oswald ne voulait pas que Rod tombe et il prenait tout le temps nécessaire pour lui laisser le temps de trouver les marches. « On y est, c’est la dernière » fit-il pour annoncer la fin et ainsi, qu’il ne se vautre pas à l’arriver. Cela serait dommage, après avoir gravi quatre étages sans trop de problème majeur.
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Rod & Oswald

« Je n'y vois que du feu, en quelques pas seulement je peux me perdre au loin - si loin dans ma rue. »
Le silence. Des pas maladroits amortis par des chaussons mous. Une voix douce. Si cette présence humaine soudaine à tes côtés te laissait toujours un certain malaise le temps que tu t’y fasses, on ne pouvait nier que Oswald était de loin une des compagnies les plus agréables sur lesquelles tu pouvais compter. Déjà car il était un homme, et contradictoirement, alors que la plupart de tes tortionnaires en étaient aussi, tu préférais cette présence à celle des femmes qui te mettaient facilement mal à l’aise - un petit souvenir de ta charmante mère à l’évidence, que la fille O’Neill avait malgré elle dû perpétuer. Mais aussi car il était âgé, car il était père, et car il émanait une telle aura de confort et de gentillesse que tu ne pouvais que lui accorder toute ta confiance. Après tout, si le monde devait se diviser entre victimes et bourreaux, lui était indéniablement de ton côté, et s’il avait fallu que tu te choisisses un modèle… Oui, tu aurais probablement choisi celui-là. Tu aurais aimé être capable d’apporter ce même réconfort, d’encaisser la vie avec autant de résignation et de douceur, mais tu étais tout bonnement incapable d’aider qui que ce soit, et de toute façon, il n’y avait pas grand monde à Bray qui soit plus malchanceux que toi.
Mais à défaut de lui ressembler, quel plaisir que de passer un moment avec Oswald. Quel plaisir de sentir cette éternelle mélancolie, et le sourire que traduisait sa voix, ce calme, l’absence totale de colère, de haine, ou de quoi que ce soit de négatif. Sa tristesse était pareille à la tienne, et outre cela, il était seulement infiniment bon. Tu ne le méritais pas, d’une certaine manière, mais tu avais au moins, humour douteux mis à part, une confiance aveugle en ses bons soins. C’était peut-être ce sentiment de ne pas le mériter, qui t’empêchait de l’appeler Oswald. Cette immaturité que tu portes, qui te fait te sentir encore adolescent au fond de toi, malgré l’approche de la trentaine. Cela, et le fait bien sûr qu’étant le père de ton amie d’enfance, tu ne pouvais te résoudre à cette familiarité, même si ce qui vous liait avait déjà dépassé ce stade. Vous partagiez un deuil - mais plus que ça. Tu lui offres un sourire d’excuse lorsqu’il te le reproche, tu baisses un peu la tête. « Pardon m’sieur Oswald. » Il ne faudra sans doute pas plus que quelques minutes pour que le naturel te revienne au galop, mais c’était sans importance, il t’avait déjà pardonné de toute façon. Il était comme toi, Oswald, au fond. C’était peut-être de lui que tu tenais cela, ou peut-être aviez-vous des expériences de vie semblables à l’origine cette absurde propension à tout pardonner.

Ta main l’avait percuté malencontreusement, mais c’était ton intention, même si elle apparaissait comme une maladresse. Tu avais besoin de savoir où il se trouvait exactement, tu avais encore du mal à jauger les distances sans les voir. Tu ne t’étais pas attendu à l’inquiéter, et cela te rendit un peu confus, mais la détente dans tes traits tâchait au mieux de le rassurer. Tu acquiesces lorsqu’il te demande si tu te sens capable de monter au quatrième - même si c’est un soupir de désespoir qui s’y enjoint. Voilà qui allait t’épuiser, non pas physiquement mais mentalement, tu le savais. Tu allais devoir te concentrer sur chaque pas, la moindre erreur pouvant entraîner une chute dramatique. Mais bon, tu t’y étais attendu - puisque l’ascenseur était toujours en panne. « Hm-hm, ça ira. Désolé, j’aurais dû vous prévenir. Je suis parti dès que j’ai pu, je suis allé chez Mortimer. » Absurde. C’était tellement aburde. Tu te laissais emmener chez un inconnu, un homme que tu connaissais à peine, tu lui accordais ta confiance pour le simple fait qu’il t’avait laissé le numéro de téléphone d’un de tes amis en gage de sincérité - tu n’avais même jamais eu la confirmation de Oswald quant à sa relation avec lui. Si ça se trouve, il ne le connaissait pas plus que toi! Des enfants de huit ou neuf ans sont plus sensés et prudents que toi, mais tu es immature, tu ne te rends pas compte des choses. Ce n’était pas étonnant alors que tu sois à ce point victimisé par la vie. Ce ne serait pas étonnant que tu finisses comme Margot un jour. D’ailleurs… D’ailleurs n’était-ce pas justement un peu ce qui t’arrivait ? Mais cela, bien sûr, on l’ignorait encore.

L’ascension. Elle commence à peine, et tu te tiens à ton nouveau guide pour être certain de ne pas tomber - tu as relâché Bert pour ne pas te laisser entraîner dans son mouvement, mais il te suit à la trace. Un pas après l’autre, et tu tatônnes du bout du pied jusqu’à percuter doucement la première marche. Tu la franchis, puis c’est la seconde. De là, la chose devient plus simple, le mouvement plus mécanique - mais chaque palier te fait répéter l’opération depuis le début. Tout ton esprit est focalisé sur tes pieds, sur les marches, et sur le contact avec Oswald que tu raffermis régulièrement pour te rassurer. Malgré toi, ton visage s’est fermé, presque grimaçant, tes gestes t’occupent trop pour que tu te soucies de ton expression faciale. Tout ceci ne serait pas si éprouvant si tu n’étais pas par nature le type le plus maladroit du monde. Depuis que ta vue avait commencé à baisser - ou peut-être depuis toujours, tu n’avais pas passé une journée sans t’empêtrer dans tes propres jambes. Tu manques d’ailleurs de trébucher lorsque le triton reprend la parole, déstabilisé dans ton silence. Tu te raccroches à lui de justesse, avec une excuse tout juste soufflée. Que t’a-t-il dit ? Ses mots te reviennent en écho avec un bref retard, et tu relèves la tête vers lui, comme pour le regarder, mais bien sûr, tu ne peux plus. Comprenant finalement le sens de ses paroles, à savoir ce que tu aurais le plaisir de dîner avec lui, tu étires un sourire un peu joyeux. « Ah… Ah oui ? Ça me fait plaisir! » Ce n’est pas de la grande cuisine tu me diras, mais tu n’y as jamais vraiment eu droit - tu n’avais jamais fait l’effort d’apprendre à cuisiner et ta mère avait toujours détesté le faire. Si bien que la perspective d’un plat maison, pour te changer de la junk food, des conserves, des surgelés, et des bouillies répugnantes d’hôpital, ne pouvait que te rendre euphorique.
