Drunked Mission (niamh&dagda)

J’avais enchaîné pas mal de missions dernièrement, au point que je me demandais combien de temps j’allais tenir à travailler au Fairy Sound sans que Jeremiah se dise qu’il valait mieux me virer, qu’ainsi je serai absent une bonne fois pour toutes… Pourtant, pour cette fois, les connards avaient décidé d’attendre le weekend pour faire chier le monde. Si j’avais bien compris les ordres que j’avais reçu, un deal était prévu dans la journée du samedi au Drunk Mermaid, des types qui allaient se passer de la poudre de fée. Donc, j’allais devoir jeter un œil toute la journée, à les attendre, car on ne connaissait pas leurs visages, juste leurs pratiques. Et étant donné que j'avais déjà bossé avec Laurel et Hardy sur une affaire du genre... En fait, ça les arrangeait bien, qu’je sois là.

Alors, puisque j’allais devoir me faire passer pour un employé du Drunk Mermaid pour une journée, j’avais décidé de juste regarder des vidéos Youtube une partie de la soirée, sur comment on prépare les boissons, ce genre de choses. J’avais même allumé l’ordinateur portable de ma mère… Lui disant que j’allais juste dépanner un ami pour la journée. Heureusement qu’elle m’avait aidé sur ce coup-là parce que sinon, j’aurais envoyé cette machine infernale contre le mur.

Depuis ma sortie de taule, les téléphones portables et autres monstres technologiques, c’était vraiment pas mon truc. J’préférais de loin la machine enregistreuse du magasin, elle était simple et y’avait juste à appuyer sur des boutons clairs. Bref.

J’avais fait l’impasse sur le sport pour arriver assez tôt au bar, passant par la porte arrière. J’avais salué les autres employés, me présentant sans vraiment me présenter vu que j’étais déjà un client assez régulier, disant simplement que j’étais en essai - comme prévu par la patronne qui était, doux hasard, une haute placée d’l’OBCM.

Et j’avais juste pris place derrière le comptoir, prenant quand même un peu mon pied à être de ce côté du monde. J’étais plutôt content, en fait, j’aimais bien, et si j’avais pas déjà mon taf’ au Fairy Sound qui me payait bien et me plaisait, j’aurais postulé là de façon plus permanente. Juste au cas où si d’autres dealers viendraient, évidemment, pas autre chose.

J’vis juste la journée s’écouler, tranquille. Bon je me doutais qu’ils allaient pas passer quand les locaux n’étaient pas assez blindés pour passer inaperçus mais bon, c’était quand même bon que je sois là pour jeter un oeil. Parce que s’ils avaient pensé un peu différemment et si j’avais pas été là, on m’aurait pratiquement rendu pour responsable.

J’étais en train de nettoyer des verres, toujours avec l’oeil sur la salle qui commençait à se remplir pour la soirée, quand je vis approcher la nouvelle patronne du coin - me semblait bien que c’était Castiel avant, mais j’allais pas m’occuper de ses histoires de famille hein. “Salut, boss. Tout va comm’vous voulez ?” J’avais juste l’espoir qu’elle soit juste un poil plus agréable que ce qui se disait, notamment rapport aux métas. Même si bon généralement, si les rumeurs couraient, il y avait un fondement quelque part…

Elle allait quand même pas me chercher des poux alors qu’on était dans un lieu public, si ?

Tu n’es pas là depuis bien longtemps mais c’est chez toi désormais. Ce bar, tu n’aurais probablement jamais dû le quitter, rester pour en prendre soin aurait dû être une de tes alternatives et pourtant, tu as tout fait différemment. L’appel de l’aventure certain diront, c’est pourtant bien différent. Un besoin d’évasion, de retirer ces chaînes qui jusque là te maintenaient prisonnière. C’est égoïste de penser ainsi mais tu avais juste besoin de penser à toi pour une fois, de faire passer ta personne en priorité. Mais la vie n’est jamais comme on le voudrait, tu as finis par l’apprendre à tes dépends quand il fut nécessaire pour tous que tu rentres à Bray, ta ville natale. Trop longtemps maintenant que tu n’avais plus remis les pieds en Irlande. Pendant ce tour du monde, tu as soigneusement évité le pays du trèfle, sagement tu es restée loin de tout ça pour ne pas être victime de la tentation de revenir, de voir comment allaient les choses ne serait-ce qu’une toute petite fois. Et aujourd’hui, tu es derrière ce bar, à regarder les clients peu nombreux en journée aller et venir. Tu n’aimes pas le jour pour ça, parce que c’est vide et que tu t’ennuies. C’est suffisant pour t’éclipser et rejoindre le bureau, celui de ton frère que tu emprunte aujourd’hui. Tu reviendras dans deux, peut-être trois heures, quand tu jugeras que c’est nécessaire en réalité et c’est pas encore là. Tu as du temps pour toi, tu as du temps pour réfléchir car tu n’es pas seulement de service, il y a cette mission, la première pour toi en tant que conseillère et ça ne t’enchante pas plus que ça que les choses se passent dans ton bar, tu fais simplement avec.

