L'amour est resté, comme une grande image survit seule au réveil dans un son effacé - Lamartine
T’arrives pas à te sortir l’endroit que t’as vu du crâne. Y avait quelque chose d’anormal, de trouver cet endroit au milieu de la forêt, quelque chose de pas clair. Tu pouvais pas mettre le doigt dessus et t’osais pas espérer de peur de retomber sur Terre trop vite. Ce serait inespéré que tu tombes pile sur ce que tu recherches, pas vrai? Comme si ça avait pu t’arriver alors que tout ce sur quoi tu tombes, c’est des emmerdes. Mais l’un n’exclue pas l’autre, dans ce cas-là. Tu revois encore les fils barbelés et ce qui semblait être l’entrée d’un complexe souterrain, du moins c’est comme ça que tu te l’imaginais, sans savoir ce qu’il y avait à l’intérieur. Tu sens encore, quoique plus faiblement, la douleur dans ta jambe, pour te rappeler que t’avais failli te faire transpercer par le barbelé la toute première fois. Mais à ce moment-là, t’étais pas prêt à trouver quoique ce soit, tu t’y attendais pas. Alors t’y étais retourné, discrètement, plusieurs fois, pour observer les lieux. Toujours de loin, jamais de près, tu feras pas l’erreur deux fois de suite, mais ça avait suffit pour que tu puisses constater certaines allées et venues étranges, notamment une force armée que t’aurais pas soupçonné. Si t’avais des doutes avant, maintenant c’était clair qu’il y avait plus qu’un simple bunker abandonné. T’avais tiré tes propres conclusions, et t’es du genre à croire dur comme fer en tes hypothèses sans te soucier de les vérifier. Il faut dire que t’es dicté par tes émotions, que t’es pas non plus très objectif. T’as cherché partout, tu t’es demandé, encore et encore, où Heather pouvait bien être, et le fait est qu’elle n’était nulle part. Ou alors cachée à un endroit que t’aurais pas soupçonné ?
Tu fourres tout ce que tu peux dans un sac, des vêtements, des couteaux trouvés dans la cuisine d’Alexis. Aujourd’hui t’es bien décidé à arriver au fond de cette histoire, seul. T’as réussi à te convaincre que Heather était forcément là, et tu peux pas attendre une minute supplémentaire en sachant qu’elle est peut-être en train de mourir. Y a bien une raison au fait que t’as jamais réussi à mettre la main sur un corps, non? Peut-être qu’elle n’était pas encore morte, peut-être qu’il y avait un espoir qu’elle soit en vie, malgré tout, mais tu sais bien qu’après des semaines, cet espoir s’amenuise et que si tu finis par la retrouver, elle est sans doute dans un était proche de celui que tu redoutes le plus. Tu peux pas demander à Alexis de te suivre là-dedans, t’es bien conscient que c’est pure folie, alors t’as attendu qu’elle parte. Elle est pas rentrée depuis quelques jours et pourtant t’es pas inquiet, si y avait bien une personne qui pouvait se démerder toute seule, t’es persuadé que c’était elle.
Ton plan, c’est d’attendre la nuit. Etre le moins visible possible pour aller plus loin que la dernière fois. Tu sais pas comment tu vas faire mais il faut que t’arrives à surprendre un des mecs qui y zone pour qu’il te fasse rentrer sans soulever le moindre doute. Une fois à l’intérieur, t’auras plus qu’à chercher. C’était simple comme plan, trop simple, assez pour qu’il y ait des milliers de façons de le faire foirer. Mais tu peux plus rester comme ça à te demander si c’était vraiment ce que tu pensais avoir trouvé, à t’interroger sur ce qu’il se passe vraiment à Bray. Tu t’attendais pas à retrouver le danger des Dux dans cette ville paumée d’Irlande, encore moins à devoir y faire face personnellement. Mais Lyssander le lui avait promis, à Heather. Si elle sortait du chemin, il ferait en sorte qu’elle se perde, c’était la menace qui l’avait fait rester et pourtant elle avait jamais cessé de se battre. Alors pour elle, t’avais plutôt intérêt de faire pareil.
