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 Александра, этот город - наш с тобою!

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Elle t'avait passé un coup de fil pour t'annoncer à quelle heure atterrissait son avion, puis avait raccroché presque immédiatement. Toi, tu avais un bourdonnement derrière l'estomac et un accordéon entre les côtes. T'avais presque eu envie de pleurer en entendant le son de sa voix, chaude mais ferme. Quand t'es ému t'as du mal à te contenir, elle a du te trouver ridicule. Ton eau de Cologne pas encore sèche le long de ta jugulaire, tu enfiles ta veste et manques de t'étaler dans les escaliers de l'hôtel. Le trac, ça te rend maladroit. Tes lacets étaient à peine faits. Maladroit et négligent.

T'as failli rater ton bus pour Dublin, le moteur vrombissait déjà alors que tu avais encore le pied sur la première marche. Treize secondes à nouer tes lacets, une heure à longer la côte dans le noir, vingt minutes à somnoler malgré le manque de place entre les fauteuils, ton trajet s'est fait presque tout seul. Et une fois à l'aéroport, t'angoisses, t'arrives pas à te repérer. Et si tu t'étais trompé de terminal ? De porte ? Et si, en fin de compte, elle ne venait pas ? Tu ne le supporterais pas.

Ton cœur manque un battement quand tu la vois arriver, le sol pourrait se dérober sous tes pieds que tu ne réagirais pas. Ses yeux se plantent dans les tiens, tu avais oublié qu'ils étaient bleus aussi. Bleus glacés à en mourir, tu ne voyais qu'eux et ses lèvres. T'avais un demi million de choses à lui dire. Comment allez-vous ? Votre voyage s'est bien passé ? Vous êtes magnifique ! T'aurais voulu l'embrasser, la faire danser contre ta poitrine jusqu'à l'aube et lui jurer que vous ne vous quitteriez plus jamais. Mais t'as juste souri, timide, en prononçant un « Sacha. » tout cassé.
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Une traînée de condensation quelque part au dessus de la mer du Nord. Un silence oppressait la semi-pénombre d'une cabine trop étroite pour le contenir tout entier. La nuit crevait les hublots et Morphée avait pris d'assaut bon nombre de banquettes, tordant les cous de leurs pantins, mais une paire d'yeux bleu firmament restait résolument ouverte et rivée sur la vitre embuée. Comment pouvait-elle s'assoupir, Aleksandra, avec tout ce qui lui tournait dans la tête – colère, interrogations, hâte et regrets. Elle n'aurait su dire d'où lui venait ce sentiment de malaise qui lui nouait le ventre et lui pressait les tempes, de l'appréhension, de l'impatience ou de la pressurisation. Si on lui avait dit, vingt-quatre heures plus tôt, qu'elle serait tantôt là, semblant traverser l'Europe pour épouser un lâche - elle se serait répandue en insultes sous l'offense, mais regardez-là à présent: se jetant à cœur perdu dans la gueule du loup.

La journée avait pourtant commencé somme toute banalement. Il ne devait même pas être neuf heures – elle avait trouvé le ciel d'une clarté étonnante ce matin-là, et un bai mu dan brûlant de chez Perlov parfumait l'air d'un quelque chose de floral. Elle survolait un à un ses différents courriers, lorsqu'une encre minuit avait attiré son œil, et un tracé qu'elle aurait reconnu entre mille. Quelques minutes à se battre pour ne pas lui témoigner plus d'empressement qu'il n'en méritait ; l'instant d'après, le mal était fait et son cœur s'était étreint comme jamais. Je n'en peux plus. Des mots où la tendresse ne se présentait plus seule mais se doublait d'une passion qui ne la laissa pas indifférente. Des mots vifs, impatients, presque supplicateurs, et teintés d'une touchante jalousie.. et tout à la fois une audace déplacée quasi insultante pour tâcher son plaisir.

Car enfin, cela faisait longtemps qu'elle avait tiré un trait sur cet homme. Certes, cela ne l'avait pas empêchée d'entretenir leur correspondance, revenant malgré elle vers les lettres délaissées sans parvenir à jamais démordre. Elle s'était même permise un arrière goût de vengeance, bien qu'un peu amère, lorsqu'il s'était mis à développer pour elle un amour semble-t-il incurable. Mais oser lui ordonner presque de traverser le monde pour l'épouser, c'était un peu plus qu'elle ne voulait lui permettre. On ne pouvait nier que cela lui avait un peu empourpré les joues, mais c'était sans doute plus de colère et d'asphyxie que de candeur (ou tout autre terme qui, avouons-le, lui conviendrait bien mal), tout au plus de flatterie face au désir ardent.

