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 long time no see (craigcraig)

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long time no seedepuis mai bordel.Il arrivait quelques fois que les policiers de d’autres villes aient besoin d’un visage neuf, inconnu des criminels locaux pour mener à bien des missions sous couvertures. Des missions où concrètement, ces policiers devaient infiltrer des groupes sociaux, des sectes, des familles, ce genre de choses, afin de grapiller assez d’information pour faire des arrestations cruciales. Et t’as été demandé pour une mission du genre. T’avais dû faire des trucs qui t’ont révulsé, pour faire partie de ce groupe, et quand bien même on t’avait accordé bien des privilèges t’évitant des poursuites ensuite, tu ne pouvais t’empêcher de te sentir heurté. Tu n’aimais pas faire ça. Tout ça.

Et avouons-le, troquer tes bouclettes blondes pour une permanente noire, ça t’avait aussi légèrement brisé les couilles. T’avais l’impression d’avoir pris dix ans d’âge, que t’avais un air à t’être enquillé dix tempêtes de neige sur le coin du nez, puis sérieux, autant de temps passé dans la peau d’un autre type, t’avais un poil dérouillé. Fini ta bonhommie légendaire – ahah – et ta voix qui portait assez pour qu’on t’entende sur la bande son de la caméra de surveillance du distributeur en bas de la rue. T’avais l’air éteint, tu chuchotais presque, on aurait vraiment dit Ian. En fait. T’étais carrément Ian. T’avais même bu de l’alcool pendant ton infiltration, et t’avais eu un mal fou à pas être bourré à la première pinte. T’en avais fait des allers-retours aux chiottes pour dégobiller.

Bref. T’étais infiltré loin de Bray, et tu t’étais jamais rendu compte à quel point cette ville t’avait manqué. Même Ian t’avait manqué, pourtant, il t’avait aidé, de là où il était, en tant qu’agent de liaison. Mais de pas avoir vu sa gueule pendant des mois vraiment, juste au téléphone caché au détour d’une rue en surveillant tes arrières, ouais, il t’avait manqué. T’étais en bas de l’hôtel où il logeait, là. Tu étais adossé à ta caisse, que tu avais pu garder, et tu avais envoyé un sms, t’avais pas la foi de parler là, pour lui demander si tu pouvais monter le voir, ou s’il descendait pour que vous alliez boire un truc. T’en savais rien, en fait tu t’en foutais, tu voulais juste voir sa gueule de con, qui était probablement la seule gueule qui te rappelait que t’étais Cillian Craig et non pas ce nom d’emprunt de merde que tu te traînais depuis des mois.

Je ss en ba tu D100 ou je mont ?

T’avais même pas envie de faire d’effort, t’avais juste écrit comme t’avais senti le truc, et maintenant t’attendais de voir la gueule qu’il allait faire en te voyant. Ahahah, t’en riais un peu d’avance, mais bon pas trop non plus. Allez, t’espérais qu’il allait te dérider un peu. Un p’tit sourire, pour ton retour. Qui savait ?
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long time no seejolie coiffureTu te grillais une clope, le cul posé sur le bord du lit, ton téléphone en charge posé sur la table de chevet. Tu attendais le signal, sans vraiment trop d’entrain, cette éternelle lassitude sur la face, les yeux plongés dans le vide. Non pas que tu n’étais pas ravi à l’idée de revoir Cillian - bien au contraire. Dire que cela faisait déjà tant de mois, mais tu l’avais durement ressentie, son absence. Ton autonomie à ton job, ça faisait peut-être cinq ans qu’elle était factice, que tu te reposais sur lui pour te donner l’air utile. Cinq ans d’alcoolisme, mais dix à faire équipe avec ce bon salopard trop lisse, et tu te souvenais pas t’être tenu aussi longtemps loin de lui depuis lors. D’un autre côté c’est triste à dire, mais t’avais presque pas vu le temps passer. Parce qu’entre les péripéties de Bray où t’avais plus Cillian pour t’épauler, et ton petit supplément d’agent de liaison, t’avais été accablé d’assez de travail pour creuser tes cernes trois fois plus profond. Tu l’avais incorporée, cette fatigue, et la solitude tu t’y étais un peu faite aussi. Mais la lassitude, ça venait plutôt de sa mission - parce que ces histoires d’infiltration, t’en étais vraiment très peu friand. C’était risqué, on y était constamment au bord de la catastrophe, mais le pire de tout c’était la sensation d’immoralité. Ces enveloppes de mensonge pour un homme que tu considérais comme un monument de franchise.

L’écran du portable s’allume sur un message de “Greg” - un message tellement bourré de fautes que tu en aurais eu habituellement des frissons de dégoût. Mais, plutôt, il te tire l’ombre d’un sourire, un peu comme si dans ces symboles anarchiques reposait la preuve que ton coéquipier était resté le même envers et contre tout. Est-ce que tu descends, ou est-ce que tu le fais monter ? Normalement, vous devriez absolument éviter de vous montrer ensemble, mais vous n’étiez plus à Bray, personne ne connaissait ta tête et tu étais en civil - tu avais juste l’air d’un alcoolique tout ce qu’il y a de plus classique. Et tu ne te voyais pas tourner en rond dans cette chambre sans un quelque chose à boire, tu pressentais déjà que tu aurais besoin d’un remontant. Tu te lèves, tu lui envoies un bref J’arrive, et tu descends de l’hôtel à la recherche d’une tignasse brune. D’ailleurs, parlons-en de cette tignasse. Tu sais qu’il a été contraint à la teinture, sans doute même as-tu déjà pu l’admirer sur des photographies - mais tu n’as pas encore connu le plaisir indicible de l’observer en face, et vraiment tu n’aurais voulu manquer cette occasion pour rien au monde.