Plongée dans les souvenirs, tu as eu du mal à ne pas t’endormir, à te laisser traîner dans le monde du rêve pour seulement quelques minutes. Mais le travail t’appelle, le travail est là et un coup d’oeil à la pendule murale te suffit pour comprendre qu’il te faut y aller. Soupir las au bord des lèvres, les mains sur le rebord du bureau et tu te lèves, ton courage pris à deux mains avant que tu ne sorte de ce qui jusque là, pouvait ressemble à un sanctuaire. Tu y étais bien, loin de la foule encore inconnue à tes yeux. Oui, tu es nouvelle, tu ne connais pas les trois quarts des personnes qui viennent mais tu te dis que ça viendra, comme Rome ne s’est pas faites en un jour. “Salut, boss. Tout va comm’vous voulez ?” Tu retiens le sursaut, pas devant les employés que tu te murmures pour toi-même mais Dagda, c’est différent. Elle prend son temps pour l’observer et grimacer. Il ne travaille pas pour elle normalement, c’est cette mission qui les oblige à se côtoyer quand elle préfèrerait plutôt travailler avec des rats qu’avec un métamorphe. la haine que son père lui a inculqué à l’égard de ces personnes n’a jamais changé, elle n’a pas évolué ou disparu pour un sous parce que ce serait faire du tort à sa soeur aînée, disparu à cause d’un de ces êtres. « Ca irait probablement mieux si on était pas obligé de faire ça. Cette entente est… grotesque. » Tu pèses tes mots pour ne pas paraître vulgaire, il semblerait que ça n’est pas correct dans la bouche d’une jeune femme. « Prend pas trop tes aises, t’es là pour une soirée, rien de plus, après, tu dégages. » Tu as de l’espoir qu’une soirée suffise pour réussir ce que vous avez à faire. Ca ne doit pas être bien compliqué, elle devrait pouvoir faire un effort, quelques heures seulement. « Tu as remarqué quelque chose ou pas encore ? » Parce que toi, tu atterris seulement, toi tu ne sais toujours pas comment diriger un bar alors en plus, y ajouter une mission de l’OBCM, la soirée va s’annoncer dangereuse, trop peut-être.

Vous savez, y’a ces fois où on regarde ces films d’action, où les flics ou autre se lancent dans une mission, et que d’un coup, une information leur fait crier dans leurs micro mission avortée, retournez au bercail, retraite, retraite ! Bah là, si j’avais eu des coéquipiers, un micro et une mission pas trop importante, j’aurais certainement posé mon torchon sur le bar pour me tirer aussi sec, avec un commentaire bien plus désobligeant que ce qu’elle venait de dire. Une voix polaire pareille, j’avais rien fait pour la mériter.

Enfin, rien qu’elle ne soit réellement au courant ou en droit de juger.

Mon regard s’était en tout cas durci. Je ne pouvais pas accepter qu’une personne venant de la même organisation que moi, une organisation au but si noble, sorte des mots pareils. Je supposais que c’était quelque chose d’assez courant : on retrouvait des racistes même parmi ceux qui combattaient l’esclavage. Ou bien c’était juste une ahurie qui ne faisait ça que parce que c’était une histoire de famille. J’étais vachement bien loti dis donc, de toutes les grosses têtes, fallait que je tombe sur la débile. J’avais pas pu m’empêcher de lâcher un « Pfff… » réprobateur, avant qu’elle demande si j’avais déjà remarqué un truc.