Tu avais repris la montée sans parler, trop concentré sur tes pas pour ajouter quoi que ce soit. Quand finalement la dernière marche fut franchie, tu ne pus retenir un lourd soupir de soulagement, mais tu n’en avais pas encore fini avec ton épreuve. Tu laissas Oswald te guider encore jusqu’à la porte de son appartement, patientant tranquillement jusqu’à pouvoir y entrer. Sitôt que ce fut le cas, que la porte se referma derrière toi, que le monde de la rue fut définitivement loin de tes préoccupations, tu parus aussitôt plus apaisé, moins soucieux. Il faut le dire, tu évoluais dans une paranoïa presque inconsciente de tous les dangers qui pouvaient surgir dans ton dos, et tu avais suffisamment pâti de ta vie dans le quartier pour avoir des raisons de redouter les mauvaises rencontres. Cet appartement était un véritable refuge, même si, tu t’en excusais d’avance, tu allais probablement le laisser en désordre, faute à ta cécité et à ton incommensurable maladresse. « J’ai cru qu’on en verrait jamais le bout! Bert ? » Tu as relâché le bras de ton vieil ami, tâtonnant l’air à la recherche de ton chien qui vint sagement se glisser sous tes doigts. « Vous… Enfin, vous pourriez lui mettre un peu d’eau ? » Tu avais hésité, comme à ton habitude, avant de formuler ta demande, et tu avais fini par l’exprimer avec cette timidité presque toujours mêlée de honte. Tu avais soif aussi, mais bien entendu, tu ne demanderais rien par toi-même. Il n’y a bien que pour ton compagnon canin que tu te sentais de faire cet effort surhumain.
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Rod & Oswald

« After the first glass of absinthe you see things as you wish they were. »
Tant de marches descendues, et autant à gravir. Oswald n’était pourtant pas du genre à se plaindre. Il pourrait pester contre cet ascenseur qui, pour du coup, aurait été utile ne serait-ce que pour l’accueil d’un handicapé dans l’immeuble afin de lui faciliter l’accès à l’étage. Il pourrait aller voir le propriétaire et lui dire ce qu’il en pensait de sa gestion de l’immeuble. Il pourrait se montrer révolutionnaire pour le confort des autres, il pourrait chercher à hausser le ton pour que les conditions de vie dans cet immeuble s’améliorent. Mais cela serait tellement décaler par rapport au personnage qu’était Oswald O’Neill. Le triton était bien trop conciliant à l’égard des autres, bien trop tendre pour avoir envie d’allumer un braisier de haines et de reproches. D’autant plus qu’il était totalement conscient de ne pas vivre dans le plus calme des quartiers. Si Dragon Alley était connu, il devait uniquement sa notoriété au taux élevé de voyou trouvant refuge ici. Des voyous, il n’y avait pas d’autres noms pour les décrire. Il ne voyait pas le monde blanc ou noir, avec ses anges et ses démons. Il voyait les contrastes dans chacun des personnages. Car c’est bien connu que l’ombre et la lumière absolue n’existent que dans les fabulations et les récits. Dans la vraie vie, il y avait les faits, l’équilibre et les causes. De nombreux facteurs qui décidaient des actions de chacun, bonnes ou mauvaises, et qui réglaient le contraste d’une personne. Pour Rod, il voyait un bleu terne, tout comme le sien. Le bleu de la tranquillité, mais aussi du froid et de la détresse. C’est ce qui rendait Oz aussi concilient et aussi patient à son égard. Il n’a jamais été une personne très exigeante. Bien sûr, comme tout père, il y a eu des fois où sa voix grondante s’était élevée dans les airs. Mais ce n’était que pour éduquer ses enfants, leurs rappeler les règles et les bases fondamentales du respect mutuel et ainsi, les orienter vers la bonne voie à suivre. Et puis, il s’en veut dès qu’il ose, ne le montrant pas à ses progénitures pour ne pas être décrédibiliser face à eux et qu’il voit leurs modèles craquer sous le poids des remords. Pour ne pas que ses propos passent pour du vent, des paroles en l’air guidées uniquement par la colère. Il attendait Rod et son chien, attendant qu’ils aient atteins leur sommet pour demander au petit de lui présenter son nouvel ami. Il n’y avait que la première marche et les paliers qui étaient délicats mais sinon, la mécanique naturelle du corps humains et les structures géométriques pensées pour elle faisait le reste. Pour le laisser dans sa concentration, Oswald n’avait rien répondu de suite. Il reprendra la conversation plus tard, quand ils auront cessé de gravir ces marches. De temps en temps, c’était le triton qui ralentissait Rod parce que sa pantoufle avait décidé de se faire la malle avant lui. Il s’arrêtait brièvement pour la rattraper, sa main gauche faisant offices de cannes tandis que la droite se tenait à la rambarde. Une fois arrivé au bout, c’était plus fort que lui. Il avait poussé un soupir de soulagement en s’étirant le dos tout en reprenant la conversation et en ouvrant l’avant-dernière porte avant son chez-lui. Celle séparant le couloir de la cage d’escalier. « A qui le dis-tu ! » s’exclama-t-il en riant un peu, avant que le toux lui rappelle que non seulement il était fumeur, mais en plus il avait fait un effort digne d’un athlète de haut-niveau. « Cela dit, je peux comprendre que le propriétaire ne veut pas réparer l’ascenseur. En jour de fête, c’est 14-18 ici, alors ça n’encourage pas à avoir du matériel neuf si c’est pour que ça soit cassé le lendemain. Après toi » fit-il en attendant que Rod et Berth –d’après sa façon de l’appeler- passe pour se glisser à son tour dans le couloir et laisser la porte se refermer derrière lui. Son appartement était l’une des premières portes, aussi, il n’avait pas tardé à la déverrouiller pour que tout le petit monde entre. Enfin chez-lui, enfin chez eux dans leur petit cocon. « Oui bien sûr. Euh attend, dans quoi j’vais lui mettre ça … ». Oswald gardait un œil sur Rod pour ne pas qu’il se cogne au meuble –bien qu’à tous les coups, cela va être inévitable- tandis qu’il cherchait un récipient qui ferait office de gamelle. Il se grattait l’arrière du crâne. Un bol serait trop petit et trop fragile, une bassine trop grande, un cendrier trop sale… Finalement, il avait opté pour mettre de l’eau au chien dans une vieille boite à gâteau en ferraille, disposant l’eau juste à côté de la porte d’entrée. Là où il était sûr que Rod ne se prenne pas les pieds dedans. « Qui est ce Mortimer dont tu m’as parlé tout à l’heure au faites ? » demanda-t-il à voix haute pour être sûr que son invité l’entende. Tant qu’il était dans la cuisine, il avait sortis deux assiettes ainsi que deux sets de couverts pour revenir dans le salon et les mettre sur la table-basse face à la télé. « Assis-toi, on mangera dans le canapé. Je n’ai pas de … ». Oswald fut coupé, plongé dans ses songes. Il n’avait pas de table. Pourquoi me direz-vous ? Avec une famille aussi nombreuse, la moindre des choses, c’est d’avoir une table suffisamment grande pour les accueillir tous ? Parce qu’il n’en avait pas l’utilité. Parce que ses enfants ne pouvaient ou ne voulaient pas les voir, tout comme ses ex. Un moment de chagrin, un moment de remords. Puis il s’était ressaisi comme il pouvait, il faisait mine de rien. Ce n’était le meilleur instant pour penser à de telles choses. « Je n’ai pas de table hormis la petite. C’est plus pratique pour regarder la télé en même temps de manger ». Un sourire triste, et ses mains se posèrent sur les épaules de Rod pour le guider. « Et si tu me présentais ton nouveau compagnon pendant que je te sers. Tu veux boire quoi ? J’ai de la bière, de l’Oasis… De l’eau ». Le choix par défaut en dernier, ça serait idiot de proposer ça en premier. Il attendait la réponse avant de se remettre à l’œuvre et dresser la table pour qu’ils soient tous les deux installés et posés.
