MAD WORLD | LEYLA & LARS

MAD WORLD

Lars & Leyla

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La soirée commençait à peine et pourtant, la tête de Leyla menaçait déjà d’exploser sous le nombre de pensées qui la traversaient. Son corps fraîchement remis sur pied, elle avait tenté de se lancer corps et âme dans son boulot pour rattraper son retard mais également pour tenter vainement d’oublier les évènements récents. Il faut dire que c’était toute l’histoire de sa vie, essayer d’oublier. Pourtant, cette fois était bien différente. La personne qu’elle essayait d’oublier cette fois, c’était la seule personne qu’elle ne pourrait probablement jamais oublier, la seule personne qui resterait dans sa tête et dans son coeur malgré tout ce qui pouvait arriver. Malgré ce regard emplit de haine qu’il avait posé sur elle, ce regard qui l’empêchait de dormir depuis plusieurs jours maintenant. Aiden Blake Jones avait ce pouvoir sur elle, celui de la troubler avec un seul regard, un seul mot, avec sa simple présence. Aujourd’hui plus que jamais.

Après la catastrophe de leurs retrouvailles, Leyla avait passé des jours à hésiter concernant le sort des vêtements que le beau blond lui avait prêtés. Elle avait pensé à les jeter, voire carrément les brûler, comme pour enterrer tout ce qu’elle ressentait pour lui. Ce serait la fin de leur relation, si toutefois elle n’avait pas déjà pris fin il y a de longues années. Elle devait s’en débarrasser pour oublier cette honte de l’avoir abandonné, cette souffrance qu’elle avait ressentit face à lui et tous ces autres sentiments qu’elle n’arrivait même pas à nommer. Mais elle n’avait pas pu. Elle n’avait pas réussi à les mettre au feu, pas plus qu’elle n’avait réussi à les balancer dans les ordures. Ainsi donc elle avait fini par décider de lui rendre, car si les garder lui donnait l’espoir de le revoir un jour, cela déclenchait également des crises d’angoisses. Elle imaginait déjà ses cris lui hurlant de dégager, la porte qu’il lui claquerait au nez et toute la douleur qu’elle ressentirait à nouveau. Alors si elle avait trouvé le courage de revenir jusqu’à chez lui en ce début de soirée, le sac contenant les habits fraîchement lavés dans les mains, elle n’arrivait pas à frapper à la porte. Elle resta plantée devant la porte, sans bouger, terrifiée par ce qui allait se produire au moment où leurs regards se croiseraient de nouveau.

« Hey…Aiden n’est pas chez lui. »

D’ordinaire, la voix inconnue teintée d’accent anglais parlant dans son dos aurait fait sursauter la boxeuse pour se mettre en posture de combat instantanément, prête à se défendre. Mais à la place, un immense soulagement s’empara de son corps, décontractant ses épaules et lui permettant d’expirer longuement en réalisant qu’elle avait retenu son souffle depuis qu’elle était entrée dans le bâtiment. Aiden troublait même ses réflexes de combat. Mais au moins, elle ne le verrait pas ce soir, ce qui repoussait un peu plus l’inévitable confrontation entre eux.

« Il est parti il y a une heure ou deux il rentrera tard, je peux vous aider ? »

Pendant une seconde, Leyla pensa à donner le sac de vêtements à ce qui devait probablement être un voisin. De cette façon, elle ne verrait pas Aiden, il n’y aurait aucun cri, aucun regard, aucune dispute et aucune douleur. Son ancien ami d’enfance retrouverait ses affaires et elle pourrait retourner à son quotidien avant que celui-ci ne soit chamboulé. Mais elle ne pouvait pas. Ces habits étaient sa seule chance de pouvoir revoir Aiden, de pouvoir tout lui expliquer, tout lui avouer. Elle ne pouvait pas passer à côté de cette occasion. Alors elle se contenta de balancer lentement la tête en signe de négation, toujours dos à l’inconnu.

« Non… Non je vais juste… Partir j’imagine... »

Partir, ou peut-être rester encore un peu devant sa porte, à réfléchir à quel moment leurs vies avaient dérivés. À quel moment ils étaient passés de meilleurs amis d’enfance à des adultes se hurlant dessus. À quel moment son coeur avait commencé à s’alourdir en pensant à lui. Puis, réalisant enfin toute l’impolitesse dont elle faisait preuve envers l’homme qui lui avait proposé son aide, Leyla se tourna enfin vers lui, le visage encore troublée par toutes ses pensées liées au bon blond, son regard reflétant un mélange de tristesse et de douleur indescriptible.

