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 [/!\ +18] (basil) i'd like to find out what he's hiding

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I'D LIKE TO FIND OUT WHAT HE'S HIDING
basil & shura

Kochtcheï ne se laissera pas tenter. Pas aussi facilement. Ses songes étaient troublés par cette envie aussi violente que soudaine. Poussiéreuse, cela faisait longtemps qu’il n’avait pas dégagé une telle intensité dans son regard. Il rodait autour, l’imaginant décharné pour passer sa haine grimpante. Une carcasse plus dépouillée encore au sens propre que ce brave Maurice sur la table. Un sanguinaire tableau, dont les secondes lentes s’écouleraient au fur et à mesure que les gouttelettes carmin s’écrasaient sur le sol. Ses doigts voulaient tracer cette épave rouge, dont quelques paillettes viendraient l’embellir et lui donnait un peu de gaieté. Il voulait étaler cette peinture de guerre funeste, traçait ses joues, ses courbes, et dévorer son trophée du regard. Le toucher, avec minutie et sensualité, pour s’assurer que ce dernier était bien mort. Inertie utopique qui l’encourageait à river son regard sur sa personne, le bon luttait contre la brute et le truand. Il avait conscience que son démon se manifestait un peu trop. Kochtcheï perdait le fil de son récit. Il était présent, semblait être attentif, mais ce n’était qu’une image. Il avait relevé néanmoins l’absence de ce qu’il appelait Idéal. L’idéal était relatif aux désirs de l’homme selon le slave. Il n’y en avait aucuns de prédéfinies et même le simple plaisir pouvait être considéré comme tel. Ce n’était qu’une motivation, un justificatif. Il le considérait comme un menteur, un aveugle. C’était le souci premier avec les scientifiques et leurs prétentions de penser tout savoir et tout contrôler du bout de leurs scalpels. Outil d’incision dont il était le détenteur pour l’heure, la fine lame jouant entre ses phalanges sans chercher à les entailler.
Kochtcheï ne cédera pas à l’appel du meurtre. Il s’en persuadé, chaque minute et chaque seconde. Il trouvait toujours un argument pour contrer les murmures du démon et de l’assassin. Il avait une fille, il avait un homme, il avait de l’honneur. Il n’y avait rien de glorieux à trancher la jugulaire d’un homme désarmé. Aucuns plaisirs, aucuns challenges, juste un cadeau qu’il lui apporterait sur un plateau d’argent et dont il était trop capricieux pour le lui offrir. Il déraillait, se pensant maître de la situation. Le déclencheur avait été l’accord qu’il lui avait donné. Cette écoute attentive sur sa plaidoirie et ses ambitions alléchantes. Ses yeux où le rouge venait parfaire le noir autour restaient rivés sur le scientifique, même lorsqu’il avait entamé son approche. Et quelle approche ! Tel un coup de colère tût depuis trop longtemps, il l’avait cloué à son cadavre dont il tenait tant. Il n’était pas conscient de la gravité de son geste. Cependant, cela pouvait être aussi une forme de provocation. Il l’avait agacé, énervé, c’était à son tour. Il reculait, puis il s’en allait, laissant son hôte déçu.

Kochtcheï se doutait que ça n’allait pas s’arrêter là. Sa réflexion avait du mal à rester figée sur son objectif premier : la sortie. Sa respiration était haletante, ses mains en sang. Il se sentait monstre en voyant le liquide rouge enrober ses mains. Il ne saurait dire si cela lui plaisait, ou bien si cela le rebutait. Un peu des deux sans doute, tiraillé entre l’envie d’arrêter et l’envie de continuer. Un choix indécis qui ralentissait ses pas vers les escaliers. Ses poings se resserraient, et il avait entendu son nom gorgé de haine résonnait dans la pièce. Quelque part, il aurait dû s’en douter. C’était si faible comme socle pour planter une épée, la chair décomposée d’un cadavre. Il n’avait eu le temps que de tourner le regard derrière lui et ses yeux s’étaient arrondis en voyant le scientifique revenir à la charge à toute vitesse. Il y avait quelque chose de changer chez lui. Quelque chose qui fit étirer un sourire en coin à Kochtcheï tout en lui donnant des sueurs froides. Enfin, le voilà, ce qu’il était venu chercher. Le vrai visage, la folie de ce docteur dans son sous-sol. Il ne voulait pas s’attarder plus que derechef dans l’antre du diable, enclenchant ses pas plus rapidement pour fuir. Il avait couru, il ne prenait plus son temps. Mais si tôt la première marche foulait, la lame avec lequel il l’avait menacé caressait sa gorge. Sa respiration se faisait plus difficile, cet état léthargique revenait et il se doutait de son origine. Il avait plaqué ses mains sur sa bouche et son odorat pour limiter l’ingestion de cette poussière. Reflex qui ne le sauvera sans doute pas, puisqu’il y avait toujours cette lame qui glissait contre sa peau et un besoin d’air conséquent. Ses tremblements avaient cessé, son état s’était stabilisé. Quelque part, ce médecin fou lui avait apporté ce qu’il souhaitait. Un psychotrope pour calmer son état colérique et instable, mais à quel prix ? Il l’écoutait, il était forcé de le faire et Kochtcheï ne bougeait pas.

Les escaliers s’étaient dérobés de sa vision. Disparus pour être remplacés par une autre scène, encouragée pas les dire de son hôte menaçant. Des barreaux évaporés devant lui, laissant naître un espoir pour être mieux réduit en miette. Ses mains répondaient à ses visions, voulant saisir la sortie ce qui se présentait devant lui alors que son corps faiblissait. Elle avait volé en fumer au moment où il ses doigts l’avaient attrapé. Dans la folie de ses mouvements, des bracelets métalliques accrochées à ses poignets tintinnabulés dans un bruit à la froid strident et sourd. Leur chaîne était rompue, mais ils resserraient sa chaire. Lorsque ses yeux se baissaient pour les regarder, sa vision était troublée, dédoublée. Des nanosecondes saccadées, des images entrecoupées par d’autres, toutes plus terrifiantes les unes que les autres. Puis elles s’étaient figées pour constituer le corps d’une femme. Ses cheveux devant son visage l’empêchait de rendre ce dernier clairement visible. Une petite robe blanche, et une peau couverte de plaie. Un clignement de paupière, puis ce fut une petite robe blanche immaculée de sang, et une peau déchirée. Un cadavre debout, qui ne bougeait pas et qui le terrorisait. Miroir étrange, elle semblait être aussi terrifiée qu’il ne l’était, piétinant sur place, copiant le moindre ses mouvements, suivant la même respiration que lui. Les sueurs froides venaient dressées ses cheveux derrières sa tête et Kochtcheï était remuant sans trop l’être. La menace sur sa gorge était toujours présente. Ces mêmes menottes qui, un peu plus tôt, étaient détachées et entrecoupées par des flashs demeuraient à présent fixées sur le sol pour l’obliger à rester et à regarder cette femme. « Mérédith, hein ? Elle n’a pas l’air d’être de la dernière fraicheur ». Il se permettait une plaisanterie pour décompresser, mais sa voix tremblante trahissait ses angoisses intérieures. Le crâne, la chambre, ce bibelot qu’il avait cru sortir d’un magasin de décoration. De nouveau, ses yeux avaient glitché et le corps de la femme se retrouvait à terre, sa tête roulant à ses pieds. Il avait eu un sursaut, ses yeux rivés sur le sol en reculant un peu sous la surprise. La lame déchirant sa peau l’avait rappelé à l’ordre, il avait redressé la tête et l’image s’était effacée de nouveau. L’incapacité de bouger l’agaçait autant qu’il le fascinait. Il sentait cette approche contre lui, ne sachant comme il devait la cerner. Quiconque aurait trouvé ça rassurant, d’être ainsi entouré par des bras. Sauf que la mort le menaçait, qu’elle n’avait rien de réconfortant et il avait l’impression de devenir fou. Elle semblait l’emprisonner dans ses bras pour lui rappeler qu’il était à elle, prête à s’abattre au moindre écart. Sa tête avait penché sur le côté en sentant l’opposée être envahis d’une présence étrangère. Un nouveau tableau se mit à se dessiner face à lui.
Cette caboche avait retrouvé sa juste place sur les épaules de cette femme bafouée. Bafouée était peut-être même un terme un peu trop gentil d’ailleurs. Il voyait son hôte face à lui, prenant plaisir à salir cette pauvre défunte en la violant. Il en était heureux, il prenait du plaisir et une nouvelle fois, il avait reculé. Un malaise montant, un voyeurisme mortuaire contraint et la sensation que, quelque part, c’est son âme qui était salie. Ses doigts s’étaient crispées, il tremblait pour une toute autre raison. La peur, l’angoisse pure et dure qui le faisait pâlir à vue d’œil. L’agitation n’arrangeait en rien sa position, sentant le sang coulait sur son cou. Son serpent autour du cou s’habillait de couleurs vermeils. Un autre compagnon pour son vieil ami qui dessinait un chemin tortueux jusqu’à disparaître, absorbé par le tissu de sa chemise.

Ses mains avaient quitté nez et bouche pour se positionner devant ses yeux. Il avait besoin d’air, il avait l’impression d’étouffer et de suffoquer. Il ne voulait pas voir la suite, pas si c’était lui le concerné. Il ne voulait plus voir ses hallucinations, coincé dans un mauvais Bad trip qui le rendait fébrile. Il avait horreur de ça, ou bien… Non. S’il avait tant horreur de cette position, pourquoi il ne pleurait pas ? Pourquoi il ne hurlait pas ? Sa bouche n’avait pas laissé traverser le moindre cri de panique. Parce qu’il était terrifié, mais fasciné. Il en était totalement conscient et il y trouvait une certaine forme de plaisir d’être à la merci d’un autre. Toujours en train de commander, de ronchonner, de s’isoler, n’admettant pas qu’une étreinte, aussi menaçante soit-elle, lui procurait de plaisants frissons. Il avait entendu les choix qui s’offraient à lui, tous plus glauques les uns comme les autres et pourtant, il souriait. Oh oui, Kochtcheï souriait parce que même si sa position n’était pas des plus confortables, il avait vu et entendu bien des choses ce soir qui pourrait l’aider à parfaire son argumentaires pour sa survie s’il arrivait à s’échapper d’ici. « Je suis déjà fou et je n’ai pas envie de mourir, ça ne laisse plus beaucoup d’options ». Un rire avait ponctué sa phrase, il délirait. Il délirait à cause d’une vision qui n’était pas réelle, à cause de cette poudre qui lui procurait un état euphorique malgré sa situation. C’est un junkie, un habitué à ce genre d’état. Mais ce qu’il y avait de fascinant dans ce dernier, c’était l’intensité. Il avait l’impression de revivre sa première dose de crack, son premier joint, son premier buvard et cela lui procurait le plus grand bien. Il riait, parce qu’il n’avait pas envie d’avoir peur. Il ne pouvait pas aller contre sa terreur, il ne disait pas le contraire. Il voulait profiter de celle-ci. Alors, malgré sa position, il avait penché sa tête sur le côté pour l’encourager. Rôle inversé, quel drôle de situation. Un frisson l’avait parcouru en sentant ce baiser contre sa nuque, à son tour de se confesser. « Tu ne me tueras pas. Et je ne peux pas te tuer non plus. Tu sais pourquoi ? Parce qu’on s’ennuie, tout le temps ». Sa respiration se faisait difficile, et l’odeur du sang, les effets de la poudre et la douleur l’enivraient. Il n’arrivait plus à suivre, si bien qu’il prenait appuie sur l’épaule de son bourreau derrière lui. « Qui viendra te rendre visite la nuit, pour jouer avec toi ? Qui te mettra dans cet état ? Mort, je ne pourrais pas jouer avec tes nerfs, je ne pourrais pas te parler, et je ne pourrais pas susciter autant de colère chez toi. Tu la sens, n’est-ce pas, la violence. Elle est formidable, elle nous permet de nous sentir vivant... Tu n’es pas si calme et si serein que tu le laisses sous-entendre, professeur… ». Sa voix était essoufflée, il sentait cette poudre le prendre à la gorge. Il y en avait trop, un nuage de poussière qui encrassait sa trachée. Le scalpel pourrait l’en délivrer s’il arrivait au bout de sa course, mais cela aurait des conséquences funestes pour lui. Il n’avait pas envie de mourir, pas maintenant. Il avait une mission à accomplir, une ordure à chasser. Malheureusement pour son hôte, ce n’était pas lui qui nourrissait le collimateur de Kochtcheï. Il tuera, oui. Il nourrira sa collection, mais avec aucunes de leurs deux dépouilles. Son rire s’était atténué, mais il était toujours présent. Le slave s’amusait dans son effroi, il se complaisait à nager dedans car c’était seulement dans ses moments qu’il se sentait vivant. « On est pas obligé d’en arriver là, j’aime bien te voir dans cet état. J’aimais bien fouiller ta maison, avoir ce petit frisson de suspens. C’est pour ça que je ne veux pas te tuer. Et toi ? ». Il essayait d’entamer une discussion, gagner du temps. Ses yeux regardaient le noir autour deux, la corde en face de lui pour signifier une mort imminente. Une mort dont il aurait peu de chances de s’échapper et que chaque pas en avant raccourci les dernières minutes de sa vie. S’il ne bouge pas, s’il arrête de marcher et de courir, il préserve les distances et prends une pause. Mais c’est si noir, si confus autour. Il ne voit rien hormis cette corde. Même sa perception des dimensions était brouillée, il avait l’impression de chuter dans le vide et ses genoux fléchissaient. Il avait du mal à tenir debout, mais il résistait pour ne pas enfoncer la lame dans son cou.
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Basil Egerton
Basil Egerton
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Et voilà, voilà, trop tard pour faire machine arrière. Emporté par tes émotions, par cette colère aveugle à toute raison, tu as cédé à la facilité. Drogué. Tu l’as drogué et il est confronté désormais à toutes ces choses horribles que tu lui soupires. Meredith y passe de même - c’était pourtant hors de ta volonté. Tu n’avais pas voulu lui imposer cette scène, tu avais oublié les effets de ta poussière le temps d’une seconde, l’esprit obnubilé par la lutte. Te doutais-tu seulement qu’il te verrait, abusant de son corps écorché, ne parvenant plus à réfréner tes pulsions ? Tu t’en souvenais à peine, dans ta mémoire encore ce n’était que des flashs, des flashs violents, où les sensations primaient sur les images. Le plaisir. La rage. Tu n’avais pas souri, tu n’avais pas ri non plus, lorsque son corps cédait sous toi. Ce jour-là aussi, la colère t’avait fait oublier tout le reste. Un pincement, un pincement au coeur. La différence avec Kochtcheï, celle que tu t’étais bien abstenu de mentionner, c’est que cette femme, tu l’avais aimée. Ce jour-là, le grand Basil avait flanché devant des sentiments, non seulement des émotions. La trahison, la trahison écrasant ton ventre. Tu te souviens de ses vêtements déchirés par tes mains, de son corps sans tache, son teint blafard, blafard comme un mort. Tu n’avais frappé que sa tête, d’un coup de pelle, mais avec une telle violence qu’elle s’était fendue dans un craquement sinistre. Tu te souviens de la mare de sang qui se répandait sous tes genoux, la sensation de ton pantalon trempé, l’odeur du fer. Tu n’avais pas souri, pas avant un très long moment : il n’y avait que la rancoeur, l’amertume pour animer tes gestes. Tu te souviens, des heures plus tard, de sa peau couverte d’ecchymoses, tant tu avais été violent. Tu te souviens, lorsque tu as détaché sa tête, le chaos de la scène, le chaos sur tes mains, le temps passé à la vider. Tu te souviens du dernier contact de ses lèvres, de la dernière caresse dans ses cheveux - une tête sans corps, un corps déchiré. Et jamais le moindre regret.