D’ailleurs en fait, tu ne le reconnais pas au premier coup d’oeil : c’est sa voiture que tu remarques d'abord. Ce n’est que lorsque tu fais le lien entre le type qui y est adossé et l’allure de la carrosserie que ton cerveau daigne faire le déclic. Que ton éternelle tronche décalquée s’étire, que ton regard s'illumine - et que tu éclates franchement de rire. Modérément d’abord, c’est quand tu te rends compte que tes efforts pour t’arrêter ne font rien que tu pars en véritable fou rire qui te fout les larmes aux yeux. Bordel, ce que ça fait du bien de rire! Tu te contrôles en un sourire crispé le temps de venir jusqu’à lui, mais décidément non : tu repars de plus belle, et tu lui tapes sur le bras l’air de n’en plus pouvoir. « Oh merde je savais que je devais m’attendre au pire mais pas à ce point » Ah bah voilà, tu chiales de rire, tu ris comme un âne, comme une porte qui grince, dis donc t’as pas bientôt fini de rire ? On sait même plus si tu ris ou si tu chiales, mais malgré tout t’as l’air tellement ravi de le voir, même avec cette coupe de cheveux, même avec ce visage terne, cette allure en demi-teinte. Tu poses ton front sur son épaule le temps d’arrêter de te foutre de sa gueule (si seulement c’était possible), et tu le prends dans une bonne accolade. « Ça me fait plaisir de te voir » que tu lui dis quand même d’une voix qui tressaute encore, et tu t’essuies le visage d’une main, parce que merde tu dégoulines.
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long time no seedepuis mai bordel.T’aurais pu être vexé, de son fou rire. En fait même au début, tu l’avais été un peu. Mais d’un autre côté, t’avais quand même la joie d’avoir face à toi un visage ami que tu connaissais depuis des années, le visage de ton probable dernier pote. T’avais donc fini par juste exploser de rire aussi, allant jusqu’aux larmes, te calquant sur le modèle de Ian qui en pouvait plus lui aussi. En même temps, comment lui en vouloir ? T’avais toujours eu tes bouclettes blondes, et là, t’étais noir corbeau avec une fichue permanente. T’avais un air stupide qui te revenait à la tronche à chaque fois que tu revoyais les photos que tu prenais pour le boulot, photos censées prouver les relations entre chaque suspects que tu devais suivre à la trace. Vous aviez l’air franchement idiots à vous taper dessus, sur le bras, sur l’épaule, pliés en deux, mais en même temps, t’évacuais la tension. Ce soir, il n’allait rien se passer chez les autres connards de criminels que tu cotoyais en serrant les dents, et tu pouvais souffler. Puis, en effet, s’attendre au pire, et il avait pas vu le pire : « Oh t’as même pas vu le premier résultat quand je me suis teint les cheveux seul chez moi. C’était horrible, je dégoulinais de partout. » Ca a fait redoubler ton rire, mais c’était vrai : tu dégoulinais tellement que ça n’en devenait pas crédible, il avait fallu que t’ailles directement au coiffeur de la ville voisine, histoire qu’on te capte pas, et t’avais dû faire avec les moqueries dissimulées des personnes dans le salon.

Bref. Dans tous les cas, cette tranche de rire, cette accolade, cette proximité comme si vous étiez potes depuis vos trois vies précédentes, ça te faisait du bien. T’étais parti depuis tellement longtemps, et t’en avais encore pour un moment à tirer, ça te rassurait de savoir qu’il y avait encore quelqu’un pour toi, qui était encore content de te voir. « Pareil. » Tu ralentissais enfin ton fou rire, t’avais essuyé tes micro-larmes puis tu l’avais regardé dans les yeux. En fait, t’étais tellement content, que t’allais lui offrir un verre, et tout ça sans même faire la remarque sur l’alcool qu’il ingurgitait. « Allez vient, on va pas rester plantés là. J’connais un bar pas loin, y’a personne de ceux que j’vois. » Tu disais « ceux que tu vois » histoire de pas te laisser trahir si quelqu’un t’écoutait. Au cas où. Mais c’était vrai, ils traînaient jamais, habituellement, dans ce coin.