« Excusez-moi, je devais lui ramener quelque chose, mais je repasserai... Merci beaucoup. »

Alors qu’elle allait repartir, elle s’attarda pour regarder l’homme face à elle dans l’encadrement de la porte. Grand, brun, bel homme, un air mystérieux et surtout un regard qui lui semblait presque familier. Bien loin du regard remplit de haine qui tourmentait ses nuits. Un regard sombre mais profond, un regard qui avait déjà attiré le sien, elle en était sûre. Leyla chercha quelques minutes dans sa mémoire, persuadée de connaître ce voisin si inattendu. Dans son métier, elle était amenée à rencontrer beaucoup de monde, tout comme elle avait combattu pas mal d’adversaires durant les entraînements ou compétition de boxe. Dire qu’elle se souvenait de chaque visage serait un énorme mensonge, mais celui-ci en particulier l’avait marqué.

« Vous allez me prendre pour une folle, mais je suis sûre de vous avoir déjà croisé quelque part. »

Alors qu’elle détaillait encore le visage du grand brun, l’accent anglais résonna dans sa tête, comme un souvenir lointain. Juste quelques mots, un échange bref et marquant. Leyla avait passé du temps en Angleterre pendant ses études et en début de carrière, à Londres plus précisément. C’est également dans la capitale anglaise qu’elle avait commencé le bénévolat, pour fuir la période éprouvante marquant la mort de sa mère dans un premier temps. Et d’un coup, comme un flash, le visage de l’homme devant elle lui apparu avec quelques années en moins, et surtout des marques d’un passé douloureux bien plus visibles. La jeune fille en était maintenant sûre, ils s’étaient rencontrés alors qu’elle apportait son aide pour distribuer de la nourriture chaude aux SDF pendant l’hiver. Et si lors de leur premier contact l’homme était incontestablement dans une mauvaise période, la métamorphe eut chaud au coeur lorsqu’elle réalisa qu’il disposait d’un endroit pour dormir et qu’il avait quitté la rue. Il semblait également un peu plus serin qu’à l’époque, où son traumatise flagrant avait beaucoup peiné la jeune fille qui s’était sentie impuissante.

« Je me souviens, c’était à Londres. On a… Partagé quelques bols de soupe. » Maladroit mais la jeune fille ne voulait pas le mettre mal à l’aise en lui parlant des conditions de leurs rencontres. « Mais j’avoue que je ne me souviens plus de votre nom... »

Il faut avouer que l’esprit de Leyla était encore trop occupé à penser au beau blond habitant en face et elle était momentanément incapable de prononcer un autre nom que celui d’Aiden. C’était pathétique, tout autant que de voir à quel point elle pouvait sembler aussi abattue face à un homme dont elle savait qu’il possédait un passé suffisamment difficile pour s’être retrouvé sans abri à une époque. Bien qu’elle-même ait eu une vie pas des plus faciles, elle ne se sentait pas légitime d’être aussi mal en point face à lui et elle détestait ça. Mais c’était pourtant plus fort qu’elle, elle n’arrivait pas à sourire et à retrouver cette bonne humeur qu’elle dégageait pourtant d’ordinaire. Un peu comme si les ondes de reproches émanaient de l’appartement du métamorphe pour l’atteindre jusque dans le couloir. Le constat de cette faiblesse commençait à faire renaître une douce colère au fond d’elle. Jusqu’à quel point Aiden allait-il l’impacter ?

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Lars & Leyla

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On peut dire que la vie de Leyla était passée par de nombreuses étapes qui avaient affecté la jeune fille de bien des façons. L’enfant si gentille et pétillante était devenue renfermée lorsque son père avait sombré dans l’alcool et commencé à les battre, sa mère et elle. Elle avait passé des jours difficiles également après son accident de voiture, où la douleur physique n’était rien comparé à ce sentiment de culpabilitée causé par la mort de son coach. Finalement il n’y avait qu’à Londres qu’elle avait réussi à se construire un semblant de vie saine, quelques temps après avoir quitté le domicile familiale. Mais jamais elle ne s’était retrouvée comme ces derniers jours, aussi abattue, sans savoir si ce combat valait la peine d’être mené. Inévitablement, revoir un visage familier datant de la période la presque plus sereine dans sa vie lui faisait immédiatement du bien, d’autant plus qu’il semblait avoir réussi à mener son propre combat à bien.