Tu ne te doutais pas bien sûr de ce que ton prisonnier voyait de cela. Il n’y avait pas été, il n’aurait pu se l’imaginer tel quel. Tant mieux, quelque part. Meredith, hein ? Tu as cillé, tu as senti quelque chose remuer en toi. Depuis des années, tu n’avais pas entendu ce nom d’une autre bouche que la tienne. Tu réalises seulement que tu lui as découvert une partie de toi que tu tenais encore résolument enfouie. Tu n’en avais jamais parlé, à personne d’autre qu’à ce crâne, sur ton étagère. Pourquoi cette fois, pourquoi à lui ? Parce qu’il était dans son cas, il était dans cette situation, il te l’avait rappelé comme un cauchemar, comme un mauvais souvenir, plus vivant que jamais. Lui aussi, tu l’avais introduit dans ton monde - avec cette nervosité, cette crainte du rejet, en quelques sortes, même si tu ne l’avais pas vraiment choisi. Tu te moquais en général de ce que l’on pouvait penser de toi, mais lorsqu’il s’agissait de ta passion, tu avais du mal à ne pas te sentir affecté.
Il la voit. Il ne connait sans doute pas son vrai visage, mais quelque part, il y a une forme de jalousie qui te prend la poitrine - car jamais plus tu ne seras en mesure de la voir. Tu es ébranlé, ébranlé dans tes retranchements. Et tu sens, tu sens en lui la peur, tu sens qu’il observe cet autre toi, et cet acte interdit, cet acte qui suffirait à lui seul à dégoûter n’importe quel homme, à lui faire perdre toute pitié, à souhaiter ta mort. Tu ne peux rien y faire, c’est trop tard - tu as trop parlé, c’est de ta faute, et maintenant tu es impuissant, tu ne peux rien faire sinon le laisser regarder. Tu l’enlaces si fort, tu t’y colles bien trop. Tu ne sais pas si tu regrettes ou si tu aimes ça. Peut-être que tu redoutes ce qu’il dira, ou peut-être que tu crèves d’envie de savoir ce qu’il a à en dire. Et tu sens, par le contact de son dos, l’affolement de son coeur sous la peur que tu lui inspires. Et tu sens le tien, en écho, tambourinant sous la colère, sous l’adrénaline. Deux coeurs - c’est tout ce qu’il vous reste, pour vous rappeler que vous n’êtes que deux hommes, deux crétins, deux fous dans un monde fou et trop immense. Deux êtres pitoyables, et cette sensation t’émeut.
Il tremble, il recule, il cille, il flanche. Même la plaisanterie - futile, mais non pas pour te déplaire - trahit sa nervosité et son angoisse. Tu le terrorises, et la longue liste de tes propositions n’aide sans doute en rien. Il se couvre les yeux, il ne t’exprime rien que le silence et quelque part tu sais, tu redoutes : il n’y a plus rien à faire, plus rien à espérer. Après cela, aucun homme - aucun homme ne pourrait avoir la moindre considération pour toi. Tu n’as plus le choix : le tuer. Le tuer, ou il te faudra envisager le pire. S’il ne te fuit pas, il parlera, il ruinera cette image que tu t’es créée, ou il reviendra lorsque tu auras le dos tourné, et te tuera, pour mille raisons et toutes valables. Qui sait où cela pourrait vous mener, mais tu n’as plus le choix. Il y a de la résignation, lorsque ton front repose sur son épaule, presque un soupir, un abandon. Et pourtant - pourtant, lorsque sa voix s’élève à nouveau, elle trahit un sourire que tu devines sur sa face sans le voir. Et l’émotion te prend avec une telle force que tu t’es senti trembler lourdement pendant une brève seconde. Fou, tu l’as rendu fou, à moins qu’il ne l’ait été bien avant. Son rire, son rire te fait vibrer, tu ignores de quelle façon le prendre, mais il t’arrache comme un sourire sans honnêteté. Oui. Non. Oui. Non. Est-ce que ça te plait ? Mais s’il est trop tard pour la drogue et trop tôt pour la mort, il ne reste que peu de choix en effet. Oh, Kochtcheï...

Tu ne me tueras pas. Il lit en toi. Il lit en toi comme s’il te connaissait mieux que toi-même. Même toi, pendant un instant, tu as cru que tu allais le tuer. Tu étais dans une telle colère, et tu ne voyais rien d’autre à faire, aucune autre possibilité. Sa mort inévitable, à regret. Et pourtant, pourtant non, tu ne le tueras pas. Même dans ta haine, dans ta hargne, dans ta frustration - tu aimes ce qu’il te fait ressentir, et tu veux en sentir toujours davantage. Tu aimes écraser son corps sous ton bras, et tu aimes qu’il soit encore chaud. Tu aimes le son de sa voix, tu aimes son air moqueur, sa nervosité, l’oscillation de son âme entre lumière et obscurité. Tu aimes qu’il t’étonne, qu’il te fasse trébucher sur tes suppositions. Tu aimes savoir son regard sur ce que tu as de plus noir, de plus honteux. Il est fou, mais pour qu’il te plaise tel quel, tu dois bien l’être aussi. Il s’appuie contre toi, c’est presque trop tendre : si tu n’avais pas un scalpel sous sa gorge, on aurait pu croire à une toute autre scène. Et ce n’est pas pour te déplaire, bien au contraire. Tu te tais, tu souffles plus fort, lui aussi peine à respirer. Tu te tais, tu flanches sous ses mots, tu flanches avec délectation. On s’ennuie. Tu t’ennuies Basil ? Il le sait mieux que toi. Tu sais pourquoi tu détestes les emplois du temps réguliers, pourquoi tu multiplies les activités, les emplois, pourquoi tu es toujours affairé à quelque chose, tu sais pourquoi tu collectionnes les contacts, pourquoi tu es toujours fourré quelque part, avec n’importe qui, pour faire tout et n’importe quoi. Tu sais pourquoi certains jours tu vis de nuit, pourquoi tu pousses au fond des choses, pourquoi tu n’aimes pas t’arrêter, sinon pour une tasse de thé, et durant laquelle, là encore, tu écris. Tu as peur de l’ennui, tu as peur de perdre la passion, le goût de la chose. Tu as peur de te lasser. Tu as besoin de toujours plus. Tu n’es pas las de lui, pas encore. Si tu le tues, si tu le tues c’est toi qui y perds. En fin de compte, n’aurais-tu pas besoin de lui ?

Il a raison, tu le sais, tu l’entends comme une vérité absolue. Tu as besoin qu’il vienne te voir nuit après nuit, tu as besoin de ses moqueries, de ses questions, de ses remarques, tu as besoin de cette violence, tu as besoin de la déchaîner sur lui, autant que de la contenir. Tu faiblis sous ses mots, et tout à la fois tu gagnes en vigueur. Tu le désires, tu le désires avec violence, ton bras sur lui se crispe, il s’y accroche. Oh, non, tu n’es ni calme, ni serein, tu n’es que pulsion et que rage. Professeur. Je n'ai pas de mot pour le grondement de plaisir que ce terme t'a arraché. Tu ne peux résister, tu n’en peux plus, tu es à bout. La lame se détache de sa chair comme un baiser qui se rompt, elle menace encore mais le refus est net. Peu à peu c’est moins une prise ferme que tu maintiens sur son corps qu’une véritable étreinte qui se meut en caresse - pas de douceur, des gestes fermes, qui expriment un besoin, un besoin brutal, presque dément, empli de fièvre. Ton visage dans son cou est brûlant, tu te laisses bercer par ses mots, qui te plaisent trop pour que tu envisages de le faire taire. Tu libères le scalpel qui tombe au sol dans un tintement métallique, tu enserres son torse à deux mains, tu lui baises le creux de l’épaule avec une sorte de révérence, d’adoration à peine voilée. Et si c’était un piège, si c’était une façon de te convaincre, de te faire lâcher prise, de reprendre le dessus sur toi, de t’arracher sa liberté à coup de poings ? Tu t’en moquais, tu étais prêt à prendre le risque. De toute façon, dans l’état où il était, il ne pourrait aller bien loin - mais tu ne pouvais pas le tuer. Tu aurais dû, et une partie de toi le voulait encore, mais c’était au dessus de tes forces.
Tu le sens fléchir entre tes bras, tu sens son genou plier. Peut-être sous-estimes-tu l’état dans lequel tu le mets. La peur, la douleur, l’angoisse, la drogue. Peu t’importe son épuisement, et d’ailleurs tu aurais plutôt tendance à en profiter. « Je ne veux pas que ça s’arrête ». Enfin un peu de franchise, non pas envers lui mais envers toi même. Comme un Hadès renonçant à l’âme d’un défunt, comme un collectionneur qui se prive d’une de ses meilleures pièces. Ta voix est brusque, et pourtant rien d’autre qu’un murmure, un souffle - un souffle chaud comme un cratère de volcan. « Je ne te laisserai pas partir, à moins d’être sûr que tu me reviennes. » Tu respirais le besoin et l’excitation à un point tel que tes mots prenaient des airs de déclaration. Tu as desserré ta prise un moment pour la renouer sous ses vêtements, répondant à ton besoin d’entrer en contact avec sa chair. Tu sens son pouls, son coeur, son agitation, sa détresse. Tu ressens tout, tu ressens la vie, sous la paume de tes mains. Et toi, l’amoureux de la mort, tu ne sais pas pourquoi mais ça te plait. Tes mains s’y écrasent, le pressent contre toi. Tu le fais plier, tu l’entraînes avec toi, à genoux - il pourrait tendre la main, se saisir de cette arme, mais tu t’en fous. Tu le saisis fermement à la ceinture, tu t’empresses de l’en débarrasser, tu n’attends pas d’accord ni d’aval - tu t’en moques, tu ne veux même pas de son avis, tu aurais presque envie qu’il ne t’y autorise pas pour l’y contraindre. Il aime te voir dans cet état, ne venait-il pas de l’admettre lui-même ? S’il voulait le voir, il lui faudrait assumer les conséquences, voilà tout - et il avait déjà la chance que tu aies renoncé à l’entailler de toutes parts. Tu n’étais pas un homme cruel, Basil, seulement un homme en colère - et un peu trop extrême.
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basil & shura

L’horreur de la scène le rendait haletant. La terreur réclamait une quantité d’oxygène plus conséquente, quantité à laquelle ses poumons essayaient de répondre en augmentant son rythme cardiaque. Mais qui dit respiration accélérée dit aussi poudres inhalées, et un état qui n’allait pas en s’arrangeant. Kochtcheï devait calmer ce flux, mais comment faire face à tel spectacle ? Ses yeux étaient rivés dessus, sa conscience lui ordonnait de détourner le regard. Il ne pouvait pas, chaque angle retranscrivait la même image, l’empêchant ainsi d’y échapper. Elle ne pouvait même pas crier, se disait-il. Un peu de pitié, beaucoup de dégouts et énormément de questions. Pourquoi ? Comment ? Comment pouvait-on en arrivait là ? Elle était accolée dans ce qui semblait être son propre sang, flot majestueux qui dessinait une rivière carmin sur le carrelage noircis. Sa carcasse ressemblait à une poupée dont la seule animation était un rythme saccadé. Un rythme violant, brutal, dont le fossoyeur était l’auteur. Les mots lui manquaient pour décrire ce qu’il ressentait. La terreur n’était plus à prouver. Une peur horrible qui tiraillait ses entrailles à tel point que cela le faisait sourire. La frayeur et l’incapacité de bouger. De fuir tant ses jambes étaient tétanisées face à ce spectacle. L’une des raisons pour laquelle il ne se débattait pas hormis quelques mouvements de recules. Il reculait, il avançait. Il regardait ses pieds et les images se froissaient, se déchiraient. Un son strident, sourd, avec quelques variantes plus aiguës parvenaient à ses oreilles. Elle demeurait là, et le silence avait fini par dissiper les images. « Enchanté » souffla-t-il, sa voix bloquée et étouffée, incapable de dire plus puisque son hôte n’avait pas rien répondu à sa question. Pourquoi était-il enchanté ? Quel sens avait-il donné à ce mot exactement ? Kochtcheï lui-même ne savait pas. Il ne savait pas s’il était enchanté d’avoir pu assister à un tel spectacle, ou bien s’il était enchanté d’avoir pu connaître le crâne de la chambre dans toute sa splendeur. Le silence de son bourreau commun l’avait mis sur la piste ; il ne la voyait pas. Commun car il se doutait que son sort n’allait pas être plus fleurissant que celui de la jeune femme. Bien qu’il espérait au fond ne pas avoir à passer par l’étape “mort” et vivre. Même s’il allait devoir continuer d’écouler ses jours avec de telles images en tête. Devait-il avoir pitié ? Non, il voyait ceci comme une punition divine. Il l’avait bafoué, humilié, torturé sans qu’elle ne puisse se défendre. Il ne méritait pas de poser de nouveau les yeux sur elle. Le slave cherchait du regard ce qui lui sautait aux yeux sans le voir.

