Une danse éternelle, les ailes qui battent à l'unisson et ne se séparent jamais. Deux petites filles que le destin a fait se croiser, l'une était toi et moi, j'étais l'autre. Oh Trudi, si je pouvais encore te serrer dans mes bras, entendre ton rire, il n'y avait que toi pour me faire sourire et voir le monde plein de paillette et de poussière de fée. Tant de fois, j'aurais souhaité être toi, avoir ta vie, mais si tel était le cas, je serais morte à présent et toi, chercherais tu as me venger, comme je le fais ? Ah, je me souviens, oui, je me souviens....
Les légendes ont toujours fait partie de ma vie, surtout quand on naît dans la région de Galway. Les korrigans, les sirènes et les fées, diverse version à leurs sujets et les plus vieux qui parlent encore le gaélique croient encore fermement à tout cela, sans se douter qu'on partage leur vie. Je suis une fée, j'ignore si mes ancêtres ont vraiment agi comme les légendes le prétendent, mais pour ma part, ma famille s'était mélangée au monde des hommes. Les premières années de ma vie furent bénies, pas la moindre ombre pour me tourmenter. Mon père aimait m'expliquer les différentes créatures qui existaient et il me disait toujours de me méfier des êtres de l'eau, moi qui adorais voir la mer, je me retrouvais bien loti, mais après tout si mon père me disait de ne pas leur faire confiance, il devait avoir ses raisons et je n'aurais jamais oser le contredire. Oui, j'ai toujours su ce que j'étais et mes pouvoirs ne m'effrayaient pas, c'était naturel de s'en servir et je ne pouvais pas imaginer que les utiliser apporterait le chaos sur les miens.
C'était la fin de l'un de mes cours de danse classique, j'attendais mes parents devant le studio, sac sur le dos, quand d'un coup, j'assistai à un accident de voiture. La rue était déserte, je m'approchais tout doucement de la voiture qui fumait et là, je vis une personne inconsciente, je n'avais jamais vu autant de sang de ma vie et d'un coup, je sursautais, un petit garçon à peine plus âgé que moi se trouvait à l'arrière. Il me suppliait d'appeler de l'aide, mais moi, je pouvais l'aider. Posant ma main sur sa tête, j'utilisais mon don de guérison pour pouvoir la soigner, la personne se réveilla et me regarda surprise, ce fut à ce moment que mes parents arrivèrent, ils étaient très mécontents de ce que j'avais fait et sans attendre l'arrivée d'autres personnes, ils m'emmenèrent à la maison.
Enfermée dans ma chambre, je pouvais entendre leurs cris, ma mère voulait qu'on quitte la ville et mon père lui prétendait qu'on ne pourrait pas toujours fuir. Mais fuir quoi . Je ne comprenais pas en quoi il était mal d'aider son prochain, si les fées avaient ses pouvoirs, il y avait bien une raison. Marre de devoir attendre, j'ouvris ma fenêtre et faisant apparaitre mes ailes, je pue voler jusqu'en bas. Vivant dans un endroit isolé, je n'avais pas peur de me faire repérer par des humains. Me faufilant jusqu'à une cachette sous l'escalier, je cherchais mes parents, mais il n'y avait plus aucun bruit dans la maison, ce fut à ce moment-là que j'aperçus ma mère entourée d'une flaque de sang. J'accourus vers elle, posant ma main sur sa blessure abdominale, mais rien n'y faisait, mes pouvoirs ne marchaient pas. Les larmes s'écoulaient sur mes joues, tandis qu'une main se posa sur mon épaule. La peur me saisit, je fermais les yeux, prête à subir le coup ultime, mais la personne me prit dans ses bras, il s'agissait de mon père, il me donna le téléphone pour que j'appelle les secours.
Je pouvais entendre de bras de pas à l'étape, il était en haut, j'aurais souhaité que mon père reste près de moi, mais je devais être forte. Téléphone à l'oreille, un homme parlait, mais j'eus beaucoup de mal à prononcer un mot, mes yeux ne pouvaient pas quitter le corps sans vie de ma mère. Finalement, j'arrivai à murmurer mon adresse signalant qu'un homme était dans la maison et avait tué ma mère.
Le temps me parut interminable, ou était mon père ? Quand allait-il revenir vers moi ? Pourquoi est-ce qu'on n'avait pas filé au lieu de rester ici ? D'un coup, la voix du meurtrier raisonna dans la maison : " - Je sais que tu es là, je tiens à te remercier, j'ai toujours eu des doutes sur ta famille, il a fallu que tu te serves de tes pouvoirs pour que je sois sûre, Malia sort de ta cachette, viens rejoindre tes parents, tu n'as pas le droit d'exister, tu n'es qu'un monstre..." Tandis qu'il continuait à parler, je commençais à marcher à quatre pattes dans la maison, voulant retrouver mon père, il ne pouvait pas être mort aussi. Mais l'homme l'avait bien tuée et je ne pus m'empêcher de pousser un cri en découvrant l'état de son corps, le chasseur avait fait un véritable carnage.
Mon corps commençait à trembler, tandis que l'homme m'avait retrouvé et s'approcher de moi. Son couteau dégoulinant du sang de mes parents, il caressa ma joue avec. Totalement terrifiée, je le mordais les lèvres, puis le corps de l'homme s'écroula au sol.
