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 nouvelles (rodag)

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nouvellesOuais alors comme maintenant t’es posé à l’OBCM, autant voir si ça va.Depuis que Utah était parti sur son bateau, même si j’avais bro, je me sentais un poil seul. Bon, c’était pas étonnant, Ut’, c’était un esprit libre, il allait à droite et à gauche sur les océans, puis il revenait plus tard, quand il en aura marre de l’eau salée – est-ce que c’était seulement possible ça ? Bref, un jour peut-être qu’il reviendrait, en attendant, j’avais pas pu m’empêcher de penser à son pote, qui s’était fait agresser sauvagement et qui, suite à un moment surréaliste, a avoué faire partie de ces créatures surnat’ comme nous. Enfin, pas la même. Ut’ c’était une fée, moi un métamorphe, et lui, il avait le truc le plus nul de l’univers : Oracle. La bonne vieille malédiction super sympa qui te rendait aveugle, te filait des visions atroces la plupart du temps, et en plus, des crétins dangereux étaient à tes trousses juste pour savoir ce que l’avenir leur réservait.

Ouais, je compatissais un peu avec ce mec, surtout parce qu’il avait perdu un pote, comme moi, avec ce départ légèrement inopiné. Et chaque fois que j’allais à l’OBCM je me disais que j’allais demander des nouvelles à ce type, m’dire si ça allait, ce genre de choses. Sauf que soit j’étais occupé, soit j’le croisais pas. C’était genre ma poisse. Alors, j’me disais que puisque j’avais pas son numéro, que je connaissais même pas son nom de famille ni son adresse, et que j’allais pas faire iech Chester avec mes conneries, bah que j’attendais que le destin nous mette sur la voie.

Genre par exemple, j’le cherchais un peu du regard quand j’étais en voiture, des fois, quand j’rentrais du boulot, ou que j’faisais mes courses, des trucs du genre. Quand j’étais dehors quoi. Pas tellement de chance que je le croise au bar, j’supposais, donc y’avait qu’à espérer qu’il soit pas ermite. Ca se trouvait il l’était, et j’avais juste l’air de mater des meufs par la fenêtre. Un pervers de plus dans les rues de Bray, ‘fin, vous pouvez relativiser, bro a bien trauma’ une daronne et sa môme avec sa teub en pleine rue. J’dis ça, j’dis rien –

Attendez une seconde.

Ah bah il était pas un ermite, finalement, le Rod. En fait, il était là, assis à un arrêt de bus, et j’avais même dû regarder à deux fois au feu rouge pour être sûr que c’était lui. Putain, fallait que je fasse demi-tour ! Des flics ? Putain ouais. Bon. Restons civilisé, et pressé surtout, c’était l’occasion. J’avais juste à prier que le temps d’arriver à faire le tour du pâté de maison, que son bus soit pas arrivé.

Et coup de bol, au moment où je me mis en warning sur la place du bus, j’ouvris la fenêtre côté passager pour lui crier : « Rod ! Hé ! Pschit, Rod ! C’est Dagda, vient, je t’emmène ! » Bon, il était aveugle, mais il m’connaissait maintenant, il allait plus flipper hein ? Puis aussi fallait que je le fasse rentrer dans la voiture. Il allait s’en sortir pour venir ? Je pris deux secondes pour foutre derrière le bordel que je mettais sur mon siège passager, et je retirai la clé du contact pour sortir et aller l’chercher : « Allez vient, je te ramène là où tu veux. On en profitera pour causer, ça tombe bien j’voulais d’tes nouvelles. » J’lui avais touché l’épaule histoire de le guider, vite avant qu’un bus arrive et qu’il soit bloqué vu que j’étais sur sa zone là.
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What have I become my sweetest friend
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Utah s’en va.
Tu aimerais pouvoir dire que ça t'étonne, mais ce n'était pas la première fois qu'il prenait le large. Ce n'était pas non plus le premier à t'abandonner derrière. C'en était rendu au point où tu n'avais même plus l'envie d'en pleurer. Lassé de la perte, l'amertume ne voulant plus quitter ta gorge, les yeux secs. Tu avais trop pleuré, épuisé, à court de larmes. Oswald était mort quelques semaines plus tôt, il choisissait le bon moment pour partir. A force, il ne te restait plus personne. Juste ton chien et ta mère, et puis Chester parce qu'on l'y contraignait : presque un retour à la case départ. C'était décourageant.
Le bateau est déjà loin, battant les flots dans un dernier coup de sirène. L’odeur d’iode et le vent du large te prennent le visage, Bert à côté de toi assis sur la jetée regarde l’horizon. Tu lèves le nez, immobile, et tu soupires longuement. « Je sais même pas pourquoi j’suis venu » tu bredouilles pour toi tout seul. « J’peux même pas voir le bateau partir. » A quel point tu te sentais idiot, debout face au vent, le regard absent tourné vers un bateau qui n’était peut-être même pas dans cet angle. Tu étais venu pour marquer le coup, lui dire adieu, au revoir, peu importe. Ce n'était que le terme d'une autre étape de ta malheureuse existence. Et bien voilà, elle est finie, tu peux passer à la suite maintenant.
Non, pas encore, ça te vient finalement. L’envie de pleurer, le froid dans les oreilles, au bout du nez, au bord des cils. Tu en as marre que ça te prenne, tu espères que ces larmes seront les toutes dernières. Baissant la tête, tu attends que ça coule - ça ne coule jamais que d’un côté. Tu renifles un peu, et essuies ta joue mouillée avant qu’elle ne gèle.
Maintenant c’est bon, tu peux partir.

