Désir inavoué (Leïla & Sasha)

Mon regard glisse sur mon reflet dans le miroir, insatisfaite de la tenue que je porte. Je sais que la tenue est très bien et que j’ai déjà eu l’occasion de la porter à plusieurs reprises sans que j’ai rien eu à lui reprocher. Mais vous savez ce que c’est, il y a des jours où on a l’impression que rien ne va et qu’on aurait dû rester au lit. Les gens étaient particulièrement chiants aujourd’hui, pas un pour rattraper les autres. J’ai eu un peu de tout je crois aujourd’hui. Ceux qui rentrent sans dire bonjour et m’envoient presque chier parce que j’ai eu le malheur de leur demander, en souriant, si je pouvais les aider. Ceux qui me sautent presque dessus pour savoir si j’ai reçu tel livre ou qui sont à la recherche d’un bouquin, sans pouvoir me donner le titre ou l’auteur mais savent que la couverture est rouge et sont limite scandalisés que je ne sois pas en mesure les aider avec cette information pourtant si essentielle. Ceux qui recherche des livres sur un thème spécifiques, dont je ne connais bien souvent même pas l’existence, et sont choqués face à mon ignorance, me prenant bien souvent de haut comme s’ils m’étaient supérieurs. Et juste les cons, ordinaires, qui ne sont là que pour me faire enrager parce qu’ils rangent les livres n’importe comment, me traitent comme de la merde sous prétexte que “je suis à leur service” et s’en vont sans un merci ou un au revoir. Et au milieu de tout ça, beaucoup d’attente, un peu de ménage, du rangement, quelques commandes internet à envoyer, des réponses à des mails ou au téléphone. Bref, la routine quoi ! Mais je ne sais pas, aujourd’hui, j’ai pas eu envie de supporter tout ça et j’étais satisfaite quand j’ai enfin pu fermer. J’imagine qu’il y a des jours avec et des jours sans.

Vous allez me dire, dans de telles conditions, pourquoi me prendrais-je la tête à sortir pour supporter d’autres personnes, certainement tout aussi désagréables, au lieu de rester bien sagement chez moi, à manger une pizza en regardant un film ou une série ? Parce que j’aime bien me faire du mal, j’imagine. Parce que ce soir j’ai envie de sortir pour me retrouver dans un bar bondé, à boire un verre qui me coûtera un bras, même pas forcément bon mais qui me donnera au moins l’illusion d’avoir une vie sociale. Parce que j’ai envie de m’offrir l’illusion que je ne suis pas seule, même si je serai au milieu de parfaits inconnus. Et parce que bordel, j’ai envie de m’envoyer en l’air. Voilà, il arrive des jours où le célibat ça craint et que la seule solution pour palier au manque, c’est de se trouver un coup d’un soir. Je sais qu’il est peu probable que je finisse par rencontrer l’amour en sautant sur tout ce qui bouge, mais je n’ai jamais prétendu le chercher. Enfin, si, je le cherche, mais j’imagine que si je ne le trouve pas, c’est parce que je ne suis pas prête encore à me remettre sérieusement avec quelqu’un. Le dernier mec que j’ai fait rentrer dans ma vie a fini par massacrer mon oncle et ma tante. Et même si ça fait 2 ans, je reste marquée par cet épisode. Je me connais, je sais que j’ai des goûts à chier en matière de mec et que je vais encore avoir l’art de rencontrer un pauvre type qui me fera plus de mal que de bien. Quand on sait que j’ai craqué récemment pour Maxwell, le mec pas franchement sympathique et équilibré, on sait d’avance que je n’ai pas changé. Mais bon, pour un soir, j’imagine que je n’ai pas besoin de me montrer trop regardante !

Je vais souvent au même endroit quand j’ai envie de boire un verre. J’ignore pourquoi, mais j’aime bien ce bar. Pourtant il n’a rien de plus que les autres, mais c’est un peu devenu mon spot. La bière n’est pas trop dégueulasse, les gens ne sont pas trop cons et la musique passe plutôt bien. Quand j’y arrive, il y a déjà un peu de monde, comme bien souvent à cette heure-ci. Je me faufile sans trop de difficulté jusqu’au bar pour aller me commander une pinte. J’essaye de me contrôler pour ne pas parcourir le bar du regard, en quête d’un visage en particulier. J’en ai envie, bien plus que je ne voudrai l’admettre, mais je ne le fais pas. Cette petite obsession est devenue ridicule, il faut que ça cesse. Déjà je ne comprends pas comment tout ça a commencé et ça m’énerve de focaliser mon esprit sur tout ça. Je ne suis pas gay ! Et jusqu’à preuve du contraire, je n’ai jamais été attiré par une fille de toute ma vie. En plus je suis en retard, la mode d’être bi est passée depuis longtemps donc j’ai même pas de raison d’avoir envie, comme une débile, de suivre le mouvement. Ma bière commandée, je vais pour faire demi tour, j’ai repéré un peu plus loin une table de libre, je ne voudrai pas qu’on me la pique. Et comme bien souvent, c’est quand on évite une personne qu’on y tombe dessus. A peine ai-je eu le temps de me retourner que je suis surprise de découvrir une Leïla resplendissante derrière moi. Je sursaute, ne m’attendant pas à la voir, renversant au passage un peu de ma bière.  “Bordel ! Tu fais chier !” Dis-je en colère, la foudroyant du regard avant de faire un pas de côté pour rejoindre ma table. Fais chier ! Fut ma première pensée. Fallait qu’elle soit là elle aussi. Elle ne pouvait pas décider de faire une soirée pyjama chez elle ou d’aller chez une amie pour passer la soirée. Non, Madame devait venir squatter Mon bar comme si c’était chez elle ! Non mais je vous jure les gens de nos jours, plus aucun respect. Et en cet instant, je me déteste autant que je la hais. Pourquoi mon cerveau tordu a décidé de faire une fixette sur elle ? Pourquoi elle bordel ? Je me dirige-je vers la table que j’avais repéré, tout en me remettant de mes émotions. Mon coeur s’est accélérée et mes jours ont rougies face à la surprise de la voir. Et je me déteste d’être tant partagée entre la joie de la voir et l’agacement. Je ne vais décidément pas rond, je suis irrécupérable comme nana !