Quand t’entras dans le bar, tu te mis à une table reculée, histoire quand même d’avoir un œil sur l’ensemble de la pièce, encore une fois car on savait jamais, puis t’as juste appelé une serveuse pour commander un putain de perrier. Et un scotch pour Ian. Mais pour toi, ouais, un Perrier, parce que juste entrer dans un bar sans te coltiner un truc immonde bourré de merdes dedans, ça t’avait manqué. T’étais enfin dans un cadre que tu connaissais et t’allais pouvoir demander des nouvelles : « Bon alors raconte, j’ai manqué quoi ? » Tu voulais tout savoir. Puis aussi fallait dire que Ian était ton agent de liaison donc il était aussi là pour te donner des consignes. Juste, pour une fois, ça n’allait pas se passer par mail ou téléphone. En face à face.
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long time no seejolie coiffureTu ris, tu te souviens même pas de la dernière fois où t’as autant ri, mais ce qui te fait chaud au cœur malgré tout c’est que t’es convaincu que déjà, à ce moment-là, ça devait être avec lui. Et quand il en rajoute une couche, avec ses histoires de teintures maison, que tu l’imagines peu dégourdi devant son lavabo, l’expression de son visage devant l’horreur de son reflet, et le moment où il avait dû réaliser qu’il allait devoir se montrer avec en public - t’en pouvais plus, t’étais tellement dans les aigus que t’as cru un moment que tous tes organes allaient mourir. T’es presque sûr d’avoir entendu quelque part un Ta gueule ! vous hurler depuis une fenêtre de l’hôtel, mais très franchement t’en avais plus rien à cirer. Bon sang, ce que ça t’avait fait du bien, ce que t’étais heureux à ce moment. Cet air maussade qui t’avait torturé y’a quelques minutes à peine dans ta chambre, l’épuisement des dernières semaines, l’inquiétude et la solitude des derniers mois venaient de fondre comme neige au soleil. Rien que parce que tu riais et que t’étais pas tout seul à rire, que t’avais une épaule où te raccrocher, et que tu pouvais enfin lui mettre la main dessus. Parce que m’est avis que dans ces derniers mois, sa voix au téléphone avait dû t’évoquer des remous de compassion à plus d’une reprise. T’étais trop empathique, merde, pour tolérer un truc aussi dur.

Vous vous regardez, t’as les yeux qui pétillent. D’un côté, t’as envie de dire que tu distingues plus vie privé et boulot depuis un bail, depuis que ton ami le plus proche est aussi ton coéquipier en fait - mais à ce moment-là, y’a plus une once de pression sur tes épaules. C’est con à dire, mais t’as jamais eu autant l’impression d’avoir un jour de congé. Il t’invite au bar et tu te fais pas prier, parce qu’un bon verre d'alcool c’était jamais de refus. Depuis combien de temps t’avais pas eu Cilly pour venir t’accompagner à la picole avec son vieux Perrier plein de bulles ? Des mois que tu buvais seul, fallait pas s’étonner après si t’étais déprimé. Tu le laisses choisir la table et tu t’assois en face, tu peux pas t’empêcher un sourire quand tu l’entends commander - juste tu lui dis « Merci » quand il te paie le Scotch. Tu peux pas lui reprocher, t’aurais été tenté de faire pareil, même si le coût du voyage pour venir le voir t’avait fait un peu douiller.

Ni une ni deux que vous en êtes à rattraper le temps perdu. Et bon sang, qu’est-ce que vous aviez perdu du temps ; sur ses derniers mois à lui tu savais déjà pas mal de choses mais les nouvelles de Bray de son côté avaient été plutôt limitées. « T’as manqué un paquet de trucs, tu vas être vert ! » tu commences sur le ton de la plaisanterie, avant de t’installer dans le fond de ta chaise et de reprendre un peu ton sérieux - parce qu’avec le boulot, tu peux pas t’en empêcher, et ton boulot, c’est toute ta vie. « J’ai pas eu le temps de m’ennuyer. On a eu un meurtre à la banque de Bray qui a fait pas mal de remous. Une affaire assez bizarre, une victime sans identité avérée, pas d’arme de crime. ... Quelques bavures. En fait... » Un peu nerveux, tu te passes la main dans les cheveux jusqu’à ta nuque, inspirant longuement, prêt à soupirer à l’infini et tu ne te retiens que de justesse. Non, c’était pas le moment pour lui dire ça. Pour lui parler de tes doutes, de tes soupçons - sur le fait qu’on envisageait probablement de te rétrograder à son retour. L’idée même qu’il ne retrouve jamais exactement ce qu’il avait quitté était insupportable, et tu n’avais pas la moindre envie de la lui infliger. « ...On a tous hâte que tu reviennes. » achèves-tu finalement, avec un de tes sourires au regard de chien battu, de ceux qui laissent à douter que tu sois capable de sourire d'une autre façon. T’aurais aimé que cette phrase soit sincère, vraiment - d’un côté elle l’était, parce que ton ami passait bien avant ton poste quoi qu'il arrive. Mais de l'autre, c'était presque renoncer à une vocation, reconnaître ta limite et admettre que t'étais fini. Allez, requinques-toi, tu te disais : rien n’est sûr, tu te biles, comme d’habitude. Allez, comme d’habitude.
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long time no seedepuis mai bordel.T’avais envie de savoir ce que t’avais manqué, mais quelque part, en vrai tu t’en foutais. Au pire, les trucs importants, t’auras qu’à lire la pile de dossiers que t’auras à ton retour. En vrai, t’avais juste envie de causer avec ton partenaire. C’était marrant ce mot, partenaire. On s’en servait autant pour les duos de flics que pour les couples. Et finalement, ce n’était pas si loin que ça, vous partagiez autant de bons que de mauvais moments, vous passiez pratiquement toute votre vie ensemble – sûrement parce que vous étiez mariés à vos boulots à la base. Complémentaires dans tout, dans votre façon de bosser, même d’écrire, vous vous étiez tellement bien trouvés que les étoiles devaient s’être exceptionnellement alignées juste pour vous. Donc en fait, t’avais plus le sourire de causer avec lui que de vraiment savoir que t’allais être vert d’avoir manqué un paquet de trucs. « Ah ouais ? » T’avais donc sobrement commenté pour ensuite t’installer aussi, coudes sur la table, attendant qu’on vous serve.