*

Le temps avait passé et la vie avait repris son cours, non pas que la tienne en ait vraiment un. Utah parti, sortir de chez toi avait perdu de sa saveur, et la solitude s’était faite plus pesante que d’habitude. Tout était devenu plat : tant mieux quelque part, mieux valait des jours paisibles que ceux-là où tu risquais la mort. Mais paisible signifiait aussi un peu moins de Chester, lui qui était véritablement le dernier motif qu’il restait à ton quotidien. Tu t’y étais attaché comme un navire à un récif sur une mer trop calme, ce petit quelque chose d’animé pour te sortir la tête du brouillard ou quelques fois t'y replonger. Tu ne savais pas combien de temps il vous restait encore - en fait, tu n’avais de nouvelles de l’OBCM que par son biais, et il ne t’en parlait jamais. Tu ne t’étais même jamais rendu sur place, ou tout au début peut-être mais jamais plus depuis que Chester t’avait pris sous son aile. On veillait sur toi voire on te surveillait, mais on te gardait à l’écart, et tu n’avais jamais formulé le désir de devenir un des leurs. Tu ne savais même rien de leurs activités, et le surnaturel était resté pour toi une question vague.
On aurait pu arguer que Chester te faisait du mal. Il te moquait continuellement, et les dangers de son impulsivité n'étaient plus à démontrer, mais pourtant tu t’obstinais à n'y voir que de la bienveillance. C'était toujours mieux que ta mère, pensais-tu - qui faisait approximativement la même chose, à cela près que chez elle la haine était plus qu'évidente. Victime. Ce petit minuscule détail de ta vie n'avait pas changé. C'était peut-être la seule chose parce qu'au fond, Rod, tu n'étais plus tout à fait le même, profondément marqué par les pertes successives et les remords qui te rongeaient. Tu en avais atteint ce stade de destruction où tu n'en avais plus grand chose à faire. Où tu avais accepté, finalement, que le bonheur était une notion qui te resterait étrangère, et que chaque jour n'était jamais plus qu'un délais, en attendant une mort inéluctable qui ne viendrait jamais assez tôt.

Tu étais déconnecté des bruits de la rue. Les passants, les voitures, une cacophonie ambiante dans laquelle tu guettais vaguement l’arrivée de ton bus, et c’était honnêtement la seule chose qui t’aurait fait bouger. Du moins, jusqu’à ce que tu discernes ton nom gueulé à quelques pas devant, et qu’instinctivement tu relèves la tête pour essayer de comprendre ce qu’on te voulait. La voix t’est familière, mais ce n’est vraiment que lorsque tu entends le mot Dagda que tu reconnais celui qui te parle. Viens, je t’emmène! qu’il te lance, et il a l’air pressé. Tu ne comprends pas ce qu’il te veut ni pourquoi il a l’air si impatient. Après tout, tu ne l’as pas “vu” depuis… Oh, depuis ce meeting avec Utah chez lui qui t'avait mis si mal à l'aise, et qui t’a conduit à l’OBCM. C’est vrai que tu n’as jamais pu le remercier pour ce qu’il avait fait pour toi, et pour ne rien cacher tu avais pensé à venir le voir, juste une fois, après le départ de ton meilleur ami. Pour le coup, vous étiez dans le même bateau, et ça t’avait semblé assez juste de faire cet effort, mais tout était encore devenu compliqué, et tu n’étais pas convaincu qu’il avait très envie de te voir.

Néanmoins tu t’es levé du banc de l’arrêt de bus et tu as fait quelques pas en avant, avec Bert sous les doigts, pour lui répondre, lui demander pourquoi il était là. Mais tu n’as même pas le temps de lui demander en entier « Qu’est-ce qu’y se passe ? » qu’il était déjà sorti, prêt à te choper l’épaule et à t’embarquer de force si tu résistes comme s’il avait le feu aux trousses. Ah bon, bon bah. Apparemment il veut te causer, t’as pas vraiment d’objection. Tu trouves quand même étonnant qu’il veuille de tes nouvelles, parce qu’il a pas vraiment de raisons de se soucier de toi, c’était pas comme si vous vous appréciez, pas vrai ? A moins qu’avant de partir, Utah lui ait demandé de veiller sur toi - auquel cas, il le faisait assez mal, on allait pas se mentir. Le tout ressemble à un kidnapping, d’ailleurs, tu n’aimes pas beaucoup cette sensation que l’on te presse - tu restes assez lent comme bonhomme, faute d’énergie pour courir dans tous les sens. « Bert... » as-tu seulement le temps de dire, pour que Dagda l’aide à monter et ne le laisse pas tout seul sur la chaussée. Qu’il ne s’en fasse pas pour toi, tu finirais bien par trouver la portière à force de tâtonner.