Il cherchait l’auteur des tableaux suivant, avant masquer ses rétines. Chacune des propositions qu’il lui avait faites s’illustrait, comblant quelques secondes ce tableau noir. Il ne voulait surtout pas les voir, pas après ce qui venait de se dérouler devant lui. Au fond, il savait que ce n’était pas réel, que ce n’était qu’un cauchemar. D’horribles hallucinations qui lui donnaient à la fois l’envie d’hurler, de pleurer, de crier, de rire, de s’exclamer, de fuir, et de rester. Il ne pouvait pas se mouvoir, et il ne voulait pas user de ses vocalises pour lui faire plaisir. Ses doigts s’écartaient un peu, il se voyait, son propre reflet sans âme, à la place de cette pauvre femme. Les mêmes tableaux, la mort, l’humiliation, c’est à ce moment qu’il eut le déclic. Qu’il s’était rendu compte de l’irréalisme des scènes. Ou bien de son propre irréalisme. Les images se dédoublaient, sa tête tournait encore et encore, la douleur faisait partie des sens absents, échappé avec la raison. Il s’était mis à rire, à rire comme si sa vie en dépendant, car il est fort possible que ça soit le cas. Elle ne dépendait plus de grand-chose, la lame le lui rappelait un peu plus chaque seconde. Il sombrait, il délirait. Il le savait quelque part, il sentait ce contact dans son dos, cette présence plus qu’envahissante sans qu’il ne lui laisse entrevoir son visage. Kochtcheï s’en complaisait secrètement, il appréciait. Pourquoi tardait-il tant à écourter sa vie ? Parce qu’il n’y avait aucune volonté dans son geste.
Et ça, il n’avait pas tardé à l’en lui faire part. Sa main s’était baissée, découvrant de nouveau ses yeux. Le sang du décharné précédemment récolté venait peindre son visage, ajoutant un maquillage supplémentaire à ses yeux déjà noircis. Des larmes vermeilles, des larmes qui ne coulaient pas de ses yeux car absentes, et qu’il avait remplacé inconsciemment avec son geste et la traîné qu’il laissait derrière ses doigts. C’était chose faite, en quelque sorte, grâce à ses traces d’hémoglobine séchait où son propre sang se mélangeait à celui de l’autre plus ancien. Sa gorge était sèche, sa respiration entravée, et il tenait difficilement sur ses jambes. Il continuait de parler, prenant appui sur la seule chose assez proche pour le faire : son hôte, ignorant dorénavant la lame sur son cou. Elle s’était stoppée. Kochtcheï voyait le noir, et tout comme les mots menaçants de son hôte, le scalpel avait cessé de tracer son chemin. Bien, il ne lui en avait pas fallu plus pour deviner que le scientifique écoutait ses paroles. Ça ne faisait qu’encourager son sourire et il continuait. Il continuait de dicter sa théorie et sa confession, se laissant bercer d’une certaine manière. Il ne savait pas si c’était vrai, il ne savait pas si c’était faux.

Il avait relevé le silence : « Tu ne dis plus rien, aurais-je vu juste ? ». De nouveau, son rire avait retenti. Un rire étouffé par la suffocation, l’étouffement provoqué par l’amas de paillettes ingérées et agglutinées dans sa gorge. Ses yeux avaient basculé vivement derrière lui, puis devant lui pour voir si la corde était toujours présente. Elle s’effaçait lentement, ainsi que la fraîcheur du métal sur sa jugulaire. Pourtant, il n’y avait aucuns signes de soulagement sur son visage. Il demeurait toujours aussi tendu, aussi méfiant et aussi amusé. Il avait vu juste, rien ne pouvait le satisfaire d’avantage. Avoir raison face à celui qui démentait tout, quelle bouffée d’air frais. Un soulagement qui n’avait duré que quelques secondes. L’étreinte s’était resserrée, son souffle s’était rompu face à la fermeté des caresses qui l’envahissait. Un sentiment de malaise naquit dans ses yeux arrondis. Sa voix était coupée et hésitante, il n’y avait plus de phrases et concise qui traversaient sa bouche. Entravé d’une autre manière, Kochtcheï ne savait où se concentrer. Sur ces images devant lui, tel un tableau abstrait où plus rien de clair n’apparaissait. Ou bien sur ses mains baladeuses qui le parsemaient et qui lui procurait une affection empoisonnée. Il fermait les yeux, savourait le bruit du métal rejoignant le sol et il cherchait. Ses mains étaient descendues au niveau de son torse pour chercher à saisir ce serpent qui s’amusait à se promener. La deuxième était partie en arrière pour retirer le souffle chaud, mais sa gestuelle était engourdie. Elles exploraient péniblement tandis que leur propriétaire grimaçait et souriait à la fois. Il avait fermé les yeux. Sa vue était inutile, faussé, il n’y avait pas de raisons pour garder les yeux ouverts. Il préférait se concentrer sur l’audition, sur ce qu’il entendait. Il ne voulait pas finir comme elle.

« On est d’accord sur un point, alors … ». Ce baiser au creux de son épaule l’apaisait autant qu’il l’angoissait. Kochtcheï n’était plus maître de son corps, ni de son esprit. Quelque part, le bon se maudissait, se détestait et se mettait en colère contre lui-même. Ses tremblements continuaient, et il sentait ces mains froides le parcourir et rejoindre le dessous de ses vêtements. Un nouveau frisson le prit, un frisson d’angoisse cette fois. Une frustration grimpante qui se manifestait d’avantage lorsque ses genoux s’étaient posés sur le sol. Il était accompagné, il n’était pas seul. Le sous-sol, l’escalier, la pièce aménagée, les bocaux de formols, tout se reconstituait devant lui. En les voyants dédoublés, floutés, il se demandait si c’était réel ou bien si c’était une autre hallucination. Est-ce que … « Est-ce que tout ceci était réel, ou non ? » Sa bouche avait jeté cette phrase sans se rendre compte. Quelques mots soufflés péniblement, tandis que sa tête était difficile à porter. Elle vacillait de gauche à droite, d’avant en arrière. Elle respectait un chemin tracé en cercle très précis, et sa nuque craquait parfois. En l’entendant céder, il avait porté sa main sur sa blessure, effleurant de ses doigts le visage tachetés de son hôte. Kochtcheï avait frissonné. Frissonné à cause de ce souffle chaud près de son oreille, frissonné à cause de ses mots. Je ne te laisserais pas partir, le slave perdait son sourire. Revenir au point de départ, après tout ça c’était … décevant ? Il n’en savait rien. Il ne savait pas s’il avait envie de partir dorénavant. Il ne savait pas s’il en était capable. Ses doigts étaient revenus devant son visage et il les avait portés à ses lèvres pour gouter le liquide rougeâtre sur le bout de ses doigts. C’était bien son sang, et son goût n’était pas détraqué. Du moins, il l’espérait. Car le cauchemar dans lequel il nageait n’en serait que plus crédible et plus effrayant encore. Quoi que, ça l’excitait.
L’une de ses mains avait pris appuie sur la marche invisible de l’escalier, la seconde cherchait à stopper celles qui se promenaient librement sur sa peau. Les images. Les scénettes de cette femme le hantaient encore, il s’était mis à trembler. Il ne voulait pas finir comme ça. Ses paroles précédentes n’étaient pas du vent, il aimait le voir ainsi. Il aimait voir son vrai visage, il ne le jugeait pas pour ce dernier. C’est justement parce qu’il aimait, qu’il détestait. Sentant sa ceinture être défaite sans qu’il n’y soit pour quoi que ce soit, sa main était venu stoppée celle qui venait de se permettre une telle liberté. « Tu es sérieux ? Après ce que j’ai vu ? ». C’était une question, une simple question. Il n’y avait ni moquerie, ni remontrance, ni air blasé dans cette celle-ci. Juste une question qui voulait une réponse claire, encore une fois. Tout comme celle qu’il avait posé un peu plus tôt sur son envie de le tuer. C’était tout comme, il allait le tuer de l’intérieur s’il faisait ça. C’était… réel, ou bien une illusion, encore ? Il ne savait quoi dire, il avait à la fois chaud et froid. Chaud d’envies, et froid de craintes. Kochtcheï était totalement perdu, totalement à la merci de son hôte et il en avait honte. Sa tête s’était baissée, les doigts de sa main libre s’étaient crispés. Il ne pouvait ni appeler à l’aide, ni lutter. Ses forces l’avaient abandonné, il arrivait tout juste à maintenir son emprise sur le poignet de ce bourreau. « Je ne dirais rien, je te le jure si tout ce que j’ai de plus cher... Si c’est réel, je… ». Ses propres désirs l’étouffaient en plus de sa suffocation. Il sentait ses joues s’empourpraient et il refusait de les laisser s’échapper plus que cela. Ses doigts ensanglantés passaient de nouveau sur son visage, venant frotter ses yeux. Qu’est-ce qui était vrai ? Qu’est-ce qui était faux ? Il s’était redressé, penchant de nouveau la tête en arrière, laissant le démon commander. Son arrivé était remarquable sur le visage du slave, c’est lui qui le faisait sourire et rire de la situation. C’était lui qui se plaisait dans cette situation. C’était lui qui lançait un regard remplit de défis à Sir Egerton. C’était lui, tout court. Il avait beau le refouler, c’était décidément trop tentant de jouer avec le feu.
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Basil Egerton
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Tu n’avais pas la moindre trace d’hilarité sur ta face. Tantôt peut-être, un sourire, un haussement de sourcil, un frisson, une lèvre mordue, pincée, de la colère, du désir. Mais Kochtcheï, lui avait ri. Comme un dément, comme un malade, comme si sa vie en dépendait, comme s’il n’avait plus que cela pour se raccrocher au monde car tu lui avais tout arraché. Comme un réflexe physique sous le coup de la peur peut-être, ou quelque chose d’inconscient - peut-être étaient-ce les nerfs qui lâchaient, qui sait si ce rire ne l’aurait pas mené aux larmes. Tu avais du mal à le saisir pleinement, tu ignorais si c’était la moquerie, la détresse, la joie ou autre chose - peut-être un peu tout cela, et de la folie surtout. Peu t’importait : c’était davantage à ses mots que tu prêtais attention, et je crois qu’à choisir, tu aurais mieux aimé qu’il ne rit pas, et qu’il continue de rapiécer ta couverture, tes apparences, tous ces mensonges par lesquels tu cherchais vainement à te rendre respectable, quand tu n’étais finalement qu’un hors-la-loi. Pourtant tu aimais mieux l’entendre rire que de le savoir abruti par la peur et incapable de penser, c’était mieux qu’une fuite, qu’une succession de mouvements brusques et désordonnés, qu’une série de réflexes à seul dessein de te jeter le plus loin possible de lui. Son corps pliait sous le tien, et son rire était sa dernière arme, son dernier recours pour t’écorcher - relativement inutile, il faut le dire : il pouvait bien continuer.
Il avait pourtant déchanté peu à peu, et déchanté tout à fait. Sitôt que ce n’était plus la mort qui lui fendait la gorge, mais ton désir qui menaçait, piétinait son espace vital, sa gaieté s’évanouissait dans un silence de malaise et d’appréhension. Peut-être à cet instant aurait-il préféré avoir tort. Peut-être aurait-il préféré que rien de tout ceci ne soit vrai, que tu disparaisses, que tu te lasses de lui, ou peu importe. Peut-être aurait-il préféré la mort plutôt que tu le brises de cette manière. En tout cas, il ne riait plus. Te désirait-il ? C’était difficile à dire. Les signes qu’il te donnait étaient libre à ton interprétation. La main qu’il porta sur la tienne et la seconde qui chercha à te repousser - chacune d’elle ressemblait davantage à une caresse qu’à une véritable lutte. Tu étais en mesure de comprendre leur intention, mais elles étaient dénuées de force à ce point que tu prenais plaisir à sentir leur contact, leur vaine tentative. Cette faible pression, cette prise qui ne t’arrêtait en rien, cette maigre résistance qui te donnait l’envie de renfoncer ses retranchements et de le posséder tout entier, le plus violemment du monde. Tu voulais qu’il lutte encore, qu’il lutte pendant que son corps appellerait le tien. Immoral - mais c’est un terme qui te définit assez.