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« Je n'y vois que du feu, en quelques pas seulement je peux me perdre au loin - si loin dans ma rue. »
Après l’effort, le réconfort. On aurait difficilement pu entacher ta joie d’être enfin parvenu au sommet, sauf peut-être par une toux intempestive qui te valut une mine contrariée à l’égard de Oswald. Tu es resté immobile le temps qu’il se reprenne, te retenant de lui demander si ça allait - c’est que tu aurais été probablement incapable de l’aider dans le cas contraire, quel malheur ce pouvait être d’être un handicapé. Mais cela passa vite, et tu te rattrapas d’un sourire lorsqu’il se mit à te raconter la zizanie qui devait occuper l’immeuble en temps de fête, et qui valait selon ses dires une destruction du matériel. Il pouvait bien y mettre tout l’amusement qu’il voulait au fond de sa voix, tu aurais donné beaucoup pour ne pas te retrouver là un jour pareil. Tu étais entré te réfugier à l’intérieur sans tarder, et tu profitas que ton hôte s’affaire à trouver un récipient pour abreuver Puppins pour lui demander avec franchise : « Ça vous dérange pas d’avoir des voisins violents ? ». Tout de même, pour casser un ascenseur, à ton sens il ne fallait pas y aller de main morte. Mais Oswald avait l’air d’accepter bien mieux que toi de côtoyer ce genre de profils. Peut-être parce qu’il était trop gentil pour leur en vouloir - mais toi, ça te faisait peur. Tu t’es accroupi auprès de ton chien, tâtonnant sa fourrure jusqu’à trouver de quel côté était la tête, et tu l’as caressée doucement en attendant que ton hôte te donne quelque chose à faire, une directive ou qu’importe. Tu l’entends s’affairer dans des bruits de vaisselle, et tu devines alors sans trop de mal qu’il s’est éloigné en cuisine.
Il te demande alors qui est Mortimer - ce qui t’étonne beaucoup, puisqu’enfin, cet homme avait le numéro de téléphone du triton et le connaissait assez bien pour pouvoir t’orienter vers lui en quelques minutes à peine, il fallut bien qu’ils soient proches. En fait, tu en avais même déduit qu’ils étaient amis, et c’était un peu le socle de la confiance que tu lui accordais. Alors qu’il sous-entende largement ne pas le connaître t’a déstabilisé beaucoup, et a fait naître dans ton ventre une petite boule d’angoisse, mais pas de conclusion hâtive. Après tout, Mortimer t’avait beaucoup aidé jusque là, sans jamais rien demander en retour, ce ne pouvait pas être quelqu’un de méchant. Tant pis si tu t’étais trompé. « C’est pas un ami à vous ? » Tu lui répondais à distance, malgré ta propension à difficilement hausser la voix, en espérant qu’il te comprenne, ou revienne à temps vers toi. « Je l’ai rencontré à l’hôpital, c’est lui qui m’a donné votre numéro, qui a bien voulu le composer pour moi, pour que je puisse vous parler quand… Enfin, quand j’en ai eu besoin... » Ce n’était pas forcément un souvenir tout à fait agréable à évoquer, et il te colora les joues d’une certaine honte. La honte de t’être raccroché à ce pauvre homme qui n’avait rien demandé pour lui déverser tous tes sanglots au visage. Tu mourrais d’envie de lui en demander pardon, mais c’était Oswald, il était bien trop gentil pour te laisser culpabiliser. Alors tu as préféré le garder pour toi - mais tu sais, tu aurais pu te contenter d’un merci. Ce devait être la dépression, au fond, qui t’orientait vers les excuses plutôt que vers les remerciements, ou bien l’habitude, depuis des années que tu fonctionnais ainsi.

Tu te relèves finalement, et lorsqu’il te dit de t’installer, tu t’aventures audacieusement en direction du tintement des couverts qu’il vient de poser. Si lui se perd en pleine réflexion à cet instant, toi tu n’y prêtes aucune attention, et avances lentement par des pas minuscules, laissant ton chien se désaltérer. Tu redoutes de heurter malencontreusement quelque chose, pire encore de le renverser, aussi tu erres, mains en avant comme un mauvais zombie de film low cost. Cela jusqu’à ce que les mains d’Oswald se posent soudainement sur tes épaules, t’arrachant un couinement des plus ridicules. Tu t’excuses aussitôt, ce qui ne t’empêche pas de rester tendu un moment, mais tu le laisses te guider, conscient que c’est un mal nécessaire. Le contact humain ne t’est toujours pas facile, c’est même relativement pire depuis l’épisode Rashlan, mais ta cécité t’a contraint à l’accepter davantage. Tu as moins de mal à te tenir à quelqu’un - mais être touché reste passablement délicat, et ce sont les coups qui te reviennent en premier, si bien que tu as la fâcheuse tendance à vouloir te protéger d’une canne qui pourtant ne s’abattra pas. Mais tu te reprends pour ne pas l’inquiéter, tu souris même, tandis que tes mains se posent finalement sur le dossier du canapé, te permettant d’en faire plus facilement le tour. « C’est pas grave, j’aime bien manger sur le canapé - c’est plus confortable. » Plus chaleureux surtout, rien ne te met plus mal à l’aise qu’un silence pesant autour d’une table - surtout à présent que tu ne peux plus voir qui se situe en face, et que tu crains d’être jugé sur ta maladresse à manger. Tu ne pouvais honnêtement dire que tu étais content de pouvoir regarder la télé, mais le fond sonore te mettrait à l’aise, c’était indéniable.