Bon les nouvelles étaient quand même pas mal, t’avais loupé ce qui devait être un sacré casse-tête. Ce meurtre de la banque de Bray, c’était le genre de défi que t’aimais bien, et t’aurais certainement passé des nuits blanches dessus à te retourner les bouclettes pour finalement aller te coucher sans avoir la réponse, mais au moins la satisfaction d’avoir essayé vraiment fort. « Quand je reviens, si c’est pas résolu, faudra que je lise le dossier, ça a l’air d’être un sacré sac de nœuds ! » Surtout dans une banque, avec genre, des caméras. T’avais vraiment du mal à visualiser ça. Après les bavures, bah ça se passait de commentaires, comme d’habitude hein… T’avais toujours essayé de ne pas céder à la tentation, mais voilà, t’étais souvent tenté de claquer quelques suspects qui se la racontaient trop avec leurs connaissances de la loi qui avaient une gueule de soupe ouverte restée six mois au frigo.

Mais la dernière phrase, disant qu’ils avaient tous hâte que tu reviennes, ça te toucha en plein cœur. Surtout parce que t’entendais que Ian avait hâte. Ca te rassurait, sur le fait que ton absence fichait pas en l’air les liens que t’avais avec certains gens, que ça n’avait pas trop d’incidence, sur ceux qui comptaient. Ca te réchauffait le palpitant un peu. Après tout, t’en avais un, de cœur, sous ta carapace épaisse que t’avais cultivée au fil des années. T’étais un connard mais pas que, sûrement était-ce justement pour cela que tu te protégeais tant. Mais là, t’en étais à un stade où tu te demandais si t’étais réellement toi et pas l’autre nom débile qu’on t’avait affublé. T’attendais que ça, de rentrer, et t’en avais plus que marre d’être un autre. « Ouais… Moi aussi, j’ai hâte de rentrer. » T’eus un moment de flottement, à juste mater le sourire de Ian, ce sourire qu’il sortait souvent, qui faisait chien battu. T’avais jamais compris comment ce type parvenait à être aussi triste en souriant. Toi, t’avais réglé le truc, tu souriais que quand t’étais content ou ironique.

« Allez, me regarde pas comme ça, va ! On dirait que tu vas pleurer là. » En tout cas, si c’était pas lui, c’était toi. Parce que depuis mai que t’étais parti, t’osais même pas compter depuis combien de temps t’y étais et tu savais que t’en avais pour un petit moment encore. Pas beaucoup, tu resteras pas un an en mission. Mais en tout cas assez pour que ce soir, tu sois à deux doigts de te dire « tant pis, ces criminels s’en sortiront, je rentre à ma maison ». T’en pouvais plus de baigner dans le crime, de passer pour un bagarreur né pour rabaisser plus faible que toi, de mener à bien des transactions qui te fichaient en l’air pour parvenir à démanteler tout un réseau définitivement. Et encore, si ça marchait réellement. Car c’était pas dit. Il était possible que des avocats un peu trop doués parviennent à ficher en l’air tous tes sacrifices.

Tu préférais ne pas trop y penser, histoire que t’aies une raison de sortir de ton pieu demain avec ton air le plus racaille possible.

Et tu détournas aussi le regard de l’air de chien battu de Ian, profitant clairement qu’on ramène vos boissons pour prendre soudainement une lampée de Perrier. Ca aussi, c’était putain de bon. Tu pouvais pas le faire, ailleurs, car quelle crédibilité aurait un criminel à boire de l’eau pétillante dans un bar ? Boire de l’alcool t’avait dégoûté, sans parler des repas de merde que tu te tapais.

Bref, tu voulais plus causer de ça. Adios la mission, adios le boulot. Parlez d’autre chose. Juste, t’étais un peu démuni, parce que concrètement, si vous ne parliez pas de ça, vous parlez de quoi ? Ta vie était un poil vide, et si tu devais en croire ce que tu savais de Ian, il était pas tellement mieux loti. T’avais beau te creuser le ciboulot en posant ton Perrier, t’avais plus trop le choix. Alors tu décidas simplement de continuer sur cette lancée, déclarant : « J’y suis presque, façon. Je crois que j’ai réussi à approcher assez la tête de file pour choper le plus de preuves possible. Je serai de retour pour la nouvelle année, je pense. Un truc dans le genre. » T’avais parfois l’impression que tu te plantais totalement, que tu étais en train de foncer droit dans le mur et qu’on était prêt à te cramer, mais tu t’accrochais jusqu’au bout. Pour pas en avoir bavé pour rien.
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long time no seejolie coiffureBien sûr, tu étais venu pour passer un bon moment. Plaisanter, boire un coup, lui donner un break dans cette mission qui devait lui bouffer l’intérieur et tu te doutais bien à quel point. T’étais heureux de le voir, tu pouvais dire qu’il était ravi de son côté aussi, mais c’était se leurrer que de croire que vous pourriez vous contenter d’en rire. Y’avait une part un peu mélancolique dans l'air, parce qu’il était encore loin d’avoir fini – peut-être pas si loin que ça, mais assez pour que le retour au boulot le lendemain picote un peu des deux côtés.
Quand tu lui parles de l’affaire de la banque, qu’il te répond qu’au retour il s’y penchera si c’est pas résolu, tu peux pas t’empêcher de te dire que ça le sera pas. Tu te sens dépassé depuis le jour J, et t’es quelque part convaincu qu’il arrivera à te résoudre le tout en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Jamais autant que depuis qu’il est parti tu ne t’es rendu compte à quel point tu te sentais limité quand tu te retrouvais à être le seul à réfléchir. La pression, la fatigue et l’alcool ne font pas bon ménage, et ça te fait chier de le dire, de le penser : ces quelques mois ont foutu une sacrée claque à ton déni.