Tu montes à bord, calant tant bien que mal tes jambes dans la petite voiture et refermant la porte à côté de toi. Ce n'est qu'à cet instant que tu percutes pourquoi il est aussi hâtif. « Ah, d'accord, tu étais sur la voie de bus. » A toi maintenant d'articuler tes pensées pour tâcher de comprendre ce qui avait pu le pousser à se jeter sur toi de cette façon simplement parce qu'il t'avait aperçu à un arrêt. Cette version des faits te laissait un peu perplexe, on comprend pourquoi. Plutôt, tu essaies de rattraper le cruel manque de civilité que tu avais pu avoir à... chaque fois que tu l'avais croisé, en fait. « Merci de proposer de m'ramener. J'rentrais à Dragon Alley. C'est au numéro 57. » Au rez-de-chaussée, chez ta mère. Avec le recul, tu préférerais peut-être qu'il te kidnappe tout de suite, n'importe où ou presque devait être plus vivable que l'intérieur de cette baraque. D'autant que s'il voulait discuter, l'endroit était mal choisi - Dagda n'aurait vraisemblablement même pas le droit d'y mettre les pieds, et s'y ferait jeter comme un malpropre. En fin de compte ouais, peut-être qu'il valait mieux pour vous de rester dans cette voiture.
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nouvellesOuais alors comme maintenant t’es posé à l’OBCM, autant voir si ça va.Voir Rod à côté d’moi dans la voiture, ça me rappela un peu ces moments où y’avait un autre type à sa place, Utah tient, comme par hasard. Il me manquait ce con. Il avait l’avantage d’être tout le temps heureux, ce type, tout le temps à brûler la vie par les deux bouts, ce genre de connerie-là qu’on dit d’une personne qui vivait à cent à l’heure. Lui, il avait une vraie passion, la mer, les bâteaux, et il avait foncé sans rien regretter. Il s’était donné les moyens d’être heureux. Moi j’faisais quoi ? Du sport, rien avait changé. J’bossais dans un truc top, mais on allait pas jusqu’à dire que j’étais épanoui comme ces gens qui allaient au taf avec le sourire – paraît que ça existe. Sinon, le reste du temps, j’buvais des bières avec bro en attendant que ça passe, j’prenais des gueuletons avec Em’, et j’prenais des nouvelles du premier mec que j’avais embrassé qui avait l’air d’en chier dans sa vie. Ouais. Pas la moindre dose de passion dans ce délire. Même la dernière meuf que je m’étais faite y’avait pratiquement un an me donnait plus la moindre nouvelle, totalement disparue. Bon, je m’en étais remis hein, ça se trouvait j’étais son dernier coup d’un soir avant qu’elle quitte la ville, j’en savais rien. Juste, d’habitude, c’était moi qui me foutait de la gueule des gens et pas l’inverse. Un sacré coup dans la gueule, un peu.

Bref voilà, j’étais là à le faire rentrer dans la voiture avant qu’un bus ne décide de me transformer en pot de yaourt vide, ouvrant la portière arrière pour le chien d’aveugle – espérant qu’il mette pas trop de poils partout hein. Sur ce, j’retourne à la place du conducteur et j’quitte la voie aussi vite que les voitures me le permettent. Y’avait pas mal de trafic, vu que c’était l’heure de pointe, ça allait être un peu long, mais moins que le bus. « Ouais, j’me suis mis à l’arrache pour te ramasser. » C’était un peu du kidnapping, mais bon, s’il avait vraiment pas voulu, il aurait dit non. « T’inquiète, Dragon Alley, 57, c’est noté. Puis d’rien, fallait dire que tu tombais bien, ça faisait un moment que j’me demandais ce que tu devenais. »

Sans finir ma phrase, j’avais largement sous-entendu « depuis le départ d’Utah », mais voilà, c’était un sujet sensible encore pour moi, je lui en voulais un peu d’être parti. Bon, en vrai, j’étais surtout jaloux, parce que j’aurais bien kiffé qu’il me propose de venir, ou même juste j’aurais aimé le faire moi-même. M’tirer loin, même juste temporairement, histoire de voir autre chose que la même ville où j’étais né. Bref, si c’était un sujet sensible pour moi, j’osais pas imaginer ce que ça devait être pour lui. ‘Fin j’en savais rien en vrai. J’savais pas grand-chose de lui, sinon le plus « gros ». Bref. « Du coup bah… Ca va ? » J’avais pas l’air très malin là, à avoir tant voulu l’voir pour finalement rester aussi banal. En même temps, la dernière fois qu’on avait échangé des mots, il avait plus l’air d’avoir peur de moi qu’autre chose. Fallait d’ailleurs que je cale ça quelque part, lui demander si je le terrorisais réellement ou si j’me faisais des films. Enfin pour le moment, j’étais surtout focus sur la route, essayant de pas m’énerver au volant, puisqu’il voyait rien de ce qu’il se passait, si je me mettais à klaxonner et insulter les gens, il allait finir par faire une crise cardiaque comme le lapin de ma sœur quand je m’étais mis en tête de m’engueuler avec un pote près de sa cage.

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J’me suis mis à l’arrache pour te ramasser dit-il, c’était définitivement du kidnapping. Le pire étant qu’il n’aurait même pas besoin de s’inventer d’excuse sur le trajet, puisque ce n’était pas avec tes yeux cassés que tu allais t’en rendre compte s’il partait dans la mauvaise direction. Mais après tout, que pouvait-il bien t’arriver de grave. Un meurtrier qui avait fait ses six ans de taule t’embarquait à l’arrachée ? Tu avais bien subi un cannibale, tu n’étais plus à ce ridicule détail près. De toute façon, il est sensiblement plus amical que les dix dernières personnes avec qui tu as parlé, donc qu’il t’embarque. Ce n’était pas ce monde là qui allait te manquer. C’est même pire que ça d’ailleurs, plus qu’amical il est presque attentionné. Déjà un instant plus tôt, il disait vouloir de tes nouvelles, il en remet une couche maintenant – ça fait depuis un moment qu'il veut savoir ce que tu deviens et à force, tu te dis que ça doit quand même lui tenir à cœur.
Evidemment qu’il a fallu que ça te touche, évidemment que tu t'es senti embarrassé et que tu as pris quelques couleurs. Tu ne pensais pas avoir de grandes nouvelles à lui apprendre, tu trouvais tes jours assez vides et mornes, bien qu’à y regarder de plus près, tu continuais tout de même à en prendre pas mal dans la gueule. Tu restes muet, sans pouvoir fixer ton regard sur quoi que ce soit pour t’occuper l’esprit : tu te retrouves bien obligé d’y penser. Dagda dans ta façon d'envisager les choses, c’est le cool dude, le bad guy, le thug aux mains sales qui avait largement mieux à faire que de se soucier de toi. Alors oui c’est flatteur, de l’imaginer virer de bord en bagnole pour te sauter dessus et te demander comment tu vas. Oui ça te fait plaisir, même si tu t’attendais à franchement le décevoir – tu préférerais pouvoir lui dire : regarde, je suis devenu un gars potable ; malheureusement c’était juste toujours pire. Au moins, tu n’essayais pas de t’enfuir en courant devant lui, c’était une avancée non négligeable.

