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 Take me to church [Mikhaïl]

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Take me to church

   

Le cap de la trentaine, elle l'avait autrefois attendu avec impatience, puisqu'elle était censée se marier. Non pas pour sceller son futur avec celui qu’elle aime, car elle considérait déjà cela comme un acquis qui ne nécessitait plus de preuve, mais seulement pour réaliser un rêve de fillette, presque un caprice. C’était une forme de vanité, que de savoir son avenir assuré, et l’en voilà bien punie, célibataire à bientôt 30 ans, délaissée par Mikhaïl, contrainte à vivre seule en appartement après avoir fui leur nid d’amour. Elle était comme rappelée à l’ordre, que quelqu’un au-dessus de sa tête avait le pouvoir de tout arrêter d’un claquement de doigts – et quelle ironie, de penser cela. Ravalement d’ambition, humilité, messe le dimanche, peut-être que sa chance tournerait, même si elle ne savait plus trop pour quoi elle priait. Pour que tout s’arrange ? Leila n’était pas de nature rancunière, mais elle doutait sincèrement pouvoir pardonner un jour l’infidélité de Mikhaïl (c’était la seule explication qu’elle avait trouvé à ses disparitions à répétition).

Ce dimanche, comme tous ceux depuis qu’elle a quitté son fiancé, elle part assez tôt de chez elle pour se rendre à l’église à pied, ce qui représente presque quarante minutes de marche. Du temps où elle était encore avec sa moitié, elle avait beau habiter plus proche, elle prenait toujours la voiture. C’est que Leila a du temps à perdre, depuis qu'elle partage sa vie avec rien du tout (pas même un chat. Elle devrait acheter un chat...) ! La jolie brune a l’impression qu’elle ne s’en remettra jamais, elle est un peu perdue, à sillonner les rues. Certaines personnes la saluent à son passage, la faisant lever un visage hagard, lui forçant un petit sourire gentil. Bonjour. Bonjour. Bonjour. C’est presque mécanique. Les débuts de journée sont toujours les plus difficiles pour elle. Quand on se réveille, qu’on ouvre les yeux en se rappelant qu’on est malheureuse, il faut toujours un sacré temps d’adaptation. Après quelques temps à vagabonder, une autre personne s’approche d’elle et Leila lève à nouveau le menton pour la saluer, mais les mots lui restent coincés au travers de la gorge lorsque son regard croise celui de Mikhaïl, l’objet de ses tourments, le pourquoi et le comment de cette vie fantomatique. Sans s’en rendre compte, elle s’est arrêtée de marcher, désemparée. Au fond d’elle, cette rancune lui donne envie de lancer des : Je n’ai pas besoin de toi ! Donne-moi deux semaines de plus, et t’es de l’histoire ancienne ! Qu’est-ce que tu fiches là ?! Et elle regrette, de ne pas être pimpante, joliment coiffée, avec une robe et des talons pour envoyer le message du Voilà ce que t’as perdu, tu peux chouiner ! Sauf qu’on ne va pas à la messe en femme fatale, qu’elle est bien sobre et même pire, très simplette, avec son jean noir et ses converses d’adolescente, alors qu’elle n’avait pas porté de chaussures plates depuis… elle ne se souvient même plus. Avant même de rencontrer Mikhaïl. Oh, il l’avait pourtant vu sous toutes ses coutures, dans ses heures de gloire comme aux heures de sortie de lit, mais s’il y a bien un moment où elle regrettera de ne pas avoir été au top, c’est maintenant. Peut-être qu’une apparence avantageuse lui aurait donné plus d’assurance car en vérité… en vérité, face à lui, elle se sent presque comme une enfant prise en faute. Partir sans un mot, un jour où il était absent, ce n’était pas correct... Elle se flagelle mentalement à cette pensée. N’importe quoi Leila ! Lui non plus n’a pas été correct, il t’a poussé vers la sortie ! Tu n’as pas à te reprocher d’avoir agi exactement comme il l’avait attendu de toi ! Mikhaïl a changé, elle l'a vu dans son regard.

Mal à l’aise, elle croise les bras sur sa poitrine, comme si elle voulait se protéger de quelque chose. « Salut », dit-elle simplement à voix basse avant de détourner le regard. C’est ridicule ? Certes. Mais il le serait d’autant plus de faire un scandale maintenant, avec soixante trains de retard. Leila avait déjà dit ce qu’elle avait à dire, avant, il ne l’avait pas écouté, et maintenant, il ne reste rien, si ce n’est un ‘Salut’, une forte lassitude, et de l’amour, probablement à sens unique, parce que malgré tout ce qu’il lui a fait subir, oui, elle l’aime encore. Les voitures qui circulent, qui s’arrêtent et klaxonnent un rêveur qui n’a pas vu le feu passer au vert, les gens qui sortent du petit commerce à côté d’elle en se chamaillant, en bavardant, ou en riant, tout ça, ce n’est qu’un bourdonnement lointain, indistinct, comme s’ils n’étaient que deux dans ce carrefour. Quand Leila baisse le nez pour reprendre sa route, elle a l’impression de marcher au beau milieu de ruines.

(c) naehra.

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