Elijah Cristobal Garrington… Que dire de cet homme aux multiples folies, dont le sourire est aussi traitre que les idées qu’il affectionne? Individu complexe, lui seul peut saisir l’étendue de toutes ses nuances. Nuances qui, d’ailleurs, sont largement teintées par l’égoïsme. Tout ce qu’il entreprend ne sert qu’un seul but : lui-même. Il n’agit que pour plaire à ses envies, souvent malsaines. Passant des meurtres aux plaisirs de la chair, il satisfait tous ses moindres caprices. Rien ni personne ne peut l’en empêcher, sans toutefois y risquer la vie… Ne parlons même pas de la manière dont il procède pour y arriver. Car comme tout ce qui le caractérise, je dirais que la société y verrait probablement un inconvénient… Et il hait les inconvénients.
Analytique et doté d’une intelligence hors du commun, son esprit cherche les points faibles, les failles, dans l’intention de les utiliser à son avantage. Lorsque nécessaire, il calcule minutieusement chacun de ses actes, n’y laissant aucun hasard. Croyez-moi, rien n’est jamais orchestré en vain. Le beau brun est passé maître dans l’art de la manipulation, et il est déconseillé de vous fier aux apparences. Ne lui faites surtout pas confiance, c’est un conseil d’ami.
Il tient en mépris tout ce qui a trait à l’ordre et à la contrainte. Il ne se soumet qu’à une seule autorité, la sienne. Aussi têtu qu’une mule, il est inutile d’essayer de le raisonner. De toute façon, vous risqueriez d’y perdre la langue ;). Elijah est fait pour diriger, aucun doute là-dessus. Il se délecte de la peur d’autrui, elle lui procure un contentement sans égal. Non seulement comble-t-elle son sentiment de supériorité, mais elle l’aide à étendre son pouvoir en tant que PDG dans sa compagnie. Un seul regard, et ses employés savent qu’ils ont intérêt à agir selon ses désirs. Il prend un plaisir malsain à être craint, et à imposer ses idées aux autres.
Le problème, quand on est immortel, c’est que tout finit par devenir ennuyant. Elijah ne fait pas exception à cette règle. Au contraire, il perd son intérêt très couramment, dès que les choses ne l’amusent plus. Il a naturellement développé un manque cruel d’empathie, ne se souciant de rien ni personne. La mort ne lui arrache aucun sentiment, sauf peut-être du divertissement lorsqu’il en est l’auteur. Le ginn cherche donc régulièrement de nouveaux défis, des distractions, afin de combler sa vie lassante. Il se retient même parfois de tuer quelques personnes qui l’irritent, seulement pour les regarder agir dans leur vie courte et insignifiante. Les humains sont pour lui un terrain de jeu, ils existent que pour le divertir.
Tout d’abord, il faut savoir qu’Elijah est un ginn plutôt connu parmi les magiciens, même si cela n’a pas toujours été le cas. Il a été invoqué à maintes reprises au fil des années, réduisant un peu chaque fois son long séjour dans l’immatériel. Reconnu pour ses méthodes efficaces, bien que quelque peu barbares, sa présence parmi les humains était fréquemment sollicitée. Les adeptes de la cruauté y voyaient un avantage inestimable, puisqu’il était si facile de faire exaucer ses souhaits les plus violents. Il suffisait d’invoqué Elijah, le ginn sans âme.
***
Egypte antique. 1279 av. J.-C. ̶ Le pentagramme était parfait! Les courbes, les lignes, les éléments. Le jeune magicien n’avait omis aucun détail, il avait versé sueur et sang afin d’accomplir l’œuvre finale! Son règne éminent était tout ce vers quoi son esprit était tourné. Ce soir, Ramsès II allait faire assassiner son père.
Certains diraient que sa méthode s’apparentait à de la tricherie. Invoquer un être maléfique pour faire votre sale boulot?
Vraiment? Ce à quoi le futur pharaon répondrait que les efforts n’ont aucune valeur, si les résultats n’y sont pas, et que le chemin utilisé, au final, n’y change rien.
Elijah ignorait comment il s’était retrouvé là, complètement nu, dans ce cercle faiblement éclairé, mais il savait que cela n’était pas pour lui plaire. Sa première traversée dans le monde des humains fut sans conteste la plus difficile.
La fumée devenait chair et os. Son corps nouvellement acquis, dont la stabilité était précaire, vomissait un liquide sombre ressemblant à de la bile et était parcouru de spasmes incontrôlables. Sa vision, bien que claire, n’arrivait pas à rester concentrée sur quoi que ce soit. Sa gorge semblait brûler d’acide au même rythme que ses tympans incendiaient ses oreilles. Un cri étonnement puissant et rauque s’était frayé un chemin à travers ce corps maladroit, qu’il tentait de contrôler malgré la douleur. Ses membres refusaient néanmoins de lui obéir et le mal continuait de se profiler sous chaque parcelle de sa peau. Il n’avait pas imaginé un tel accueil parmi les vivants. Bienvenue, voici une bonne dose de souffrance pour bien commencer la journée!