Tu t’es assis finalement, avec un soupir de soulagement en sentant le contact du canapé dans ton dos. Si auparavant tu t’embarrassais au point de ne pas oser t’y affaler, et que tu te cassais préférablement le dos en avant pour y prendre le moins de place possible, à présent tu ne pouvais te passer de cette matérialité rassurante, qui te permettait entre autre d’apaiser ta paranoïa, ta peur de ce qui pouvait rôder dans ton dos et te surprendre. Il te propose à boire, tu hésites un court instant, puis tu optes avec un peu de timidité, comme chaque fois que tu demandes indirectement un service à quelqu’un. « Une bière, je veux bien. Merci. » Tu attends un bref instant, que le bruit de lapement à quelques pas derrière ait cessé. « Bert ? » Il ne tarde pas à te rejoindre et à se glisser sans précipitation sous ta main tendue, et l’évolution sur ton visage est flagrante, tu te sens si lourdement apaisé - à présent que tu es aveugle, tu ne pourrais plus t’imaginer vivre sans. « Il s’appelle Bert Puppins, c’est Yukon qui me l’a offert quand il a su pour mes yeux. Yukon Wright. Le frère d’Utah et d’Alaska. Je sais pas si tu les connais - leur famille a un bateau à voile dans le port. Yukon adore les chiens, il en a des tas chez lui, il les recueille, et il me laisse leur rendre visite parfois. » En vérité, “tout le temps” serait plus juste - il n’y avait pas une minute de son temps où tu n’étais pas le bienvenu dans ses pattes. Si tu ne trempais pas dans un pessimisme ambiant dénué de confiance en toi, tu aurais peut-être finalement compris qu’il se serait collé à genoux pour que tu n’en repartes pas - mais tu étais trop bête et trop naïf pour comprendre son réel attachement. Au lieu de ça, tu te faisais silencieusement le reproche de l’avoir beaucoup trop inquiété, et tu te remémorais sa réaction lorsqu’il t’avait revu pour la première fois après “l’accident”. Horrible à vivre, c'était comme s’il en souffrait plus que toi. Le pauvre avait probablement essayé de t’exprimer son amour inconditionnel au même moment, mais tu devais être décidément trop stupide pour comprendre, ou peut-être sous le choc encore de cette épreuve qui t’avait marqué autant physiquement que mentalement.
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« After the first glass of absinthe you see things as you wish they were. »
Oswald avait simplement fais quelque signe pour dire que tout allait bien. Que c’était le temps d’un passage et que cette toux n’avait rien d’alarmante. Du moins, c’est son naturel relativiste qui disait ça. Il n’était pas encore aller consulter un médecin pour confirmer ce diagnostic. Il parait que ceux de Bray ne sont pas très fréquentable ou trempent dans de sales affaires. Ce n’était rien, juste sa gorge qui gratouillait un peu et son essoufflement qui l’avait titillé. Il avait fallu attendre quelques secondes pour qu’il se redresse et que cela passe. Oz remerciait intérieurement Rod de ne pas lui avoir posé de question, ou une banalité car il aurait été obligé de lui mentir. A la place, il fit état de son immeuble sans pour autant se plaindre du voisinage. Ils étaient dans un pays libre, chacun fait comme il veut. Et puis, il n’était pas qualifié pour s’interposer ou se mêler des affaires du voisinage. Il était d’avantage le baba cool de l’immeuble chez qui on venait toquer à la porte pour demander un coup de main sans avoir peur de se retrouver avec un œil au beurre noir. Et puis, ce n’était pas sa priorité. Puisque Rod était dorénavant chez lui, il devait se mettre à l’ouvrage pour dresser la table –ou du moins ce qui leur sert de table- et apporter le tout à disposition pour passer une soirée télé sans avoir à se relever toutes les cinq minutes. Oswald avait trouvé refuge dans la cuisine, le temps de rassembler tout ce qu’ils leur seraient utiles, même au chien. En entendant la question de son invité, il l’avait trouvé quelque peu étrange. « Violents ? Ils ne sont pas violents, voyons. Personne ne l’est de nature, ils le deviennent seulement lorsqu’ils sont menacés, comme tout à chacun. Et comme je ne suis pas du genre à proférer des avertissements funestes, je n’ai rien à craindre d’eux. » Le triton souriait brièvement. C’était un peu égoïste comme façon de penser. Non pas qu’il se fichait de savoir comment ses voisins étaient entre eux, mais disons qu’il avait un certain atout en sa possession si jamais une discorde éclate au pied de sa porte. Il lui suffira de pousser la chansonnette, de pousser chacun à rentrer chez soi et cela sera terminé. Le quatrième étage était relativement calme en grande partie grâce à lui. Le propriétaire devrait en tenir compte et le remercier. Encore faudrait-il qu’il soit au courant, bien sûr. Oz n’avait pas entendu Rod le rejoindre dans la cuisine. Il le pensait dans le salon, assit sur le canapé. Aussi, il avait été surpris de le voir dans la cuisine. A tel point qu’il avait failli le bousculer, mais il avait corrigé ses pas à la dernière minute. Mortimer, Mortimer, il cherchait dans son esprit et il n’avait pas sur retenir un “oh” de surprise face à sa stupidité et ce trou de mémoire. Le calme naturel de sa voix rendait ce son blasé et il avait retroussé brièvement ses lèvres contre ses dents avant de reprendre. « Si ! Oui bien sûr. Morty, suis-je bête, ce n’est pourtant pas un nom commun ». L’une de ses mains libres avait tapé contre son front et il avait repris très vite. « Savoir que c’est lui qui s’est occupé de toi me rassures pour du coup. C’est un bon garçon. Bien que je ne sais pas s’il me considère vraiment comme tel. Il se sert de moi pour avoir des informations sur un ami, il faudrait peut-être que je songe à lui demander un jour pourquoi ». Oz était … Incroyable. Incroyablement perdu au point de fermer les yeux sur la manipulation, ou incroyablement idiot de ne pas réagir alors qu’il en avait conscience, à voir. Dans tous les cas, il ne voyait pas ceci comme dramatique. Tout le monde connait tout le monde à Bray. Et puis, c’est une petite ville, il est normal de vouloir s’informer sur les personnes qui nous entourent. Le tir rectifié, Oswald avait jugé qu’il était temps de s’installer. Certes, il s’était perdu dans ses pensées, mais cela n’avait pas duré. Il avait repris de plus belle et il avait même guidé Rod pour qu’il puisse s’asseoir sans risquer de se casser une jambe. Malgré l’état du petit, malgré cette douleur qu’il ressentait rien qu’en voyant son visage balafré, Oz souriait. Cela le rendait triste quelque part qu’il ne puisse plus voir ce sourire rassurant et naturel. Mais il était aussi conscient que les aveugles développaient une sorte de sixième sens pour combler celui manquant. Il ne verrait plus jamais ce sourire, mais si son image est gravée dans sa mémoire, il pourra le visualiser et le sentir à sa voix ou dans ses gestes. « Exactement » confirma-t-il en hochant brièvement la tête. Une sorte de signe, une approbation tandis qu’il laissait son invité s’installer le temps d’aller chercher le saladier –moins envahissante que la casserole-. Il était revenu, mais toujours pas assis. Oz n’avait pas fini de servir après tout. Et puis, c’est comme si c’était maladif chez lui. Il adorait être assis, mais il ne tenait pas en place. Il avait toujours besoin de bouger ou de se relever dès qu’il se souvenait d’avoir une tâche à faire. Sans un mot, il était allé chercher le pack de bière et ce n’est qu’une fois que tout était à disposition que sa carcasse avait fini par prendre place à son tour dans le canapé. Il écoutait Rod lui présenter son nouveau compagnon tandis qu’il le servait en pâte. « Personnellement non, mais comme je baroude souvent au port, j’ai dû les croiser au moins une fois ou deux. Ils en ont de la chance… » Avait-il dit à propos des bateaux. Lui qui adorait la mer et tous ses secrets, lui qui aurait voulu partir à l’aventure sur les flots, il en était incapable. Un triton qui a le mal de mer, c’est stupide. Enfin, il peut se vanter de ne pas avoir envie de vomir quand les vagues le ballote un peu trop dans l’eau. C’est vraiment lorsqu’il est sûr une coquille de noix que ça ne va plus. « Tu me dis si tu en as … assez …. » La réflexion lui était venue en même temps que la phrase : comment il pourrait voir ce qu’il sert. Hormis compter le nombre de cuillère et encore. « Je suis désolé, je le fais vraiment pas exprès » avait-il dit en passant une main sur son visage, lassé de lui-même. « Manges ce que tu veux. S’il en reste, je finirais et si tu en as pas assez, je t’en remettrais ». Loin d’être agacé, il avait trouvé un bon compromis. Il en avait profité pour ouvrir la bière et, à la bonne franquette, il avait mis la bouteille dans les mains de Rod pour qu’il n’ait pas besoin de chercher au moins ça. « Si tu veux un verre, tu me le dis, je vais t’en chercher un. Tu veux regarder quoi ce…écouter quoi ce soir ». De mieux en mieux, il les enchaîne. Lui qui voulait faire comme si de rien était, c’était loupé. Il se vautrait à chaque phrase qu’il voulait prononcer. Son regard glissait sur le côté de malaise tandis qu’il forçait sa bouche à rester fermer. Il allait remplir son assiette au lieu de dire des âneries.