« Lars, Melanoti. Je n’ai sûrement pas dû dire mon nom à l’époque mais moi aussi je me souviens de toi Leyla. »

Le fait qu’il se souvienne suffisamment d’elle pour se rappeler de son prénom lui arracha un demi sourire. Leyla avait vu à cette époque, toute la misère du monde. Elle savait à quel point il était dur pour un sans abri de vivre, ou plutôt de survivre. Elle savait également à quel point le système était défaillant, pas assez robuste pour les aider à sortir de la rue de façon durable. Peu importe le nombre de bénévoles qu’ils étaient, c’était le financement qui manquait, ainsi que la visibilité pour faire ouvrir les yeux au reste du monde sur leur désarroi. Alors comme tout ceux qui aidaient à distribuer quelques repas, elle faisait de son mieux pour apporter un peu plus que la nourriture : une humanisation dont ils manquaient cruellement. Un sourire, quelques encouragements, prendre des nouvelles, tout ce que la vie essayait de leur arracher. Et aujourd’hui, Lars, puisqu’il se nommait ainsi, semblait avoir pris une revanche sur la vie et elle ne savait que trop bien à quel point cela pouvait être difficile.

« Est-ce que tu veux entrer prendre un café ou quelque chose ? Tu as l’air d’avoir besoin d’une boisson chaude. »

Leyla hésita un instant en le regardant ouvrir un peu plus la porte pour compléter son invitation, prêt à décliner. Mais elle regarda un peu plus Lars et se rendit compte qu’il n’avait plus rien à voir ou presque avec l’homme qu’elle avait connu, que ce soit physiquement ou sa situation. Inévitablement, elle pensa aussi à la façon dont avait changé Aiden : il n’était plus le petit garçon rondouillard qui riait de bon coeur à longueur de journée. Son corps avait changé, tout comme son comportement. Elle aussi n’était plus la même : de petite fille joyeuse et insouciante elle était devenue une femme aussi forte que brisée. Le beau brun face à elle était la preuve que les changements pouvaient être bons et à ce moment précis, c’était tout ce dont elle avait besoin. Alors hocha la tête en guise d’acceptation, en faisait de son mieux pour que sa voix ne transcrive pas toute sa tristesse, contrairement à ses yeux.

« Un thé, ça serait parfait. Merci »

Elle entra à la suite du grand brun, se laissant guider jusqu’au salon. Elle posa le sac contenant les affaires d’Aiden au pied du canapé et s’installa sur celui-ci en observant le logement. Ce n’était pas le grand luxe, chose introuvable dans le quartier, mais pour un ancien SDF, Leyla était réellement impressionnée. Alors que Lars revenait avec son thé, elle le remercia et serra doucement la tasse entre ses mains, appréciant la chaleur qu’elle diffusait. Pendant un instant, elle pensa à demander à son hôte s’il connaissait bien son voisin. Suffisamment pour qu’il sache quand il partait et quand il revenait visiblement. Peut-être le beau brun pourrait-il lui expliquer pourquoi son ancien meilleur ami avait tant changé pour devenir l’homme qui l’avait fichu à la porte, mettant sa vie en danger. Non. Leyla secoua légèrement la tête pour faire partir cette pensé. Aiden n’était pas là, c’était très bien comme ça, autant ne pas parler de lui.

«  Ca fait longtemps que tu vis ici ? À Bray et dans cet appartement ?»

Leyla ne voulait pas lui paraître indiscrète en lui demandant comment il avait fait pour se sortir de la rue, mais une partie d’elle voyait en lui un modèle, une sorte d’espoir pour tous les SDF qu’elle continuait de côtoyer et qui ne pensaient jamais s’en sortir. Et si à Londres la misère était grande, celle qui habitait Bray était tout aussi profonde, bien que très différente. Jamais elle n’aurait assez de sa simple vie pour aider chaque personne qui en avait besoin, mais voir Lars aujourd’hui dans son propre appartement la confortait. Elle ne sauverait pas le monde, mais elle avait réussi à faire sa part des choses.

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Lars & Leyla

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Cela faisait quelques temps que Leyla s’était installée dans cette bourgade. Installée était peut-être un bien grand mot puisqu’à la base, elle ne devait venir que le temps d’une compétition de boxe. Mais le soit disant accident avait surgi et sa rééducation avait prolongé son séjour dans la ville irlandaise. Une fois sa convalescence terminée, les habitants si particuliers avaient attirés son attention, suffisamment pour qu’elle sente le besoin de rester, sans se demander si cela serait temporaire ou non. En somme, elle n’avait pas choisi Bray, c’est Bray qui l’avait choisi.