Tu veux qu’il rentre, bien sûr que t’en as envie. Déjà parce que sa gueule te manque au quotidien, on t’avait pas vraiment laissé un temps de sevrage qu’il avait disparu du jour au lendemain, et après presque dix ans de travail en commun, ça faisait toujours quelque chose. Même si tu le suivais de loin, que t’avais sa voix au téléphone, c’était toujours avec une tension abominable, un vrai sentiment de danger au bout du fil qui ne laissait pas vraiment de place aux plaisanteries. Le relâchement de type bistro PMU en fin de journée t’avait manqué – mais vraiment, vraiment il aurait été incroyablement stupide de croire que cinq ou six petits mois allaient te faire oublier une si vieille amitié. Ça s’engueulait des fois d’accord mais c’était du solide, et l’émotion des retrouvailles était bien là. Vous aviez commencé par un fou rire, mais tu te savais capable d’en pleurer ; bon, peut-être pas là tout de suite, le regard de chien battu il est pas si inhabituel que ça -il le connait-, mais tu sentais quand même ton cœur se pincer devant sa gueule éreintée, quand il te disait qu’il avait hâte de rentrer. T’étais un émotif après tout, surtout que t’étais malade, elle était usée comme de la vieille ficelle ta couche de protection.

Me regarde pas comme ça, va qu’il te dit et tu te contentes d’accentuer ton sourire, et de détourner ton regard pour accueillir vos boissons. Pile à temps, non pas que tu avais soif mais tu avais tout de même envie de boire, et comme tu te sentais partir dans le sentimental, c’était plutôt le bon moment. Ton scotch fait pas long feu, t’aurais aimé le faire durer pour la conversation mais t’as lampé les trois quarts d'une gorgée – rien d’inhabituel non plus après tout, ça faisait un moment que ça te durait. Et puis c’est le silence, le flottement, le moment de chercher de quoi discuter. D’habitude c’était facile, vous aviez la même journée à peu de choses près, vous pouviez en parler. On pourrait se dire qu’après des mois de séparation, vous en aviez des histoires, mais parler travail quand le but était de lui changer les idées, c’était pas non plus l’idée du siècle. C’est pourtant ce qu’il finit par faire de désespoir – t’as pas d’objection, t’avais pas beaucoup d’autres idées de toute façon.

Il te dit qu’il y est presque, qu’il pense être de retour pour la nouvelle année. Vous êtes en octobre, ça devrait arriver vite et à la fois ça fait quand même un peu loin. Parce que ça veut dire passer les fêtes tout seul, et déjà que pour toi c’est pas jouasse, tu n’imagines pas à quel point ça le serait pour lui à jouer ce rôle. « Tu vas l’avoir, t’auras de quoi être fier quand ce sera bouclé. Ça aura valu le coup. Quoi qu’il arrive maintenant de toute façon, t’as passé le plus gros, t’es plus près de la fin que du début. » Si tant est qu’il se fasse pas pincer et descendre dans un squat, y’avait toujours ce risque-là après tout. Une fois qu’on était dedans, le plus dur était passé – mais avec le temps, rester cohérent et ne pas se relâcher n’avait franchement rien d’évident. Non pas que tu le saches vraiment : tu aurais été incapable de tenir une mission pareille, tu étais trop mauvais pour mentir et faire semblant – trop vrai dans tes tripes, ça t’aurait heurté trop fort. Tu le savais toi, que jamais tu n’aurais pu tenir si longtemps. « J’suis déjà fier, tu sais ? », tu lui dis finalement. Ça coûte un peu à ta fierté, mais tu te dis qu’il a sûrement besoin de l’entendre ; t’étais peut-être pas un très bon combattant mais proposer une épaule en soutien ça tu savais faire. « T’as toujours été brillant, t’as du potentiel – c’est le genre de truc que tu peux faire, je suis vraiment pas inquiet. » Bon, en fait tu l’es sûrement, inquiet, mais le but c’est pas de jouer au papa poule et l’empêcher d’y retourner. Tu seras ravi quand ça sera terminé, ça c’est clair. Et t’espérais franchement pouvoir respirer quelques petites années avant qu’on le sollicite à nouveau pour un truc pareil, ou t'aurais une vraie raison pour vider des bouteilles.
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long time no seedepuis mai bordel.T’aurais bien aimé avoir autre chose à causer que le boulot, mais t’avais eu beau te creuser, rien n’était venu et t’avais eu l’air vraiment très con. Dans tous les cas, ça devait être pareil pour Ian vu qu’il n’avait rien pu dire sur le moment non plus. Tant pis. Pas comme si votre boulot n’était pas déjà toute votre vie, aucune prise de conscience à ce moment-là, pas de choc, tout était normal. C’était aussi un poil rassurant, d’un côté. Quelque part, au moins, rien n’avait changé pendant que t’étais pas là, côté Ian. T’étais possessif, un chouïa, trois fois rien, mais juste assez pour que s’il te raconte mille aventures, tu te sentes légèrement trompé.

