I've been here alone feat. Zecke

Depuis que j’étais de retours à Bray, je quittais rarement le Coco&Nuts. J’avais bien un appartement en ville, mais je passais plus de nuit sur le canapé dans mon bureau que là-bas. Enfin de nuit… Je parlerai plutôt de journée, étant donné que la nuit je travaillais. Les seules sorties que je faisais, c’était pour me rendre aux réunions des Dux Tenebris. Si j’avais besoin de quoique ce soit, je pouvais toujours envoyer ma secrétaire le faire, ce qui était plutôt pratique. Et quand j’en avais marre d’être enfermé, il me suffisait d’ouvrir une fenêtre, de me transformer et de m’envoler pour quelques heures avant de revenir.

Je sais que c’était totalement ridicule comme comportement. Mais j’avais bien trop peur de pouvoir croiser Ezeckiel ou alors d’autre anciennes connaissance qui feraient remonter de mauvais souvenirs. J’étais un vrai lâche, j’en avais bien conscience. Des fois c’était à se demander pourquoi j’étais revenu dans cette ville maudite. Mais j’avais comme l’impression que, même si nous n’étions pas en de très bon terme, je ne pouvais pas vivre loin de mon frère. Certains peuvent bien dire que c’était des conneries, cependant, il y avait bel et bien un lien entre lui et moi et nous ne pouvions pas nous en défaire.

Mais évidemment, je ne pouvais pas éternellement rester enfermé. Déjà, parce que j’aimais pas ça et ensuite parce que c’était juste ridicule. Je ne savais pas trop quelle heure il était. J’avais dormis une bonne partie de la journée. Mais à voir le soleil dehors, ce devait être en fin d’après-midi. J’avais été réveillé par un cauchemar, mais c’était la sonnerie du téléphone qui m’avait poussé à me lever. C’était mon propriétaire qui râlait. Apparemment il y avait des problèmes à mon appartement où je n’allais quasiment jamais. Juste une fois de temps à autre, histoire de m’assurer qu’il ne tombait pas en ruine.

J’avais donc dû quitter le Coco&Nuts pour gérer quelques conflits avec mes voisins, des problèmes d’infiltration d’eau. Bref, rien de très exceptionnel. Il avait suffit de leur promettre d’appeler un réparateur, ce que je fis sous leur yeux d’ailleurs. J’allais pas perdre davantage mon temps non plus. Un fois cela fait, j’allais donc retourner à mon bureau. vu l’heure, je n’allais sans doute pas tarder à être assaillit par des employés avec des revendications, des clients mécontents et de la paperasse, encore et toujours. Mine de rien, c’était épuisant de gérer cet endroit.

J’étais d’ailleurs au téléphone avec ma secrétaire. Elle me parlait de coups de fil qu’elle avait reçu et me rappelait mes rendez-vous de la soirée. Pour me raconter aussi sa vie entre deux. Je n’en avais pas grand chose à faire, mais je faisais quand même mine de l’écouter. Si ça pouvait lui faire plaisir. Elle était bavarde, mais elle faisait bien son job, donc je n’allais pas m’en plaindre non plus. Distrait par cette conversation, je manquais à rentrer dans quelqu’un.

- Excusez-m….

Evidemment, j’étais un type poli, je m’excusais quand je rentrais dans quelqu’un. Mais là, je fus obligé de m’arrêter. Merde. Zecke. Je vous avoue, j’étais sans voix. Je ne m’attendais pas à croiser mon frère aussi simplement dans la rue. C’était totalement nul comme retrouvailles. Et j’avais beau avoir imaginé cette scène un millier de fois, j’avais aucune idée de ce que je voulais dire à mon frère. Tout m’étais sorti de ma tête. J’étais juste planté comme un coup, à la regarder, avec ma secrétaire qui gueule à l’autre bout du fil pour me demander si je suis toujours là.