Mais alors me direz-vous, après tous ces don't you come back no more, que diable allait-elle faire dans cet avion ? Une méchante destinée conduit quelquefois les personnes. Ce n'était certes pas pour l'épouser, soyez-en sûrs. Mais la perspective de devoir coucher son mécontentement sur le papier et d'attendre des jours une réponse qui lui déplairait sûrement l'insupportait - elle avait besoin d'immédiateté et de s'affranchir de ces contraintes, d'entendre de sa bouche et de lire dans son œil des mots qui pouvaient être trompeurs, et de lui dire en face ce qu'elle pensait de sa lâcheté et de sa piteuse naïveté. Dix années durant, il l'avait tenue à distance, et après avoir sillonné les mers du globe, il n'était pas en mesure de s'arranger un face à face pour demander sa main. Marions-nous avait-il écrit – comme si leurs fiançailles n'avaient jamais été rompues, comme s'il n'avait jamais plus qu'à exiger son dû. Et comble du désastre, c'était à elle de faire le déplacement !

I want to kiss you
Then punch you in the face

***

Les premières terres parurent sous la couverture de nuages. Était-ce déjà l'Irlande ou seulement la Grande-Bretagne, elle n'aurait su le dire mais cela l'angoissait. Des heures durant, ses mains s'étaient affairées nerveusement à ôter et remettre sa bague de fiançailles qu'elle avait gardée trop longtemps pour son propre bien. La porter l'arrangeait quelques fois -  elle s'en débarrassait sans remord pour laisser entendre à untel qu'elle était encore un corps à prendre. Maudit soit son attachement matériel pour lequel cette foutue bague n'était pas encore au caniveau. Il n'y avait pas une once d'amour dans celui-ci et tout à la fois, c'était un engagement auquel elle peinait à se délier. Devait-elle le porter à sa vue ou le lui cacher ? Le seul fait de douter prouvait qu'elle n'était pas aussi désintéressée qu'elle voulait l'entendre, mais elle y restait résolument sourde. Sentant l'avion décliner cependant, elle décida avec un soupir de ranger l'anneau dans la poche de son trois-quarts. Elle avait l'espoir que le concerné comprenne qu'il l'avait perdue il y a dix ans, et que quelques lettres ne suffiraient pas à se l'approprier.

Elle fut comme prise de nausées tandis que l'avion atterrissait sans encombre. Tout à coup, il lui sembla qu'elle n'avait plus la moindre envie de quitter ce siège, en fin de compte. Son regard balaya  les pistes d'atterrissage goudronnées avec hostilité. Fallait-il qu'elle le rejoigne à présent ? Il était là, quelque part, dans cet aéroport à l'attendre. Cela faisait dix ans qu'ils n'avaient pas été si proches. Elle aurait pu le croiser n'importe où à partir de ce moment, et l'incertitude se fit plus pesante. A vrai dire, elle n'avait pas réfléchi à ce qu'elle devrait lui dire en premier, son esprit avait de lui-même éludé la question, et elle s'en faisait le reproche à présent. Oh, Dieu, qu'elle ne voulait pas descendre. Elle avait presque envie qu'il ne soit pas là, qu'il ait pris du retard, qu'il se soit brisé les deux jambes dans une chute ou peu importe. Au moins, elle aurait su quel reproche lui faire en premier, en plus de gagner un répit plus que nécessaire. Son ventre était noué à un tel point qu'elle souffrait presque de garder le dos droit. Il faut aussi dire que de la journée, elle n'avait presque rien pu manger - cela devait d'ailleurs la rendre d'autant plus irritable.

