Tu avances lentement, une main sur le bras de ton père l’autre sur ta canne qui balaye le sol devant toi. Tu entends le roulement sourd de la plateforme sur laquelle se trouve ton piano électrique, poussé par ton père. Vous vous dirigez vers le refuge, là où toutes les personnes que l’incendie a rendu sans domicile se sont réunies. Toi, tu as encore ton foyer, il était assez éloigné du foyer d’incendie pour que vous n’ayez eu qu’un coup de chaud.
Tu ne peux pas aider, tu ne ferais que gêner ceux qui aident les réfugiés mais il y a une chose que tu peux faire. Que tu as l’habitude de faire. Tu peux égayer les cœurs en jouant de ta musique, tu peux leur jouer un air qui accompagne leur cœur. Ta capacité à lire les cœurs tu ne la dois ni à ton espèce ni à ton aveuglement mais à ta générosité. Plusieurs de tes professeurs te l’ont dit, ta musique touche les esprits et les emmènent loin de la Terre. Tu espères pouvoir faire la même chose avec les réfugiés, ceux qui ont tout perdu et qui, parfois, pleurent des morts.
Tu trébuches légèrement et te rattrape presque instantanément. Tu grimaces, tu préfères l’eau, comme tous tes semblables. Tu es tellement maladroite sur la terre ferme. Tu chasses cette pensée avec l’aisance que donne l’habitude et tu te reconcentres sur ton problème. Car problème il y a. Tu es douée en musique, tu joues avec ton cœur et tu as un véritable talent, beaucoup te l’ont dit. Cependant les pianos électriques donnent un son que tu apprécies moins que les véritables pianos. Et ça t’angoisse. Comment parvenir à convaincre leurs esprits d’accompagner la musique si tu n’en es toi-même pas satisfaite ? Ça te chiffonne depuis que ton père et toi êtes partis de chez vous. Tu tentes de te convaincre que tout se passera bien, que tu feras de ton mieux mais ça ne fonctionne pas. Tu ne veux pas faire de ton mieux, tu veux les aider.
Ton père et le bruit sourd de la plateforme s’arrêtent, te ramenant à la réalité. Tu penches la tête d’un côté, écoutant les bruits autour de toi. Tu entends des bruits, des cris, des voix parler à tords et à travers. Si tu oubliais l’atmosphère lourde qui régnait et l'odeur de renfermé qui flottait dans l'air tu aurais pu te croire un jour de marché. Tu entends ton père installer le piano et le tabouret, tu attends qu’il revienne vers toi pour te guider. Tu t’installes doucement, craignant de heurter quelque chose, et tu poses tes mains sur les touches en face de toi. Tu laisses tes doigts courir sur les touches, sentant les imperfections qui te permettent de te repérer sur le clavier.
Tu arrêtes tes doigts, tu expire doucement, tu fermes les yeux et tu commences la mélodie. Sonate au Clair de lune de Beethoven. Tu la connais bien cette musique, une de tes premières vraies partitions. Tu l’as appris par cœur, il y a si longtemps que tes souvenirs sont flous. A mesure que tes doigts parcourent le clavier avec aisance ta nervosité s'apaise et ton cœur finit par accompagner la musique comme une vieille amie. Ton esprit accompagne toutes les variations de la musique et un sourire joue sur tes lèvres alors que la mélodie monte vers le ciel et imprègne ton esprit de sérénité.
Tu achèves ta musique et tu reposes tes mains sur tes genoux. Tu n’attends pas d’applaudissements, tu cherches simplement une autre mélodie à jouer, une que tu connais bien et qui t’apporte la même sérénité que Sonate au Clair de Lune. Un sourire joue toujours sur tes lèvres et tu sais que tu es seule, ton père est allé saluer des amis, il sait que tu ne risques rien. Tu sens alors un regard sur toi et tu tournes ta tête dans cette direction. Tu n’en as pas besoin mais tu as appris à faire comme si tu voyais, ça rend les gens plus à l’aise, la plupart du temps. Ton esprit s'est apaisé avec l'envol de la mélodie et tu te sens calme, sereine. La musique a toujours eu cet effet sur toi.