Pour une sirène, elle n’avait pas la voix enchanteuse hein. Ni rien…

Bah, ça tombait bien, fallait croire que j’allais pouvoir me débarrasser au plus vite de cette dingue, puisque je voyais des types un peu chelou juste en face de moi. Alors quand elle demandé si j’avais remarqué quelque chose, je continuai à frotte mon verre déjà sec depuis un moment en fixant par-dessus son épaule : « Ouais, juste derrière. Leur comportement est bizarre rappor’aux autres. » J’allais pas jusqu’à dire que y’avait de la poudre de fée visible, mais disons qu’ils étaient légèrement tous trop penchés sur leur table, à regarder autour d’eux.

J’allais pas m’improviser mentaliste d’un coup, mais disons qu’il y avait une différence entre regarder un peu partout pour espérer choper une serveuse qui prendrait la commande des boissons et regarder partout comme si un flic se cachait dans les fourrés. La deuxième option, je la connaissais par cœur, après tout j’avais été un fugitif aussi. Pendant deux jours, certes, mais fugitif malgré tout, jusqu’à ce que je me rende de moi-même sur les supplications de ma mère.

Et ces deux-là sentaient à plein nez le comportement louche. « J’vais les garder à l’œil, et j’pense que vous devriez p’tèt faire de même, parce que si c’est bien eux, dans dix minutes j’suis parti. » Cette fois-ci, je quittai rapidement du regard ceux que je surveillais pour lancer un regard noir à la conseillère de l’OBCM qui était parvenue à me sortir des trous de nez en juste deux secondes. Certainement était-ce la femme de la vie de Maxwell, cet enfoiré de voisin qui m’avait pourri la vie pendant des mois. Fallait que je songe à les faire se rencontrer, l’un n’allait certainement pas être un cadeau pour l’autre, et moi, j’me marrerais bien à les regarder se snober l’un et l’autre…

Tu n’es pas méchante, tu ne fais juste rien pour qu’on t’apprécie, c’est certain. Cette mission, tu aurais dû la refuser, n’importe qui de censé l’aurait fait mais toi, tu n’es qu’à tes débuts en tant que conseillères et on peut dire que tu ne veux pas de problèmes. Pas tout de suite en tout cas. Le regard qui observe d’abord la pièce, puis qui se repose sur le métamorphe face à toi. C’est bien ta vaine ça. De tout ce à quoi tu pouvais avoir à fair,e il fallait que ça soit l’un de ceux qu’on t’a toujours appris à détester. A raison d’ailleurs mais là n’est pas la question. Même si tu n’avais pas reçu cette éducation, tu ne pourrais que le détester. Sa posture, sa manière de te parler, à croire que c’était le destin. Tes mots n’arrangent rien mais pour une fois, tu ne mens pas, tu dis simplement ce que tu penses comme si c’était normal, une évidence parmi tant d’autre. « Pfff… » Et tes yeux qui se lèvent au ciel. S’il cherchait à être discret, c’est raté, c’est certain. Lueur de défi qui luit dans ton regard quand tu lui poses une question, simple en apparence, qui attend une réponse sérieuse. Tu ne comptes pas passer plusieurs jour sur cette mission avec lui dans tes pattes alors si ce soir ça pouvait être réglé, ça t’arrangerais grandement. « Ouais, juste derrière. Leur comportement est bizarre rappor’aux autres. » Tu ne peux pas te retourner simplement ça serait trop facile alors tu feins l’ignorance en commençant à travailler. Tu fais celle qui est occupée pour te retrouver finalement en position de force, face à ces hommes, le regard qui oscille entre les uns et les autres. Aussi étrangement que cela puisse paraître, tu le crois quand il te dit qu’ils sont étranges ces hommes. Il va te falloir en juger par toi-même maintenant. « J’vais les garder à l’œil, et j’pense que vous devriez p’tèt faire de même, parce que si c’est bien eux, dans dix minutes j’suis parti. » Tu voudrais rire mais ça ne serait pas discret, ça serait attirer l’attention sur vous inutilement et c’est loin d’être ce que tu désires. Alors tu te contentes d’un regard et d’un sourire en coin, le genre un peu trop mystérieux, qui cache des choses aussi. « Les rats quittent le navire quand ça devient dangereux… tu comptes donc faire mentir cette phrase bien connu en restant ? » Référence à l’animal en lequel il se change, ça t’amuse mais tu t’en fous de le montrer. Tu n’es pas quelqu’un qui fait dans la dentelle, pas alors que tu as d’autres préoccupations à l’esprit.  « Garde l’oeil ouvert. » Tu ne lui laisses pas le temps de dire quoique ce soit que tu t’éloignes pour prendre une bouteille, pour rejoindre la table de ces hommes avec un sourire aux lèvres, une démarche qui t’est propre. Tu joues avec le feu Niamh et tu sais que la brûlure est plus proche qu’il n’y paraît. Est-ce que c’est bien ou mal, ça n’est pas le plus important, il y a d’abord que tu aimerais rester en vie. « Messieurs, cadeau de la maison. » Castiel te pardonnera que tu te répètes en venant poser la bouteille sur leur table. Ils sont habitués à voir ton frère sans doutes, si ce sont des habitués mais ce soir, ils devront faire avec toi comme patronne. Un regard en arrière vers Dagda, tu hausses les épaules. De près, ils n’ont rien d’étrange, ou alors ils cache bien leur jeu. Un sourire vers eux, tu rejoins ton partenaire de la soirée. « Rien vue de près, ou alors ils sont plutôt malin et moi vraiment inexpérimentée. » Parce que tu ne le diras pas, c’est la première fois, ta première mission car tu n’étais avant ça qu’une informatrice, celle qui recueil les donnés pendant son tour du monde, rien de plus.