Mais ça allait. C’était le calme plat, t’étais un poil rassuré bien qu’un peu désolé, malgré toi. Pas beaucoup, mais un peu, juste ce qu’il fallait en somme. T’avais quand même voulu le dire, que t’étais proche du but. C’était autant pour le rassurer, lui, ton partenaire, que toi. Pour te dire, à toi-même, que c’était bientôt fini, que t’allais pouvoir redevenir Cillian Craig, celui qui buvait pas d’alcool et fumait pas de clope, qui faisait du sport à outrance tout en étant proche de la nourriture qu’il mangeait, pas ce criminel qui tapait sur ce que le chef désignait, et fouillait les bureaux, les locaux, en regardant derrière son épaule, priant pour que personne ne dégaine un flingue sur sa tempe.

T’avais souffert, quand vous aviez regardé ce film à la télé, durant un tour de garde des locaux, où un flic infiltré se faisait descendre. T’avais eu du mal à ne pas tressaillir, tout en écoutant les rires gras des autres. T’avais pas réussi à rire avec eux, et tu t’étais contenté de rester dans la peau de ce type terne, gronchon, ça t’allait bien, c’était facile, d’une certaine façon. C’était sûrement ça qui faisait que le chef t’appréciait, t’avais un air réfléchi, à ses yeux, alors que tu ne faisais que flipper ta race.

Ian se mit d’un coup à t’encourager à son tour. Te convainquant, et se convainquant lui-même sûrement. Si t’étais à moitié aussi sensible que lui, t’aurais certainement chialé. Mais t’étais plus du genre à les retenir parce que t’aimais pas ça. Mais voilà, t’étais en train de te faire caresser dans le sens du poil, et t’aurais pu ronronner si t’étais un chat. Puis il n’avait pas tort, ton partenaire. T’y étais presque, t’étais au bout.

De ta vie comme ta mission, mais voilà, l’important c’était la mission.

Tu ne pus pas t’empêcher d’avoir un rire sardonique quand il dit qu’il est déjà fier. Ah, c’était peut-être la première fois qu’il te disait ça, Ian, tient. Est-ce qu’il te l’avait déjà sorti ? Tu avais beau creuser, en quelques secondes, vite fait, t’avais pas le moindre souvenir. « Merci papa ! » Tu bus une gorgée de ton eau pétillante en passant, juste histoire de cacher un autre sourire, peut-être un peu plus satisfait que sardonique. Parce que mine de rien, c’était encourageant, qu’il soit fier de toi. Après tout, tes parents, ça faisait longtemps que t’étais distant avec eux, et ça faisait longtemps qu’ils ne t’avaient pas dit un truc positif. Tu n’étais pas fâché avec eux, juste, bah ils vivaient en Angleterre, toi t’étais en Irlande, et t’avais trop de boulot pour vraiment prendre le temps d’aller les voir.

Le sens du devoir de l’inspecteur trop dans son boulot : tu te sentais coupable d’abandonner ton poste pour des vacances. Et si quelque chose arrivait quand t’étais pas là, hein ? Autant rester.

En tout cas, il te complimentait, Ian, et t’étais content, quelque part. T’aurais pu lui retourner le compliment, les compliments même, mais t’avais une autre phrase qui sortit un peu toute seule : « Je suis un cas si désespéré que ça pour que tu me graisses la patte ? » Evidemment que t’allais le charrier, de toute façon, si t’aimais ça, qu’on dise que t’étais bon dans ton boulot, tu savais pas pour autant remercier, simplement. T’étais obligé de partir sur ce genre de choses-là. Façon, tu ne l’épargnais jamais, fallait toujours une pique. Ça ne changeait pas.

Tu notas aussi que le verre de Ian était vide, tu levas alors juste la main, pour montrer le verre du doigt à la serveuse, histoire qu’elle en rapporte un autre. Pas de commentaire sur ça en revanche. D’une part parce que voilà, t’avais déjà fait ta connerie avec la pomme il y avait quelques mois et tu faisais profil bas. D’autre part parce que tu ne voulais pas que ça parte en live aussi vite. Juste un p’tit moment privilégié. Priant que ça dure jusqu’au moment de la séparation, qui allait piquer, celle-là.

Depuis quand t’étais devenu sensible, hein ?

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long time no seejolie coiffureIl en rit méchamment, de tes gentillesses, parce que t’en fais sûrement un peu trop. C’est vrai qu’entre vous, c’était pas toujours facile, la progression se faisait sur le temps long. Il vous avait peut-être fallu toute votre première année de collaboration pour troquer le ton agressif ou plein de sarcasmes pour quelque chose de plus casu, la sympathie et les attentions n’avaient pas été pour tout de suite. Surtout pour lui qui avait tendance à être un peu brut, toi c’était différent, t’étais quand même un grand émotif. Alors si tu lui avais déjà dit que tu étais fier de lui ? C’était tout à fait possible, après tout l’ivresse t’empêchait de mentir et pouvait te faire chialer à tout venant pour les raisons les plus futiles. Mais ce qui était certain toujours, c’est que tu l’avais pensé largement plus souvent que tu n’avais su le dire, et tu l’avais probablement jamais dit en pesant consciemment tes mots, en le regardant dans les yeux. Comme là, avec cette sincérité un peu chargée, cette espèce d’émotion dans la voix qu’on cachait bien mal et qui venait du cœur, avec cette envie de le convaincre comme si c’était un enjeu et une nécessité. Si tu l’avais dit c’était pas sur ce ton, pas avec cette présence et ce recul. Mais tu l’étais, fier de lui – quand tu voyais jusqu’où il était capable d’aller pour qu’il y ait une justice dans ce monde. Et t’étais tellement fier de travailler avec lui, même si le contraste te présentait pas sous ton meilleur jour.

