We have an elephant now | Moon

Marine laissa sa patronne dans la pièce principale de la boutique et se glissa à l'arrière. Elle entreprit prudemment - très prudemment - de marcher en direction de la porte arrière. L'arrière-boutique avait une large table au milieu, des étagères sur les murs et des objets partout. Vraiment partout. Marine craignait régulièrement que les étagères craquent, la table n'en parlons même pas et il fallait zigzaguer entre les cartons qui jonchaient le sol pour pouvoir avancer. Même le plafond était attaqué, avec des tableaux, châles et autres produits de ce genre qui en pendaient. La sirène maladroite shoota dans un carton en voulant avancer et se figea, yeux fermés, comme si ça allait annuler l'action. Pourvu que rien ne soit cassé, ça avait fait un bruit de vaisselle. Elle s'accroupit prudemment pour ouvrir le carton, soucieuse, mais rien ne semblait avoir souffert de son coup de pied. Elle souffla, soulagée, puis reprit son périple.

Elle adorait l'arrière-boutique, c'était là qu'on trouvait les plus beaux trésors parce qu'ils étaient cachés. Dès qu'ils arrivaient dans la boutique principale, Marine s'en désintéressait. Ils n'étaient plus à elle s'ils étaient là-bas. Ici ça pouvait être sa caverne d'Ali Baba. Elle avait beaucoup aimé le conte que sa mère lui avait raconté en découvrant sa propre caverne, quand elle vivait encore dans la Méditerranée. Marine avait toujours eu un côté collectionneur pour tout ce qui attirait son attention ; ça allait de ses propres confections aux objets humains en passant par les coraux et autres merveilles sous-marines. La trouvaille de cette boutique et avoir pu y être embauchée était un petit miracle pour elle. Elle avait même pu se sociabiliser un peu au contact des clients. Que du bonus.

La sonnette de la porte arrière retentit de nouveau, trois fois de suite, stridente à en grincer les dents, et Marine fronça le nez. Marmonnant contre l'impatience impossible des humains, elle se dirigea vers la porte, toujours aussi prudemment, et empila un carton qui traînait seul sur une pile pas trop branlante pour faire de la place pour les nouveaux arrivants avant d'ouvrir la porte. Le livreur, lui tendit un carton. Puis deux, et le troisième il le mit par terre lui-même ; trop lourd pour Marine ou pour le mettre sur une pile quelconque. Elle allait devoir les ouvrir rapidement ceux-là sinon personne ne les toucherait avant l'an 3000. Elle signa le papier que lui tendait le livreur, lui retourna sa politesse à propos d'une bonne journée quelconque et referma la porte.

Dos à celle-ci, Marine prit la mesure de l'arrière-boutique et grimaça. Bordel. Sa patronne avait de la chance d'avoir un espace énorme pour stocker tout ça mais un jour plus rien ne rentrerait. Un jour très proche. Elles allaient devoir faire un tri rapidement. Et ranger, bordel, il faudrait qu'elles rangent. Marine adorait le bazar, c'était beaucoup plus chaleureux et sympa que l'ordre ; mais elle n'était pas stupide. Un espace de stockage ça se range sinon on ne retrouvait plus rien de ce qu'on avait stocké. Sauf quand on le connaissait par cœur comme Maura mais si elle voulait un produit supposément sur les étagères sur haut il était presque impossible de l'atteindre. Marine soupira, il faudrait sûrement louer un espace de rangement pour faire ce grand ménage et ce sera horriblement long mais nécessaire à ce point.