Il était devenu plus silencieux à son tour. Tu ne dis plus rien, aurais-je vu juste ? Tu aurais pu lui rendre sa précédente politesse, et tu le prenais comme une absence de refus. Il frissonne sous tes caresses, lorsqu’il ne tremble pas tout à fait. Tu ressens cet ébranlement dans sa respiration, son souffle imprime le moindre mouvement. Tu n’as pas eu besoin de drogue pour oublier le monde - ton esprit entier est focalisé sur lui, plus rien d’autre n’importait, et l’on aurait pu vous surprendre que tu ne t’en serais probablement pas rendu compte. Il est presque trop facile à manier. Il a peur, il est terrorisé oui, mais son corps te répond et supplie presque, appelant cet ersatz de tendresse, ce moindre mal que tu lui offres. C’est une poupée de chiffon entre tes mains, qui dodeline, que tu ballotes - comme un mort dont le corps serait resté brûlant, un mort conscient et capable de ressentir, d’exprimer émotions et sensations, mais sans jamais lutter pour autant. La suffocation et l’angoisse le portaient à un état sans doute trop proche de la mort pour son propre bien - mais toi, bien sûr, tu idéalisais cette situation. C’était presque trop bon pour que tu te le permettes. Et pour un homme adepte de plaisir et d’immoralité, impossible de résister à cet appel de la chair. Il délire. Il te demande si tout ceci est réel - mais quel est ce tout ceci ? Ce pourrait être aussi bien les hallucinations que toi, que pouvais-tu bien répondre à une pareille question. Un effleurement sur ta joue, une caresse involontaire qui te jette hors de tes gonds, te porte dans l’incapacité de pleinement réfléchir. Tu n’avais pas la tête à lui expliquer le pourquoi du comment, tu lui répondis brièvement, avec une forme de précipitation brusque : « Tu le sauras lorsque la poudre aura cessé de faire effet ». Il n’y avait pas à débattre avec un esprit sous psychotropes. Essayer de démêler le vrai du faux, tandis que tu ne peux que supposer sans la moindre exactitude ce qu’il a vu, relève de l’impossible.
Tu poursuis tes avances sans considération, son refus devient clair pourtant. Il ne voulait pas de toi. Penché en avant, prenant appui sur une marche qu’il ne voyait peut-être même pas, sa main sans force tâchait de se débattre contre l’invasion des tiennes. Il te repousse, c’est tout à fait net. Sa voix est fébrile, hésitante, elle t’interroge et tu y cherches un double sens, mais ce n’est sans doute que la peur. Il ne veut pas. Il ne veut pas que tu le touches de cette manière, mais sa résistance est trop douce. Il ne te dit pas non. Il n’ose te dire non à aucun moment, et le souvenir de ses frissons reste ancré dans ta peau. Vraiment, il ne veut pas de toi ? Mais cette oscillation, ce conflit interne ne fait que t’exciter davantage. Tu prends plaisir à sentir sa main écrasant la tienne tant bien que mal, essayant de la retenir, de la freiner. Tu aimes le sentir céder, timide devant ses propres sensations. Il t’interroge - comme s’il ne connaissait pas déjà la réponse, mais ce que tu as l’intention de faire, c’est une évidence. Tu es sérieux ? « On ne peut plus sérieux. » Elle est chaude et ferme - ta voix. Un peu plus forte que précédemment : tu veux l’écraser sous le poids de ta certitude, tu le mets au défi de te dire non, n’a-t-il pas assez peur encore ? Qui sait ce que tu lui ferais subir s’il te refusait clairement. Comme si ça allait t’arrêter. Il lutte contre ton poignet, tu t’en fous, tu t’obstines, tu ouvres son pantalon. « J’ai envie de toi, Kochtcheï. Estime-toi déjà heureux d’être en vie. » Il y a de la menace, tu ne te fatigues pas à le cacher - elle gronde dans les tons graves, dans l’impatience au fond de ta voix. Tu pourrais lui dire de te lâcher, mais il faut avouer que tu adores ça, le sentir résister.

Mains froides, sang tiède et corps ardent. Tu tires à ses genoux tous ses moindres vêtements. Je ne dirai rien je te le jure, tu jubiles - il a l’air de supplier, il a l’air de tellement de choses. Il a honte, pourquoi sinon tâtonnerait-il de la sorte. Chaque mot se traduit pour toi comme un signe de faiblesse, un signe qu’il renonce à te résister. Il sait qu’il n’y échappera pas. En te promettant de garder le secret - c’est presque comme s’il t’encourageait à le faire, comme s’il t’autorisait tout ce qui pourrait te traverser l’esprit. Tu pourrais lui infliger tout et n’importe quoi, par ces quelques mots, il s’était donné sans condition. Un sourire fugace sur tes joues creuse tes fossettes, tu caresses comme un voile le creux de sa cuisse, dessinant d’un rouge luisant un présage funeste du bout des doigts. Il se redresse, comme pour revenir à toi, pour que tu le maintiennes encore - mais tu l’expédies derechef à quatre pattes sans plus de cérémonie. Et intimement tu l’empoignes, avec fermeté, avec possession, pressant ton pouce comme un carcan, ramenant son bassin au contact du tien pour une étreinte tenant davantage de la lutte. « Tout ce qui a lieu cette nuit restera dans ce sous-sol. » Tu te penches sur lui, tu l’enserres contre ton corps une fois encore, le désir alourdissant ta voix. « Mes petits secrets, mes crimes, mes actes… » Tes caresses ne sont qu’un jeu de domination, de contrainte physique. Tu lui refuses presque le bien-être, tu lui défends de prendre ses aises - au lieu de ça, tu l’excites, tu joues de compression et de détente.
Tu captes le changement chez lui, tu saisis l’instant précis où il a cessé toute résistance. Un regard, un sourire, un dément. Tu te redresses en le dévisageant, un quelque chose de hautain, un quelque chose d’amusé - le défi, tu es plus que prêt à le relever. « Personne ne saura ce que je vais te faire, et personne ne le saura si tu y prends du plaisir. » Tu l’avais relâché tout à fait en prononçant ces mots, te libérant enfin de l’étreinte de tes vêtements. Il faut bien l’avouer - c’était aussi pour ce plaisir inavoué et un tant soit peu masochiste que tu aimais les pantalons serrés. Ton col aussi, tu le détachas d’un ou deux gestes, envoyant plus loin le papillon qui le maintenait encore sanglé. Finalement, c'est encore de son torse que tu arraches le tissu, la peau appelant la peau et voulant flatter tes yeux de ses frissons tâchés d'encre. Et tu reviens à lui, tu lui rends le contact de tes mains - tes mains ensanglantées, tu es certain qu’elles commençaient à lui manquer un peu. Tu lui saisis les hanches, puis la taille, puis les côtes, tes ongles l’écorchent sur toute la longueur, tu t’en moques, ce n’est pas déplaisant à l’oeil. « Cambre-toi. » Un ordre, l’ordre d’un homme habitué à la domination. Tes pouces dans le creux de son dos lui indiquent la posture par une caresse un peu tendre - s’il refuse, c’est à lui-même qu’il devra rendre des comptes.

Tu n’as pas envie d’attendre plus longtemps, tu te fous de le préparer davantage. Tu n’es pas là pour son plaisir mais pour le tien, pour ce besoin de libérer la frustration qui te comprime les tripes et te rend mauvais. C’est de sa faute. C’est de sa faute et c’est pourquoi tu le fais payer de cette manière. C’est un objet, un exutoire, et tout à la fois non dénué d’intérêt. Ce n’est pas un mort, ce n’était pas Meredith - c’était Kochtcheï, une distraction qui était loin d’être déplaisante. Ce n’était pas un mort et tu n’ignorais pas ses réactions - tu les lisais, et quel plaisir était-ce de les lire, en vérité. Le sang, le sang de ton crime, et celui du sien, du sang qui coulait encore, qui tâchait vos corps et le sol. Ce sang qui vous lavait les mains, à force de caresses vous en étiez couverts et ce n’était même pas le tien. Il sèche vite, il accroche - il est encore mouillé sur tes doigts. Sa seule préparation - une maigre compensation. Tantôt, tu le pénètres jusqu’à l’âme et tu le fais trembler. Pas de violence la première fois, ni la seconde d’ailleurs, rien que de la fermeté. Mais ce n’est qu’une question de temps, et tu ne tardes pas à changer d’allure pour le faire crier.
Tu guettes le plaisir, tu le pourchasses, tu le fais monter. Chez toi, en tout cas - pour lui, qu’il se débrouille pour y trouver son compte. Tu l’utilises, tu l’utilises mais tu ne l’oublies pas. Tu sondes, sous tes mains, sous tes griffes, sous tes doigts, le moins frémissement de peau, la moindre faiblesse évidente que tu puisses caresser en contraste. Violence. Violence mais tu as soif de contact, et lorsqu’il te manque trop, tu te penches sur son dos une fois encore, tu le surplombes et tu l’écrases. L’humidité de tes lèvres qui effleure sa nuque, qui s’accroche au creux de ses omoplates. L’adoration de ses épaules, sa peau blanche, trop blanche ou trop noire - tu la mords, tu la tâches de rouge là où elle ne l’est pas encore. Des mouvements brusques et des attentions douces, ou l’inverse, selon. Tu sais qu’il étrangle, tu sais qu’il étouffe, sans doute - tu sais que tu lui fais mal aussi, mais pour toi, douleur et strangulation ne font que décupler la jouissance, et tu ne te freines pas dans cette possession. Tu n’as pas peur de le marquer, de le ponctuer de souvenirs - tu sais être en mesure de les effacer en peu de temps, mais tu envisages un peu de les lui laisser. Et ton souffle, ton souffle ardent et rapide contre la chair de son dos, et ta voix qui y perce comme de force pour exprimer tes sensations. Combien de temps, combien de temps - sans doute trop peu, tu n’en auras jamais assez. Et tu t’accroches à lui, tu t’accroches pour ne jamais le relâcher.
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I'D LIKE TO FIND OUT WHAT HE'S HIDING
basil & shura

Il était une fois un connard trop curieux qui l'avait payé cher. Un pauvre idiot qui, tel Icare avec le soleil, c’était approché trop prêt du soleil à tel point que ses ailes avaient brulé. Il n’avait pas fier allure, cet ignare, ce demeuré qui n’était même plus capable de différencier le vrai du faux. Il riait, mais sans aucune raison. Ainsi donc, pas besoin de la chercher. C’est la confusion qui s’exclamait à travers son hilarité. Une soupape pour décompresser cette accumulation de sentiments. La peur, la frustration, l’angoisse, la terreur, le stress, tout ceci était en trop grande quantité. Il n’avait pas l’habitude de ce genre de situation. Pas à ce degré de malignité. La mort avait de nouveaux habits, un petit côté british troublé et illuminé qui, de toutes évidences, le surprenait bien qu’il ne l’admettait pas. Il ne s’attendait pas à tout ceci, à toutes ces horreurs. Serait-il pourvu de larmes ? Ou bien ses lacrymales étaient asséchées depuis trop longtemps ? C’est à voir, une expérience qui pourrait être enrichissante et dont il avait hâte de constater le résultat. La menace n’était plus la même, elle avait pris une toute autre forme. Une version différente qui ne le faisait plus rire. Sa démence s’était arrêtée, aussi soudainement qu’elle avait commencé. Ses yeux s’étaient arrondis, grand ouvert. La frayeur prenait dorénavant toute la place dans son esprit et il avait envie de s’effondrer. Kochtcheï remuait la tête de droite à gauche lentement, et ses yeux s’étaient teints de supplications. Non, non demandait-il du regard alors que ses doigts resserraient leurs étreintes.
Oui, il aurait préféré avoir tort. Que rien de ceci ne soit vrai, qu’il disparaisse, qu’il se lasse de lui. Qu’il l’oubli, ou bien qu’il l’enferme ici jusqu’à la fin de ses jours s’il n’y avait que ça. Tout sauf la mort, et le compromit y ressemblait affreusement. Il allait le bruler de l’intérieur. Rien que d’y songer, il se sentait envahis par un malaise profond. Une déchirure dans son âme, et dans son cœur. Dans ce genre de circonstance, il se rendait compte à quel point il n’était pas si insensible que cela. Que même s’il la détestait, elle était bien présente, cette faiblesse. Celle dans lequel il baignait depuis que cette fichue poudre avait pris possession de ses sens. Il gesticulait péniblement, montrant que malgré l’étau que représentait les bras de son hôte, il ne voulait pas. Il refusait d’être sa chose, étouffant des jurons imprononcés. Il était furieux contre lui-même, furieux d’avoir pu penser pouvoir s’échapper. Il avait la haine, cette dernière faisant battre son cœur à un rythme affreux. Elle semblait faire la course avec sa terreur, il détestait avoir peur et se sentir faible. Il détestait quand ses jambes ne répondaient plus. Qu’elles refusaient de le porter pour qu’il court et s’enfuit. Ses genoux restaient cloués au sol, quoi de plus frustrant. Et il était bien trop défoncé pour en faire part à vive-voix, quelle tristesse. Pauvre connard trop curieux, c’était une affreuse punition dont il n’était même pas sûr de mériter. Il était le juge bâillonné, pesant le pour et le contre, évaluant lequel des deux était la pire ordure.