Merde. Il détestait déjà être ginn.
Je ne peux pas y croire! Ça a vraiment fonctionné? Une voix venait d’être murmurée. Combien de temps s’était écoulé depuis? Des secondes, des minutes… Des heures? Elijah remarqua seulement maintenant qu’un autre individu se tenait debout dans la pièce. Une pièce dont les murs solides lui rappelait ceux d’une grotte.
Quoi? Ce n’est pas parce que vous vivez depuis toujours dans l’immatériel que vous ne connaissez rien au sujet du monde des hommes. Quoi qu’il en soit, le corps du ginn s’acclimatait graduellement à sa nouvelle condition. Du mieux qu’il se souvienne, il ne possédait pas la même apparence qu’aujourd’hui; ses cheveux étaient plus longs et sa peau légèrement plus halé. Sa voix par contre… Sa voix était la même. Un ténor profond qui traduisait une confiance sans faille.
Oui, il aimait définitivement
sa voix.
Elijah, ici pour servir vos intérêts les plus obscurs. Il avait gratifié son interlocuteur d’un sourire impur. Maintenant qu’il retrouvait ses sens peu à peu, il réalisait qu’il allait inévitablement devoir faire des choses horribles. L’idée l’amusait bien plus qu’il ne l’aurais avoué à cet époque… et bientôt, il ne pourrait plus tenir en place. Finalement, être ginn ne semblait pas si mal.
Sa mission : assassiner le pharaon actuel pour que son fils, Ramsès II, le succède… Sans que celui-ci ne soit soupçonné du meurtre. Elijah savait exactement comment il allait procéder. Facile, il avait d’abord l’intention de trouver et enfermer la femme du pharaon, prendre son apparence, tuer le roi et la laisser prendre le blâme. Ensuite, Ramsès II accède au trône et fait tuer sa mère pour trahison et meurtre! Bon… ce ne fut pas
si facile, mais heureusement concluant. Après tout, c’était la première fois que le brun foulait le sol des hommes pour accomplir ce pour quoi il existait.
Un ginn ne né pas puissant, il le devient. Et à partir de ce jour précis, Elijah s’était promis de devenir le meilleur dans son domaine. Un être dont l’évocation même du nom pourrait faire trembler n’importe quels hommes, magiciens ou autres créatures.
Un siècle passa avant qu’il ne soit invoqué de nouveau. Cette fois : voler pour un magicien avare. Puis, un autre siècle : tuer un nouveau-né. Un autre : massacrer une famille entière. Les invocations finirent par se succéder : Torturer pour obtenir des réponses. Aider à violer plusieurs femmes, hommes. Brûler des maisons, des villes. Anéantir des villages. Assurer la fin de certaines lignées. Hisser des êtres abjects au pouvoir. Gagner des guerres… Vengeance, meurtre, violence gratuite, injustice. Les mœurs et les lois changeaient régulièrement, selon les époques et l’endroit sur Terre où il était requis. Une chose toutefois restait la même : Elijah servait à inspirer le chaos grâce à ses procédés tous plus tordus les uns que les autres. Plus le temps avançait, et plus les magiciens qui faisaient appel à lui étaient puissants. Ceci étant proportionnel à ses propres forces, qui se voyaient décuplées à chaque nouvelle expérience. Mais bientôt, la fréquence des invocations se faisait de plus en plus rare… Peu de magiciens étaient désormais assez forts pour perpétrer un tel exploit. Le nom d’Elijah, le ginn sans âme, n’était plus qu’une légende… Le brun avait même finit par cultiver, depuis de très longues années, une vie ennuyeuse dans l’immatériel. Il ne lui restait plus que les lointains souvenirs de toutes les atrocités qu’il avait commis. Son seul divertissement n’était plus, jusqu’à cette fameuse date : le 13 mai 1485, à Londres. Le jour où Elijah s’est vu naître de nouveau.
***
Londres. 1485. ̶ Sa main tremblante n’en était pas moins précise; Sir Edgar Blackburn terminait graduellement les symboles ésotériques qui allaient ressusciter un maître du mal. Un ginn qui avait reçu l’admiration bien malgré lui des hommes les plus ignobles, maintenant réduit à l’état de mythe. Le vieux magicien songeait aux choix qu’il avait prit jadis. Certes, il n’en était pas fière, mais il avait acquit un pouvoir que peu pourrait concurrencer. Il ramènerait la bête, et prononcerait son ultime vœu.
Debout devant le pentagramme et lisant le grimoire posé sur un autel de fortune, Edgar commençait le rituel selon les modalités établies par ses prédécesseurs. Brusquement, l’air se chargea de magie, majestueuse dans toute sa puissance. La noirceur était accueillie dans cette ambiance glauque et macabre, pendant qu’il prononçait des mots latins de son sérieux habituel. La boule de stress qui se formait au creux de son estomac n’allait rien y changer, pas même ses genoux qui commençaient à faiblir. Il réussirait, il le fallait! Il ne pouvait pas échouer. Pour une fois, il ferait quelque chose de bien, il demanderait au ginn sans âme une chose inconcevable. Une chose que personne n’avait osé demander jusqu’ici.