La rousse ébouriffa ses mèches déjà désordonnées et ouvrit le dernier carton de la pile nouvellement créée. Autant se débarrasser de ça déjà, il y avait eu quelques achats qui avaient libérés beaucoup de place durant la semaine. La paire de rocking-chair et le lave-vaisselle surtout avaient été vendus avec bonheur. Ca leur prenait de la place depuis de longs mois. Ils étaient déjà là avant que Marine arrive, trois mois auparavant, c'est pour dire. Elle haussa un sourcil en découvrant ce que sa patronne avait acheté cette fois. Une… lampe ? Dans le style moyenâgeux, tout en fer et d'une forme… Qui avait accepté de forger une lampe de cette taille - ça faisait au moins une mètre de haut ! - en forme d'éléphant ? Et pourquoi elles l'avaient acheté !? Personne n'allait accepter d'acheter ça, ils n'étaient pas aux Etats-Unis. Marine roula des yeux et passa à un autre carton. Ah, des jeux en bois cette fois. Pas très original mais elles pourraient peut-être compléter les collections déjà existantes. Et faire de nouveaux packs cadeaux surtout. Le dernier contenait des miniatures pour la suite de la reconstitution du village qu'elles avaient mis au milieu du magasin. Elle prit une miniature d'une femme et la tourna entre ses doigts, admirant les petits détails. C'était vraiment joli.

La porte de la boutique s'ouvrit brutalement sur Maura, la faisant sursauter et presque lâcher la figurine. La femme traversa la pièce à grands pas sous le regard horrifié de Marine, persuadée qu'elle allait faire tomber quelque chose. Il s'avéra qu'elle était plus adroite que Marine parce qu'elle arriva à ses côtés sans encombre.

« —Alors ? C'est magnifique hein ?
—Un éléphant, franchement.
—Les gens vont adorer, insista-t-elle.
—Si tu le dis, c'est toi le boss. Je commence par lequel ?
—Par l'éléphant justement ! Y'a personne et je t'ai dégagé le chemin. Oh et on a un nouveau pot de chambre époque Renaissance et une petite bibliothèque ronde.
—… Les livres peuvent rentrer au moins ?
—Je ne suis pas sûre, va falloir tester. Je l'ai pris juste parce que le gars me l'a donné pour une bouchée de pain et que c'est joli. Visiblement ça traînait dans son garage depuis quelques années. »

Marine haussa un sourcil en direction de Maura qui haussa les épaules avec un sourire. La sirène était tous les jours plus effarée par la stupidité des humains. Une mini bibliothèque ronde pour des livres rectangulaires ? Elle secoua la tête, rassembla ses cheveux en chignon avec une tige en métal qui traînait et se prépara au déménagement. Ca leur prit la matinée à l'installer à l'ancienne place du lave-vaisselle et Marine laissa sa patronne lui donner un coup de plumeau et le mettre en valeur à son envie. Elle-même se laissa tomber sur la chaise derrière le comptoir et ne bougea plus. Un bloc de métal forgé de un mètre était lourd, peu importe que l'intérieur soit partiellement vide pour accueillir des bougies. Son regard tomba sur le village qui trônait au milieu du magasin, sur une jolie table basse, et elle soupira lourdement. Elle avait encore du boulot. Oh et il faudrait qu'elle mette le balai de sorcière dans la vitrine. C'était le plus beau balai qu'elle ait vu de sa vie avec son bois sculpté et ses branchettes recourbées dans des positions artistiques. Certainement le pire balai pour faire le ménage mais vraiment très joli. Ca irait très bien à côté de la salière en forme de tête et des chaussons-bouillottes. Maura tapota sur le comptoir en passant devant elle et Marine se releva pour se mettre au boulot avec un gros soupir.

Regardant l'éléphant puis le balai dans ses mains, elle prit son antique téléphone à touches pour envoyer un message à un des rares numéros qu'elle possédait. « Le Gamin » était marqué comme nom de contact. Elle ne s'embarrassait pas des prénoms, elle n'avait jamais réussi à les retenir. Il lui avait fallu deux mois pour retenir celui de Maura, sa patronne, et il lui arrivait encore de l'oublier. « Tu veux voir un éléphant ? » lui envoya-t-elle en souriant. Ce gamin était un peu trop touche-à-tout mais il était adorable alors ça ne l'embêtait pas. Il allait être content en plus, il allait pouvoir toucher l'éléphant.