Même ses mains ne l’obéissaient plus, sales traitresses. Ses gestes étaient trop doux, trop engourdis, pas assez fermes. Ses phalanges caressaient plus qu’elles n’agressaient, sa chute semblait interminable. Il n’était plus maître de ses envies, il souhaitait brider autant le scientifique que lui-même. Il ne devait pas. Serait-ce une obligation ? Il avait horreur des obligations, se prenant au piège de sa propre philosophie. Elle était misérable, sa ligne de conduite, dans cette antre. Il ne pouvait pas se défaire de caresses et d’accolades, comment pouvait-il prétendre être libre ? Lui non plus ne disait plus rien, il ne faisait que résister, constater l’envol de sa fierté avec le sourire. Sourire faux, sourire forcé, sourire contraint, il n’avait même plus envie de le chercher. Il ne le cherchait pas auparavant, si ? Un tout petit peu, involontairement. L’un d’entre elle soutenait son appui sur la marche invisible de l’escalier, refusant d’être couché face à un tel adversaire. Il ne voulait pas mourir, il ne voulait pas être détruit, il ne voulait pas être salit par un cet odieux personnage. Il avait envie d’écraser son poing sur le sol, d’extérioriser sa rage sourde, mais rien ne s’était produit. Rien hormis quelques faibles mouvements. Il peinait à rester droit, il vacillait. La deuxième avait attrapé son poignet, faisant signe qu’il lui interdisait d’aller plus loin. Interdire était encore un mot trop faible, tout comme sa voix et sa question. Une vocalise étouffée par la honte et par le mal être. Oui, le ronchon, le téméraire, l’audacieux et le froid Kochtcheï devenait fébrile quand sa pudeur était en jeu. Lorsque son propre corps devenait objet de désir. C’est honteux, n’est-ce pas ? Un vieux cauchemar, un programme implanté dans son esprit et encré dans sa peau. Son bourreau remuait le couteau dans la plaie, revenait à l’assaut alors qu’il peinait à respirer avec tout cet afflux d’angoisse. Il n’osera plus se regarder en face pendant un petit moment après ça, mais il crevait d’envie aussi. C’était un homme avec des désirs et des faiblesses.
Estimes toi déjà heureux d’être en vie, en vie ? Il allait mourir. Mourir de honte, mourir d’abnégation car il a choisi l’option de vivre. Sa tête hochait de gauche à droite encore, il refusait sans user de sa voix. Qu’en sera-t-il s’il disait clairement non ? Il repensait à cet homme qui l’attendait, pourrait-il le regarder en face, lui-aussi ? Non. Il y avait trop de pression, un poids trop lourd sur ses épaules. Il se sentait démuni, rabaissé plus bas que terre alors que son cou se tendait face à ces signes d’affections. Il en voulait sans les vouloir, il les prenait en les refusant parce qu’il ne voulait pas y prendre gout. Ses tremblements s’étaient intensifiés. Kochtcheï tentait de les canaliser et de négocier encore. C’était une demande informulée. Une demande sèche, mais honnête. Depuis le début, il ne comptait pas user de ce qu’il avait vu contre lui. Lui qui était en train de le mettre à nu. Estimes toi déjà heureux d’être en vie Kochtcheï ; il pourra vivre, qu’il soit heureux !

Il ne se sentait pas bien, son état léthargique masquait beaucoup les émotions qui se battaient à l’intérieur et qui l’épuisait d’avantage. La poupée à peine vivante était heureuse quelque part et il se contentait d’user de cette satisfaction comme d’un phare. Il s’était redressé pour être sûr de le voir, affichant ce sourire à la fois inquiet, moqueur et séducteur. Un dément qui avait été renvoyé à la position ingrate d’à quatre pattes sur le sol, effaçant ainsi son esquisse. Ses yeux verts cherchaient l’auteur de cet attentat, l’origine de ses mains qui avaient percé son cocon d’intimité. Il jouait, jouait de sa position et de sa faiblesse tandis que l’impression d’être prisonnier l’affublait et lui donnait encore plus envie de se débattre. Sans grand succès d’ailleurs, il n’y mettait pas du cœur, il ne pouvait plus. « Oui, oui… a-arrêtes ça,… s’il te plait ». Il essayait, encore et encore, de négocier sa liberté, jusqu’à la dernière seconde. Allant jusqu’à user de politesse, mais est-ce que celle-ci était sincère ? Pas du tout, il n’était pas sûr lui-même de vouloir l’arrêt de cette scène. Ses mains ne tenaient plus rien hormis les quelques gouttes de sangs sur le sol. Son souffle s’était réchauffée, ses envies prenaient les devants. Pas même celle qui avait entravé le parcours de la sans-gêne, il avait cessé toute résistance. Ses doigts étaient venus à ses yeux, frottant ces derniers. Ce n’était qu’un cauchemar, un horrible cauchemar dont il allait fini par voir la fin. Ses mains tremblaient tandis que son propre sang s’écoulait le long de son cou pour s’éclater contre le sol. Pitié que ça s’arrête, un moment de flottement où il a cru que son vœu s’était exaucé, mais dont les paroles le rendaient méfiant. Il reprenait une bouffer, il reprenait pied, il reprenait ses craintes et ses angoisses. Du plaisir ? C’est ce que la chaleur de son corps pâle traduisait, mais ce n’est pas ce que criait sa dignité. Il était tout à fait conscient qu’il allait devoir la mettre de côté. Il a cru que cela s’était arrêté avant que les derniers morceaux de tissus ne tombent pour lui rappeler que non, que cela ne faisait que commencer. A croire qu’il ne l’avait pas écouté, qu’il nageait bien trop dans la plénitude malsaine pour se montrer attentif. Il n’y avait plus que le contact physique qui importait et qui le maintenait éveillé.

Les griffes frottaient sa peau dans toute la longueur de son parcours, rappelant sa courbe et le rapace se permettait de lui donner un ordre. Il n’avait même plus ses habits pour limiter le contact, sentant à quel point sa chemise lui permettait de se sentir à l’aise en temps normal. Des aises qu’il n’avait plus depuis quelques secondes qui s’écoulaient comme des heures. Les mains réchauffaient par le liquide rougeâtre lui rappelait ô combien il n’était pas sorti d’affaire, qu’il était pleinement possédé et il se sentait tellement mal. Sa tête chancelée et acquiesçait involontairement. Cambre-toi, un ordre qui l’avait fait frémir en plus du froid que seul le corps du scientifique comblé. Fais-le, c’était une obligation à ses oreilles. Une obligation qu’il digérait mal. Vas-y, tu t’en remettras, il n’en était pas sûr. Pendant quelques secondes, sa conscience résistait et tranchait la question. Il ne voulait pas obéir. C’était d’un naturel chez lui, ce n’était pas un bon élève. Mais s’il ne le faisait pas … Oh mon dieu, qu’est-ce qui lui arrivera s’il ne le fait pas ? Il était aidé, il n’avait plus qu’à. Aussi, son dos avait plié tout comme ses genoux un peu plus tôt. Il s’était cambré, sans que la pose ne soit victorieuse. Au contraire, elle était même plutôt honteuse. Kochtcheï avait fermé les yeux pour rendre sa soumission pour digérable et ne pas voir son geste. Qu’est-ce qu’il ne ferait pas pour vivre ? A ce stade, la question ne méritait pas d’être posée. Elle était inutile.
Il ne se sentait pas prêt, et ses bras tremblés alors qu’ils supportaient le poids du haut de son corps. La peur le rendait aussi docile qu’un chien et la comparaison n’était pas hasardeuse. A une différence près, c’est qu’il n’éprouvait aucune fierté. Puis, son bourreau s’était introduit, les liants ainsi par la chair, perçant tel un coup d’épée autant son âme et son cœur que son corps et sa fierté. Ses doigts s’étaient raidis d’une telle force que s’ils le pouvaient, ils auraient laissé leurs marques sur leur support. Koctcheï grimaçait à cause de cette intrusion, et il n’avait plus de mots. Sous le tremblement de ses bras, il avait fini par flancher et revoir son appuie pour le mettre sur ses coudes. Il souffrait, autant psychologiquement que physiquement parlant. Il sentait son âme être déchirée, réduite en miette, lobotomisée au moindre à-coup. Un souffle chaud s’était échappé d’entre ses lèvres, il suffoquait. Ses sentiments l’étouffaient, sa voix se serrait et il n’avait aucune envie de crier pour lui faire plaisir. C’était une forme de heurts, des coups de rein qu’il devait encaisser sans flancher ni écouter la voix de la déraison et de la débauche.

Son visage était au plus près de cette flaque de sang où les odeurs de fer envahissaient son odorat. Ses joues s’empourprèrent sans qu’il ne puisse y faire quoi que ce soit. Il n’y avait que ses épaules quasi-disloquée et ses mains qui voulaient l’aider à se redresser, à tenir. Il le cachait dans ses bras, ce visage honteux et qui, pourtant, profiter de chaque instant comme s’il n’en avait pas le droit. « Oh … oh merde … » souffla-t-il, se rendant compte que … Et bien que ça lui plaisait. Triste réalité qui avait eu l’effet d’un coup de massue pour assommer la raison. Il avait relevé la tête, la bouche ouverte à demi-mesure pour faire affluer l’oxygène plus vite. Il remuait nerveusement de gauche à droite, frissonné à la moindre attention sur sa peau tandis qu’il sentait sa peau rougir sous l’effet du sang, sous l’effet des morsures, sous l’effet des caresses et de la friction. Il s’en mordait la lèvre inférieure. Il ne voulait pas laisser le moindre son encourageant traversée sa bouche. Puis la montée en puissance le fit réagir. La souffrance, telle une punition pour avoir fouillé trop loin. Le dernier éclat de son regard avait fini par s’éteindre et ses yeux s’étaient humidifiés. « Arrêtes ! » se mettait-il à crier. Des cris de désespoir gâché par des notes aiguës de plaisirs. Ses coudes ripaient contre le sol, mais ce n’est pas sur cette douleur-là sur laquelle qu’il voulait se concentrer car une autre plus envahissante et plus délicieuse était ailleurs. Les papillons dans son estomac se mirent à batifoler et le pauvre dément s’affolait. Il se redressait péniblement avec ses mains, son dos se creusant d’avantage. C’était supportable sans l’être, cette sensation d’être dépouillé jusqu’au tréfonds de son être. Ses poings se resserraient et de nouveau, il criait. Cette fois-ci, pas de mots distincts, son vocabulaire était embrouillé, entrecoupé par le son de son exaltation mentale. Sa main droite cherchait un point d’appui plus haut, la deuxième marche de l’escalier pour l’aider à se redresser et quitter cette proximité avec la rivière carmine qui jonchait le sol. De quoi avait-il l’air ? Kochtcheï ne voulait pas savoir, espérant que les paroles de son bourreau quant à la confidentialité de ces lieux ne soient pas un autre mensonge …
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Basil Egerton
Basil Egerton
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Non, non, non, pas ça. Tout mais pas ça. Tout ? Et la mort, alors ? Peut-être pas. L’offre avait pourtant été claire - la mort ou l’enfermement : double refus. La suivante ne l’avait pas moins été : le sexe ou le meurtre - mais tu n’allais pas le tuer, Basil. Alors quel autre choix lui restait-il ? On aurait pu s'attendre aux deux. Tu n’avais pas pour les cadavres une attirance physique, contrairement à ce que l’on aurait pu croire ; la nécrophilie chez toi était un acte plutôt qu’une étiquette. Non, tu n’en tirais pas un plaisir particulier, tu étais comme tous les hommes, à préférer la chair vivante lorsque cela concernait tes besoins premiers. Mais il faut croire que ton cerveau était en proie à un court-circuit formidable lorsque confronté à la plus effroyable frustration. Tu as toujours été un homme passionné, rien de cela n’est nouveau - un homme capable d’une intensité incomparable et magnifique lorsqu’il est intéressé. L’adrénaline, l’absence de satisfaction, le manque de finalité, de repère, ou peu importe, un vide à combler, un trop-plein à vider. Comment relâcher la pression simplement, comment faire rouler ta tête pleine et dénouer tes épaules sans braver la loi ? Dans la sensualité repose en partie le secret de ton flegme légendaire, et la raison pour laquelle la colère colore si rarement tes traits. Quelques fois pourtant, cela ne suffit pas - la frustration n’est plus latente mais violente, et ce sont dans ces instants que l’on constate à quel point tu es noir. Il n’y a plus qu’une idée qui t’obsède : te débarrasser de ce qui est parvenu à t’atteindre. Pour te protéger, peut-être ? Lorsque la force et l’autorité manquent, lorsque les mots ne suffisent plus, qu’il faut trouver une solution d’urgence - tu débloques. On ne pourrait te définir comme quelqu’un de sensible ou d'ébranlable pourtant, mais les plus grandes forces sont souvent les faiblesses les plus évidentes, et chez toi ce sont sans nulle doute la puissance de tes passions et l’intensité dont tu peux faire preuve. Tu te laisses si rarement atteindre par des banalités qu'il suffit que quelque chose t'atteigne outre mesure pour que cela devienne la torture la plus insupportable. Alors même le meurtre ne suffit plus - la fin brutale de ce qui te menace ne calme pas cette pulsion rageuse en ton sein, et il ne te reste alors plus que cela pour retrouver un état relativement sain et stable : le désir violent de mort, de sang et de sexe, de tout cela à la fois, peignant sur ton visage une expression véritable. Peut-être pas ton “vrai” visage, ni même ton seul d’ailleurs, mais sans doute le plus expressif et le plus terrifiant de tous, et s’il est rare, c’est un visage que l’on n’oublie pas.
Meredith avait su te porter à cette limite - Kochtcheï n’y était pas encore, et cela se voyait dans le simple fait qu’il était encore en vie. Tu avais eu cette pulsion violente, ce désir d’étouffer sa vie dans tes mains pour effacer son offense, mais la raison avait percé à travers cela pour te ramener à l’ordre. Tu n’étais pas un homme de valeur, ni même de morale d’ailleurs, et pourtant tu avais su t’extirper du meurtre, retenir le scalpel, le laisser parler encore, ne serait-ce qu’un peu. Et cela seul parce que tu l’aimais mieux vivant que mort, que ses mots, ses provocations, son cynisme, entre autres choses, te le faisaient désirer plus ardemment que tu ne voulais l’écraser. Il y avait toujours cette part de toi qui voulait être son jouet autant qu’il était le tien, retrouver ce jeu de chat et de souris, ces bravades excitantes et réciproques, cet échange de bons procédés, en quelque sorte. Va savoir s’il le méritait, mais tu le tenais à ta hauteur. Tu avais envisagé sa mort autant que tu avais envisagé la tienne. Tu le tenais en haute estime, cet homme, et c’est peut-être aussi pour cela que tu t’étais emporté si fort - que tu ressentes un attachement ou quelque chose comme de l’affection, là n’était pas la question : tu voulais de sa sale tronche dans tes pattes encore un long moment, or cette nuit votre relation avait pris un tournant radical. Vous vous connaissiez davantage, vous connaissiez peut-être à présent le visage le plus obscur de chacun de vous - cela vous valait-il de vous intéresser l’un à l’autre davantage ? Pour toi, c’était sûr et certain, et chaque seconde t’éloignait de la perspective de sa mort. Pour lui, en revanche, on ne saurait se prononcer, mais tu doutais de le voir à ta porte le lendemain.

