Yelena a toujours dégagé cette aura de douceur, tout en elle l’évoque : les traits de son visage, ses gestes, ses paroles. Elle donne cette image de nuage, d’un endroit confortable dans lequel nous pourrions nous blottir et oublier nos problèmes. Cette douceur c’est accentuée à la naissance de son fils avec son affection maternelle. Elle n’a jamais brusqué les gens, préférant être à leur écoute et les couvrir de ses ails pour leur éviter de se blesser. Certains la pense trop naïve et c’est peut-être vrai. Après tout elle avait l’espoir qu’un jour son époux dont elle était amoureuse au prémices s’adoucisse avec le temps. Bel échec, il l’a fait fuir. Yelena ne peut s’empêcher de voir le bien en chaque personne, bien avant le mal. Elle accorde facilement sa confiance, peut-être un peu trop, son côté mère poule probablement… et la trahison est une profonde blessure pour elle, mais c’est une blessure qui peut guérir avec beaucoup de temps et de patience.
Être douce ne lui en retire en rien son autorité. Cela la pousse même à son maximum : elle est sec, direct et ne laisse place à la discussion. C’est bien souvent plus un ordre qu’une demande. Si elle n’est pas écoutée, si on bafoue son autorité, la jeune mère peut sortir de ses gonds, s’énervant plus que de raison. Mais elle ne fait jamais appel à la force, elle préfère à celle-ci la puissance des mots. En tant que magicienne c’est un comportement logique. Notons qu’elle est aussi têtue qu’une mule : une fois une idée en place, elle ne se laissera pas en être détournée si facilement. Il faudra faire preuve de beaucoup de persuasion et de patience pour réussir à lui faire changer d’avis. Ses principes sont notamment un véritable guide pour elle et si certains sont mis à mal, elle n’hésitera pas à être dans le dénie de l’évidence pour se donner raison.
C’est une femme très ouverte et tolérante. Pour elle la diversité est un atout et non un inconvénient. Elle serait prête à militer en leurs faveurs si le combat ne risquait pas de la mener à la mort. Alors pour l’instant elle se contente d’aider tous ceux qu’elle peut derrière les caméras et silencieusement. Elle met beaucoup de passion dans ce qu’elle entreprend, mais jauge toujours en amont les risques afin d’éviter le pire pour elle et son entourage. En effet Yelena n’agit jamais pour elle seule, elle le fait toujours pour elle et les autres. Même si parfois elle apprend à dire merde et à être égoïste. Quand la coupe est pleine, il faut bien la laisser déborder un peu.
Ce n'était qu'une mascarade. Il n'y avait plus d’amour, juste une entente cordiale. Il ne la touchait plus, il avait son héritier ; elle n’avait plus besoin de son amour, elle avait un enfant. Ils s’étaient pourtant aimés au début, il y avait eu de la passion, de l’envie, puis tout s’était éteint quant le secret explosa : des bêtes, des monstres. Il les haïssait, voulait les détruire et cela depuis des générations. Elle resta muette, la magie coulant dans ses veines, grimoires cachés sous le parquet dans son boudoir. Ce monde différent elle l’aimait, elle le chérissait. Au sein même de sa maison elle s’était cachée, craignant pour sa propre vie. Elle avait continué à feindre l’amour, se persuadant que son mari l’aimait, qu’il la chérissait. Le mirage était parfait ; il était parfait jusqu’à l’arrivé du petit Nikita. Il n’avait dieu que pour l’enfant mâle, elle n’était plus rien si ce n’est une nourricière. Elle avait séché ses larmes comprenant son sort. Qu’importe, le mirage deviendrait mascarade. Masha n’avait plus besoin de l’amour de son époux, elle avait un fils à combler, un fils qui la comblerait. Elle voulait être une bonne mère pour lui, une mère aussi bonne que la sienne pu l’être pour elle. Lui épargner autant que possible la rudesse du monde des riches et des grands, le préparer à son avenir en préservant son innocence.
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La peur lui tiraillait les entrailles. Elle garda pourtant son masque d’indifférence.
- Nous avons trouvé une sirène près du lac, elle ne restera pas en vie bien longtemps crois-moi. Mon frère est déjà sur ses traces et je ne donnes pas cher de sa peau lorsqu’il mettra la main dessus.
- Hum. Elle resta concentré sur sa lecture. Il ne devait rien voir, rien savoir. Si elle parlait, sa voix la trahirait. Elle trahirait l’angoisse qui s’emparé peu à peu de son corps. Elle n’avait aucun doute sur l’identité de la dite proie. Une belle femme qu’elle avait récemment rencontré. Quant viendrait son tour ? Voilà ce qui la hantait dans ces moments-là.
- Tu m’as l’air bien silencieuse. Tu ne semble vraiment pas concerné par le sujet. Je ne te comprend pas. Ces monstres devraient tous mourir. Tous autant qu’ils sont. Nous ferons renaître l’inquisition, nous chasserons les monstres et les sorcières, nous les brulerons tous sur le bucher purificateur, progéniture du diable. Masha ferma les yeux, pris une grande inspiration, expira calmement et planta ses iris dans celle de son époux. Il pouvait y lire de la colère, de l’intransigeance et de la determination. Il savait qu’il n’allait pas aimer ce qui allait suivre.