« Je suis arrivé il y a quelques mois. J'avais besoin de m'éloigner de Londres. »

Leyla ne pouvait que trop comprendre que ce ressentait son hôte en voulant s’éloigner d’une ville qui présentait sans doute de mauvais souvenirs pour lui. Tout comme lui, elle gardait un goût amer de sa ville natale, dont le simple nom lui était insupportable, la ramenant inévitablement vers un passé bien trop douloureux qu’elle tentait encore d’oublier. Mais si les conditions de son arrivée n’étaient pas les meilleures, la petite brune s’était vite attachée à Bray. Il faut dire qu’elle n’avait pas beaucoup voyagé dans sa vie. Après Galway, elle avait fui en direction de Londres, où elle avait notamment rencontré Lars. À cette époque, Leyla tentait de se construire une nouvelle vie et s’en sortait plutôt bien. Mais si elle appréciait cette nouvelle identité, ce n’était pas toujours facile à porter et la solitude lui avait tenu compagnie de nombreuses nuits. Ici à Bray, tout était différent. Ce n’était pas non plus sa ville d’origine et elle ne connaissait personne au moment où elle y avait emménagé mais pourtant elle s’y était rapidement sentie comme chez elle. Il faut dire que la bourgade irlandaise abritait un taux incroyablement élevé de créatures surnaturelles, raison pour laquelle elle était restée. Inconsciemment, elle s’était sentie à sa place dans ce monde où être une métamorphe pourrait presque faire partie d’une certaine normalité. Si elle ne pouvait toujours pas le crier sur tous les toits, elle ne s’était jamais sentie autant elle-même depuis son enfance. Elle espérait que ce soit la même chose pour Lars, qu’il se sente ici chez lui plus qu’à Londres, dans cette ville, comme dans cet appartement.

« Tu dois être la...Troisième personne que je retrouve ! C'est assez fou, je ne pensais pas revoir autant de monde en venant dans une petite ville comme Bray. »

Le beau brun ne pouvait sans doute pas imaginer à quel point ces mots, probablement anodins pour lui, faisaient plaisir à Leyla. Elle savait très bien que les SDF étaient particulièrement isolés du monde et des gens, la fracture sociale étant parfois bien plus lourdes à combattre que tout le reste. Mais si Lars avait retrouvé d’autres personnes avant elle, cela signifiait donc qu’il n’était pas seul, il ne l’était plus. Elle ne connaissait pas l’étendue de sa vie sociale qui s’arrêtait peut-être à ces trois personnes-là, mais c’était à son sens toujours une victoire de plus et elle se sentait rassurée de savoir qu’il pourrait peut-être avoir du soutien en cas de besoin. Du moins il pourrait compter sur son soutien à elle à partir de maintenant.

« Oui Bray est une petite ville mais c’est étonnant de voir tout ce qu’il s’y passe et tous les gens qu’on peut y retrouver »

Fatalement, la métamorphe eut à nouveau une pensée pour Aiden. Elle aussi ne s’était pas attendue à retrouver son meilleur ami d’enfance dans la petite ville irlandaise, et certainement pas dans des conditions aussi improbables. Mais c’était Bray, et tout y était possible, le bon, comme le mauvais. Leyla bu une gorgée de thé en écoutant Lars dire qu’il était heureux de pouvoir montrer son évolution à la jeune fille. Ce qu’elle pouvait le comprendre. Évoluer, s’améliorer, devenir celui qu’on a toujours voulu être, tout cela faisait sens dans sa tête. Lorsqu’elle était encore qu’une pauvre enfant qui se faisait battre par son père alcoolique, Leyla passait son temps à rêver d’une vie meilleure. Elle se raccrochait à cette idée et c’était ce qu’il l’aidait à tenir à l’époque, croire que tout finirait par s’arranger un jour où l’autre. C’est à la mort de sa mère que cet espoir s’était éteint avec elle. À cette époque, elle pensait qu’elle était condamnée à vivre sous les coups, dans la peur, la haine, la culpabilité et le regret. Finalement, elle s’en était plutôt bien sortie. Cela n’avait pas été facile et tous ces sentiments n’étaient pas entièrement partis, mais elle avait réussi. Alors elle comprenait parfaitement le sentiment de fierté que Lars éprouvait en ce moment-même, pouvant prouver que lui aussi s’en était sorti. Il avait dû se rattacher à cet espoir pendant si longtemps, il pouvait maintenant le vivre pleinement.