Sa résistance allait crescendo à mesure que tu entreprenais davantage, et tout à la fois, il faiblissait sous tes moindres assauts, et tu le dominais un peu plus chaque seconde. Déjà, ses mains ne parvenaient plus à te repousser, et il les avait troqué contre un verbe, un mot, un appel à l’aide presque - son premier refus : arrête. Ce n’était même pas un ordre, plutôt une supplication, maladroite, presque timide. N’en as-tu pas assez fait ? Tu as obtenu la preuve de son silence, tu avais obtenu soumission et politesse, et il en balbutiait même. Ne le lâcheras-tu pas ? Peut-être espérait-il négocier une dernière fois, te faire parler, hésiter, ou seulement ralentir - mais au fond de lui, il savait probablement déjà qu’il n’y avait plus rien à faire. Il fallait y penser plus tôt, aurais-tu pu lui dire. J’arrêterai, oui, mais pas avant d’avoir suffisamment abusé de toi. Et tout à la fois, une autre réponse se faisait tentante, plus moqueuse. Vraiment, Kochtcheï, tu veux que j’arrête ? Même au fond de ta voix j’en pressens le désir, et ton corps m’écoute plus qu’il ne t’écoute toi. Tu aurais pu ricaner, l’humilier, l’inciter à supplier davantage pour une pitié qui ne viendrait jamais, mais ce n’est pas cela que tu voulais - et tu as répondu : « Non. ». Une négation ferme, catégorique, presque négligente, mais une sentence au détour qui tombe comme une pierre pour le faire taire. Pas de pourparlers et rien de négociable, ce n’est plus un contrat ni une négociation, pas plus qu’un échange équitable - c’est un fait, une exigence, la conséquence inéluctable de tout ce qui précède. Il est trop tard pour arrêter, trop tard pour faire machine arrière - aucune autre issue possible aux séquelles de ta colère.
Il renonce, il cède, chaque seconde il se rend, pieds poings liés, offert à tes menottes. Il craquèle, il vacille, il flanche. L’espace d’une seconde, tu t’es demandé s’il allait pleurer, s’il avait déjà commencé. Il se cambre sous la caresse, quoique tu en aies senti l’hésitation, mais plutôt que de le rabrouer, tu savoures plutôt le doute que tu devines. Il veut et ne veut pas, qu’à cela ne tienne, tu le désires assez pour deux, et ton regard peine à se détacher de la cambrure de son dos. C’est à cet instant que tu l’assailles. Etait-ce la pitié qui retenait la violence des premiers coups ? Plutôt une bonne conscience qui tenait encore bon, qui se raccrochait à ses maigres filaments. Une conscience qui te disait de ne pas le détruire, ou tu détruirais du même coup l’oscillation délicieuse de son âme. Tu ne le voulais pas mort ni souffrant, tu voulais son esprit torturé entre rejet et envie. Tu le domines, il se soumet, mais n’en demeure pas moins présent - il retient ses mouvements, il retient sa voix, comme une dernière résistance, les dernières traces d’une rébellion vaincue d’avance. Tu le sens pourtant trembler, tu sens sa faiblesse sous tes mains, tu sens qu’il lutte pour se maintenir aussi vaillant. Tu sens la crispation, le sursaut, la douleur. Tu sens la peur, l’appréhension, tu sens qu’il n’a pas l’audace de la provocation, tu sens qu’il n’ose pas refuser de plier. Tu sens le déplacement timide, la volonté de s’ajuster, de s’adapter à cette intrusion, l’incapacité de refuser. Puis tu le sens faiblir d’une autre façon, tu sens la résignation subtile, tu sens la chaleur sous tes doigts, tu sens l’humidité de sa peau. Tu sens qu’il accepte et qu’il demande aussi, et surtout tu sens qu’il demande malgré lui. Et tu vois la sinuosité de ses courbes, ses hanches, ses épaules, ses bras, qui se meuvent, qui fléchissent. Tu vois cette tignasse noire, tellement fouillie qu’en trois jours tes yeux n’auraient pas fini d’en détailler les lignes - tu la vois remuer, se redresser et ses mouvements hypnotiques répondre en écho à ton impétuosité. Et sous tes mains, et sous tes lèvres, sous ton visage au souffle court penché sur lui, les contrecoups de tes assauts. Sur ta langue, le sang, la sueur, sous tes pupilles cette ébauche qu’ont dessiné tes agressions.

Puis les excès. Autant de jouissance pour toi que de souffrance pour ta victime. Sa voix s’élève, enfin, c’est fou ce qu’elle t’avait manqué. Et elle n’attend pas, elle recouvre tout et tu n’entends plus qu’elle, tu la sens vibrer entre ses côtes, entre tes bras. Il crie, il crie et tu y ressens toute la douleur, toute l’angoisse, toute la détresse. Arrête, arrête, ARRÊTE, et il n’arrêtait pas, et tu n’arrêtais pas plus. Tu faisais taire ta conscience, tu faisais taire tout le reste, il n’y avait plus dans ta tête que les échos de son désespoir. ARRÊTE, ARRÊTE BASIL, NE VOIS-TU PAS CE QUE TU FAIS ? Tu lui fais mal, tu le violes et ça t’importe à peine. Tu n’entends que ça, sa voix, sa voix, le déchirement qui y perce, et les dernières notes qui s’envolent, le tremblement, l’incertitude, le plaisir, l’appel - la détresse de vouloir ressentir une chose que l’on déteste, la fièvre, la fièvre si violente qu’elle te brûle les doigts, qu’elle te brûle le corps, qu’elle décuple ton plaisir, et le sien avec elle. Arrête, le dernier mot s’est noyé, il ne veut plus de ta pitié, tu peux la garder pour toi. Il n’y a plus que des cris, des cris qui te font vibrer, qui résonnent en toi, que tu voudrais entendre plus fort encore, plus fort jusqu’à ce qu’ils t’assomment. Ils t’étourdissent déjà, ces gémissements qui ricochent contre les murs, contre les marches, contre le sol, contre ton crâne, contre ton corps qui s’en ressent.
Il se redresse, tu le vois, tu le sens. Il est acculé, au pied du mur, il ne pense sans doute pas plus que toi, et momentanément tu te sens possessif, rageur, tu te redresses un peu toi-même, tu le saisis par les hanches. Peu t’importe le reste de l’univers, plaisir, plaisir, plaisir. Fer, sel, chaleur, encore, encore et toujours plus - tu te mords la lèvre, la violence de tes propres à-coups mêle ton sang au sien dans ta bouche. Frénétique, tes ailes bruissent en écho à ton excitation, ton souffle laisse passer ta voix à chaque dégonflement de poitrine, et l’on se rend bien compte à quel point tu aimes chaque seconde où vos corps sont reliés. La bienséance voudra que je ne m’attarde pas tant, mais il faut bien dire que cela fut trop bref pour l’appétit qu’il t’avait réveillé ce soir. Et si tu lui accordas un répit pour prendre le temps d’accepter d’être sali par toi de cette manière, et d’essuyer l’amertume d’un plaisir interrompu, ce ne fut que pour revenir à lui sitôt que ta puissance reprit de plus belle. Et autant le dire, de cet instant qui suivit ta première jouissance, à l’instant lointain où tu le laisseras en paix peut-être, tu n’as eu de cesse de perdre lentement de cette violence égoïste et de ta brutale indifférence. Le remède à ta frustration, toujours le même, d’une efficacité redoutable - et ta colère qui fuguait devant le sentiment de plénitude. Tu n’avais plus à te plaindre de rien ni d’aucun de ses actes, plus le moindre reproche, car ça aurait été renoncer à une rencontre des plus délectables. Alors tu devenais plus tendre.
Tu eus une lubie, tandis que tu retrouvais, avec ton humanité toute relative, ta conscience et ton aptitude à réfléchir. Non plus seulement le dominer pour ton plaisir, mais lire une expression nouvelle dans ce regard qui t’avait tantôt si violemment intrigué. Son visage prêt à te sauter au cou te revient en mémoire, et tu te doutes que ce n’est plus celui-ci qu’il porte face à cette torture redoutable. Tu n’es pas doux, mais tu n’es plus violent - tu n’es plus cruel, mais tu n’as pas pitié. Il y eut un instant où tu le retournas au bas des marches et lui écrasa le dos dans la flaque de sang, pour le plaisir seul de reprendre votre acte avec une vue imprenable sur son humiliation. Tu voulais voir son visage et tu voulais qu’il voit le tien. Pourquoi ? Vous vous étiez déjà tant découvert, des secrets et des identités noires, et tu voulais compléter le tableau. A quel point cette nouvelle posture te changeait du tout au tout - ce n’était plus la fresque de son dos, mais presque l’exposition de ses organes vitaux. Tu devinais l’emplacement du coeur et des poumons, de l’estomac, tu dessinais des yeux ses côtes, tu voyais l’entaille de sa gorge et ce qu’il te laissait voir de sa face, et tu voyais tout cela tâché de sang encore, et tu eus quelques secondes en suspens, pris dans la contemplation. Pas un mot, pas un commentaire, pas le moindre jugement - difficile de déterminer ce que tu pensais de cette vision. Sinon, peut-être, que tu n’eus pas de scrupule à revenir à l’assaut. De quoi avait-il l’air ? Mais quelle excellente question.

Il faut bien que cela cesse, et il y eut bien un moment où la fatigue, la lassitude et la raison domptèrent à nouveau tes gestes. Sans doute pas avant d'avoir abusé de la situation assez pour pouvoir le laisser s'évader sans regret. Au moins, au terme de ce supplice, ton visage - échauffé comme essoufflé sans doute, portant la trace de vos ébats comme vos deux corps entiers - avait retrouvé un calme net qui, il faut l'espérer, apaiserait ce qu'il restait de ta victime, si tant est qu'elle soit encore consciente. Ce qu'il restait de vous, de ta passion, de ta brutalité : un champ de bataille, et ta mémoire éludait déjà un bon nombre d'informations, comme l'instant précis où tu avais renoncé à garder ta chemise, ou celui qui vit un épi redoutable se dresser sur ton crâne. Une main sur sa cuisse et tu le regardes, quelle scène lamentable - tu poses ton regard encore sur la coupure sous sa gorge, tu t'en flattes les rétines. Un revers de bras sur tes lèvres veut en débarrasser le sang - il l'étale et accentue le goût de sel, et tu te laisses aller à le goûter une ultime fois, comme savourant le dernier vestige de votre lutte charnelle. Un soupir, un sourire éphémère, une politesse. Le voilà de retour, ce professeur bien éduqué qui ne craint jamais de perdre la face, et qui s'obstine à y mettre les formes. « Toutes les excuses du monde ne suffiront pas, j'imagine. » Tu pouvais bien t'excuser, de toute façon, ce n'est pas cela qui te donnerait des regrets. Mais pour oser dire une chose pareille au sortir de vos ébats, Basil, tu es chanceux de l'avoir rendu à ce point vulnérable, sans quoi il aurait pu te sauter à la gorge.
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I'D LIKE TO FIND OUT WHAT HE'S HIDING
basil & shura