- Viktor Vladilen Nazar, vos convictions vous sont propres, qu’importe leur propos. Si je ne les partage pas, j’accepte de cohabiter avec, mais je vous interdis de tenir de tel discours devant mon fils. Il grandira dans l’ignorance et quand je le jugerais prêt, alors nous lui en parlerons. La voix de sa femme était tranchante comme le sabre et sombre comme les abysses. Elle ne laissait pas de place à la contestation, ni à la discussion. Ce débat ils l’avaient souvent eu et elle le gagnait à chaque fois. De toute façon, la tradition familiale lui donnait raison ; Le secret n’était pas dévoilé avant l’âge de 15 ans.
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Rester calme, ne pas paniquer. Quelqu’un avait voulu forcer la porte de son refuge. Là où tout ses secrets étaient gardés, là où sa culpabilité brillait de mille feu. Là où un nouveau mensonge se cachait. Le pressentiment qu’elle avait ressenti quelques jours plus tôt était donc vrai : sa propre famille avait des doutes, son mari ne lui faisait plus confiance. Elle n’aurait pas la force de se battre, elle ne voulait pas tuer, car c’est vers cet issu que ce combat la mènerait : la mort d’un des protagonistes. Pourtant elle ne voulait pas mourir. Masha n’avait plus le choix, ce qu’elle avait tant craint devenait réalité. Elle ferma les yeux, prit une grande inspiration, expira calmement et ouvrit les paupière sur un regard déterminé : elle disparaîtrait. Une larme glissa néanmoins sur sa peau porcelaine. Nikita ne serait pas du voyage, il allait devoir affronter son avenir seul, vaincre son diable de père sans protection.
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Un mois jour pour jour. Tout avait été organisé : nouvelle identité, valise stocké en consigne, billet d’avion acheté, argent changé ; elle était prête. Les soupçons s’étaient fait plus pesant, elle avait redoublé de prudence. Ce matin-là elle s’était levée à l’aube. Elle avait préparer un festin pour le petit déjeuner de son fils. Bien sûr son mari lui lança un regard suspect, elle qui ne cuisinait pas souvent.
- Et bien quoi ? N’ai-je pas le droit de vouloir bien nourrir mon fils pour son premier jour d’école dans un nouvel établissement ?
- Vous les femmes…Elle ne releva pas la remarque. Elle sera les dents, dans quelques heures elle serait loin de lui et du danger qu’il représente. C’est à ce moment-là qu’une petite tête rousse apparut, légèrement ensommeillé. Ils déjeunèrent ensemble dans une ambiance calme et silencieuse. Au moment du départ, Nikita déposa un chaste baisé sur la joue de sa mère qui l’attrapa pour le serrer dans ses bras.
- Maman tu m’étouffe !Elle le relâcha légèrement, replaçant une mèche rebelle de sa chevelure. Elle lui offrit son plus beau sourire avant de l’embrasser sur le front et de lui murmurer qu’elle l’aimait plus que tout. Son mari n’avait pas attendu, il était monté dans la voiture, s’impatientant du temps que prenait son fils pour le rejoindre. Masha grogna discrètement avant de libérer son fils.
- N’oublie pas, tu dois toujours te faire ton propre avis. Ne laisse pas les autres décider pour toi. Ouvre ton coeur avant de le fermer. Aller va, ton père va perdre patience. Nikita n’avait probablement pas compris un seul mot de ce que sa mère lui avait dit, mais il lui avait sourit avant de courir rejoindre son père. C’était la dernière vision qu’elle aurait de son fils. Elle ferma les yeux, imprimant sur sa rétine le visage souriant de Nikita. Quant elle les rouvrit elle commença la suite de son plan.
Tout le monde était partie, la bonne étant au marché. Elle débarrassa rapidement la table avant d’aller devant son boudoir. Elle inspiration un grand coup avant d’expirer calmement. Elle rentra dans la pièce, démonta le parquet pour récupérer ses grimoires et entreprit de détruire toute la pièce. Quinze minutes plus tard, la pièce ne ressemblait plus qu’à un champs de bataille. Elle força aussi la porte d’entrée avant de s’éclipser dans la nature.
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Elle était à présent à bord d’un bus, dernier transport qui devait la mener à sa destination finale. Tout s’était bien passé, trop facilement à son goût, mais elle n’y prêta guère attention. Elle avait récupéré ses affaires, pris l’avions, le taxi et à présent ce bus. Il y avait suffisamment de distance entre elle et son époux. Yelena avait pris soin de retirer son alliance et silencieusement dans ce véhicule rempli d’inconnu elle s’autorisa pour la première fois à pleurer. Elle ne s’en était pas rendue compte, mais elle avait fini par s’endormir. C’est le conducteur du véhicule qui la réveilla au terminus. Misha avait disparut, c’était à Yelena de se faire une nouvelle vie à présent, loin de tout ce qui lui était familier.