Oh I know I told you that I forgave you
I lied and you lost the bet

***

Lorsqu'elle quitta enfin l'avion et eut récupéré son bagage, ce fut encore sans se presser le moins du monde. Mais elle ne pouvait repousser l'échéance indéfiniment, et après quelques angles de couloirs, elle dut finalement parvenir jusqu'à lui. Elle eut du mal à ne pas s'immobiliser sous le choc que cela lui fit. Il avait changé d'une manière des plus renversantes, mais elle sut pourtant le reconnaitre aussitôt. C'était cette même tignasse, ces mêmes yeux perçants, mais son visage, lui, s'était métamorphosé. Il n'était encore qu'adolescent lorsqu'il était parti – un vrai mouflet, immature, le regard haineux. Mais il avait muri, ses traits étaient ceux d'un homme à présent, et son teint avait été usé par les embrunts et les nuits sans sommeil. Et la haine ? Elle n'était plus qu'un mauvais souvenir, et elle pouvait s'en assurer à mesure que la distance entre eux s'amenuisait. Au fond de son œil pourtant, il y avait encore une candeur d'enfant.

Il semblait mal à l'aise, ou peut-être ému - dans tous les cas, penaud et stupide. Quant à elle, elle prit soin de garder une expression composée et de la plus froide indifférence, tandis qu'au fond d'elle le trouble était encore présent. Il n'y avait pas le moindre sourire sur ses lèvres, ni la moindre douceur dans son regard. Elle peinait à croire que dix ans, dix ans s'étaient écoulés entre cette entrevue et la précédente. Un laps de temps tout à fait absurde à son avis, n'importe qui aurait tourné la page depuis le temps, et l'amitié même n'aurait soutenu une telle mise à distance - une chance alors, me direz-vous, qu'ils n'aient jamais été amis. Sa bouche se tordit brièvement tandis qu'elle s'assurait que sa voix ne flancherait pas d'une façon aussi ridicule, avant de finalement se faire entendre.

« Piotr. Cela faisait longtemps. »

Son ton profondément sarcastique s'était fait plus glacial encore que son regard. Elle posa calmement son bagage à ses pieds afin qu'il se charge de son transport, profitant de l'intervalle pour régulariser sa respiration. Dire qu'elle avait quitté sans une hésitation son pays, son foyer, son confort, pour venir lui reprocher en face ses caprices, mais à quoi pensait-elle ? C'était lui donner de l'importance, bien trop d'importance, mais elle n'y pouvait rien... L'affection de cet homme la touchait quelque part, et lui réveillait des envies de possession d'une nature profondément égoïste. Elle n'était pas sûre qu'elle aurait supporté de manquer une pareille occasion. Et s'il fallait le faire souffrir pour se donner bonne conscience, alors il souffrirait, il ne le méritait que trop.

« Dis-moi, devrais-je te gifler tout de suite, ou préfères-tu attendre que nous soyons seul à seul ? »
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Sa voix, bon dieu ! A peine elle prononce ton prénom qu'un frisson glisse le long de ta colonne vertébrale. Tu ne te rends pas compte. Tu ne te rends pas compte qu'elle a lu ta lettre, tu ne te rends pas compte qu'elle a pris l'avion pour te rejoindre. Pourtant elle est là, juste devant toi. T'as les mains un peu moites quand t'attrapes la poignée de sa valise. Plus lourde qu'elle en a l'air. T'arrives pas à t'empêcher de sourire. Et puis t’espères que t'as pas l'air trop bête, tu voudrais pas te ridiculiser. Première fois que tu la vois depuis que tu t'es fait la malle comme un lâche, première fois qu'elle repose son regard d'assassin sur ta silhouette maigrelette, tu aimerais faire bonne impression histoire de te racheter. Tu aimerais qu'elle se dise qu'en fin de compte, ça valait le coup de traverser l'Europe.

« Longtemps, en effet. » Maintenant ton sourire en est un vrai, un franc. Il barre ton visage, creuse des sillons dans tes joues et laisse tes dents prendre l'air. « Dans tous les cas, je ne sais pas si mon cœur tiendrait le choc. » Tu essaies de plaisanter alors qu'elle menace de t'esquinter le visage. Dix ans, et t'es toujours aussi insouciant. Faudra pas t'étonner si après ça elle ne te respecte pas. Tu t'engages vers la sortie sa valise à la main, tu détournes les yeux d'une supernova pour ne pas te brûler trop fort, pour ne pas te brûler tout de suite.