Je n’ai pas de mots pour décrire ce spectacle. La terreur étouffait sa voix et ses cris, la plénitude venait adoucir ses esprits, mais ses pensées étaient violentes. Il était funambule, pris entre deux visions du vide dans lequel il ne voulait chuter ni dans l’un, ni dans l’autre. Un équilibre qu’il tentait tant bien que mal de préserver alors que ses yeux suppliaient que cela s’arrête. Il avait été trop loin, il le sentait. Kochtcheï prenait le retour de flamme de son arrogance et de son audace, ce qui le muait dans un silence pesant. Le mal-être étouffait ses mots, bloquait sa gorge et pourtant pourtant, il souriait faiblement. Sans doute parce que son amour pour le risque et toutes ses conséquences l’amusaient. Lui-même ne comprend pas pourquoi. Pourquoi il s’entête à vouloir jouer avec le feu ? Pourquoi mettre sa dignité de côté ? Il ne faisait pas semblant d’avoir énormément de fierté, mais peut-être était-il masochiste de la blesser ainsi en se mettant dans des situations peu qualifiables. Peut-être parce qu’il sent que son esprit est mort avant même d’être né. Peut-être parce qu’il a un flagrant besoin de se sentir vivant. Peut-être son fâcheux comportement autodestructeur qui prenait le dessus, traduisant une certaine forme d’appel de détresse. Depuis combien de temps il n’avait pas été correct plus de vingt-quatre heure ? Jamais. Que ça soit les stupéfiants, les vols, le meurtre, les combats, jamais il n’a réellement été honnête et légal plus d’une journée, le milieu dans laquelle il s’était épanouit ne le permettait pas. Il se souvenait des cheveux d’or de sa mère, dont la poigne chiffonnait jusqu’à la transformer en paille. Elle avait une grande gueule et un caractère autoritaire. C’est ce qu’il lui fallait pour imposer le respect et sa personnalité. Un trait de caractère dont il n’a pas du tout hérité. Il tient pleinement de son père, même s’il le hait. Il était silencieux, vénale, hautain, fier et audacieux. Il ressemble à la personne qu’il déteste et qu’il aime le plus. Il est devenu lui, avec le côté junkie en supplément. Alors en continuité cela creuse l’esprit, et son âme meurt petit-à-petit. Elle se consume dans les flammes de la frustration et des remords. Si, bien sûr, il avait une âme. Pour savoir cela, il suffisait de regarder ses yeux. Ces petits bouts d’émeraude qui reflétait la supplication et la crainte. La bataille de ses sentiments donne un résultat nul. Un résultat qui flétrit la conscience et qui le rends dans cet état. Il voulait pleurer, mais il n’avait pas de larmes. Il voulait sourire, mais il souffrait. Il voulait hurler, mais il n’avait plus de plus de voix. Il pouvait seulement résister, du moins tenter, avec sa faible poigne et sa gestuelle désordonnée, très loin de ses premiers pas dans cette maison. Il voulait ordonner à son corps d’obéir. Mais même sur sa propre chair, il n’avait plus aucuns contrôles.
Non, voici ce qu’il avait reçu comme réponse. Un non ferme et définitif, une pierre qui avait détruit son mur de défense déjà fragilisé. Non, il n’y échappera pas et il devait faire avec. Non, il n’y avait plus à négocier. Non, il ne pourra pas fuir. Non, tu ne peux pas dire non, il avait envie de protester, mais c’était l’hôpital qui se foutait de la charité. Il était outré d’entendre ce refus. Cependant qui était-il pour juger les actes des autres ? Certes, c’était son propre corps qui était concerné, mais il ne méritait pas de plaidoyer pour un crime odieux alors que son livre de compte en était remplit. Qu’il s’en rende compte était une forme d’honnêteté de sa part. Du rouge, du rouge qui débordait à flot. Le même rouge que celui qui s’écoulait le long de son cou. Comment pouvait-il être conscient avec tout ce rouge perdu ? Parce qu’il s’accrochait. Une petite touche de fierté et de vaillance dans sa faiblesse et sa position honteuse. Il sombrera dans l’inconscience, oui. Quand tout ceci sera fini. Quand il aura enregistré la moindre image pour se souvenir de cette nuit où le fossoyeur de Bray à déchirer sa dignité en petit morceau par caprice. C’était un caprice, un coup de colère, un coup de folie, mais cela reste injustifiable. Même avec de belles paroles. Il ne pleurera pas, il ne se plaindra pas. Le refus avait été net et catégorique. Il avait lésé sur ses négociations et en bon perdant, il allait plier même s’il bouillonnait de colère intérieurement.

Il avait abdiqué tel un équidé posant un genou à terre mais avec moins de prestance sous la demande qui résonnait comme un ordre odieux, proche de l’insulte. Insulte subtile dont il ne trouvait rien à redire. De quoi t’as l’air, Vlasi Bäckähäst maintenant, hein ? avec cette posture, ce dos cambrait qui était loin d’être flatteur. Il se résignait, il acceptait avec la plus grande difficulté du monde de payer pour … Pour quoi exactement ? Un scalpel plantait dans la peau d’un mort ? Ou son incommensurable arrogance d’avoir pu croire qu’il pourrait s’en tirer avec de belles paroles ? Intérieurement, un rire retenu résonnait en échos de ses pensées, presque pitoyablement, mais rien sur son visage. Il se préparait à recevoir ce qu’il considérait comme le pire des châtiments. Il y avait encore une part de doute dans sa gestuelle, dans sa posture et sa façon de tenir. Puis une grimace de douleur, celle qui avait fini par le transpercer de part en part avec cette intrusion, cette violation, aussi lente soit-elle. La lenteur le crispait d’avantage, telle une agonie trop longue. Son lourd soupire retenu traduisait sa souffrance et ce n’était que le début. Ses poings se serraient, écrasant dans leurs paumes le sang qu’ils avaient saisi le temps de leurs fermetures. De l’air, il avait besoin d’air encore une fois, sa respiration s’accélérant aux mêmes rythmes que ses tremblements et les à-coups. Les gouttelettes écarlates qui perlaient faisaient office de tempo. Il les entendait, aussi sordide soit-il. Il essayait de se concentrer sur l’éclatement de ces dernières contre le sol pour ne pas crier. Pour ne pas lâcher cette envie et ainsi lui donner la victoire. Pour diriger son esprit sur autre chose le temps que la sentence passe. Leurs sonorités étaient comme décuplées, une note macabre dont il ne saurait dire si s’était un Do ou un Ré. Il voulait s’enterrer ; pourrait-il lui demander de creuser son trou aussi, pendant qu’il y était ? Au sens purement professionnel du terme, bien sûr. Ce n’était pas le moment de faire dans le sarcasme j’en conviens. Ses yeux s’étaient rouverts, essayant de relativiser, de se dire que ça n’était pas si grave. Si, si cela l’était. Il faisait de lui une chose qu’il n’aurait jamais voulu être. Vas-t-en, Luxure, il ne veut pas de toi , il répudiait ses propres désirs, ses propres envie qui gagnaient en terrain, donnant des couleurs à son visage pâle. Des teintes roses, apportant un peu de douceurs dans cet effroyable tableau. Il voulait que cela s’arrête, par pitié...
Puis le crescendo, et son esprit avait faibli d’avantage. Kochtcheï ne pouvait plus rien retenir. Ses cris avaient traversé sa bouche et il demandait l’arrêt à s’en égosiller. Rien, pas même un ralentissement, un peu de compassion. En même temps, à quoi s’attendait-il ? Il persistait pourtant, son seul et uniquement mot envoyé dans la pièce, l’écoutait-il au moins ? Non, encore une fois. Non, il ne devait pas l’écouter et sa conscience s’éteignait. « Arrêtes… » Souffla-t-il à nouveau. Sa voix rendait les armes de la résistance et elle préférait hurler ce plaisir qu’il s’interdisait. Ses mains avaient  trouvé ce support et il sût tout juste se redresser. Faible, vulnérable, manipulable à souhait, il se haïssait plus qu’il haïssait l’auteur de ce viol. « A-…rrêtes… », Le dernier. Celui qui officialisa la fin. Une nouvelle fois, sa tête se leva un peu pour décoller son nez du sol et ainsi, avoir une voix plus portante. Est-ce qu’il réfléchissait en ce moment ? Non, il se contentait de chanter. Chanter, encore et encore, en espérant y trouvait une fin satisfaisante au bout. Sa gorge s’asséchait à cause de l’air, de la poussière et des particules sanguines. Ses vocalises étaient teintées de douleurs. Il avait mal, comment le dire autrement ? Ses regrets le poignardaient et ils étaient proportionnels aux coups. Des regrets qui lacéraient son esprit, qui le poussait à crier encore plus et toujours plus fort. Il sentait la déchirure et les griffes de la honte massacraient son essence. Oh, il n’avait pas fier allure, pas du tout même, parce qu’il ne réfléchissait plus. Aucunes larmes ne perlaient sur ses joues malgré ses yeux humidifiés, aucuns signes d’une tristesse grimpante.
Absolument rien, le néant. Et pourtant, tout à la fois.

C’est comme si on avait extirpé sa personnalité de son corps pour qu’il devienne une simple marionnette. Un pauvre pantin déficelé à l’intérieur et qui encaissait, encore et encore. Sa bouche était restée entrouverte, bloquée et sa tête basculée en arrière. Non, pas en arrière, c’est une mauvaise idée. Ça ne faisait qu’agrandir l’incision en collier, alimentant ainsi le flot rubis sur le sol. Le sang, les coups, la luxure, et ces mains qui se posent sur ses hanches pour y trouvaient un appui confortable afin de s’y accrocher. La douleur était au-delà du physique –bien que tout aussi intense, elle était surtout mentale. Sa tête se baissait de nouveau, l’hypnose de la cadence faisait son dû et un mot décrivait son visage : la perte. Il avait perdu la raison, perdu sa fierté, perdu sa dignité et maintenant, c’était son âme qu’il perdait. Il l’a confié aux bons soins du démon. Ses cris avaient des hauts et des bas, entrecoupé par l’intensité de la cadence et réduit par les moments de latence. Haut, bas, haut et aigu, encore et toujours ! Il était remplit. Remplit de tourment, d’humiliation, de misère. Il hurlait, il clamait, il voulait que ça s’arrête. Il voulait que ce lien se rompe, qu’ils cessent d’être unis ainsi par la chair et le sang. Il ne voulait plus le sentir danser en lui comme s’il était un jouet, une poupée de chiffon. C’était les râles d’un animal démuni, abattu et sur le point de rendre son dernier soupir. Un animal qui souffrait en encaissant la peine pour quelques minutes de plus. Que cela s’arrête, c’est insoutenable, la vision de sa chute. Il ne savait pas que l’Enfer se trouvait au 13bis West End. Il saura où se rendre la prochaine fois que l’envie de bruler le prendra. Tenir, encore et toujours. Ses mains n’imploraient pas le ciel, elles voulaient creuser. Ses ongles frottaient contre le sol sans que ce dernier fléchisse. Et enfin, les claquements de leurs corps s’entrechoquant avaient cessé, du répit profilait à l’horizon. Il avait presque céder, déglutissant en sentant appropriation de son être de la manière la plus salissante. Ses yeux se fermaient de nouveau et il grimaçait, étriquait ses cordes vocales pour leur forcer à prendre du répit. De cette retenue, Kochtcheï avait gémit en voulant retenir sa voix et sa frustration. Est-ce fini ? Est-ce qu’il avait eu ce qu’il souhaitait ? Est-ce qu’il pouvait partir maintenant ?
Mal, il avait mal partout, forcé d’admettre que c’était la rare douleur qui faisait du bien. Mais aucuns sourires n’apparaissaient sur son visage et toujours pas la moindre trace d’une larme. Il avait profité de cet arrêt pour venir poser ses mains sur sa bouche et ses joues empourpraient. Serait-ce la raison qui reviendrait toquer à la porte de sa conscience ? Oui. Il se rendait compte qu’il y avait pris bien trop de plaisir, bien plus qu’il n’aurait voulu s’en accorder. Qu’il avait crié au-delà de ce qu’il imaginait pour témoigner de son enchantement et de cet état second. Qu’il  avait flanché et qu’il avait tiré jouissance d’être réduite à l’état de chose. La honte l’étranglait et il s’était retourné sous le nouvel ordre de ce bourreau. Face à face, le dos baignant dans son propre sang, il pouvait enfin le voir et voir ce visage. Voir s’il tirait satisfaction de ses actes, s’il était heureux de lui faire subir cette délicieuse punition. Les yeux vides, le noiraud ne cessait de le fixer, la gorge sèche et à bout de voix. Sa tête avait légèrement penché sur le côté, la marionnette demandait encore à ce que cela s’arrête sans qu’il n’y ait d’éclat dans son regard pour accentuer sa requête. Le revoilà à la charge, la fin n’était donc pas encore pour tout de suite et il faisait face du mieux qu’il pouvait. Kochtcheï sombrait, seulement à moitié conscient. Il voyait flou, la fièvre entravait ses sons et ce n’était que des gémissements tout juste plaintif qui s’échappaient. Peu lui importait maintenant, il était à bout. Seul son souffle chaud traversait ses lèvres et il savourait cet ultime round dans l’humiliation la plus totale. Il s’en fichait, il avait appris sa leçon, il la savourait maintenant. Faible, et pourtant il voulait voir la conclusion. L’apaisement s’était dessiné sur les traits de son hôte et il put enfin souffler.