Elle faisait vraiment tout pour se montrer désagréable… Et ça m’gonflait à mort. J’voulais bien faire un effort, surtout que si j’étais là, c’était pas pour elle, je m’en tape qu’on vende de la drogue dans son bar de merde, juste, pas de la poudre de fée. Donc, quand elle se permit de me titiller sur mon animal totem, j’réagis au quart de tour : « Au moins, j’suis pro. Pas comme certaines. » Parce que ouais, ça paraissait pas pro, son attitude. On dirait une gosse pourrie gatée à qui on avait retiré sa poupée. Sans compter que j’avais jamais fui devant mes missions, en avait-elle fait le quart de ce que j’avais fait pour les créatures ? Le dixième ? J’étais allé au Pérou, pour mes semblables. Elle ? A part avoir disparu de la circulation pendant des années ? Hum.

Et c’était mieux gradé que moi. Comme quoi, ça marchait vraiment pas au mérite, ces choses-là. J’espérais qu’elle avait autre chose que sa belle gueule et son fric pour appuyer sa position.

J’allais certainement regretter, voire payer la remarque que je venais de lui envoyer dans les dents, mais ça faisait du bien alors qu’elle m’ordonnait de garder l’œil ouvert, tout en se tirant. Bah tient, comme si j’avais besoin qu’elle me l’dise… Je servis un client rapidement, tout en gardant la table sous mon regard scrutateur. Ils étaient vraiment bizarres, je les sentais bien comme étant mes clients du jour, totalement. Même si madame revenait pour dire que soit ils étaient innocents soit elle était inexpérimentée, j’pouvais pas me les retirer de la tête. D’ailleurs, je parvins à retenir une remarque pleine de fiel concernant le fait qu’inexpérimentée, elle devait l’être, vu son comportement. Elle se la racontait trop. Vraiment.

Toute façon, ça allait pas être compliqué, j’avais juste à continuer à les regarder, le plus discrètement possible, balayer la salle pour faire genre je mate pas qu’eux – heureusement que les serveurs ont tendance à être invisible tant qu’on a pas besoin d’eux – et attendre. Attendre que leur revendeur arrive, qu’ils parlent affaire. Si j’voyais la moindre poudre de fée, n’importe quoi… Si l’un d’eux allaient aux toilettes, j’le suivais. J’allais devoir tout faire pour faire en sorte qu’ils ne quittent pas ma vigilance, et surtout que ça soit eux.