Pourtant quand il te demande platement si ça va, tu te sens comme une envie de rire, même de ricaner plutôt, parce que ça sonne un peu forcé dans ta gorge. Ça te rappelle un peu quand vous vous êtes présentés l’un à l’autre à peu près mille ans trop tard, alors que tu avais déjà déballé un des multiples drames de ton existence juste sous son nez. Même toi, tu sens à quel point c’est maladroit, et quelque part ça te console, de te dire que tu n’es pas le seul ici à être pitoyable avec les mots. Ça t’amuse, comme ça t’amusait la dernière fois, ça te fait rire, ça te met à l’aise – même si tu sais pas trop quoi dire. Est-ce que ça va ? Oui, non, les deux, tu ne sais pas. Tu restes un moment silencieux, comme pour faire la part entre l’un et l’autre, tu tends la main derrière toi pour frotter le museau de Bert du bout des doigts et te donner un peu d’assurance. « Pas vraiment, mais j’suppose que j’ai connu pire. » Tu pourrais être attaché à une table dans la cave d’un sociopathe, tu pourrais être agonisant et couvert de ton sang entre des psy inquisiteurs, des flics et des inconnus qui te tripotent pour te remettre sur pied. Au lieu de ça, t’étais dans une bagnole avec quelqu’un qui voulait prendre de tes nouvelles. De ce point de vue, on pouvait dire que ça allait plutôt très bien.
« Utah est parti » tu as rajouté un peu à mi-voix, mais bien sûr qu’il est au courant, c’est juste que voilà, si ça va pas c’est aussi à cause de ça. « C’est pas le seul. En fait… » Tu butes un peu sur tes mots, tu trébuches dessus, figurativement. « Si y’avait pas Chester, en fait – en fait… J’voulais, voilà, merci. » Bon attends, ça veut rien dire. Merde, c’est un peu la honte, tu te frottes le visage longuement pour effacer et tu recommences. « J’voulais te remercier, j’ai pas vraiment pu le faire mais je devais, je voulais le faire. Si t’avais pas été là ce jour-là, si tu m'avais pas aidé, j’serais tout seul, là, en fait. » Tu réalises que ça fait un peu trop de en fait, tu te sens ridicule, mais tant pis. Comme quoi même si tu apprends à passer outre, tes angoisses au fond sont toujours là. « J’avais pensé à venir te le dire mais je voulais pas te déranger, et puis c’est pas vraiment comme si j’pouvais te le rendre alors… » Arrête, tu te dis : arrête de vouloir toujours te justifier. Ça changera rien aux faits, mais pour être le dernier en date à t’avoir vraiment aidé alors qu’il te devait rien et que tu lui cassais les pieds, tu sentais que tu lui devais au moins ce morceau d'honnêteté.
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nouvellesOuais alors comme maintenant t’es posé à l’OBCM, autant voir si ça va.J’aurais peut-être pu être un poil plus inspiré pour Rod, étant donné que c’était moi qui était allé vers lui, mais voilà. J’étais comme ça, on allait pas m’faire changer du tout au tout hein ? Par contre, je m’attendais pas à ce qu’il dise rien sur le coup, je m’étais attendu à oui, non, j’sais pas, mais à un silence, nope. J’avais même détourné ma tête de la route pour regarder s’il s’était pas évanoui, ou un truc du genre – il était tellement pâlot que je me demandais s’il était correctement nourri. Mais visiblement il était plus en train de réfléchir à ce qu’il allait répondre qu’autre chose. Il était un peu lent dans son genre, hein… Enfin, quand on savait que j’le faisais flipper, on savait qu’il lui fallait pas grand-chose.

Et quand j’entendis son « pas vraiment mais j’ai connu pire », y’avait de quoi comprendre pourquoi il réfléchissait. Il avait pris ma question sérieusement, pas du genre à dire « ça va et toi » automatiquement, le genre de réponse qui me faisait me demander pourquoi j’demandais. Pas mal de demander dans la phrase, mais bref, pas d’autres façon d’le dire, et au pire ta gueule. En tout cas, toujours pas inspiré, j’avais juste sorti un « Hum. » genre, tu m’en diras tant.

Mais il expliqua même pourquoi c’était pas ouf. Genre, déjà, le rappel du départ d’Utah. Génial, carrément. Moi aussi ça m’en foutait un coup, c’était l’un des rares à être venu m’voir quand j’étais en taule, et maintenant il était plus là. C’était un peu comme un pilier qui venait de s’écrouler, genre, c’était un peu la preuve que j’étais encore un chic type avant d’avoir buté mon meilleur ami – et probablement l’un des rares à pas flipper d’être mon pote. Bon, j’en avais d’autres, donc j’étais pas tellement à plaindre. Lui, au risque de passer pour un vrai connard, il avait pas l’air d’en avoir beaucoup, des potes.

Puis il embraya avant même que j’aie le temps de sortir autre chose. Disant que c’était pas le seul. Bon bah, j’étais un vrai connard, visiblement il avait d’autres potes. Même si d’un côté j’avais eu raison puisqu’ils s’étaient tirés aussi. Au moins les miens, ils bougeaient pas, pour le moment. Manquait plus qu’Em’ ou bro se tire, j’étais bon pour rester végétatif après. Puis, Chester, j’voulais pas m’montrer méchant ou quoi, mais c’était pas forcément un cadeau, l’machin, genre, niveau pote, on avait connu moins frappé. Mais là, il était parti à m’dire merci, mais d’quoi ?