Et c'est seulement une fois dehors, après avoir inspiré à plein poumons l'air encrassé de l'aéroport, que tu te risques à tourner la tête vers elle. « Bienvenue en Irlande, Sacha ! » Cette fois t'es sûr de toi. Tu parles trop fort pour couvrir ce brouhaha qui ne cessera qu'avec la fin des temps, tu lui souhaites juste la bienvenue parce que tu le penses et parce que sa seule présence suffit à te désorienter.

C'est con, mais t'es amoureux.
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Il souriait comme un idiot. Il se cassait en deux devant elle pour prendre ses bagages, sans attendre une demande, un signe, une invitation au départ. Son regard, et ses gestes aussi ténus soient-ils, ou aussi contrôlés - il transpirait tout entier de cette générosité mièvre et gratuite qu’ont les gens amoureux. Une bulle où passé et avenir se confondent au temps présent, où le monde semble se jouer dans l’instant, et où l’instant n’est rien d’autre que cette abondance de sucre, de sueur, de frisson et de main tremblante. Et puis après, il y avait Aleksandra. Le dos si droit qu’on en soupçonnerait presque une greffe au titane dans ses vertèbres. De simplement le voir dans cet état lui imposait un tel poids qu’elle en sentait ses épaules douloureuses et l’envie de s’échapper loin, pour pouvoir ne serait-ce que respirer. Chaque syllabe, chaque vacillement était porté à son jugement, et autant dire que le score était mauvais.
Il souriait - trop. Elle n’irait pas jusqu’à dire que ce sourire était laid, mais elle le trouvait tout bonnement abominable et aurait préféré qu’il s’en abstienne. Devant lui, et devant ces réponses maigres et déplacées, elle se retenait, haussant le sourcil, lèvres pincées, et quelques autres légers tics, signifiant clairement que son irritation approchait doucement d’un nouveau seuil. L’humour, alors qu’elle pensait juste à le défigurer - il s’en armait, la désarmait. A ce stade, il suppliait presque pour se faire détester. Elle n’était même pas certaine de savoir quoi répondre à cela, tant elle s’efforçait de conserver en elle ce qu’elle rêvait de laisser éclater, semble-t-il depuis déjà une éternité.

Il alla cheminer vers la sortie. Elle fut presque tentée de le laisser y aller seul pour l’obliger à revenir à son pied comme un chien. Il n’en était pas si différent, il aurait pu japper, baver, remuer la queue, il le faisait presque sous ses allures de gentilhomme. Désagréable. Hypocrite. Détestable. Mais elle lui emboîta le pas, peut-être une habitude - il la dominait si largement de sa taille, elle se sentait comme poussée à marcher dans ses empreintes. Pour au final recevoir son accueil à l’arrivée. C’était presque fait exprès. Putain, elle était pas là pour du tourisme, elle s’en foutait de l’Irlande, il avait pas l’air de le saisir qu’elle voulait même pas y foutre ses pieds. Elle ne voulait même pas regarder dehors, elle voulait presque faire demi-tour, et cette ville lui semblait soudain être la moins accueillante du monde. Elle ne respirait pas l’air pollué Sacha, elle respirait sa mauvaise foi, c’était tout ce qui pouvait encore la faire tenir debout après le choc qu’elle avait reçu de simplement le voir.