Tu sais pas comment la relation avec ton frère est partie en couilles. T'as beau réfléchir, t'as beau te retourner tout ce qu'il s'est passé au creux de ton crâne pendant des heures, tu sais même pas comment vous en êtes venus là, à ce moment précis, dans une rue au hasard de Bray, à vous dévisager comme deux cons. Parce que tu comprends pas. Faut remonter à loin dans tes réflexions, parce que t'es parti du début, de l'orphelinat, de Zelda. Parce que même après sa mort, vous vous êtes jamais séparés, les frères River contre le monde, parce que t'avais besoin de lui, t'as toujours eu besoin de lui, comme cette ancre qui te permet de rester dans le monde, de pas dériver au hasard, de rester en vie. Puis y a eu Bray. Ce que vous avez fait entre deux, ça compte pas. T'as échappé à la mort tellement de fois que tu trouves même pas important de les spécifier, tu sais. T'es un drôle de type, River. Mais Bray … Tu te revois encore, l'âge d'or de votre quatuor, Skye, Aidan, Lana et toi. Et t'arrives pas encore à comprendre les détails, peut-être parce que tu la connais pas autant que tu le voudrais, ta renarde, parce que tu saisis pas tous ses aspects, son côté animal qui n'a rien à voir avec le tien, qui l'a dépassée de trop à un moment où son humanité aurait dû se montrer. Et tu la crois, quand elle dit qu'elle l'a pas tuée, sa licorne, sa seule amie. Tu la crois parce que rendu là, t'as pas eu le choix. Mais elle en a été la cause indirecte, et ça t'as jamais pu le lui pardonner, qui l'aurait fait, hein ? Et pourtant elle t'en veut, pourtant elle te regardait, dans les bois, comme si c'était toi le coupable de quelque chose, alors que t'as jamais su faire autre chose que tenter de t'en sortir. Et lui il est parti, il t'a abandonné, comme tout le monde, comme tes repères, et tu sais pas ce que t'as fait encore pour en arriver là, il en avait besoin, mais toi égoïstement tu le vois pas ça, toi tu vois que ton côté, tes sentiments, et même en essayant de se mettre à sa place, tu te dis que toi, t'aurais sans doute eu besoin de ton frère. Lui pardonner, c'est même pas une question, parce que tu lui en veux pas vraiment d'être parti, d'avoir choisi de s'éloigner pour mieux revenir. La vie sur la route vous avez connu que ça et toi aussi tu t'es barré alors c'est pas comme si t'allait avoir quelque chose à en dire.

Non, toi tu lui en veux parce qu'il a le téléphone accroché à l'oreille mais qu'il a pas senti bon de te prévenir qu'il était là. Et c'est une trahison, en un sens, parce que le sang, c'est tout ce qu'il te reste. T'as perdu ta renarde et t'es certain de jamais pouvoir la retrouver. Pas parce que physiquement elle est sans doute à l'autre bout du monde, mais parce que la connexion entre vos âmes est portée disparue. Parce qu'à elle tu ne peux pas pardonner, parce que t'as cette humanité qu'elle a perdu, qu'elle n'est à tes yeux que tentation destructrice. Et tu avais Lana, en un sens, une amitié qui n'aurait sans doute pas pu être possible, mais détruite par la première. Tu as Azenor et tous les autres également, mais rien ne vaut ton frère, rien ne vaut ton sang, le sacrifice de toute ta vie pour la continuer avec lui. Peut-être qu'il est là, ton problème, River. Peut-être que si t'avais accepté la séparation à l'orphelinat, rien de tout cela ne serait arrivé. Peut-être que le malheur t'aurait frappé, mais il aurait pu être sauvé. Parce qu'il avait toujours été l'attendrissant des deux, le sage, le cerveau, celui qui méritait de faire de longues études et de pas finir comme un connard de braqueur. Même si tu l'aimes ta vie, il aurait mérité vachement plus, et égoïstement tu l'as jamais laissé, parce que la séparation aurait été trop dure pour toi. De toute évidence pas pour lui. « T'es revenu.» T'es pas froid, c'est juste une constatation. Comme tu parlerais de n'importe qui d'autre. Parce que tu sais pas comment réagir dans ces cas là, et toi t'as jamais su naturellement où te positionner. « Tu devrais continuer ton appel, ça a l'air important.» C'est bien loin de l'émotion que t'aurais pu imaginer, tu peux pas t'empêcher d'être cassant, mais t'as pas le choix, t'as mal au fond. T'as envie de lui demander depuis quand il est là, dans les rues de Bray, mais tu le sais que cette réponse elle te ferait mal. Parce qu'il te cherchait pas. Pas comme Azenor. Si elle t'avait trouvé, il aurait dû le faire aussi dès le départ.