Et j’attendis. Ils parlaient, ils buvaient, regardaient leurs poches… Ils attendaient aussi quelqu’un, vu que le brun du groupe vérifiait sa montre. Et quelqu’un arriva, effectivement. C’était l’un des mecs de cuisine, je l’avais croisé en entrant par la porte de service. J’avais vite fait parlé avec lui, pendant une petite pause cigarette avant d’attaquer. Il vint juste pour leur dire de venir, comme si de rien n’était. Je lançai juste un regard vers Niamh O Murchu, qui avait sa part du plan à faire aussi : chanter cette espèce de chanson de sirène, en priant pour que tous ne soient pas des fées. Justement, les fées, je m’en chargeais, j’avais mes boules quiès et mon masque des fois qu’un de ces connards voudraient faire de moi sa marionnette.

J’étais paré au décollage, juste, prier que je me plante pas… Et visiblement, j’me plantais pas, vu ce que j’observais par la porte de service, l’ouvrant juste assez pour voir ce qu’il s’y passait. Ils s’échangeaient du fric contre des sacs. « Bon bah, m’dame, c’est à vous de jouer. » Et moi, j’mis mes boules quiès.

Tu sais que ça va finir, pour lui, pour toi, pour eux. Tu ne sais pas du tout bien que dans le fond, tu espères que la dernière option soit la bonne. Tu sais aussi que tu te plaindras à plus haut que toi quand cette mission sera terminé. Plus jamais, c’est bien simple à comprendre. Tu n’as jamais été une personne de terrain, étant plutôt dans les renseignements avant de revenir en ville alors faire ça, une première, avec une personne que tu ne peux pas encadrer, c’est difficile de rester professionnelle ne serait-ce qu’un minimum. « Au moins, j’suis pro. Pas comme certaines. » Tu as bien une réflexion toute trouvée et pourtant, tu la garde pour toi, tu refuses de lui donner raison voilà tout. C’est vrai que tu es un peu tête brûlée, que tu agis sur le coup de la colère et de ta haine envers son espèce mais quand on est conditionnée de la sorte depuis sa plus tendre enfance, difficile de voir les choses différemment. Tu ne veux pas avoir tort, tu ne veux surtout pas admettre qu’il pourrait avoir raison en réalité et encore moins que sur ce coup, tu lui fais confiance. Tu as ta fierté Niamh et parfois, elle est plus handicapante qu’autre chose. Tu fais peut-être ta loi dans ce bar, tu es peut-être chez toi mais ça n’empêche pas que pour une fois, tu pourrais avoir besoin d’aide, de quelqu’un d’un peu plus expérimentés que toi sur le terrain pour être certaine de mener à bien cette mission que tu qualifierais presque de suicide. Une bouteille à la main, un verre offert à chacun de ces hommes avec un sourire bien trop enjoleur pour être sincère. Tu joues un jeu, tu joues avec le feu mais tu ne sais pas quoi penser d’eux, tu ne saurais pas dire si eux aussi sont plutôt doué dans leur domaine pour que tu ne remarques rien ou si tu t’es faites avoir comme une débutante. Tu jettes un coup d’oeil à ta montre, un coup d’oeil vers l’entrée alors que tu prends appuyes sur le bar, comme si c’était normal, adoptant la posture que tu juges la plus en adéquation avec la situation. Ici, tu es peut-être celle qui dirige mais sans armes, sans rien pour te protéger, tu n’es qu’une civile, qu’une infiltrée face à des professionnels. C’est trop sérieux dit comme ça mais c’est ce que tu vois là. Des hommes qui mènent sagement un trafic dans ton bar, pensant être à l’abri des regards. Tu grinces des dents, tu détestes être prise pour une idiote Niamh et un regard entendu vers ton partenaire de fortune suffit à comprendre qu’il a bien vu la même chose que toi. Tu attends le bon moment, tu attends le signal pour savoir que tu peux y aller, que c’est à toi de jouer en bonne sirène que tu es. « Bon bah, m’dame, c’est à vous de jouer. » Nouveau signe de tête, nouveau regard. Tu ne sais pas trop si ça va fonctionner, c’est la première fois que tu te retrouves dans cette posture, à devoir agir de la sorte. Tu le regardes mettre des boules quiès et tu lèves les yeux au ciel, c’était tentant qu’il oublie, en tout cas, tu ne le lui aurais pas rappelé, c’est certain, quitte à te retrouver ensuite dans l’embarras. Les notes sortent finalement d’entre tes lèvres et l’effet est immédiat. Tu ne pouvais pas demander mieux et c’est plaisant, ça te fait sourire d réussir aussi bien à les envouter de ta voix, comme seule ton espèce est capable de le faire. Tu laisses les choses durer. Un peu, beaucoup, suffisamment en tout cas pour être certaine de ne pas avoir à recommencer et quand tu arrêtes pour reprendre ton souffle, tu te tournes vers ton coéquipier, désignant ses oreilles d’un geste sur l’une des tiennes. Tu attends qu’il puisse t’écouter avant de dire quoique ce soit. « Et voilà pour vous. Livrez sur un plateau d’argent en revanche, tu devrais te retourner, je ne compte pas courir après celui qui s’enfuit vers la porte de service. » Porte qui est fermé mais tu cherches juste à te distraire en réalité, ça t’amuse, c’est tout toi. « On en fait quoi du coup ? Non parce que tu sais qu’ils ne vont pas rester ainsi éternellement et que je ne veux pas faire fuir nos clients parce qu’ils pensent que je me joue d’eux pour les faire consommer un peu plus. » Et bien que l’idée soit tentante, tu laisses ça aux bars qui n’ont rien de mieux pour attirer la clientèle, ce n’est clairement pas pour toi.

