Soshanna ♫ La famille est censé être un asil de paix

Soshanna Grandy

"Imagine"

Quand je suis née, j’avais une vie parfaite. Une famille qui m’aimait et une grande sœur qui était tout pour moi. Malgré nos quatre ans d’écart, j’étais sa petite sœur préférée et nous étions très fusionnelles. Tout se passait bien, ma sœur et moi étions les princesses de la maison, gâtées plus qu’il n’aurait dû être possible. Mais assez rapidement, le drame pénétra notre famille comme un coup de poignard, j’avais alors six ans et ma sœur, dix. Mes parents et ma sœur étaient partis tous les trois en course et j’étais resté à la maison, malade, en compagnie de ma grand-mère maternelle. C’est au retour que le drame se produisit. Nous habitions alors en banlieue parisienne et mes parents eurent un violent accident sur le périphérique parisien, les tuant sur le coup tous les deux. Quant à ma sœur, les pompiers doivent encore penser qu’elle était vivante après le crash. Mais cela ne fut jamais vérifié car son corps ne fut jamais retrouvé. On ne sait toujours pas ce qu’il s’était passé ce jour-là mais ma sœur aînée n’a plus jamais donné signe de vie. Je fus donc confié à ma grand-mère maternelle qui changea assez rapidement de comportement à mon égard. Elle m’emmena vivre avec elle dans sa maison du sud de la France et les neuf années qui suivirent furent les plus terribles. Assez rapidement, elle commença à parler du diable et des démons, me disant que je devais expier mes pêchers. Je ne comprenais pas de quoi elle parlait mais j’ai toujours pensé que la mort de sa fille lui a fait perdre la tête. Quand j’eus onze ans, elle m’obligea à me laver à l’eau bénite dans le jardin quel que soit le temps qu’il faisait dehors. Bien sûr, les voisins remarquèrent l’étrange manège de ma grand-mère mais jamais l’un d’entre eux ne fit quelque chose pour mettre fin à mon calvaire. Puis, son discours commença à changer, elle me parla de mon père, de ce monstre que la nature avait engendré et du fait que j’étais née d’une union satanique. J’avais quinze ans quand mon calvaire prit fin. Je venais d’avoir mon baccalauréat et je partais vivre à Paris, en colocation avec une fille que j’avais rencontré sur internet et qui elle aussi allait étudier dans la même fac que moi. Mais c’est également cette année-là que ma grand-mère rendit son dernier souffle. Libérée de tout cela, je partis donc vivre à Paris grâce à l’argent que mes parents m’avaient laissé en héritage.

Pendant cinq ans, je vécus une vie normale en allant étudier et en sortant assez souvent avec ma coloc. Et puis, mes vingt ans arrivèrent et avec eux, le changement. Une nuit où je me trouvais aux bois de Vincennes à faire mon footing quotidien, je fus saisi d’effroi en voyant un homme agresser une femme. Le sang courut dans mes veines et rapidement, je me vis en train de sauter à la gorge de l’homme, le mettant en fuite. Je n’ai que peu de souvenir de cette nuit-là mais je me souviens distinctement que la femme partit en courant en me voyant. Je me souvins également de m’être réveillée le lendemain, allongée sur le sol du bois de Vincennes, sans comprendre ce que je faisais ici. Un homme s’approcha alors de moi et je dois dire que je fus extrêmement méfiante. Mais il m’expliqua qu’il voulait m’expliquer ce qu’il c’était passé cette nuit. Rapidement et au fil des jours, un lien de confiance se créa entre cet homme et moi. Et au bout d’une dizaine de jour, il m’expliqua enfin ce que j’étais: une métamorphe. Une créature capable de se transforme en un animal précis à volonté. Sur le coup, je fus terrorisé et je compris également pourquoi ma grand-mère était aussi étrange envers moi. Elle devait savoir ce que j’étais et, pieuse comme elle était, elle avait sûrement toujours du croire que j’étais une créature du diable. J’acceptais de le retrouver plusieurs soirs pour qu’il m’aide à dompter l’animal en moi. Plusieurs fois, je me réveillais sans aucun souvenir de la transformation mais au fur et à mesure des mois, je réussis enfin à me souvenir de la totalité de la nuit, réussissant à maîtriser l’animal en moi. Et une nuit, je pus enfin me voir sous ma forme animale, celle d’un magnifique loup blanc aux yeux d’un bleu azur éclatant. Cela faisait étrange de se voir ainsi et surtout d’en garder des souvenirs. A vingt-trois ans, je fus diplômé avec brio d’un doctorat en biologie animale et la vie active s’ouvrit à moi. Mais je décidais de ne pas rejoindre un zoo ou encore un laboratoire. Non, ce que je voulais, c’était étudier les animaux seule. J’avais toujours été une solitaire et je ne voyais pas pourquoi cela devrait changer avec la vie active. Je quittais donc Paris pour l’Irlande, ayant toujours voulu étudier la faune de ce pays. Mon mentor me suivit et on décida d’habiter ensemble. Je l’ai toujours considéré comme un père pour moi et je ne voulais pas le perdre de vue même en quittant la France. D’abord réticent, il accepta finalement de me suivre et j’en fus ravie.

Voilà désormais sept ans que j’habite à Bray, en Irlande. Bien des choses ont changé pour moi en quelques années. Je suis toujours biologiste animalier à mon compte et je vis toujours avec mon mentor dans une petite maison de la ville. Mais depuis quelques temps, un évènement est venu bouleverser ma vie. J’ai fait la rencontre d’un chasseur et depuis, je dois dire que des sentiments sont nés entre nous. On ne peut pas dire que nous formons un couple car il est assez particulier. Il ne chasse pas comme un chasseur habituel, il chasse les autres créatures. Cela me fait mal quand je le sais dehors à chasser mais je ne peux rien dire, de peur de casser ma couverture. Pour lui, je suis une simple humaine, étant donné que j’ignore tout de sa propre condition de créature. Mais voilà, quelque chose est venue se mettre en travers de notre chemin et pourrait bien précipiter notre histoire soit vers le haut, soit vers le bas. Il y a environ cinq mois, j’ai découvert que j’étais enceinte. Je n’en ai jamais parlé à mon partenaire, de peur de le perdre ou d’être obligé de lui révéler ma condition de métamorphe. Mais je sais que je vais devoir bientôt lui en parler, mon ventre arrondi commençant à se remarquer. J’attends juste le bon moment pour cela et surtout, l’avis de mon mentor et père, ne prenant aucune décision sans avoir eu au préalable son avis.