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« Je n'y vois que du feu, en quelques pas seulement je peux me perdre au loin - si loin dans ma rue. »
A défaut de pouvoir le suivre du regard, tu étais resté focalisé mentalement sur Oswald, ses allées et venues, les objets qu’il déplaçait, le frottement de ses jambes à chaque pas et celui de la semelle de ses pantoufles sur le carrelage ou le parquet, sa voix plus ou moins lointaine qui te venait depuis l’arrière d’une porte de placard, au travers d’une porte, ou non loin de ta tête. Tu ne savais pas où tourner ton oeil et tu ne pouvais plus le poser, c’était toujours ton oreille qui se portait dans sa direction, qui orientait ton visage chaque seconde, lui présentant ton profil et ton trois-quart plutôt que ta face. Il y avait une tentative parfois, pourtant - une envie de te tourner vers lui, pour lui adresser un sourire ou simplement ton attention, mais tu n’étais jamais tout à fait certain d’où se trouvait son visage, tu étais encore maladroit avec tes manières, mais tu faisais de ton mieux au moins pour ne pas le mettre mal à l’aise avec ce genre de petits gestes. Au final, tu ne savais même pas où tu étais, peut-être l’avais-tu suivi en cuisine sans le vouloir - tu étais resté autant que possible auprès de ton chien pour ne pas te perdre dans le néant et ne pas risquer de cogner quoi que ce soit. C’était peut-être aussi inconsciemment pour suivre le son de sa voix, le timbre posé et rassurant de Oswald qui te mettait en confiance. Tu avais beau ne rien voir de son appartement, tu t’y sentais sous sa protection - et sa petite envergure au final devait te mettre à l’aise également. Il répond à ton inquiétude vis-à-vis de ses voisins turbulents, et aussi surprenant que ça puisse paraître de ta part, tu le trouves terriblement naïf. A l’entendre, il faudrait se sentir menacé pour devenir violent - ce n’est pas vraiment ce que la vie t’a appris. Ta gorge se serre, tu ne veux pas aborder le sujet. Tu aimerais qu’il y ait eu une raison pour laquelle tu étais défiguré à vie, pour laquelle tu avais peur chaque fois que tu mettais le pied dehors. Est-ce que tu étais violent, toi, avec le monde qui te menaçait ? Est-ce que tu avais menacé qui que ce soit, pour mériter de te faire battre au sang, insulter, humilier, arracher les yeux sans ménagement ? Non, non c’était une opinion absurde, mais tu n’avais pas le courage - pas le courage de lui raconter pour lui prouver à quel point il avait tord. Alors tu as simplement dégluti avec une mine contrariée, avec un simple « ah », pour appuyer ses dires. Au moins, pour avoir cet avis, ce devait vouloir dire que Oswald n’avait rien, qu’il ne risquait rien. Au moins, le savoir te faisait plaisir. Alors tu avais forcé un sourire, parce que c’était mieux que rien.

Puis la conversation s’était réorientée, heureusement pour toi. Pour parler de Mortimer, du noble Mortimer, quelle générosité de prendre un handicapé sous son toît. Pourquoi, quel intérêt pouvait-il y trouver ? Vous n’étiez pas liés, vous n’étiez même pas amis, et tu avais du mal à croire qu’il ait sincèrement ressenti de la pitié. Quelque chose te disait que la raison était autre, mais tu n’arrivais pas à comprendre pourquoi il voulait de toi. Peut-être se sentait-il seul au fond, après tout il n’y avait personne d’autre chez lui - mais tu étais loin d’être la compagnie la plus profitable. Mortimer était intelligent, et riche, probablement beau et heureux aussi. Et toi, tu étais l’exact opposé. Il n’avait même pas essayé de contacter les services sociaux ou quoi que ce soit, non, il s’était contenté de t’emmener - et toi, trop heureux de fuir cet hôpital, de rester en compagnie du seul qui t’ait mis en confiance, tu t’y étais laissé emporter, avec tes larmes, avec tes bleus, avec l’écho de tes sanglots dans le crâne. Tu avais commencé à y penser. Qu’Oswald laisse entendre qu’il ne le connaissait pas alors même que Mortimer détenait son numéro de téléphone avait quelque chose d’inquiétant, mais il te rassura bien vite. Morty, un diminutif qu’on pourrait qualifier d’affectueux, qui apaisa ton angoisse aussitôt. Même si c’était assez bizarre comme tournure, pour qualifier leur relation - il se sert de moi. Se servait-il de toi aussi ? Mais toi, tu ne servais à rien, et tu ne connaissais rien sur personne. « Je ne sais pas pourquoi il est aussi généreux avec moi. Il me prête une chambre alors que je n’ai rien pour le payer, il m’aide à faire toutes mes démarches. Il est toujours occupé en plus, je suis souvent tout seul, enfin presque. Vous saviez qu’il avait un oiseau qui parle ? » Au final, Rod, tu étais un peu l’animal de compagnie de son animal de compagnie. C’était peut-être pour ça qu’il t’avait ramassé. Un animal atypique de plus pour remplir une maison trop calme et trop vide, pour un homme toujours en activité.