J’en avais arrêté de regarder la route, le regardant en disant, encore une fois très intelligemment : « Hein ? » et retourner vers ce qui devrait nous permettre de rester, genre, en vie, quand j’entendis un klaxon. J’aurais bien voulu sortir ma tête par la vitre, gueuler pour savoir c’était quoi son problème, j’étais rentré dans personne – sauf que je me rendis compte que j’avais continué à un feu orange et j’avais pas envie d’l’effrayer, lui qui était totalement ignorant de ce qu’il se passait.

Et p’is v’la qu’il se mettait en tête de me remercier pour avoir parlé de lui à l’OBCM. Genre, il serait tout seul si je l’avais pas fait. Putain, il était pas forcé de me le dire ça, maintenant j’avais un peu trop d’empathie. Genre, j’comprenais ce qu’il disait. Merde hein. J’pouvais même pas envoyer chier son remerciement. Il me faisait mal au cœur aussi, ce type, déjà qu’il le faisait déjà depuis que je savais ce qui lui était arrivé. Il était salement amoché – autant par la vie que par un fils de pute qui touchait aux handicapés. J’aurais kiffé qu’il dise qui c’était, juste histoire que l’enfoiré sache ce que c’est de s’en prendre à quelqu’un d’sa taille – c’était une image, arrêtez de rire au fond. Connards. « Euh, bah de rien. Ecoute. » Du coup, encore une fois, l’inspiration était pas au rendez-vous.

Par contre, Rod en avait de l’inspiration. Même qu’il dit qu’il voulait venir me voir me remercier, mais qu’il avait peur de me déranger, et qu’il pouvait pas vraiment le rendre, tout ça. Rah putain, mon bon cœur me perdra hein. « T’inquiète, t’viens quand t’veux. Puis genre, on est orphelins d’Ut’, on peut se soutenir maint’nant, hein ? » J’savais pas tellement comment on allait passer l’temps ensemble mais bon, on savait jamais, ça restait le pote d’Utah, y’avait p’tèt des trucs cools en lui qu’on voyait pas de prime abord. Puis en soi, c’était un type sympa. Et j’avais eu une idée, histoire qu’il se valorise un poil, juste un poil : « Puis, techniquement, t’peux me le rendre. Genre, un jour si t’as une vision qui m’concerne, tu pourras m’appeler. » J’ai jamais dit que j’avais eu une bonne idée en revanche. Et comme j’allais au bout des choses, j’tendis même la main vers Rod : « J’peux t’ajouter mon numéro si tu veux. » J’avais d’la chance qu’on soit à un feu rouge, j’allais avoir le temps de remplir le répertoire – ‘fin si je trouvais comment on faisait, parce que j’étais vraiment nul avec les téléphones et j’avais déjà mis un temps ouf à comprendre le mien.

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Il n’était pas très bavard Dagda aujourd’hui. Il est pourtant celui de vous deux à t’être sauté dessus, mais c’est presque toi que ça a l’air d’arranger le plus. Depuis le temps que tu avais envie de le remercier sans oser faire le premier pas, tu t’étais même fait à l’idée que tu allais devoir vivre avec ce remord dans un coin de tête. Alors pour toi c’était l'occasion rêvée forcément : tu venais de te libérer d’un poids et tu t’es tout de suite senti plus léger. Si l’on omettait le coup de klaxon, puisque tu t’étais tendu sur ton siège, focalisé sur ton environnement pour ne pas prendre le risque de manquer quelque chose d’important ; si l’on omettait le klaxon donc, tu étais même relativement détendu, ou presque à l’aise, plus que tu n’as jamais su l’être quand ça le concernait. De rien, voilà c’est fait, c’est réglé : il prend tes remerciements sans s’attarder sur tes bredouillements ridicules. Tu prends une inspiration profonde, mais très vite l’apaisement laisse sa place à l’étonnement : tu n’avais pas anticipé qu’il irait jusqu’à te répondre par une invitation.
T’viens quand t’veux, te dit-il en bouffant ses mots, on peut se soutenir maint’nant, hein ? Là-dessus, tu restes muet et un peu bête, tu penses à une moquerie d’abord, et puis en fin de compte tu tiques sur sa façon de le dire. Tu ne sais pas si c’est encore toi qui est stupide et t’imagines des choses, mais ce mot, orphelin, te pousse à te demander à quel point le départ d’Utah avait pu le toucher lui. Dagda, il t’avait toujours laissé l’impression d’une forte tête, dans ton monde manichéen tu le rangeais avec les agresseurs plutôt que les agressés. Il te donnait ce sentiment un peu brut, le genre de type en confiance et qui n’a pas froid aux yeux, alors c’est pas un gars que t’imagines souffrir. Pourtant, tu sais qu’il a de la douceur dans sa personnalité – il a fait preuve de tellement de patience avec toi, même dans ce putain d’ascenseur, et tu l’occultes parce que c’est plus facile à faire que de nuancer le tableau. Mais là, tout de suite, ça te frappe, ça te revient dans la figure. C’est pour ça que tu dis rien, pendant un moment, parce que ça t’émeut ; ok c’est nul, c’est en faire des caisses pour trois fois rien et c’est aussi un coup à lui faire prendre peur s’il se rend compte que tu prends sa proposition au sérieux. Mais voilà, il n’empêche que tout ça te met du baume au cœur, en plus de te le serrer, et de te le faire battre un peu fort. Et de te dire quand même que tu t’en veux un peu, de l’avoir trouvé aussi abject – même si c’était mérité, entendons-nous.