T’étais pas loin de passer le pas de la porte avec ton sac quand celle-ci s’ouvrit, face à toi. De surprise, tu te figes. Ta colocataire de fortune se trouve dans l’encadrement. Elle a l’air fatiguée, c’est certain, et t’hésites un moment à lui demander ce qui lui arrive. Mais t’es un poil égoïste comme ça, trop obnubilé par ta propre mission que tu veux pas perdre le nord. “ Je me barre pas.” C’est la première chose qui te vient à l’esprit, notamment parce qu’avec ton sac qui semble assez fourni pour contenir toutes tes affaires, t’as l’air de vouloir faire exactement ça. Surtout que tu pensais être seul. “ J’ai trouvé le quartier général des Dux. Enfin … Je crois, je suis pas certain, mais y a peut-être une chance qu’Heather soit là-bas alors je vais aller la chercher.” Alexis c’est la seule à qui t’es capable de sortir ça, notamment parce qu’elle t’a entendu en parler des milliers de fois depuis qu’elle t’a accueillie. Mais même avec ça, tu prends le risque qu’elle t’arrête, juste parce que tu te lances dans la gueule du loup sans vraiment savoir ce que tu vas y trouver.
Code by Sleepy
Invité
Dim 10 Mar - 13:21
let’s do something stupid
jalexis
L’épuisement était probablement ce qui lui collait le plus à la peau à cet instant. Coupant le contact, Alexis laissa sa tête retomber sur le volant, les yeux clos. Elle n’avait même plus assez d’énergie pour pleurer. De colère, de fatigue, de tristesse, de frustration. Un peu tout ça à la fois. Encore une fois, elle se sentait vide, complètement vide. Et ça n’avait pas grand chose à voir avec la journée d’internat qu’elle venait d’effectuer, ni-même à cette étrange rencontre au cimetière. Plutôt à celui qu’elle avait du laisser seul, là-bas, à l’écart du monde, ayant malheureusement usé les trois jours de congés qui étaient les siens. Une chance, si on pouvait appeler ça comme ça, que Castiel ait réapparu alors qu’Alexis entamait trois jours de récupération pour les heures en plus effectuées ces dernières semaines. Trois jours qu’elle avait pu passer avec lui. Elle échangerait des jours en plus contre n’importe quoi, qu’importe le sentiment d’insécurité, qu’importe la révolte qui grondait en elle quand elle voyait dans quel état il se trouvait, qu’importe qu’on trouve étrange son absence. C’était malheureusement impossible, et ce n’était que grâce à son esprit rationnel, qui lui prouvait par A plus B qu’elle ne ferait qu’aggraver la situation en fonçant tête baissée, qu’elle n’avait pas encore démissionné pour rester auprès de Castiel. Il lui manquait déjà. Sans parler de l’inquiétude liée à l’absence totale de vision sur ce qu’il pouvait lui arriver, sur ce qu’il était entrain de faire. Et si ceux qui étaient responsables de toutes ces blessures le retrouvaient pendant qu’elle jouait gentiment le jeu de sa vie normale ? Il lui avait dit, et redit, qu’il ne fallait pas qu’elle se tracasse trop avec ces interrogations. Mais elle ne pouvait s’en empêcher.
Toute la frustration accumulée - depuis des jours, des semaines, voire même des années - la tendait. Elle n’était plus qu’un seul et immense nerf, tendu au maximum. Dans un geste absurde et incontrôlé, ses poings serrés vinrent frapper le volant. Une, deux, trois, quatre fois, avant que la décharge fugace de ses émotions ne la laisse de nouveau immobile sur son siège. Enfouissant son visage entre ses mains, Alexis resta là encore quelques minutes. Elle allait craquer. C’était presque inévitable, la seule question en suspens était le quand. Quand finirait-elle par faire exploser la tempête qui battait furieusement en elle ? Peut-être ce soir, probablement d’ici peu. En attendant, il lui fallait rentrer, croiser Jax, éluder les raisons de son absence de ces derniers jours, se réfugier sous une douche brûlante. Peut-être qu’elle finirait par craquer là ? Délaissant sa vieille voiture, qui représentait à elle seule un miracle du fait qu’elle roulait encore, elle se glissa par le petit portail qui menait à l’allée qui conduisait tout droit aux escaliers. Quelques marches plus tard et elle ouvrait la porte, qui n’était pas verrouillée, signe que son colocataire devait se trouver à l’intérieur.