Tout en bavassant, tu avais rejoint le canapé, tu avais finalement pris tes aises, du moins autant que tu le pouvais avec ton angoisse naturelle. A présent que tu étais posé, tu ne risquais plus de te balader avant un bon moment, tu avais complètement sorti de ta tête l’agencement que tu avais pu deviner de la pièce et il n’y avait plus rien dans ton environnement sinon le canapé, la table basse que tu sentais au contact de tes jambes, et les déplacements d’Oswald qui comme à son habitude ne tenait pas en place. Tu ne savais pas ce qu’il faisait, ce qui pouvait manquer, alors tu le laissais faire, tu attendais qu’il soit à nouveau à ton niveau pour t’adresser à lui. L’odeur de nourriture n’avait pas tardé à atteindre tes narines, le pépiement dans ta poitrine t’évoquait quelque chose comme du bonheur. Bien déçu de ne pas pouvoir voir ce qui te mettait en appétit - mais au moins, au moins ça sentait bon, et ça te plongeait dans un certain confort. Bert semblait comme toi attiré par l’odeur et le bruit des assiettes, votre attention focalisée sur les gestes de Oswald. Tu me dis si tu en as assez. Le pauvre a du se sentir terriblement mal en réalisant soudain sa gaffe. Tu as presque de la compassion pour lui, en vérité tu détesterais être à sa place. Tu hoches la tête négativement quand il s’excuse. « Ça va », puis tu continues en marmonnant presque - « Je sais que c’est pénible, j’étais déjà pas facile à vivre avant… S’il vous plait n’y pensez pas trop. C’est pas grave si vous dites des bêtises, je.. » Tu tires un maigre sourire. « Je fermerai les yeux dessus, haha. » Ta prise s’était resserrée sur le verre froid de la bouteille, et tu avais porté ton autre main dessus, la caressant jusqu’au goulot pour t’assurer de ne pas te ridiculiser sur une bouteille fermée. Tu avais secoué la tête encore pour refuser un verre, tu serais capable d’être encore moins dégourdi avec. « Merci. »
Tu n’avais pas eu à réfléchir longtemps, tu t’étais empressé de décider d’un film, en partie pour pouvoir occuper Oswald le temps que tu te mettes à boire, au cas où tu déciderais de te cogner les dents et de passer pour un imbécile une fois encore. Tu étais vraiment le genre de gars incapable de prendre une décision, mais pour le coup, pas cette fois. « On peut mettre Mary Poppins ? » De loin et sans égal ton film préféré, en fait tu l’avais regardé tellement de fois que tu n’aurais même pas eu besoin de tes yeux. Tu connaissais la plupart des répliques, et tu serais probablement capable de reconstituer les meilleures scènes à l’intérieur de ton crâne. Peut-être… Peut-être que pour le temps d’un film, tu pourrais retrouver la sensation de voir, de n’avoir rien perdu. Pas de salon, pas de contour à l’écran pour te rappeler le monde réel, rien que ces images vues des dizaines de fois, le visage doux de l’actrice, et ces chansons à vous égayer un coeur en larmes. Pas forcément un choix très intellectuel ni très viril, mais tu savais qu’Oswald ne te jugerait pas pour ça. Et puis même s’il le faisait d’ailleurs, ça ne l’empêcherait pas de le mettre, c’était tout ce qui comptait pour toi.
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Rod & Oswald

« After the first glass of absinthe you see things as you wish they were. »
Oswald avait un gros point faible : il était bien trop pacifiste. Si bien que cela en devenait stupide. Mais au fond, il était sûr de ce qu’il avançait. La violence était encouragée par la menace, et elle était relative à l’éducation d’un individu, à son caractère et à sa Vision du Monde. Un homme qui a grandi dans la bonté comme lui sera moins enclin à vouloir lever la main sur quelqu’un, car on lui a dit et répété que c’était mal, plutôt qu’une personne qui a grandi dans un milieu criminel à qui on lançait des encouragements pour user de ses poings plutôt que de sa tête. Sauf que, Oz n’était pas hypocrite non plus. Il pouvait céder à l’appel face à la provocation, face aux sujets qui fâchent et à partir de là, il pouvait devenir un tout autre homme que ce qu’on a l’habitude de voir. Il peut décoller des droites aussi, ou bien pousser un homme à la noyade. Il n’aura alors plus qu’à prier pour que sa rage s’apaise et qu’il retrouve son calme habituel. Alors, ce qu’il avançait envers Rod n’était pas une remarque naïve, mais un point de vue directement inspiré de son ressenti. Bien sûr, si le gamin avait daigné à lui expliquer où il était passé et qu’est-ce qui l’avait mis dans cet état, Oswald aurait revu son jugement et sa façon de voir les choses. Mais, ce n’était pas le cas, n’est-ce pas ? Rod ne lui avait rien raconté, du moins pas encore, alors comment pourrait-il deviner à quel point sa vision de la violence était faussée ? Comment il aurait pu révoquer ses paroles s’il n’avait pas toutes les solutions de l’équation ? Le vieux triton n’avait visiblement pas envie de se prendre la tête avec ça. C’est pour ça qu’il n’avait rien relevé, pas plus que lorsque le “ah” de Rod était tombé. Il avait simplement relevé son regard en direction du petit. Un regard qui voulait tout dire. Un regard qui disait qu’il sait. Il sait que Rod lui cache des choses, mais qui était-il pour le pousser à se confier. Personne. Ce n’était pas son père, ce n’était pas son frère, il n’était qu’un ami. C’est du moins l’estime qu’il avait de lui. Alors à la place, ils enchaînaient la conversation pendant qu’il finissait de mettre la table. Mortimer. Il se sentait un peu idiot de l’avoir oublié. D’autant plus qu’il n’avait pas d’excuses. Ses relations ne se bousculaient pas au portillon. Ses enfants et ses ex prenaient une grosse place, mais c’était sa famille. Aussi déchirée et en lambeau soit-elle, elle restait telle quelle. Pour ce qui est des amis, c’était un cercle un peu plus restreint. Les amis ne se classent pas tant leurs caractères les rendaient différents, mais Morty était spécial. Il avait d’avantage l’impression d’être une plante verte, un point d’ancrage pour s'agripper à plus intéressant. Sauf qu’il n’était pas suffisamment fier pour s’en plaindre. Oz ne s’en fichait pas trop non plus, car il y avait quelque chose de blessant malgré tout dans ce genre de comportement. Mais il était drôle, et cela rattrapait tout le reste. En plus, il avait aidé Rod d’après ce qu’il racontait. Oswald hochait la