Tu te sens maladroit en le disant, mais tu fais quand même l’effort. « Ouais », tu réponds avec un sourire un peu tordu, mais un sourire quand même, « on peut ». A vrai dire, tu n’as pas vraiment dans l’idée de pouvoir lui servir à quoi que ce soit, mais si tu pouvais, tu n’hésiterais pas : tu le lui devais. Pourtant à l’entendre, il existe un moyen. Tes visions. Tu te sens un peu gêné de l’admettre, mais tu n’en as plus eu depuis que tu es sorti de ce manoir de West End – depuis que tu es aveugle même, depuis ta renaissance. C’est presque ironique, mais d’un autre côté, ça avait aussi du sens. Depuis que tu savais d’où te venaient ces hallucinations, depuis que tu avais un nom à poser sur cette faculté et que tu devais apprendre à vivre avec elle et ta cécité, tu t’étais enfermé dans une sorte de bulle. Tu refusais, purement : ce don, il ne t’avait jamais servi qu’à voir des choses qui te concernaient toi, et jamais rien de réjouissant. Tu enfouissais, tu refoulais, mais tout le déni du monde n’y changerait rien : tu avais ça en toi, et tu pouvais le ressentir.

Lorsqu’il reprend la parole, tu te sens arraché à tes pensées – c’est si facile de s’y perdre quand on est privé de sa vue. Tu lèves le nez et l’oriente dans sa direction, et tu aimerais ne pas te plonger encore dans le ridicule, mais tu ne vois pas d’autre manière de le dire. « Ah… J’ai pas de téléphone. J’en ai plus. De toute façon, j’angoisse quand je dois appeler et je peux plus lire les messages. » Bien sûr, il y avait des systèmes adaptés aux personnes dans ton cas, mais premièrement tu n’en savais rien, deuxièmement tu n’avais pas grand-monde à contacter, troisièmement tu n’avais pas d’argent pour l’engin ni le forfait, et quatrièmement tu savais déjà à peine lire du temps où tu avais deux yeux, alors si c’était pour apprendre le fonctionnement de quelque chose de nouveau, mieux valait-il encore venir te chercher. « Mais je sais où te trouver, enfin à peu près » reprends-tu avec un peu d’enthousiasme pour le rassurer. D’accord, peut-être qu’un téléphone te servirait rien que pour Google Maps. Déjà que ton sens de l’orientation n’était pas fameux avant, mais tu n’avais rien de mieux à faire de tes journées qu’errer et te perdre de toute façon.

Tu as marqué un moment de silence à ce moment, n’écoutant plus vraiment ce qu’il pouvait raconter, et puis tu lui as dit spontanément : « Je veux essayer quelque chose ». Soit dit en passant, c’était un peu audacieux de ta part, tu n’étais pas vraiment celui avec qui l’on s’attendrait à de l’autorité. En plus de cela, tu étais résolument un fainéant parmi les oracles, avec un score total à ce jour de deux visions totales, pour une multitude de visions partielles, ce qui s’avérait assez médiocre. Mais c’était comme vouloir expliquer une impression, il y a des choses parfois qu’il valait mieux ne pas justifier, qui plus est quand on avait été choisi pour s’empêtrer dans les fils du destin. Tu as cherché, du mieux possible sans y voir, un contact auquel te raccrocher – c’était sa main que tu espérais, même si l’idée t'embarrassait et t’écrasait les tripes. Tu n’aimais pas le contact, le peau contre peau, ça te faisait frémir d’une façon qui te faisait mal, ça te brûlait, ça te donnait la nausée. Et bien sûr, ça n’avait rien à voir avec le fait d’être un oracle, c’était seulement le résultat de tous les coups que tu avais pris, qui avaient enseigné autant à ton corps qu’à toi à l’éviter à tout prix. Mais voilà, tu avais comme cette impression que ce contact, si simple mais pour toi si intense et qui te laissait si vulnérable – allait quelque part faire tomber cette résistance, et rendre Dagda plus présent pour toi que tu ne l’étais toi-même.

C’était vraisemblablement un coup de sort, un pressentiment, une coïncidence. Pour autant on n’aurait pu nier que de ta part, c’était inexplicable, et donc qu’il avait fallu que cela se produise. Et ça avait cela de logique au moins que tu avais toujours un mal fou à te concentrer longtemps sur une même chose, mais l’angoisse du contact lui faisait prendre toute la place dans ton esprit et le rendait plus vulnérable à tout ce qui pourrait y fendre. C’était comme arracher les câbles sons, perdre l’ouïe et retrouver le soleil. Bien sûr tu n’étais pas sourd, mais ce n’était plus les bruits de la rue ou de la route, la respiration saccadée de Bert sur le siège arrière, les clignotants de la voiture, toutes ces choses dont tu étais trop conscient chaque minute. C’était calme désormais, doux : le chauffage d’une maison, et beau. Tu retrouvais les couleurs, quoi que pour toi des couleurs altérées. … Combien de temps es-tu resté absent, à dodeliner de la tête ? Plusieurs minutes, sans doute assez pour faire redouter à Dagda un accident à plusieurs reprises si tu ne te décidais pas à lui lâcher la main. Tout de même, quelle ironie cela aurait été si vous étiez morts pour une raison pareille.