« Et tu me vois ravie de pouvoir le constater de mes propres yeux ! D’autant plus que ton appartement est plutôt charmant. »

Pour être tout à fait honnête, l’habitation manquerait peut-être d’un peu de lumière et de décoration aux yeux de la jeune fille, mais chacun ses goûts après tout. Et puis, le simple fait d’avoir son propre appartement était déjà une réussite en soit pour lui, alors elle n’allait pas donner son avis sur la déco. Leyla regarda autour d’elle en avalant une nouvelle gorgé de thé, laissant son esprit divaguer sur l’appartement en question. Sans même s’en rendre compte, elle commença à le comparer avec le logement voisin, se demandant s’il y avait ici aussi des cachettes secrètes, comme celle qu’Aiden lui avait montré pour se cacher des chasseurs. Peu probable, ce genre de planque n’était bonne que pour les créatures surnaturelles comme les métamorphes qu’ils étaient. Lars lui était tout à fait normal, simplement un SDF qui avait réussi à sortir de la rue. À moins que ce ne soit pas le cas ? Il pourrait très bien être un magicien qui aurait utilisé ses pouvoirs pour gagner de l’argent et réussir à obtenir un toit sur la tête. Ou un triton qui avait utilisé sa voix pour ensorceler le propriétaire et le forcer à lui louer l’appartement sans payer de loyer. Il pourrait tout aussi bien être une fée à compte-là… Et puis au pire, était-ce bien important ? Humain ou non, Lars semblait plus épanouie maintenant qu’à l’époque de leur rencontre et c’était tout ce qu’il comptait pour elle. Du moment qu’il n’était pas un chasseur du moins.

« Je vois que tu as une guitare. Tu veux bien me jouer un petit morceau s’il te plait ? »

Elle avait repéré l’instrument posé non loin tandis qu’elle essayait désespérément de chasser de son esprit le voisin d’à côté ainsi que les créatures surnaturelles qui n’étaient clairement pas des sujets convenables à aborder. La jolie brune ne savait pas s’il allait accepter sa demande, mais elle espérait fortement, pensant qu’un brin de musique pourrait peut-être la détendre. Si elle faisait de son mieux pour être agréable depuis qu’elle était rentrée dans l’appartement, se réjouissant pour Lars, elle n’arrivait pourtant toujours pas à sourire. Il faut dire qu’elle était toujours obnubilée par l’appartement d’en face et les évènements récents qui s’y était produits.

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Lars & Leyla

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Lars était un homme tout ce qu’il y avait de plus charmant. Beaucoup de gens pensaient à tort qu’un SDF est forcément sale, vieux, alcoolique et parfois même complètement fou. Mais la vérité est qu’ils sont exactement comme n’importe qui, sans un toit au dessus de la tête. Alors oui, le manque d’hygiène peut se faire sentir. Oui l’alcool est souvent un exutoire pour oublier les conditions difficiles dans lesquelles ils vivent. Et fatalement, cette dépendance peut entraîner des conséquences mentales terribles. Mais Leyla savait avant même de les côtoyer que les sans abris étaient bien plus que ça. Elles savaient que chacun d’entre eux avait une histoire, qui avait souvent laissé des traces irréversibles dans leurs vies. Elle savait également qu’ils avaient une sensibilité comme n’importe quel autre humain, voire plus grande encore, mais qu’ils ne pouvaient pas réellement le montrer dans ces conditions. Et ce qu’elle avait pensé, mais jamais réellement vu, c’est qu’ils avaient également tous des compétences, des dons, des domaines pour lesquels ils étaient doués.

« Tu sais qu'ironiquement c'est grâce à mes années dans la rue que j'ai appris à en jouer. Une vieille femme riche m'avait offert une guitare quand j'étais très jeune, au fil du temps j'ai fini par apprendre à en jouer ! »

La petite brune sourit, l’émerveillement se lisant dans ses yeux. Elle admirait sincèrement les gens capables de se former eux-même, d’apprendre en autodidacte, sans l’aide de personne. L’apprentissage de cette façon était peut-être plus longue, moins précise et plus ardue mais elle démontrait une certaine détermination que Leyla trouvait fascinante. Elle-même en était bien incapable. Certes, elle avait vaguement commencé à apprendre à se battre toute seule, notamment pour se protéger des coups de son père, mais très vite elle avait rejoint le club de boxe de son école et elle avait été encadrés par un coach à partir de là. Pour tout le reste, il y avait toujours eu quelqu’un à ses côtés. Même pour apprendre à faire du vélo, c’était Aiden qui s’en était chargé, courant derrière elle pour s’assurer qu’elle ne tombe pas de sa petite bicyclette. Un souvenir touchant auquel il ne valait mieux pas penser pour le moment.