tête de bas en haut pour bien faire comprendre qu’il écoutait, qu’il était attentif et qu’il attendait qu’il finisse sa tirade pour pouvoir surenchérir. Une fois que l’occasion s’était présentée, sa bouche s’était de nouveau ouverte. “Oui, il me l’a montré une fois. Mais je dois t’avouer que ça m’effraie un peu, un animal qui parle. Tu dors chez lui du coup, si je comprends bien ?” Il devait avoir bien compris. Ou alors, il était totalement à côté de la plaque, ce qui ne serait pas inhabituel de sa part. Pourquoi un animal parlant l’effrayait-il ? Il ne savait pas trop. Cela pourrait être amusant pendant un temps, d’entendre enfin ce qu’un animal pensait de son compagnon humain, mais dans le cas des prédateurs, il avait l’impression que cela serait plus perfide et plus malsain. Les fesses posées dans le canapé peu de temps après Rod, ce n’était pas la mauvaise volonté qui lui manquait. Le souci, c’est qu’il ne savait pas comment faire avec un nouvel aveugle. Il avait envie de faire comme si rien ne s’était passé, parce qu’il en déduisait que ça ne ferait que remuer le couteau dans la plaie de Rod. Mais en même temps, Oswald ne pouvait pas, car privé de sa vue, cela compliquait les choses, notamment pour tout ce qui nécessite cette dernière. Et Dieu sait qu’il y en a des choses, sinon il n’aurait pas inclus ceci dans les cinq sens essentiels. Aux paroles de Rod, le cœur d’Oz se serrait face à cette innocence et cette bonne volontée. Si bien que le triton avait lâché les couverts qu’il tenait pour attraper la tête du garçon entre ses mains avec une douceur quasi-cotonneuse malgré ses phalanges rudes. “Surtout, je ne veux pas que tu me dises ça. Non, ce n’est pas pénible, mais je ne sais pas comment on fait, c’est tout. Aucun de mes enfants n’ont perdu la vue comme toi encore, alors je suis juste un peu dépourvu. Dis-moi ce que je dois faire.” Oswald avait retiré son emprise après avoir éclaircit ce point. Il avait brièvement rigolé à cette tentative de blague. S’il prenait sa condition à l’auto-dérision, c’était un bon début. “Et pour la énième fois, arrêtes de me vouvoyer”. Les yeux levés vers le ciel avec cette fine esquisse, il avait cessé de remplir l’assiette de son invité. Si Rod mangeait tout ça avec son allure de crevette, ce sera déjà un bon début. Oz avait jeté un coup d’œil en direction de Rod pour voir s’il ne s’en mettait pas partout, puis il avait saisi la télécommande pour aller sur son disque dur -qui était perpétuellement branché sur la télé parce que la flemme de l’enlever et le remettre à chaque fois-. “Va pour Mary Poppins. Ca me rafraîchira la mémoire en plus.” Les Disneys n’étaient pas son genre de film préféré. Enfin, il n’avait rien contre bien sûr ! Il ne connaissait personne qui pouvait détester Disney hormis les anti-conformistes et les rabats-joies. Mais il préférait les thrillers, les tragédies et les comédies. Les films d’action comme les Marvels avaient une grosse place dans son coeur aussi. Comme c’est un papa et que son plus petit avait même pas passé dix ans, il est normal de découvrir sur son disque dur tout une panoplie de dessin-animé Disney parce que le gamin en raffolait. Puis on ne va pas se mentir : mettre un dessin-animé à la télé, c’est un marmot calme assuré. Le film était lancé et à son tour, Oswald avait pu ouvrir sa bière avec plus d’assurance et de vivacité que son voisin. Mais bon, il n’allait pas le taquiner. Il avait un avantage net : il possédait ses deux yeux. Tout en buvant une gorgée, il avait jeté un œil sur le chien et la question lui avait enfin traversé l’esprit. “Et ton chien, il va manger quoi ? Je n’ai pas de nourriture pour animaux…” En même temps, Oswald n’avait pas trop anticipé le fait que Rod allait venir accompagné d’un ami à quatre pattes. Il pouvait être tout excusé, non ?
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under the sea
Rod & Oswald

« Je n'y vois que du feu, en quelques pas seulement je peux me perdre au loin - si loin dans ma rue. »
Être aveugle avait ses avantages. Maigres, à l’évidence - rien ne valait des yeux en bon état, surtout pas pour toi, qui comptait sur ta vue plus que sur tous tes autres sens. Mais il y en avait quelque uns, plutôt utiles pour un angoissé de nature comme toi. Plus besoin de regarder son interlocuteur en face, plus besoin de s’inquiéter d’avoir manqué de remarquer un détail, on ne pouvait plus t’en vouloir de ne pas venir saluer une connaissance repérée à distance, et tu échappais aux regards accablants et culpabilisants, aux regards insistants qui mettent mal à l’aise. Ces regards qui disent “j’aurai ta peau”, ceux qui disent “tu me dégoûtes” mais aussi ces autres qui disent “je sais”, ces regards qui disent “tu mens”, comme le regard de Oswald, auquel tu avais pour une fois la chance d’échapper. Il y avait toujours le silence, tu me diras. La petite seconde vide qui s’éternise pour te faire comprendre certains non-dits. Aveugle, tu t’en remettais aussi de plus en plus à l’ambiance, mais Dieu sait comme tu es souvent très mauvais pour la lire. Une chance, encore, aussi rare soit-elle : pour cette fois au moins, tu n’avais pas à culpabiliser.

Alors vous parlez de Mortimer. Tu parles, surtout - tu ne sais pas s’il t’écoute, il est silencieux donc tu supposes que oui, mais tu ne lui en voudrais pas s’il s’avérait que tu parlais tout seul. C’était une petite hantise à présent : celle de parler au vide en étant convaincu qu’il s’y trouvait quelqu’un d’attentif. Tu essayais de ne pas penser à l’image que tu laissais aux autres, tu étais conscient que ta cécité t’avait rendu beaucoup plus maladroit dans ton comportement en société. C’était difficile de te comporter de façon identique à quelques semaines plus tôt, quand il te suffisait de lever la tête pour savoir instantanément ce qu’il se passait tout autour de toi. Mais tu poursuivais - à défaut de ne pas t’écouter, il t’aurait entendu, pas vrai ? C’est presque un soulagement lorsqu’il te répond. C’est fou - comme le seul fait d’entendre une voix chaleureuse répondre à la tienne peut te faire soupirer d’aise. Obligé de te raccrocher à ces voix qui t’entourent comme jamais auparavant, comme s’il s’agissait de la dernière preuve d’existence du monde extérieur, ça et le contact que tu as encore du mal à supporter.