Alexis vu malgré tout surprise et sursauta en se retrouvant justement face à lui. Il stoppa son élan en la voyant, et elle étudia rapidement sa tenue, le bagage qu’il tenait à la main, son air déterminé. Et avant même qu’elle ne puisse formuler le début d’une pensée cohérente, il la détrompa de quelques mots. Quelque part, même si elle ne le montrait pas franchement en cet instant, trop vidée pour afficher autre chose qu’un air fatigué, la jeune femme était rassurée de savoir qu’il ne prenait pas la poudre d’escampette. Elle s’était plus qu’habituée à sa présence, et elle espérait que lui s’était plus qu’habitué à vivre aussi. En tout cas, il semblait avoir pris ses marques depuis le temps. Et ils s’entendaient bien. Vraiment bien, au-delà de la simple cordialité qu’il pouvait y avoir entre deux êtres dont les intérêts se rejoignent. Ils parlaient souvent, tard le soir, se confiaient l’un à l’autre comme le font deux amis. Étaient-ils amis ? Un ami, en tout cas, aurait confié ce qu’il se passait à Alexis, tout comme Jasper était entrain de le faire. C’était une tête brûlée, ce garçon. Une véritable tête brûlée. Si ça posait des problèmes quant à sa santé et sa sécurité, l’autre soucis majeur était qu’Alexis était tout autant capable de foncer tête baissée si son instinct le lui conseillait. Et la voix rationnelle, quand il n’y avait qu’elle qui était en jeu, quand ça ne menaçait pas la sécurité de Castiel ou d’un patient, ne faisait jamais le poids. Bouge pas fit-elle d’une voix ferme, avant de se diriger à pas rapide vers l’ancien bureau de son père. Ses doigts ne tremblent même pas alors qu’elle composait le code secret de son coffre fort.
Les Dux Tenebris. Ils en avaient parlé, avec Jax. En long, en large et en travers. Et si les documents de ses parents ne donnaient guère plus de détails, la Samson avait bien saisi qu’il existait une dualité fondamentale entre les deux organisations qui semblaient régir la ville, de manière anonyme, dans l’ombre, bien sur. Organisation pour le Bien des Créatures Magiques, c’était ainsi que son père avait nommé le groupe dont ils faisaient partie, avec sa mère - et problablement son frère. S’ils agissaient contre les tentatives des Dux Tenebris, c’était bien que ceux-ci en voulaient aux créatures surnaturelles. Comme le lui avait bien expliqué Jasper. Alors le lien, dans son esprit, avait été rapidement fait. Castiel ne lui avait pas dévoilé le nom de ses tortionnaires. Mais Jax lui avait bien expliqué ce qu’ils faisaient. Et ça ressemblait drôlement à ce que son meilleur ami avait subi. Il lui dirait certainement de ne pas se lancer là-dedans. Pas seule. Mais elle n’était pas seule. Et de toute façon, il était hors de question qu’elle laisse Jasper s’embarquer dans un truc pareil, pas tout seul, elle se refusait à voir quelqu’un d’autre de son entourage disparaître mystérieusement sans qu’elle ne tente quoique ce soit pour l’aider.
Glissant simplement le flingue dans la poche de son sweat - elle portait le même pantalon noir depuis trois jours, mais avait changé de débardeur et de pull avec ce qu’elle avait dans son casier à l’hôpital - elle rejoignit rapidement Jasper dans l’entrée. Il n’avait pas bougé. Je viens avec toi. Et c’était sans appel. Sa démarche n’était pas totalement désintéressée, égoistement, elle s’y rendait aussi en grande partie pour venger Castiel. Disons qu’elle saisissait l’occasion d’aider un ami pour évacuer la rage procurée par l’état d’un autre. Même si l’autre en question était plus qu’un ami. Hors de question que je te laisse y aller seul rajouta-t-elle, appuyant ainsi sa décision définitive. Sa voix ne trembla pas. Pour la première fois depuis peut-être toujours, elle allait aller à la rencontrer des événements au lieu de laisser ceux-ci régir son présent. Pour la première fois, elle fonçait tête baissée dans la gueule du loup. Pour la première fois, elle allait affronter de plein fouet des forces dont elle avait toujours refusé d’imaginer l’existence.
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