If you want a friend, buy a dog. - Adam&Stanley

Des gestes qui reviennent automatiquement, comme s’ils n’ont jamais été perdu. Adam avait franchi le pas, notamment en sortant de chez-lui, enfin. Il avait bien fallu, car son arrêt de travail n’était pas éternel. Et si son excuse était bancale, elle avait néanmoins le mérite de tenir la route. Officiellement remplaçante, officieusement toujours la même thanatopracteur et médecin legiste, elle avait néanmoins l’avantage de dégager quelque chose de moins lugubre que son visage préféré. Si cela a joué en sa faveur, il faut bien reconnaître que cela l’agace plus qu’autre chose. Tous ces employés curieux qui viennent dans sa morgue comme s’il s’agissait d’un moulin, il y a de quoi être frustrée. S’ennuient-il à ce point durant les heures creuses ? Si oui, qu’ils aillent voir ailleurs, car elle n’a aucune minute de répis contrairement à ces flemmards. Elle a beau être toujours aussi acerbe, toujours aussi détestable avec les autres, ce visage “mignon” la rendait moins crédible qu’en temps normal. Vali lui payera cela. Afin de s’assurer d’être tranquille pendant la seconde partie de la journée, elle avait pris l’habitude de verrouiller la porte de service de la morgue, ne laissant comme seule et unique issue celle réservée aux patients sur leurs chariots de mort.
L’eau avait bouillonné une dernière fois avant la fin, et sa pièce demeurait la seule encore éclairée à cette heure et à cet étage. Un coup d’éponge pour effacer les dernières traces de sang qu’elle avait elle-même provoqué en délogeant la balle qui l’avait tué, elle était prise dans une extrème concentration. Tout cela lui avait manqué. Poupée sur son bureau, seule, avec pour unique compagnie des macchabées concervés dans les grands frigots.

Cependant, avec des semaines d’absences, il est normal de retrouver des dossiers empilés, et le retard avait été accumulé. Elle se demandait même qui l’avait remplacé avant ... et bien elle-même durant son temps dans le Plan Astral.
Une personne qualifiée, minutieuse et compétente qui ne laisse pas trainer n’importe quoi dans ses tiroirs, elle espère. Si tôt elle avait repris ses quartiers, c’était la première chose qu’elle avait vérifié. Que son bureau ne soit pas en désordre, et que personne n’avait tapé dans sa réserve de thé. Il avait fallu passer un coup de balais et de serpillère, car la poussière avait commencé à s’accumuler, mais rien de bien alarmant. Ses yeux se jettent en direction de l’heure. Il se faisait tard, mais elle tenait à terminer ce cadavre pour qu’il soit prêt demain. Après quelques points de fils transparents, elle avait remis la personne dans le froid en attendant que les croques-morts viennent le chercher pour son enterrement. Pour ce soir, c’était terminé le nettoyage, il était temps de passer aux affaires en cours. Elle avait pris un peu de “lecture” pour chez-elle, emmenant deux-trois dossier sous son bras avant de tout éteindre. Pas de taxi, Adam voulait rentrer à pied afin de pouvoir passer par le parc.

Maintenant que sa magie était revenue, à pleine puissance, elle pouvait se permettre de jouer un peu avec à l’abri des regards. Quoi de mieux pour cela qu’un endroit bomdé de verdure, désert passé minuit ? C’est ainsi que la djinn préférait la nuit : quand il n’y avaitpas un chat dans les rues. D’autant plus qu’elle évitait le quartier étudiant, et ses fêtards bruyants.

Il ne lui avait pas fallu longtemps pour passer par-dessus la clôture fermée -sans se transformer pour ne pas semer ses affaires à l’entrée-, s’approchant de la marre en se cachant derrière un chêne massif. Un coup d’oeil à droite, puis à gauche, et enfin derrière elle : personne. Alors, elle avait approché sa main des branches mortes, leur redonnant ainsi une seconde jeunesse. Puis, elle se mit à densifier la quantité de roseau au bord de l’eau, à faire fleurir les nénuphares, et enfin à s’arrêter en estimant qu’elle était suffisamment bien entourée pour s’asseoir et profiter de cet instant de calme. Adam s’était même permise d’enlever ses chaussures et ses bas pour plonger ses pieds dans l’eau. Elle commençait à s’y faire, à ce corps. Ses yeux bleues dévisageaient ses mains et ses ongles qu’elle laissait pousser, ces derniers lui rappelant vaguement ses ergots sous son autre forme.

Le craquement d’une branche la met aussitôt en alerte, et ses mains saisissent une masse invisible dans l’air.
Si tôt fait, l’arbre se met à se mouvoir, prêt à bouger et à frapper si nécessaire. Ses racines craquent, et les roseaux s’aiguisent, prêt à se planter dans cet idiot qui l’avait interrompu dans son repos -bien mérité entre nous-.

Qui avait encore le culot de la déranger ? Et surtout, à une heure aussi tardive !
Toujours en alerte, elle avait enlevé ses pieds de l’eau pour se lever et se dresser devant cette “menace”. Ses yeux se mirent à briller d’une lueur solaire, abandonné son bleu océan pour son jaune doré. Elle s’approche, encore et encore, faisant reculer les arbres pour qu’ils dégagent le passage jusqu’à tomber sur ... Un chiot noir. Ce n’est pas vraiment ceux à quoi elle s’attendait, mais elle ne bronchait pas non plus pour autant sur le choix mignon du camouflage. «Voilà autre chose...» Laissa-t-elle glisser en guise de commentaire tandis que ses doigts viennent se poser sur l’animal pour laisser glisser une caresse. Qui n’en était pas un. Du moins, pas contrairement à ce qu’il voulait faire croire. Le regard d’Adam s’était durcit, dévisageant la boule de poil sombre avec cette nonchalanche et cet malfaisance reconnaissable entre mille. La blonde platine s’était dépêchée d’enlever ses phallanges pour rompre le contact, trouvant cela d’autant plus dérangeant quand elle comprit qu’elle avait à faire à Stanley.

Merde ; Qu’allait-elle lui dire ?
Elle ne voulait parler à personne. Et encore moins à ses amis. Aussi peu nombreux soient-ils.

Elle se redresse, marchant dans l’herbe, parmi les feuilles et les branches pieds nus sans être troublée plus que cela. «Je ne veux pas te voir, va-t-en.» Lâcha-t-elle finalement, sous-entendant qu’elle avait compris son petit jeu, et qu’il n’était plus la peine pour lui de se cacher. Quand bien même cela ne suffirait pas, elle en avait rajouté une couche, enlevant ses vêtements pour les conserver de ce qui allait suivre. Adam se mit à briller brièvement, changeant de forme pour prendre celle d’une panthère noire et rugir à pleine puissance devant le petit chiot. Ainsi, le message devait être plus clair, non ? Elle ne peut pas faire mieux en tout cas, reprenant cette forme humaine contrainte pour aller se baigner dans l’eau. Après tout, maintenant qu’elle y est, autant en profiter.
«Je n’ai rien à te dire, gamin.» L’ultime indice, malgré cette froideur et cette autorité naturelle. L’eau était froide, mais elle ne sentait rien. Du moins, ce n’était rien à côté de la frustration qu’elle pouvait ressentir. Une frustration ravivée par la simple présence de Stanley qui allait sans aucuns doutes se moquer d’elle, et de son état pour un peu d’humanité. La djinn fait tout pour éviter le regard de son congénère, déviant son regard dans le sens opposé à chaque fois qu’il cherchait à le croiser.

«Que me veux-tu ?»
Puisqu’il n’a pas l’air d’être décider à bouger, autant essayer de préserver les masques.