T’as un ricanement quand il te fait merci papa, quelque part tu préfères qu’il casse ta séquence émotion, ça serait trop lourd à tenir si vous vous y mettiez à deux. « Oh va te faire » que tu lui réponds sur le ton de la plaisanterie, le sourire crispé au coin des lèvres, avec toute ta politesse de pécore écossais. J’suis un cas si désespéré que ça pour que tu me graisses la patte ? qu’il demande, pour te charrier encore un peu, tu le connais Cillian, tu sais qu’il est pas à l’aise avec les grandes démonstrations d’affection, et toi aussi souvent t’as du mal avec. Mais aujourd’hui c’était différent. Et tu le dis, sans trop y penser. « J’crois que c’est des trucs que t’as besoin d’entendre où t’es. J’me disais que c’était un bon moment pour le dire, depuis que t’es parti ça me pèse mais je me voyais pas le dire à un combiné. Mais si jamais… Tu sais. J’avais pas envie que la dernière chose que je t’aurais dite en face, ce soit une saloperie. » Tu t’arrêtes, réalisant la teinte de ce que tu venais d’avouer. C’était pas ce que tu voulais, t’étais là pour lui remonter le moral, pour lui changer les idées. Tu relèves les yeux vers lui, les joues bouffées par la culpabilité. « Pardon j’devrais pas dire ça. Tu… Tu m’connais, les idées noires… Ce que je voulais dire c’est que, voilà, tu comptes et j’ai pas besoin que tu démantèles un réseau pour le savoir. » Il est pas nouveau ton pessimisme, mais là c’était juste pas le moment. Tu te mords la lèvre, t’emparant du second whisky posé sur la table, et vidant celui-ci cul sec, plutôt par besoin que par soif.

T’avais plombé l’ambiance, et t’en étais pas fier. Tu t’empresses de chercher quelque chose, pour changer de sujet, pour arranger les choses avant que ça vire au craquage. Une idée, quelque chose : ça te vient d’un coup, tu t’exclames peut-être un peu trop fort, un peu trop faux. « Au fait ! J’ai repensé à ce truc dont on a parlé, que je devrais me trouver quelqu’un. Je pense que tu as raison, qu’il serait temps que je le fasse, j’ai rien à perdre. Alors, je me dis, peut-être que je devrais te laisser le faire pour moi ? Comme j'y connais rien à tous ces trucs nouveaux, et tu pourras me dire tout ça par message, quand tu auras envie de penser à autre chose. » Est-ce que tu avais vraiment pris cette décision de manière réfléchie ? La maladresse, la cassure dans ta voix criait que non, tu n’en avais pas totalement décidé. D’ailleurs tu manquais de temps depuis que Cillian était parti, à cause de cette nouvelle charge de travail que l’on te faisait peser. D’un autre côté, c’était aussi son absence qui te faisait ressentir à ce point la solitude, qui t’y avait fait repenser tout de même, en te rendant cette perspective de plus en plus nécessaire. Tu n’avais pas grand monde en dehors de ton partenaire, personne en fait, c’est ce qu’il te faisait réaliser. C’était peut-être aussi cela qui se terrait derrière tes idées noires. Tu entretenais tes maux à force de te retrouver face à toi-même.
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long time no seedepuis mai bordel.T’étais à peu près certain que c’était la première fois que vous étiez aussi sensibles, ton partenaire et toi. Au bout d’une dizaine d’année, il serait temps, mine de rien, de s’avouer que vous vous aimiez bien… Enfin, les CraigCraig n’étaient pas tout le monde, et vous deviez bien assumer votre différence rapport aux autres duos. Au moins, vous étiez un duo qui marchait, où chacun avait des forces qui complétaient les faiblesses de l’autre, à un tel point que c’était pratiquement gravé dans les pierres du Destin que vous deviez vous rencontrer. Puis tu te la racontais grave à jouer le gros dur, mais voilà, si Ian avait pas viré à 180 degrés, sûrement que t’aurais lâché une larmichette. Trois fois rien, mais de quoi quand même te craqueler un peu. Alors, t’avais été monstrueusement reconnaissant du changement de sujet, encore plus quand t’avais compris de quoi ça retournait.

T’étais surpris d’ailleurs, qu’il reconnaisse enfin avoir envie de se trouver quelqu’un, et t’avais même dégainé ton téléphone à toute vitesse tout en continuant à le fixer du regard, comme si le fait de tourner les yeux allait lui faire changer d’avis. « Tu l’as dit, c’est trop tard pour changer d’avis maintenant. » Tu voyais bien qu’il avait dit ça surtout pour dire, pas spécialement certain encore de le faire, mais t’avais quand même envie de le faire, là.

Et vous avez d’ailleurs passé le reste de la soirée à enchaîner les verres – toi de Perrier, lui de whisky, scotch ou peu importait ce que c’était – pendant que tu créais ce profil, préparant le terrain. T’avais bien essayé de lui expliquer comment ça marchait, mais donner à Ian quelque chose de technologique, c’était prendre le risque qu’il bloque complètement. Mais t’avais continué à essayer, non pas car tu étais totalement masochiste, parce qu’au moins, tu gagnais un peu de temps.