Elle avait la gorge serrée, c’était presque difficile de faire autre chose qu’une grimace. Elle avait envie de vomir. La nausée croissait chaque seconde, la rage, le dégoût. Le mal du pays, l’envie de solitude, l’envie de fuir ce type, mais pas sans lui avoir arraché ce sourire odieux. Alors elle s’est arrêtée, elle est restée muette. Elle a attendu qu’il remarque que ça n’allait pas, qu’elle ne bougerait plus, qu’elle ne lui répondrait pas. Elle a attendu qu’il retourne son visage vers elle pour le foudroyer du regard, mais la nausée lui avait tellement pris la gorge que c’est à peine si elle se sentait de parler. Le ventre qui se tord de lui-même, au simple fait de s’arracher quelques mots sans crier - un calme factice, mais c’était devenu tellement évident de lire entre ses lignes, parce que le fond commençait à trembler. Pas d’émotion, pas d’amour, pas même de haine, c’était la colère, la colère contenue, devant l’absurdité de la chose, la provocation, tout ce qu’elle prenait sur elle mais vivait si mal. « C’est tout ce que tu trouves à me dire. Bienvenue. Tu crois que je me sens bienvenue. Est-ce que tu réalises seulement… Tu réalises ou pas ? Le coup que tu es en train de me faire ? »  Elle était comme une ruine en trompe l’oeil, à se donner l’air solide et composé, à garder le ton dur implacablement, mais cacher ses failles et ses murs ébréchés, ça devenait invivable face à lui. Articuler, trouver les mots, respirer. Elle oubliait chaque mot aussitôt prononcé, elle savait même pas où elle allait comme ça. Il fallait juste qu’elle parle. Elle attendrait pas trois jours ou dix ans, elle attendrait même pas une minute. Ou peut-être une minute, s’il se dépêchait de leur trouver un endroit où elle pourrait le tuer sans obstacle.
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Ton sourire retombe dès sa première phrase et, quand t'arrives à déchiffrer son expression dans l'obscurité, tu comprends mieux. Elle veut pas être là. Elle a raison. Ce que tu lui as fait vivre, ce que tu lui fais vivre, c'est aberrant. Et ça te fend le cœur rien que d'y penser. S'il faisait pas si froid t'aurais déjà les yeux humides. « Dans ce cas, pourquoi êtes-vous venue jusqu'ici ? » T'as lâché ça si sèchement, tu te mords l'intérieur de la joue. « Je veux dire... » Tes yeux descendent vers la valise de ton ingrate bien aimée, ton poing est si contracté que les jointures de tes doigts sont blanches. Si c'était pour cracher sa haine sur ton visage elle aurait pu rester en Russie. « Sacha... » Tu deviens inconsistant, ridicule, tu bafouilles, t'es mauvais. T'es frustré. Tu veux qu'elle reste, mais qu'en plus elle t'aime. Là elle est devant toi, mais elle te regarde avec dégoût. T'es frustré, c'est pas ce que tu attendais. Là devant toi, c'est la femme que tu as quitté dix ans plus tôt. Pas celle dont tu as lu les lettres toutes ces années.

Tu tiens fermement sa valise, tu sais pas si elle est capable de repartir sans. En fait si, tu le sais. Tu inspires, tu soupires. Tes traits s'adoucissent. Tu veux pas participer à ce jeu là, pas avec elle. Toi, t'es celui qui pardonne, t'as toujours été celui qui pardonne. Pas celui qui tient rancune. « Je sais. Je sais que j'exagère, et que j'en demande trop. J'ai fait une erreur il y a longtemps, je n'espère pas me racheter. » T'oses plus la regarder dans les yeux. Tu te sens bête, avec ta belle tirade. A ton avis, combien d'hommes lui ont déjà servi ce discours ? T'as juste un maigre, infime espoir d'être le plus sincère d'entre tous.
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Son sourire s’était effacé si vite. Elle aurait dû y prendre plaisir, elle n’y arrivait même pas. Elle détestait sa gueule, et tout le reste. Pas grand chose aurait suffi pour lui faire tourner les talons, mais ce n’est pas comme si elle pouvait se commander un avion prêt à partir dans la minute, et elle n’était pas tout à fait en état non plus. Elle n’avait pas envie de s’organiser le voyage, de se demander si elle regretterait son départ ou pas. A choisir, elle aurait aimé arrêter le temps, pour arrêter de ressentir quoi que ce soit.
Il avait répondu sèchement. Elle s’y était si peu attendue que cela lui fit un choc. C’était une évidence à ses yeux, pourtant, qu’il était responsable de tout cela, qu’il n’avait que ce qu’il méritait, et même qu’il obtenait un peu plus que cela. Elle avait envie de hurler, d’écarquiller les yeux à se les sortir du crâne, pourtant elle se sentait trop insultée pour pouvoir faire l'un ou l'autre. Et ça, on le lisait sur sa face, entre les néons et les lampadaires, et leurs reflets dans le goudron plein de flotte même s’il ne pleuvait pas.