(c) AMIANTE
Invité
Dim 17 Avr - 15:42
Kearan & Alexis
▴la musique rapproche les coeurs▴
Courir pour se libérer l’esprit, se vider la tête et ne plus penser à rien à part ce sol qu’elle foulait des ses baskets, guidée par la musique que les écouteurs diffusaient dans ses oreilles, ses cheveux qui lui balayaient le dos à chacun de ses pas lui donnant le rythme. Alexis adorait courir - elle adorait le sport en général mais courir lui permettait d’être seule avec elle-même et de se vider l’esprit, plus encore que d’autres sports qui lui permettaient plus de prendre son pied, de profiter des sensations fortes ou d’évacuer la colère, la rage qui l’habitait parfois - et encore plus maintenant que le printemps était là, belle saison où le soleil était roi et où les oiseaux revenaient accompagner les journées de leurs chants et de leurs gazouillements. Courir en hiver c’était devoir se couvrir un peu pour ne pas mourir de froid mais pas trop pour ne pas tomber malade et accepter que les premières minutes se passent dans un temps glacial. Les douches chaudes étaient ensuite plus que le paradis. Courir en été c’était la chaleur, la transpiration, la lourdeur de l’air. Mais le printemps, le printemps c’était un temps doux comme il le fallait, un paysage en fleur agréable aux yeux.
Accompagnée d’une playlist qui mêlait tout type de musique, elle était partie de chez elle et avait quitté son quartier tranquille, son quartier résidentiel, pour la partie d’Eagle Street où on ne trouvait plus d’habitation mais les bars, les boutiques ou la mairie.. Elle ne faisait pas vraiment attention au chemin qu’elle empruntait, préférant laisser le hasard guider sa course. Le paysage printanier qu’elle aimait tant laissait ici place à un paysage de désolation. La ville, la belle ville de Bray qu’elle connaissait depuis toujours, avait laissé place à des bâtiments calcinés, des poutres brûlées, des restes de charpentes complètement noircis par le feu. Tout n’était pas brûlé, quand même pas, mais il y avait de nombreux bâtiments qui avaient soufferts et s’ils n’étaient pas tous effondrés, certains avaient une façade noire, un toit qui manquait en partie… les quelques bâtiments qui avaient échappés aux flammes avaient été chanceux.
Son footing la mena au refuge, lieu éphémère construit spécialement pour accueillir ceux qui avaient tout perdu dans l’incendie. Elle y jeta un coup d’oeil, désolée pour tous ceux qui devaient s’y rendre ayant perdu leur logement, leurs effets personnels et parfois même des membres de leur famille où des personnes qui leur étaient proches. Alexis avait eu de la chance. Elle n’avait rien perdu, elle. Mais certains de ses amis avaient été salement amochés et c’était comme si elle avait subit, elle aussi.
Une douce mélodie traversa sa bulle de musique et de jogging qu’elle se créait à chaque fois qu’elle courrait. La brune s’arrêta, prenant le temps de respirer lentement et profondément pour ne pas avoir un point de côté et pour pouvoir repartir aussi vite qu’elle le voudrait. Alexis retira les écouteurs de ses oreilles et les laissa pendre sur sa poitrine tout en cherchant d’où provenait cette musique qui l’avait tirée de ses pensées. Maintenant qu’elle n’écoutait plus ses chansons, elle entendait pleinement le piano qui déversait cette mélodie, de la musique classique et elle était quasiment sûre qu’il s’agissait de Sonate au clair de lune. Elle n’était pas une pro de la musique classique mais elle avait quelques bases, elle connaissait quelques classiques et celui-ci en faisait partie.
La mélodie imprégnait l’air et s’accordait parfaitement avec la journée de printemps. Alexis tourna sur elle-même pour trouver la source et aperçu une jeune fille entrain de jouer au piano devant le refuge. Les yeux clos, elle semblait portée par la musique qu’elle jouait. Elle était la musique qu’elle jouait. Et elle jouait merveilleusement bien. La Samson s’avança pour écouter de plus près. Le morceau se termina, bien trop tôt au goût de la brune qui aurait pu écouter cette jeune fille jouer encore un long moment. Elle avait les mains posées sur ses genoux, comme si elle attendait quelque chose.
Puis, alors qu’Alexis n’avait pas fait un geste ni dit un mot, la jeune fille tourna la tête dans sa direction. Elle semblait consciente de sa présence mais ne regardait pas exactement Alexis, plutôt un point un peu plus haut que son épaule gauche. Une petite lumière s’éclaira dans l’esprit de la brune qui comprit qu’elle était sûrement aveugle, du moins mal-voyante. Alors elle s’approcha, s’arrêtant à côté du piano. « Tu joues très bien. »
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