La cacophonie de bruits, les odeurs de pollution et le toucher de sa main te reviennent d’une seule masse et te remplissent la tête, et la nausée t’assomme presque trop sur l’instant pour que tu réalises ce qu’il vient de se passer. Tu ne vois plus, tu essaies d’ouvrir les yeux – réflexe idiot, celui qui te reste est déjà grand ouvert. Migraine, tu n’en as plus eu de telle depuis… Tu passes tes mains sur ton front et ton visage, le lâchant finalement, essuyant tes yeux qui commençaient à pleurer – bon sang, ce que le retour à la réalité fait mal. Mais tu te mets à sourire, et finalement tu pleures de plus belle, mais plutôt parce que tu es heureux cette fois. Peut-être pas heureux mais ravi au moins, parce que tu n’as plus rien vu, depuis que tu l’as vu lui. Parce que depuis que tu en es sorti, tu n’as rien vu de joyeux. Et cette vision-là l’était, c’est indéniable : d’ailleurs, tu ne savais même pas que Dagda pouvait avoir ce visage. Il n’avait plus rien de terrorisant quand on l’asseyait au pied d’un sapin. « Moira sera là à Noël » as-tu finalement bredouillé, tu avais déjà dû bien assez le faire languir. Ce n’était pas une grande prédiction, ce n’était pas comme défier le destin pour sauver une vie. Mais de ce que tu avais pu en voir, tu savais au moins que pour lui, ça signifiait déjà beaucoup.
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nouvellesOuais alors comme maintenant t’es posé à l’OBCM, autant voir si ça va.Pas d’téléphone. Bon bah, perso ça m’allait, de toute façon, j’étais pas le mec accro, j’étais du genre à le paumer quand il tombait du lit et à l’oublier pendant quelques jours. J’étais l’espèce de connard qui n’était jamais joignable, et quand je recevais un SMS, je pouvais aussi malencontreusement ne pas l’avoir vu, par flemme d’y répondre. Alors, quand il m’expliqua qu’il en avait pas, j’avais juste haussé des épaules et continué à rouler, répondant : « Ouais, ça marche. Boutique de CD ou chez moi. Si j’suis pas là, laisse un message. » Un peu comme sur un répondeur, que je n’écoutais jamais, d’ailleurs. Plus d’un an que j’avais eu droit à cet objet-là, et fallait croire que j’arrivais toujours pas à m’y attacher, alors même que je me séparais jamais de ma cabine téléphonique quand j’étais ado. Bon, j’allais pas me forcer non plus, pas comme si j’étais aussi le mec le plus sociable du monde, et quelqu’un qui voulait me joindre savait comment le faire. Ou il attendait. Comme tout l’monde.

Pourtant, après ce léger silence, il proposa d’essayer quelque chose. Quoi ? J’avais pas tilté tout de suite ce qu’il me voulait, ni même ce qu’il voulait tout court. Et j’étais en train de passer une vitesse quand j’sentis qu’il mettait sa main sur la mienne. Sur le coup j’avais vraiment pas capté c’qu’il voulait à toucher ma main comme ça et j’étais à deux doigts d’lui dire que le cul était pas prévu dans le contrat de soutien post-départ d’Utah.

Sauf qu’il avait pas l’air de faire des appels de phare non plus. En fait, ce fut là que je compris qu’il prenait au mot le fait d’avoir des visions sur moi, même qu’il cherchait à en avoir une, en ce moment bien précis. Il avait l’air de se concentrer. Du coup, j’avais quand même ralenti un peu, et évité les gestes brusques. Disons que j’étais moyen serein à l’idée d’avoir un oracle en pleine vision dans ma caisse. Surtout qu’après Arsène, j’étais pas certain qu’il allait avoir une vision très positive, j’penchais plus sur une vision de bagarre encore, ou de gaspacho tient, puisqu’on y était.

J’avais du mal à passer les vitesses du coup, pendant qu’il m’tenait la main. J’avais dû utiliser mon autre main, tenant le volant avec mon genou le temps de. L’accident n’était pas loin, ça s’trouvait c’était la vision qui allait être la sienne. Mais fallait croire que j’étais pas si mauvais, car j’parvins à arriver à Dragon Alley sans encombre, et je pus même récupérer ma main pour commencer mon créneau près du 57, comme il avait dit. Simplement, fallait croire que j’avais raison. « Oh-pu-tain. » C’était que Rod s’était mis à chialer, et comme j’le voyais que de profil, j’savais pas tellement s’il souriait ou faisait la grimace, sans compter qu’il était un peu blanc cirage, là. « Euh, quoi qu’t’aies vu, t’inquiète, t’es pas l’premier, j’ai eu la même y’a quelques mois et j’suis pas mort, hein. » Limite, je m’inquiétais pour moi et j’devais rassurer les autres sur mon devenir. Vraiment, le top.

Et pourtant, quand il lâcha le prénom de ma petite sœur, que j’avais pas entendu depuis un bail j’avais sursauté, et failli me taper la tête sur le plafond de la voiture – non, c’est faux, j’étais pas assez grand, mais vous voyez l’image. Il était vraiment en train de confirmer que Mo’ venait à Noël ?

Ca faisait depuis quelques semaines que les parents organisaient les fêtes de Noël. Normalement, Arthur et Moira devaient venir de Dublin, et notre plus jeune s’installer à Bray d’ailleurs. Mais rien n’était certain quant à sa présence au repas de famille et à la messe, étant donné que l’an dernier déjà, elle nous avait fait faux bond, sans même revenir entretemps.

En fait, depuis ma condamnation, j’avais pas eu des nouvelles de ma sœur, sinon par les autres de la famille. J’avais essayé au début, mais à me confronter à un mur j’avais juste décidé de la laisser faire. Qu’elle revienne un jour si elle en avait envie. Bon ça commençait à faire un petit peu long, on allait pas se mentir, mais que pouvais-je faire ?

Et lui là, il confirmait qu’elle allait être là. Est-ce que ça voulait dire que j’allais la voir ? Ca ne pouvait qu’être ça de toute façon. Je savais même pas ce que je ressentais en cet instant précis, si j’étais en train de sauter de joie ou si simplement j’avais envie de me creuser un trou de souris et d’y rester. De fuir à mon tour ou d’affronter le choc quand même.