Il avait dû sentir qu’il était allé trop loin, mais c’était pas de baisser les yeux et de balbutier avec ridicule qui allait excuser quoi que ce soit. Elle s’était mise à trembler un peu de rage, mais elle ne disait encore rien pour maîtriser sa voix. Il n’y avait que les quelques volutes de vapeurs d’eau s’échappant d’entre ses lèvres qui lui répondaient par saccade. Elle n’en revenait pas, à quel point il dépassait les limites du tolérable pour lui balancer les plus minables excuses qu’on lui ait jamais présentées. Pas le moindre pardon bien sûr, tout juste un maigre je sais.
« C’est cela que tu veux me dire ? Que tu n’as pas l’intention de te racheter ? Que tu espères seulement réclamer et obtenir ce que tu demandes comme un petit prince ? » Il n’avait pas changé, en fin de compte. Il n’avait pas changé au point que c’en était absurde. Sa belle gueule, elle n’avait pas intérêt à s’y tromper, parce qu’en dessous il était toujours aussi laid. « Tu te barres dix ans sur le prétexte de ne pas vouloir de moi, tu me harcèles de petits papiers jusqu’à me donner presque l’ordre de venir au bout du monde pour te voir, tu fais comme si de rien n'était, puis tu m’accueilles avec ce ton insultant et me demandes ce que je fous là ?! » Elle avait élevé le ton et le volume à chaque mot de cette interminable phrase, et s’était mise à trembler un peu plus. Et en guise de ponctuation, après une lutte médiocre les dents serrées, elle l’avait giflée d’une claque si retentissante que l’on vit quelques têtes se tourner.
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C'est de pire en pire. Ça ne s'arrêtera donc jamais ? Tu sens le rouge te monter aux joues à mesure que sa voix monte dans les aigus, et comme t'oses à peine lui couper la parole, comme tes lèvres s’entrouvrent pour lui dire que quoi que tu fasses elle ne te pardonnera pas, tu sens sa main te lacérer le visage. T'es trop offensé pour avoir mal. T'as trop froid pour avoir mal. Mais, quelque part, tu l'aurais pas méritée cette gifle ? Tu frôles ta joue du bout des doigts, tu poses sur elle des yeux comme des billes. Il te faut quelques secondes avant d'être capable de rouvrir la bouche. « Ça n'aurait rien changé, Sacha. Je suis autant étonné que toi, navré que tu te sois sentie insultée. » Tu ne la vouvoies plus, tu n'y arrives plus. Ce contact impromptu, ça l'a fait tomber de son trône en marbre. Elle est maintenant à patauger avec toi dans la glaise.

C'est un regard éteint que tu jettes sur ta montre. Vous rentrerez ensemble à l'hôtel pour cette nuit et tu lui trouveras un avion demain matin. Elle est venue pour rien. Ça ne sert à rien qu'elle reste. Sans prononcer un mot de plus tu te diriges d'un pas ferme vers l'arrêt de bus, valise dans une main, l'autre dans ta poche. C'est seulement une fois devant le panneau des horaires, une fois que tu t'es rendu compte que vous avez manqué le dernier, que tu daignes la regarder à nouveau. Toujours aussi furieuse. Toujours aussi belle. « De deux choses l'une. » Tu regardes à nouveau l'heure. « Soit on marche jusqu'à trouver un hôtel, soit on attend le premier bus. » Tu pointes du doigt le haut de la liste. 5H15. Quoiqu'elle choisisse, tu ne sais pas si la perspective de passer la nuit en sa compagnie te réjouit ou t'effraie. « Le service reprend assez tôt, en plus. »
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Elle n’avait pas la moindre idée de ce qu’il se passait dans la tête de monsieur et ça l'irritait. Il se touchotait la joue, il avait l’air outré - ce n’était pas vraiment étonnant, de la part de l’homme qui soignait mieux son apparence que ses propres relations. Elle avait osé porter la main sur sa face ravissante et parfaite. Il était trop propret, elle l’aurait battu dix fois, seulement pour le plaisir de le secouer, ce dont il avait clairement besoin. Il s’était mis à la tutoyer - pourquoi ? Etait-ce là la manière de cet aristocrate douillet de lui manquer de respect ? Si tel était le cas, c’était pitoyable, et elle s'en moquait assez.
Et il arborait cet air de suffisance, lorsqu’il menait la marche, lorsqu’il lui disait : de deux choses l’une. Elle rageait d’envie de le ramener face à la réalité, de lui dire de deux choses l’une, si le crime n’était pas puni je t’aurais déjà tué, et si tu n’arranges pas ton cas je pourrais bien me passer de respecter la loi. Bien sûr, le tuer, elle en aurait été incapable, mais à défaut de réellement essayer, ce n’était pas l’envie qui manquait.