Elijah pourrait distinguer cette sensation entre toute : quelqu’un tentait de l’invoquer. S’il avait posséder un visage à cet instant, son sourire jubilatoire l’aurait illuminé! En quelles années étions-nous, sur Terre? Qu’avait connu le monde depuis qu’il l’avait quitté?
Mais poufff. Sans avoir la possibilité de continuer ses interrogations, le voila qui possédait son corps humain. Pas de nausée, pas de douleur, rien. Il maitrisait à présent le transfère sans la moindre complication.
Elijah! La voix du vieux magicien se fit entendre faiblement, tandis que le ginn prenait une inspiration de triomphe. Il était ENFIN de retour!
Je t’ordonne de… Mais l’invocateur n’eut jamais la satisfaction d’achever sa phrase. Ses forces l’avaient lâchement abandonné, là, devant Elijah qui le regarderait d’un air neutre. Le vieillard gisait déjà au sol, non sans une vaine et dernière tentative de rester debout. Cependant, toute son énergie vitale avait été épuisée. Le ginn s’approcha avant de se pencher vers l’autre individu, puis de lui saisir la mâchoire.
C’est malpoli de s’endormir avant de terminer une phrase… Le rire d’Elijah brisa le silence morbide qui régnait dans la pièce.
Ou attend… Oups, je crois que tu es mort. Sa voix était teintée de sarcasme.
Putain, ça lui avait manqué! Et bientôt, seul un large sourire déformait ses traits. Il allait rester! Il allait RESTER dans le monde des hommes! Les possibilités qui s’offraient à lui étaient dorénavant illimitées. Il était son propre maître. Ses longues années de réflexions allaient finalement lui être utile.
Par quoi commencer?Déjà, il fouilla l’endroit de fond en comble. Elijah était dans ce qui semblait être la maison du magicien. Heureusement, personne ne s’y trouvait… Bon, mise à part peut-être une femme et des enfants, endormi au rez-de-chaussée. Mais le ginn en avait pris
biiien soin… La famille avait finalement rejoint leur père, quel joie!
Non? Bon, bon, ce n’était peut-être pas nécessaire de les avoir réveillés avant de les tuer, mais leur détresse avait rendu Elijah
profondément heureux! N’est-ce pas un échange équitable? La mort contre un peu de bonheur. Bon… Je sais, pourquoi Elijah avait-il, de plus, sentit le besoin de prendre l’apparence du magicien pour mettre fin à leurs jours? Il trouvait l’idée encore plus amusante comme ça.
La récréation étant toutefois terminée, Elijah devait découvrir de l’information sur l’époque et le lieu de son apparition. Il chercha d’abord dans les écrits, et trouva un journal manuscrit par un certain Sir Edgar Blackburn. En parcourant les pages soigneusement rédigées, il réalisa que ceci avait appartenu au magicien qui l’avait invoqué. Le livre relatait diverses expériences et la dernière page concernait le ginn directement. Le souhait qu’Edgar avait voulu ordonner s’y trouvait noté. Les lèvres d’Elijah se muaient en un rictus plus que ravi en lisant ces lignes; ce satané vieillard l’avait presque eu! Pour cette raison seulement, le respect qu’il portait à cet homme venait de monter d’un cran… Pour peu que cela valait, évidemment.
Le ginn avait ensuite incendié la maison et tout les secrets qu'elle renfermait. Mieux valait brûler les traces de son passage ici, et la raison pour laquelle il avait été invoqué. Il emporterait cette information dans la mort.
Le plus important : Elijah était libre et rien ne pourrait plus l’arrêter.
Assimilant savoir et possibilités, le ginn commençait déjà à agir. Peu d’années après son invocation, Elijah était devenu Elijah Cristobal Garrington. Un riche contrebandier et propriétaire d’une maison close. Il avait accompli déjà beaucoup, mais rien ne pouvait satisfaire son appétit grandissant. Dans ce but, il ajouta à l’équation des parties de poker illégales ainsi que d’autres activités reliées. Il accumulait les trahisons et les meurtres pour se hisser au sommet. Ce ne fut pas toujours aisé : mais il y arriva.
Pendant 532 ans maintenant, il à évolué ses méthodes pour s’acclimater à chaque époques. Et en 2017, aujourd’hui, il possède une chaine de casinos multinationale, les Garrington Casino, qui sont également un lieu important pour les affaires illégales de toutes sortes. Il voyage beaucoup dans le cadre de ses fonctions, pour étendre son influence dans plusieurs pays. Il continue de gérer les choses à sa manière, cherchant toujours et encore à acquérir une plus grande puissance. Il veut des femmes, des hommes, des richesses, faire couler le sang. Il veut absolument tout ce qu’il à envie d’avoir. Tout simplement parce qu’il le peut.
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