Les deux mains sur le volant, alors même qu’on était à l’arrêt, j’savais même pas quoi lui dire. Il avait lâché la bombe et il chialait putain. Bah j’aimerais bien l’imiter, mais j’allais pas faire ça, face à un mec, ça craignait sa race, puis j’avais une mini réputation à tenir, même s’il allait pas y voir grand-chose, on était d’accord. Juste voilà, j’avais pas envie de me transformer en fontaine en public, standing à tenir, bref. J’serrais le volant donc. « Ah, ouais. Chouette. » J’étais quand même vachement inspiré aujourd’hui, avec Rod. Vraiment bavard, on allait rarement faire mieux. « Euh, merci pour l’info. C’est vraiment chouette. » Et il savait probablement pas à quel point.

Et tout ce à quoi j’arrivais à penser, c’était que j’allais devoir réellement faire ce cadeau auquel j’avais réfléchi, ce voyage que j’avais prévu de lui offrir déjà il y avait quelques années sans avoir pu. L’année dernière, j’avais juste acheté un p’tit truc à la con que j’avais jeté après avoir constaté son absence, de la thune jetée en l’air, sûrement, mais ça m’avait défoulé. Un peu.

J’savais pas quoi dire, quoi faire. J’avais envie de voler jusqu’à l’agence de voyage, prendre la première ville venue qui rentrait dans mes moyens. Quant à Rod… « On est devant chez toi, j’crois. » Sympa à dire au mec qui venait de me donner l’un des plus gros cadeaux de ma vie, putain.
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What have I become my sweetest friend
Everyone I know goes away in the end
Le retour à la réalité était rarement des plus agréables, c’était comme se sortir la tête d’un casque et se retrouver au milieu d’un chantier, et dans la parfaite incapacité de savoir combien de secondes ou de minutes au juste on avait manqué, de quoi rendre d’autant plus chaotique l’écoulement du temps - quand on avait plus depuis belle lurette le soleil pour se guider. Tu avais tes propres sensations à gérer, la migraine qui t’avait fendu immédiatement le crâne, les larmes presque malgré toi que tu essuyais des poignets et du bout des doigts, tant de douleur et de surcharge sensitive que de joie. La première réaction de Dagda à ton retour semble être de te rassurer immédiatement sur ce que tu as vu - qu’il n’aurait pu voir lui-même après tout, il n’avait aucun moyen de deviner le sujet de ta vision, du peu que tu en savais. Si tu décelais ou non de l’inquiétude dans sa voix - oui, non, difficile à dire; dans sa situation, n’importe qui aurait été au moins un peu rongé par le doute et l’appréhension. Mais tu ne tardes pas cependant - à hocher la tête de gauche à droite, et à sourire maladroitement à travers tes reniflements. Et lui annonces sans attendre davantage, sitôt que tu es capable de formuler une phrase, ce que tu considérais comme une excellente nouvelle : sa sœur serait là à Noël, et ils semblaient plutôt ravis de se voir, dans ta vision en tout cas.

Pourtant c’est un silence qui répond à ta déclaration. Absence de réaction, tu te sens très solitaire soudain, n’étant pas en mesure de voir ni ses gestes, ni l’expression de son visage. C’est trop silencieux, ça t’intrigue - aussitôt, tu orientes ton visage, tu tends l’oreille, affine ton attention autant que tu le peux à travers ton mal de crâne pour déceler un indice. Est-ce que finalement cela lui déplaisait ? Est-ce qu’il était en colère, ou blessé ? Est-ce qu’on pouvait être joyeux au point de l’être trop pour le dire ? Tu n’avais jamais été joyeux à ce point, ça te semble une absurde perspective. Tu ne penses pas à l’état de choc - tu le connais celui-ci pourtant, mais ça ne t’effleure pas vraiment. Peu importe, tu n’oses rien dire de plus, attendant une réaction qui finit par venir. Ah ouais. Chouette. Bon. Tu respires à nouveau, soulagé tout de même que la tension silencieuse soit rompue. Il n’avait pas l’air heureux. Il n’avait pas l’air malheureux non plus. Tu avais un mal fou à deviner l’expression de son visage, et tu ne trouvas rien à lui dire en retour.

Il te remercie ensuite, le silence entre chaque phrase est pesant, mais il n’y a rien que tu puisses y faire. Tu te sens un peu captif dans cette voiture tout à coup. Quelque part, vous étiez chacun aussi mauvais à savoir comment réagir l’un avec l’autre ; d’où ce persistant malaise. « Ça va ? » tu demandes vaguement, un peu timide - tu pourrais au fond lui raconter ta vision en détails, tu aurais eu l’ambition sans doute, mais tu n’étais plus très à l’aise avec cette idée finalement. Peut-être valait-il mieux le laisser se confronter à son avenir par ses propres moyens, et puis t’extirper toi d’un moment qui n’était pas à toi, et qui serait si important pour eux. On ne va pas se mentir, tu es soulagé d’apprendre que vous êtes rendus - et il t’avait semblé en effet que la voiture avait cessé de vombrir et vibrer sous tes jambes, mais tu n’y pensais plus. Tu acquiesças seulement, et passas ta main le long de la portière en quête d’une poignée; la saisis, l’ouvris et te trouvas dehors. Tâtonnant une fois encore, tu ouvris la porte arrière et Bert te rejoignis bien assez tôt à l’extérieur du véhicule. Tu t’es penché ensuite à l’intérieur de la voiture, plutôt gêné par la perspective de t’évader comme un voleur, mais assez pressé tout de même de partir. Même si, entendons-nous, ta mère était la dernière personne que tu avais envie de côtoyer à l’instant, et pour la fuir tu te serais jeté à nouveau dans cette bagnole quitte à enchaîner les visions jusqu’à ce que ton crâne explose en morceaux tout seul. « Merci de m’avoir ramené, et pour ta proposition aussi. T’es vraiment un chic type, au fond. » Et puis sur un maigre sourire d’embarras, tu l’as refermée cette porte, et t’es rentré à la “maison”.
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