Allongé sur mon lit, je feuilletais un livre que j'avais emprunté à la bibliothèque. Mes sourcils se fronçait au fur et à mesure de ma lecture, ne comprenant pas tout les mots. J'aurai du en rester à lire Ratus, c'était beaucoup plus facile que Jojo Le Lapin. Il y avait trop de phrases et pas assez d'image. Comment les humains faisaient ils ? C'était un grand mystère car j'en avais déjà assez et Dagda n'était pas le genre de métamorphe à me lire une histoire. Pourtant les enfants avaient le droit à la lecture avant de fermer les yeux pour s'endormir. Moi je n'avais que Nounours pour me tenir compagnie dans cette chambre et une veilleuse licorne que j'avais acheté. J'avais peur la nuit, je craignais que Mallus ne débarque et me kidnappe pour me punir et me faire faire des vilaines choses. Il était tout à fait capable de m'ordonner de brûler la maison simplement pour condamner les personnes qui m'avait aidé. Pour l'instant il n'y avait aucun signe de vie mise à part le "lien" que je sentais toujours entre nous deux. Pourquoi est ce qu'il ne me rappelait pas ? C'était un grand mystère mais je n'allai pas enquêter là dessus.
Je soupirai, laissant tomber le bouquin sur le sol, abandonnant cet enfer. Qu'est ce que je pouvais bien faire maintenant ? Une moue venait s'afficher sur mon visage, tandis que je réfléchissais. Un œil vers la fenêtre m'indiquait que c'était pas un temps pour aller au parc. Même si c'était chouette d'avoir un toboggan et une balançoire rien que pour soi, c'était toujours plus cool d'être en compagnie de camarade de jeu. Certains n'était pas très rigolo et avait tendance à me chercher des poux mais je savais me défendre. En leur tirant les cheveux, vu que j'avais pas le droit de les brûler. Heureusement qu'il n'y avait pas d'interdiction pour acheter des jouets. Imaginer un monde où à partir d'un certain âge, on ne pouvait pas se faire ce petit plaisir ! En plus maintenant, j'avais de l'argent pour me les procurer sans à avoir le coeur brisé en fixant une vitrine de magasin de jouets. J'en avais pleins dans ma chambre, mais j'étais pas trop inspiré pour prendre un jeu. Ni faire du coloriage.

Comme un signe tombé du ciel, mon portable qui était posé sur ma table de nuit venait de vibrer avant de lancer un " cui-cui", m'annonçant que j'avais reçu un message. Je sautais comme un dingue dessus, priant que ça soit un ami et non une publicité pour une quelconque réduction dans une parfumerie ou un magasin de vêtement. Un sourire étirait ma bouche en lisant le nom de Marine et ouvrait sans plus attendre son sms.

- Un éléphant ????

Mais c'était beaucoup trop gros pour entrer dans sa boutique ! Ou alors c'était un éléphant nain, comme les lapins. C'était trop chou un lapin d'ailleurs mais j'avais peur que Harvard le mange. Et pas sur que Dagda appréciait l'animal à longues oreilles. Je ne pouvais pas louper l'invitation de Marine et encore moins de voir un éléphant en chair et en os. En plus il y avait un tas d'objets marrant au travail de mon amie. J'adorais surtout le petit village, il y avait toujours des éléments supplémentaires à chaque fois que j'y allai. C'était une vrai caverne d'Ali Baba que j'avais découvert par hasard. La première fois j'avais tout sali à cause d'un pain au chocolat que je venais de manger, mes doigts étaient tout gras.

- jarive !

Je lui répondais rapidement et filait telle une tornade en dehors de la maison - en n'oubliant pas d'enfiler mes chaussures. J'étais tellement excité comme une puce que j'étais arrivé rapidement à la boutique - m'étant arrêté tout de même au passage pour acheter un sac de sucrerie - et c'était dans le même état que j'entrais.

- Bonjour ! Il est où ???

Je regardais tout autour de moi mais je ne voyais aucun éléphant. Je saluai Maura d'un grand sourire et allait inspecter le village. Il me semblait apercevoir de nouvelles têtes. Moi je savais pas faire des minis humains, juste dessiner. J'apercevais Marine et ne lui laissait pas le temps de respirer, sautant sur elle.

- L'éléphant, tu l'a caché où ? Il est tout petit ?

Dans ma tête je m'étais imaginé un vrai, et j'étais très loin de penser qu'il s'agissait juste d'une lampe.