Si je me la coltinais, ce n’était pas pour le plaisir de s’envoyer des piques – si seulement c’était un plaisir. Non, c’était parce que madame était une sirène, et ça lui donnait deux choses : la grosse tête, et une voix à devenir littéralement fou. Et quand elle avait commencé, je n’avais pas cherché à vérifier les dires de spécialistes sur les talents des sirènes, non, j’avais occulté mes oreilles, histoire de rester sain d’esprit. La fin de la mission en dépendait, et je tenais à garder un tableau de chasse nickel.

Un truc me disait qu’elle aurait bien aimé que je ne le fasse pas, juste pour faire chier. Est-ce que c’était une gamine ?

Quand elle eut terminé son apport à la mission, je retirai mes boules quiès à son signal, pour l’entendre me sortir une connerie. Je ne me retournai même pas, elle se fichait de moi. « Ben voyons. » Je roulai des yeux. Au moins, cette mission s’était déroulée sans accroc, c’était agréable, j’allais pouvoir reculer ma voiture, les mettre dedans, et filer direction le quartier général pour que des personnes bien plus compétentes que moi s’en chargent. Moi, j’étais un soldat, on me disait de faire ça, j’en faisais pas plus – sauf quand y’avait besoin, évidemment. Donc pour répondre à sa question : « J’les emmène. Comme prévu. Vous, vous restez là, il s’est rien passé, vous connaissez le topo. » J’haussai les épaules, après tout, je faisais que répéter ce qui avait déjà été défini plus tôt, et ça faisait du bien aussi de donner ce qui ressemblait un poil à des ordres.

Sur ce, je retirai tout ce qui avait trait au métier de barman de moi : le torchon, le tablier à poche et les deux pinces qui retenaient mes cheveux un peu trop longs dernièrement en arrière de mon visage – histoire de pas en mettre dans les verres, ce serait pas mal. Je les mis dans les mains de la patronne d’un jour pour ensuite sortir directement, ramener la caisse, et y jeter les hommes sur le siège arrière. J’avais pas beaucoup de temps avant que l’enchantement ne se barre, et j’avais pas envie de me battre tout en conduisant ma voiture. Au moins, je pensai à les attacher avec des cordes que j’avais prévues dans la caisse, et je leur mis des cache-yeux histoire qu’au cas où, ils ne voient pas la route que j’allais prendre vers le lieu très secret où je les emmenais.

Une fois cela fait, je n’eus plus qu’à saluer d’un sourire un peu trop provocateur depuis ma fenêtre, vérifiant que personne ne m’avait vu, je la saluai d’une main : « Hasta la vista ! » et m’en allai. J’aurais bien ajouté baby à la fin de ma phrase, mais disons que je n’avais pas trop envie de l’appeler comme ça. Sans compter que j’étais à peu près certain qu’elle le prendrait véritablement mal, et je n’avais aucun intérêt à me la mettre définitivement à dos…