Je vois encore le visage du policier qui a tiré et pris dans ses bras pour me sortir de la maison, c'est la dernière image que je me souviens, avant le grand black-out. Oui, je n'ai aucun souvenir de l'enterrement et de mon arrivée dans ma famille d'accueil. Mais ma vie à présent appartenait au monde des hommes et ma race devait rester secrète. En voulant sauver une vie, j'avais provoquée la mort de mes parents. Une vie pour une mort, comme certains le disent. Si j'avais su Trudi, jamais je n'aurais agi ainsi, mais il est vrai que je ne t'aurai pas rencontrée, si tel était le cas !
Le silence était devenu mon quotidien, je n'osais m'approcher des autres enfants qui vivaient dans ma famille d'accueil. Après des mois de vie sans un mot et des séances nombreuses chez le psy, mes tuteurs ne savaient plus quoi faire. C'était des personnes adorables, mais qui avaient bien trop de gosses à s'occuper pour pouvoir me donner toutes leurs attentions et cela m'allait totalement. Ne plus pouvoir voler me manquait, mais au moins je pouvais toujours danser, souvent en cachette, quand personne ne se trouvait dans la chambre qu'on partageait à cinq. Sauf qu'un jour, j'entendis des tapements dans les mains, ils étaient tous là, à me regarder, les yeux ébahis. Surement avait-il compris qu'ils pourraient faire quelque chose de moi, qui pouvait savoir ce que pensait leur esprit d'humain ?. De suite, ils décidèrent de m'inscrire à des cours de danse. Je n'étais pas à l'aise, entourée de toutes ces personnes inconnues. Puis, je t'avais vu, toi et ta poussière de fée déposer sur ton corps. Tu t'étais approché de moi, me tendant la main et ensemble, on commença des pas de danse.
Trudi, ce jour-là, tu me rendis le sourire, l'espoir que tout irait bien pour moi, malgré les dernières épreuves que j'avais vécues. Petit à petit, tu arrives même à me faire parler. Je pouvais être moi-même près de toi et de tes parents. Souvent, tu leur demandais de m'adopter pour qu'on devienne soeur . Mais on savait qu'on n'avait pas besoin d'un bout de papier, pour s'estimer comme une famille.
Telle une étoile filante qui passe devant nos yeux et disparaît à la vitesse de la lumière, les années avaient défilées beaucoup trop vite et nos chemins se séparèrent. Toi qui avais eu envie de devenir ballerine, tu étais partis rejoindre une grande école de danse à Dublin, tandis que moi, décider de devenir policière, pour suivre les traces de l'homme qui m'avait sauvé la vie, j'allai m'installer à Cork.
Nos vies chargées respectives, on fait qu'on eut très peu d'occasions de se revoir durant les dernières années. Certes, on s'était calé des heures de téléphone le dimanche, racontant que c'était notre messe à nous, mais ce n'était pas pareil. Quand on m'annonça que j'avais réussi à devenir inspecteur de police, tu fus la première personne que je voulais prévenir, tu étais ma seule famille, mais le téléphone semblait sonner dans le vide et j'étais encore loin de me douter que ma bonne nouvelle soit suivie par une mauvaise.
On s'était toujours imaginé vieillir ensemble, mais tu seras éternellement jeune à présent. C'est peut-être égoïste de ma part, mais j'avais l'impression que tu m'abandonnais. Qui avait pu pouvoir te tuer ? Toi, la lumière incarnée qui prétendait même qu'il serait peut-être temps de faire une trêve avec les esprits de l'eau. C'était comme si on venait de m'arracher le coeur une nouvelle fois et un nouveau sentiment fit son apparition, la vengeance.
Bray était la ville qui t'avait vu mourir et la ville où j'allais devoir recommencer à vivre. Oui, Trudi, j'avais fait la promesse de trouver celui qui t'a fait ça et aujourd'hui cela fait un an que tu es morte, un an que j'accumule des preuves contre le chasseur qui sévit en ville. Tu n'es pas la seule victime et dès qu'une nouvelle apparaît, j'ai ce sentiment que tu meurs à nouveau. Je sais que tu me dirais de tourner la page, mais je ne le peux pas. Puis, j'ai un autre but à Bray, j'aide les créatures qui ont besoin de mon aide, travaillée à la crime peut ouvrir des portes et je suis devenue la pro pour camoufler certains détails dans les affaires, tout comme le flic qui s'occupait de ton affaire, à vite bâcler le dossier.
Ici, personne n'est au courant de notre lien, je préfère agir dans l'ombre, je ne peux avoir confiance en personne, même en mon partenaire. Malgré nos mois passés à bosser ensemble, on ne peut pas dire qu'on est proche. Pour dire, je suis même certaine d'être plus amicale que lui, un mur de glace qui peut avoir ses charmes si on aime le style.
Bon voilà, il ne me reste plus qu'à brûler ses écrits et je lancerais les cendres du haut de la cime d'un arbre. Tu sais ce que je vais faire ce soir ? Je vais attendre que la nuit tombe, aller dans le bois et danser dans les airs, comme on aimait temps le faire... Oui, la danse continue et continuera toujours, car elle est éternelle.