Parce que vous alliez devoir vous séparer. Si ça tenait qu’à toi, limite, tu serais jamais parti, mais tu pouvais pas t’éloigner trop longtemps de ces fichus criminels qui te sortaient par les trous de nez. Tu devais rester à l’affût, des fois qu’il se passerait quelque chose.

Et vers une heure du matin, c’était plus possible de reculer. Vous aviez fini par enfin sortir du bar, traînant de la patte, d’ailleurs, c’était probablement la première fois que vous sortiez aussi lentement. D’habitude, c’était certes d’un pas fatigué mais ferme, genre « allez à demain », ou bien « putain, deux jours de congés, enfin ». Là, ça puait un peu le « je sais pas quand je te reverrai », et puis t’avais encore en tête ce qu’il t’avait dit, ces trucs que t’entendais pas trop de tes parents vu que t’étais le genre de fils à ne pas aller les visiter. « Bon bah… A la prochaine. » T’avais fichu tes mains dans tes poches, dans une posture de Gavroche boudeur, regardant ailleurs, conscient que t’allais pas vraiment t’éclater pendant quelques temps.

Sauf qu’au moins, cette fois-ci, tu allais y retourner avec l’esprit un peu plus motivé que quand t’étais arrivé à ce motel, plus motivé pour enfiler ton masque de criminel à ton tour, paré à lâcher la bête sauvage qui était en toi pour frapper d’éventuels connards que ton « chef » te mettra sous la dent pour tester ta loyauté. Tu sentais même ces marques sur tes phalanges, déjà un peu guéries de la dernière fois, te demandant le cœur serré quand allait être la prochaine fois.

Mais savoir que ton partenaire était fier de toi, disons que ça relevait un peu ton égo, puis merde, qui n’était pas content d’être source de fierté chez quelqu’un ?

Tu savais même pas si tu devais lui serrer la main, lui faire une accolade – UN CÂLIN ? Viril évidemment. En fait, tu te souvenais plus trop si vous faisiez quelque chose avant. Ce devait être un signe de la main, une tape sur l’épaule, quelque chose du genre. Ouais, la tape sur l’épaule, c’était bien, alors tu fis ça, pat, pat, et un p’tit « Ciao ! » de meilleur goût, vraiment.
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long time no seejolie coiffureTu venais à peine d’évoquer l’éventualité de daigner accepter un possible rendez-vous - déjà, il avait dégainé son téléphone, trop enthousiaste à l’idée de te sponsoriser dans ta découverte des nouvelles technologies et ta bravoure à bien vouloir jeter un œil à son application, tout prêt qu’il était à te prendre expressément au pied de la lettre. Tu l’as dit, c’est trop tard pour changer d’avis maintenant. Bien sûr, il fallait t’y attendre; le regret pointe et te fait soupirer à l’infini, mais trop tard pour faire machine arrière : te voilà irrémédiablement ventilateur. Tu méritais de toute façon qu’il te l’inflige, tu étais toi-même convaincu d’avoir été ignoble - imméritant, pour avoir envisagé de vive voix que cela puisse être votre dernière rencontre, et pour te faire pardonner cet écart, tu aurais été prêt à accepter n’importe quoi. Pour autant on ne se refait pas : tu grognes, appréhendes, glisses à la moindre occasion ton soupçon de mauvaise foi, mauvaise volonté pour saisir tout ce qu’il te montre. Tu t’y laisses aller tout de même, rien que pour le plaisir de partager cette chose-là avec lui, avec toujours la pensée morbide dans un coin de tête que ce pourrait bien être la dernière fois.

Vous y aviez passé la soirée entière, la nuit était bien avancée déjà le temps que vous trouviez le courage de vous séparer. Les dernières dizaines de minutes avaient sans doute ressemblé à ça - de molles tentatives pour relancer une conversation sans pour autant oser la poursuivre, la pression du bar se vidant, du regard du barman, de l’aiguille trotteuse sur ton poignet qui te rappelle incessamment que vous n’y échapperez pas. Toutes les excuses, phrases, plaisanteries de mauvais goûts justifiaient de rester assis là un temps de plus, un fond de verre qu’on n’osait pas vider de peur que cela veuille dire taper sur la table, dresser le dos, et se dire : On y va ?

Et puis finalement, l’échéance honnie et redoutée, ce petit temps de quiétude en suspens dans le froid et le silence d’une rue en pleine nuit - les dernières minutes, les dernières secondes. Bon bah… à la prochaine. Plus rien d’autre à dire, rien plus qu’un « ouais » malhabile et un peu rauque, pendant que ta main se cherche une cigarette pour le chemin du retour; pendant que lui s’écrase le fond des poches, pendant que vous prenez cette excuse pour ne pas laisser mourir ce moment. Comme deux guignols après un film qui restent pour les dernières lignes blanches du générique en sachant pertinemment qu’il y aura pas de cut-scene. L’émotion commence à te prendre, t’as pas envie de partir ou de le laisser partir pour des mois encore - ou peut-être pour toujours. C’est con à dire, mais t’as pas envie; et puis l’alcool, ça te rend émotif, et tu t’en es enquillé pas mal ce soir. Une tape sur l’épaule, ciao, voilà c’est fini, quelle fin nulle. Un autre « ouais » nul en retour, à peine plus heureux, et tu le regardes s'enfuir.
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long time no see (craigcraig)
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