« Etonné ? », s’était-elle mise à balbutier presque pour elle-même, ne revenant pas de son audace, répétant ensuite mot pour mot ce qu'il avait daigné lui répondre. « Je ne comprends pas - étonné ? Cela ne changerait rien ? » Sa voix était revenue à un chuchotement, alors qu’elle le dévisageait avec autant de colère que d’incompréhension, alors qu’elle se dépêtrait dans un ressentiment frustré. Lui, il était passé à autre chose, il posait ses questions, des questions sans intérêt. Marcher, attendre - loger à l’hôtel ou rester dehors et veiller. Dans l’immédiat, c’était bien le cadet de ses soucis. Elle ne voulait aller nulle part, pas plus qu’elle ne voulait rester là - et de toute manière où qu’ils aillent, elle ne dormirait pas.
Sa voix avait repris un peu de puissance, mais revenant à une forme de colère froide. « Peu importe, vraiment. Je ne suis pas ici pour dormir, pas plus que pour attendre. Je voudrais comprendre, je voudrais que tu arrêtes de te moquer de moi. » - « Cesse de me trimballer ici et là, j'ai l'impression d'être un chien en promenade » ajouta-t-elle en lui saisissant fermement le bras, agacée de le voir plus intéressé par un horaire de bus que par elle-même - « Regarde-moi. Arrête de te cacher derrière des sujets insignifiants. Plus que tout, je déteste cette manie que tu as de fuir. » Ce qu’il fuyait, pour elle, c’était les excuses, les justifications. Parce qu’il se cachait derrière des phrases bâteau. Parce qu’il était navré d’une seule chose, c’est qu’elle se sente vexée, mais qu’il supposait bien sûr n’avoir rien à se reprocher.
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Regarde-moi !  Elle s'accroche à toi. Regarde-moi !  Si tu n'avais pas ton caban ses ongles auraient pu s'enfoncer dans ta peau, quelques griffures en plus. C'est pas un chien que tu promènes mais un fauve. « Je ne me moque pas de toi. » Regarde-la ! Tu te dégages de son emprise et la fait s'asseoir sur le banc froid de l'abribus. Tu t'éclaircis la voix avant de baisser les yeux vers elle. « Tu veux que j'arrête de fuir ? Très bien ! » Tu supportes mal que l'on te confronte à tes erreurs, Narychkine, ça te fait te sentir très bête. Tu n'aimes pas échouer et, quand ça arrive, tu préfères que l'on ne te le rappelle pas. Tu te sors une cigarette et l'allume avant d’ôter ton manteau que tu déposes à côté d'elle. Tu t'en fous d'avoir froid. T'es trop vexé pour avoir froid. « On commence par quoi ? Mon départ ? » Tu retrousses tes manches. « Juste, ne m'interromps pas. » T'es suffisamment remonté pour être sec, tes yeux brillent mais t'es sûr d'être en colère. T'es juste moins sûr de la raison.

« Ça fait combien de temps que je suis parti ? Dix ans ? C'est long. » Tu n'arrives pas à savoir si c'est encore de la fumée ou juste de l'air chaud qui s'échappe d'entre tes lèvres. « Je ne regrette pas, tu sais, c'était un beau voyage. J'ai vu le monde entier, des endroits que tu ne pourrais même pas imaginer. » Tu ris et baisses les yeux encore plus bas, t'as tout de même l'air un peu nerveux. Pourquoi dois-tu encore te justifier ? Tu pensais qu'elle avait compris. Tu t'es trompé. « J'avais vingt ans, Sacha. J'avais l'impression d'être Ulysse. Si je n'étais pas parti j'aurais été malheureux et tu le sais très bien. Et toi … qu'est-ce que tu aurais fait d'un gamin comme moi ? » Et si tout au long de ces dix ans d'absence tu étais nostalgique de Pétersbourg, c'est à cet instant précis que tu es devenu nostalgique de ta cabine. A peine tu reposes le pied à terre que ça te manque déjà de tanguer, c'est comme une malédiction. Ça ne te lâchera jamais.
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