Cela t’étonne que Oswald t’avoue avoir peur de Mr. Oiseau. Il faut dire que tu es de loin plus à l’aise avec les animaux qu’avec les humains en ce qui te concerne, alors tu as été plus que ravi de découvrir ce qui te tiendrait compagnie. « J’y vis, maintenant. J’y passe la plupart de mon temps, c’est devenu difficile de sortir. C’est trop récent, j’ai beaucoup de difficultés, je ne peux pas vivre seul, je me blesse trop facilement. Mais je n’ai pas besoin de grand chose, je n’ai pas à l’embêter tant que ça. » Tu détestes cette sensation, celle d’être un fardeau, un poids. Tu as toujours été incapable de te gérer. Seul dans ton appartement, à te laisser dépérir - tu n’étais pourtant pas moins doté qu’un autre, tu avais tes yeux, tes mains, mais trop d’angoisse, trop de maladresse, et la dépression t’attachait à ton lit trop d’heures chaque jour. Tu ne peux plus faire ça. Tu ne peux plus te laisser mourir à l’abri des regards comme auparavant, tu te tuerais pour de vrai cette fois. Tu dépendais de Mortimer, tu faisais un monde d’efforts pour ne pas peser trop lourd sur ses épaules. Les premiers jours avaient été terribles, c’est à peine si tu avais été capable de faire un pas. La peur de l’inconnu, la peur du noir, quelle ironie tout de même.

Mais fallait pas espérer t’en tirer aussi bien, ça non. Oswald n’a pas aimé t’entendre de déprécier de la sorte, mais tu ne comprends pas pourquoi, même avec toute la bonne volonté du monde. Tu n’es pas facile à vivre, c’est un fait. Un fait que ta mère t’a répété tous les jours depuis que t’es sorti de son ventre, et m’est avis qu’elle te le disait déjà quand t’étais dans son bide d’ailleurs. Le bruit métallique des couverts qui se pose attire ton oreille, et le contact soudain avec les mains chaudes du paternel triton te fait sursauter. Non pas qu’il ait été dur au contraire, mais tu étais toujours tendu, toujours mal à l’aise avec le contact humain, il te fallait toujours quelques longues secondes pour t’y adapter tant tu étais peu habitué à le sentir. Il te rassure, ou il te fait des reproches, tu n’en es pas tout à fait sûr. Non ce n’est pas pénible, et ça te fait déglutir, parce que tu ne le crois pas : tu sais que ça l’est. Tu sais que ça l’est, il est juste trop gentil pour oser le dire. Il veut que tu lui dises quoi faire, comment faire, mais est-ce que tu le sais, toi ? Tu ne sais pas, tu ne t’es jamais occupé d’un aveugle. Tu aimerais leur dire de ne pas faire attention à toi, que de toute façon, tu es seul dans un monde obscur, et tu seras pour toujours seul avec cet handicap là. Il n’y avait rien à faire, rien pour te rendre la vue, alors autant qu’ils évitent de s’en faire pour toi.
Il avait relâché ce bref contact, appuyant la sensation de solitude en te privant à nouveau de cette chaleur humaine là. Tu étais resté un peu silencieux, en sentant l’envie de pleurer pointer le bout de son nez - et c’était d’autant plus atroce que la sensation, le picotement qui borde la paupière inférieure, caractéristique de ce genre de moment, ne concernait plus qu’un oeil. L’autre restait résolument sec et inexpressif, mais comment aurait-il pu en être autrement ? Ce n’était qu’une cavité vide. Il te demande d’arrêter de le vouvoyer, et qui es-tu pour oser lui dire non ? Tu baisses un peu la tête, et tu t’efforces d’ôter toute lourdeur à ta voix pour ne pas laisser paraître tes émotions trop fort, même si tu sais que tu as du mal à contrôler les expressions de ton visage depuis ton retour de chez ton bourreau. « Pardon m’sieur Oswald, je voulais pas vous contrarier. V-.. Tu peux faire comme d’habitude. Faut que je m’habitue à ça, dehors les gens changeront pas pour moi. » Le tutoiement avait été forcé dans ta phrase, il te semblait si peu naturel que ta voix avait faibli sur le mot. Tu n’y arrivais pas. Tu n’arrivais pas à admettre qu’il te voyait autrement que comme un ami de Margot, qu’entre lui et toi aussi il y avait une amitié. Quelque part, tu te sentais un peu comme s’il se sentait obligé de faire ça, comme si c’était un devoir d’être là pour toi s’il pouvait. Comme si t’avais un peu rien à faire là. Comme si t’étais toujours un gamin devant un adulte qui aurait pu être ton père si t’avais eu la chance d’en avoir un.

Puis tu t’étais fait petit, enfin tu t’étais fait plus discret - du moins, t’avais fait ton possible. Qu’il accepte ta proposition de film t’avait ravi, et pas mal soulagé aussi, ça t’éviterait d’avoir à réfléchir à autre chose, et t’avais pas très envie de te retrouver devant un film d’action, même un film de super-héros. Mine de rien, sans les images et les jolis costumes, l’ensemble a quelque chose d’assez violent, entre les cris, les explosions et j’en passe. Le traumatisme gravé dans ta chair était encore un peu trop récent pour que les hurlements de douleur ne te mettent pas intensément mal à l’aise. Tu as porté la bouteille à tes lèvres pendant ce temps, lentement pour ne pas la cogner contre tes dents, et tu as pris quelques bonnes gorgées pour ne pas avoir à recommencer l’opération trop de fois, puis tu avais tâtonné timidement jusqu’à la table pour l’y poser. Au lieu de ça, le bout de ton doigt s’est écrasé dans tes pâtes chaudes, et tu l’as porté à ta bouche avec un sursaut, croyant t’être brûlé alors qu’il n’en était rien. Ce n’est qu’à rebours que tu réalises ton ridicule, et sans un mot, tu répètes l’opération avec davantage de prudence, jusqu’à finalement reposer avec succès la bouteille sans la renverser. Puis ce fut l’occasion d’une seconde galère : trouver le bord de l’assiette sans se resalir les doigts, la soulever sans se brûler pour de vrai, trouver la fourchette… Poser l’assiette sur ses genoux sans renverser et… Essayer, je dis bien, essayer de manger. C’est à dire d’enfoncer la fourchette au bon endroit, de sorte à la ramener avec de la nourriture, la porter à sa bouche sans percuter la peau ou les incisives, et je passe d’autres détails. Combien de fois tu avais été découragé. Tu avais d’ailleurs maigri depuis quelques semaines, et tu n’étais pourtant déjà pas bien gros, mais tu en avais tellement ras le bol à terme que tu finissais par avoir l’appétit coupé avant d’avoir terminé ton assiette. Oswald interrompt ta réflexion et ton tatônnement - et ton chien alors, tu l’oublies ? « Ah… C’est bête, il a tout ce qu’il faut à la maison. » Tu as une mine contrariée, tu ne voudrais pas obliger Oswald à ressortir. « Je me disais qu’il pourrait attendre que je rentre puisqu’il a pu manger avant de venir, je lui laisse toujours quelque chose. » Oh, ça y est, tu as trouvé les bords de l’assiette. Sans dégât ! Quel exploit. « Sinon, je lui donnerai mes lardons, c’est pas grave. » Tu as un sourire à ces mots, un sourire désolé et un peu bête, mais ça te fera au moins une excuse pour lui laisser finir ton assiette quand elle sera froide, à force d’être trop lent à manger.
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