Lars commença alors à jouer un air avec sa guitare, une mélodie douce et reposante. Et puis contre toute attente, il se mit également à chanter et la métamorphe découvrit une voix suave qui se mariait parfaitement avec les vibrations émises par les cordes. La combinaison de la musique et la chanson transportait littéralement Leyla, à tel point qu’elle posa machinalement sa tasse sur la table basse pour venir poser sa tête sur le haut du canapé, se plongeant dans des pensées lointaines. À ce moment précis, elle oublia tous ses problèmes, toutes ses inquiétudes, toutes ses peurs, comme si tout avait disparu. Elle oublia Aiden, ses affaires à ses pieds et leurs retrouvailles mouvementées. Elle était simplement envahie par une sensation de bien être, assise dans le salon d’un garçon qu’elle avait connu totalement par hasard des années avant, alors qu’il n’avait rien. Et aujourd’hui, il lui offrait les quelques minutes les plus paisibles auxquelles elle avait eu le droit ces derniers jours. Et pour la première fois depuis qu’elle avait franchi la porte, Leyla souriait. Un sourire doux, sincère et serein. Lars ne s’en doutait probablement pas, mais ce sourire était bien plus qu’un simple rictus facial. Il était en quelque sorte une lueur d’espoir, preuve qu’il était toujours possible pour elle de continuer à vivre sans penser sans cesse au beau blond, même si la tâche paraissait difficile. Lorsque la musique s’arrêta, la jeune fille redescendit doucement de son petit nuage et remarqua que son hôte rougissait légèrement.

« C'est une...Chanson que j'ai écrite. Je ne sais pas exactement ce qu'elle vaut tu es mon premier public ! »

Elle se redressa rapidement, encore plus impressionnée. Elle n’avait pas reconnu l’air et les paroles, mais elle n’y avait pas vraiment fait attention, car il faut avouer qu’elle n’était pas très à jour concernant les musiques actuelles qui contrastaient souvent avec ses goûts. Mais elle était loin d’imaginer qu’en plus d’être un bon musicien et chanteur, Lars avait également un certain talent en tant qu’auteur et compositeur. Décidément, ce garçon était plein de surprises !

« Tu veux rire ? C’était juste… Génial ! Cette musique transmet tellement d’émotions et elle est tellement apaisante... »

Et pour preuve, Leyla ne pensait plus du tout à l’appartement voisin et la raison de sa venue, ce qui l’obsédait pourtant depuis plusieurs jours. Elle pensait seulement au talent de Lars et la façon dont il aurait pu être gâché en restant dans la rue. Heureusement, il avait maintenant un appartement, probablement un métier et une chance de partager sa musique. Une idée traversa la tête de la petite brune mais elle hésita avant de lui dévoiler. Elle ne pouvait pas prétendre connaître vraiment le jeune homme, mais il ne lui était jamais apparu comme quelqu’un d’extravagant. Bien au contraire, il semblait relativement réservé et il suffisait de voir la gêne apparante pour le comprendre. Et pourtant, elle se lança, espérant que sa proposition serait vue comme bienveillante.

« Tu devrais faire des concerts ! Enfin je veux dire, pas des gros shows bien sûr. Mais tu pourrais jouer pour un orphelinat par exemple. Partager ta musique, ton talent et l’espoir que tu pourrais incarner pour eux »

Si la formulation était à nouveau maladroite, Leyla était sincère autant sur le fond que sur la forme. Les enfants en orphelinat avaient souvent un passé difficile, tout comme Lars. Bien que leurs histoires ne soient pas comparables, le jeune homme était la preuve qu’il était possible de se sortir d’une période difficile, de traverser des épreuves et de ressortir avec quelque chose à offrir au monde. Peut-être pourrait-il en inspirer quelques uns et offrir à d’autres un moment d’évasion, quelques minutes où leurs problèmes sembleraient disparaître, comme il venait de le faire pour elle.

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