Fini, enfin. Kochtcheï n’avait même plus la force de se relever. Ce n’est pas faute d’avoir essayé pourtant, en prenant appui sur ses coudes. Il avait forcé pour se redresser, un espoir, avant de retomber des quelques millimètres dont il avait réussi à décoller. Fort bien, il resterait dans son bain de sang. Il secouait la tête lentement dans des mouvements non coordonnées et significatifs, ses doigts cherchant ce qu’il y avait à proximité inconsciemment. Ses yeux avaient glissé sur le visage échauffé par son excès de ce professeur qui était redevenu calme. Cela le rassurait, car c’était bel et bien fini. Contre toute attente, il n’y avait eu aucuns signes de colères lorsqu’il avait sorti sa politesse plutôt culotté. Pourquoi ? Parce que c’était exactement le genre de phrase qu’il aurait sorti. Et aussi parce que son état comateux aidait beaucoup, il faut l’avouer. « Connard » lança-t-il avec une tonalité étrange dans sa voix. La faiblesse était présente, bien sûr, tout comme l’incapacité de partir dans les excès, mais … Il y avait comme un soupçon de plaisanterie dans ce mot cru et véridique. Des reproches aussi, énormément, mais ils étaient égaillés par ce soupçon de je ne sais quoi dans sa voix. Il était bouillant, salit, bafoué, proche de l’inconscience et pourtant, se pourrait-il qu’il est retrouvé son cynisme ? Même après ce qui venait de se passer ? Peut-être, impossible à dire face à son état démuni. Il n’y avait plus rien dans son regard, pas un éclat, pas une étincelle et encore moins de la malignité. Cependant, il n’y avait toujours pas de larmes et c’était les yeux tatoués à l’encre sur son abdomen qui pleurait. Des larmes de sang qui avaient été dessinées dans leurs ébats sans doute et qui traduisaient à merveille son état d’esprit. Il était mort, mort à l’intérieur, et c’était de sa faute.
Sa tête avait basculé en arrière, et ses peintures sur sa peau avaient pris une teinte de rouge. Les étoiles à huit branches étaient tâchées, les voiles du bateau immaculées, son serpent était tout juste visible à cause du flot coquelicot et ses yeux sur son abdomen pleuraient des larmes rouges en échos à son ressentit. Triste tableau, dépouillé de toute humanité alors que son “connard” l’avait récupéré. Dommage. Il n’avait rien dis de plus pendant un moment, parce qu’il cherchait ce qu’il pourrait dire. « Si, ça va me suffire. Parce que je vais m’assurer personnellement que ça ne quitte pas les murs de ton sous-sol… ça te fait un truc en plus à planquer ici … ». Sa voix usée, presque éteinte, avait percé le silence latent. Il mentait, encore. Bien sûr que toutes les excuses du monde ne suffiront pas à pardonner ce qu’il lui avait fait. Mais il était tout à fait conscient aussi que, venant d’un tel personnage, elles ne seraient pas sincères même s’il les lui donnait. Alors, autant se contenter de ce qu’il lui cède. Après tout ce qu’il lui a pris. Sa main était venue se plaquer sur l’incision de son cou et il grimaçait de douleur dès qu’elle était entrée en contact avec. Il l’avait presque oublié, celle-là. Maintenant que la fièvre et l’excitation étaient parties, les contrecoups revenaient au galop pour lui rappeler à l’ordre et lui dire que son corps ne pouvait plus. Qu’il ne pouvait pas plus. Il comprenait mieux en sentant la plaie bouillante quelle était la raison de cette incapacité à bouger, à voir probablement et pourquoi sa conscience vacillée. « C’est dommage, je ne pleurerais pas ce soir encore … » dit-il comme une pensée fluette dont il était le seul à connaître la signification.
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Basil Egerton
Basil Egerton
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I'd like to find out what he's hiding

Obsession. Fascination. Monomanie. Etait-ce l’abandon dans la concupiscence qui t’avait rendu si vulnérable ? Tu avais pressenti ces vices à l’instant même où vos regards s’étaient croisés pour la première fois, et tu n’avais pas lutté, rien fait pour échapper à ces nouvelles fautes qui s’ajoutaient à tant d’autres. Le reste du monde avait momentanément perdu son importance, et tu ne t’en rendais pas compte. Mais toutes ces nuits, finalement, toutes ces nuits, peu importe la manière dont elles avaient tourné - tu les lui avais donné sans contrepartie. Tu l’avais laissé décider du lieu et de l’instant, quoi et de quelle façon. Tu l’avais laissé tourner en rond, et tu tournais en rond à sa suite. Il avait un objectif, semble-t-il: il cherchait, cherchait ce moindre détail dont il ignorait tout encore, mais qui puisse alimenter le brasier de sa curiosité et confirmer ses soupçons. Mais toi, Basil, quel avait été ton objectif ? Cela n’avait pas été de l’effrayer, pas plus que de le faire fuir, ni de le faire souffrir, ou de lui faire regretter. Ce n’était pas pour rire de lui ou pour provoquer sa colère, il fallait qu’il y ait autre chose sous ta lubie. Et ce n’était pas non plus la luxure d’ailleurs, pas une seconde tu n’avais envisagé que tu irais si loin, et tu ne l’avais pas même désiré au premier abord. Alors, qu’était-ce ?
Mais cette nuit, tu l’avais désiré si fort. Pour la première fois de ta vie je crois, tu avais réellement violé, une fois encore pété les plombs, et qui plus est sur un homme que tu estimais bien trop. Mais comment parler de respect alors ? Ton acte aussi fou que rageur avait perdu son sens. S’il est vrai que tu étais un être fait de pulsions, tu étais encore davantage un être de maîtrise. Tu n’étais pas un à se jeter sur une proie facile sur le fondement que tu la trouvais jolie, et tu n’abusais pas en général de l’impuissance de l’autre sans consentement. A ce propos, Basil, le trouvais-tu seulement beau ? Drôle de notion que celle-ci. La beauté, tu la trouvais dans la mort, dans l’anormal, dans l’humain, dans l’étrange, et dans la poésie de toutes ces choses. Tu la trouvais dans la fragilité, dans l’éphémère, dans l’immuable, dans la palpitation, dans l’hésitation, dans la rareté, dans la passion, dans le regard d’un mortel lorsqu’il contemplait la mort personnifiée. Alors Kochtcheï, cette nuit, tu l’avais trouvé magnifique. Une merveille sous ton regard, un tableau qui en aurait rendu quelques uns jaloux. Après tout, Sirius et toi aviez des opinions très semblables - et tu envisagerais peut-être de lui raconter la scène, car si celle-ci ne devait jamais quitter ton sous-sol, ton bel artiste était l’un des rares vivants autorisé à s’y introduire. Il serait vert - tu avais trouvé Kochtcheï magnifique de tant de manières, tu n’aurais su toutes les dires mais tu te serais fait un plaisir de les nommer une à une. Il était si pâle. Pâle car le sang fuyait par son cou déchiqueté, et ses forces l’abandonnaient par la matérialité de ces fluides. Pâle comme un mort. Et vermillon - sanguinolent comme une scène de crime ambulante, de ces scènes qui soulèvent les tripes, qui provoquent l’émotion et l’extase dans ton oeil pervers. La façon dont cette vie liquide quittait son corps pour habiller cette fresque de symboles et de souvenirs était unique, presque fantasmagorique, et tu avais su immédiatement que cette vision te resterait ancré dans la mémoire pour le restant de tes jours. Et ses lèvres sèches d’avoir tant crié, et ses yeux ternes comme brillants, vivants comme morts, entre douleur et plaisir, entre colère et résignation. Et ses membres nonchalants, sans plus de vigueur, comme un macchabée mais qui tremblait encore, qui tremblait, gémissait, appelait l’air, perdait pied, prenait ce qui venait pour s’y raccrocher comme un dernier repère. Tu aurais décliné toutes les excuses du monde dans ta bouche, mais tu n’aurais jamais eu le moindre regret, et tu aurais supplié, tu te serais égaré pour revoir ce tableau, et jamais pourtant tu n’aurais pu reproduire la séduction de la première fois, tout comme tu voulais qu’elle reste unique. De quoi avait-il l’air, Kochtcheï - d’un absolu de beauté aux exigences de tes goûts macabres.

Le calme avait repris ses droits, reléguant tes passions les plus infâmes dans cette harmonie de fond que l’on soupçonnait sans réellement voir. Tu traînais avec toi cette aura malsaine d’illuminé échappant aux règles et à la compréhension humaine, mais il fallait venir jusqu’ici pour en constater la réelle laideur. Tu la rattrapais par cette attitude anglaise et aristocrate, posée, un peu timide, candidement plongé dans ses sciences sans se soucier des opinions du monde. Difficile d’envisager une pareille noirceur derrière ce masque coquet, qui n’était pas un réel mensonge pourtant. Trop détaché, trop léger, trop insouciant. Te rendais-tu seulement compte de l’horreur que tu venais de faire sur l’objet de ton obsession ? Devant ce petit sourire imprudent, devant ces pommettes trop saillantes et enfiévrées, devant ce regard espiègle presque rieur, la question pouvait se poser sincèrement. Et le sang n’était jamais qu’une drôle de peinture rupestre mouchetée de paillettes, une satire de conte de fée - les vraies, les authentiques, celles qui tournent mal immanquablement malgré toute la magie que l'on y distille. Où était-il, le monstre qui s’appropriait par la drogue et la force les derniers retranchements d’un homme qui n’avait pourtant presque rien fait ? Il était là, c’était celui-ci. Il n’y avait pas plusieurs Basil, il y avait - Basil.

Une insulte, ce fut toute sa réponse lorsque tu eus l’audace d’avancer tes excuses. Connard, et tu ne te sentais pas de le contredire. Pourquoi élaborer sur la complexité de ton être quand il suffisait d’un si petit mot pour tout résumer. Qu’y avait-il dans ce mot, de la colère peut-être, du reproche, du dégoût - de l’hilarité, un soupçon. Il n’avait pas assez de force pour l’exprimer mais il te haïssait sans doute. Et devant cette insulte, devant cette voix faible et brisée, cette voix que tu avais fait passer des cris d’horreur, de panique et de douleur aux cris de détresse, d’impuissance et de plaisir, cette voix qui tenait à peine dans l’air et qui exprimait autant qu’elle le pouvait mais trop peu. Cette voix t’avait fait sourire, un sourire sans malice mais sans compassion non plus, un simple sourire et il n’y avait rien de plus à y lire. Il te plaisait, Kochtcheï. Il n’avait pas besoin de beaucoup pour te plaire. Il lui suffisait de se tenir là, il lui suffisait d’un regard, d’un souffle, d’un mot, une émotion, l’absence d’émotion, un rien, et tu étais ravi, volé, perdant. Il l’avait gagnée, sa vie, quelle horrible idée de la lui prendre. Et tu espérais pourtant qu’il retrouve son audace, mais il était trop tôt, trop tôt après ton crime.
Il t’avait pardonné, d’un pardon aussi vide que tes excuses, une simple formalité. Tu contemplais sa destruction, tu contemplais la patte de la mort dans ce corps mourant, dans cette conscience vacillante. Tu ne pensais pas tes mots lorsque tu lui répondis, comme pour le rassurer, alors que le mal était déjà fait. « Je jure de n’en rien sortir. Rien de tout ceci ne sera arrivé. Mais il y aura un lieu sur Terre, au moins, qui en gardera le souvenir. » Ce n’était que des fables, des stupides petits mensonges. Tu pouvais faire semblant de ne plus rien savoir, mais à l’extérieur, encore, vous vous en souviendrez. Vous ferez mine de rien, mais il aurait suffi d’un regard, d’une rougeur, d’une déglutition, d’un sourire, d’une tête baissée, d’un défi, d’un mépris, d’un jugement - d’un seul petit geste ridicule, et alors vous sauriez. Vous sauriez quel souvenir honteux et abject cachait un simple moment de silence. Malgré toute la bonne volonté du monde, malgré le silence et le secret, vous saviez déjà pertinemment que vous alliez vous trahir - trahis par vos propres pensées, vos craintes et vos désirs.

Tu avais quitté ta contemplation muette alors, en voyant Kochtcheï porter la main à son cou. Ce n’était plus tout à fait le même visage, ce n’était plus cette fausse excuse, ce sourire bourgeois, cette candeur absurde, mais un sérieux de médecin, tandis que tu lui retenais la paume dans un froncement de sourcil. « Ne touche pas la plaie avec tes mains sales, elles ont touché le sol, tu ne voudrais pas que cela s’infecte. Je vais m’en occuper tout de suite, j’ai déjà trop tardé. » Tu t’étais relevé, délaissant ta victime - tu avais ajusté ton pantalon que le sang n’avait déjà que trop tâché, pour éviter de te perdre dans la vulgarité, et tu avais rejoint d’un bon pas ce cher Maurice tout délaissé. Il n’était plus tout à fait très frais, d’autant que vos ébats avaient tiédi la pièce, et c’est avec un peu de contrariété que tu t’en détournas. Tu cherchais, fouillais dans un petit bruit de fond, sans prêter trop attention à ce que pouvait dire Kochtcheï. Délirait-il ? C’était plausible. Tu constatais son état plus que tu ne le réalisais. Compresses, antiseptique, et de quoi laver tes mains et la plaie - après une hésitation, le fil et le nécessaire de suture, quoique tu espérais ne pas avoir à en faire usage. Et tu étais revenu t’accroupir puis t’agenouiller à son côté, soulevant précautionneusement sa nuque pour la caler au plus confortablement.
Sans doute préférerait-il que tu t’en abstiennes, sans doute aurait-il préféré n’importe quel autre médecin, mais la situation impliquait de ne pas faire la fine bouche, et il en allait de même pour toi. Tes genoux serviraient de support, et il ne manquerait plus que tu t’en plaignes. Tu t’étais aussitôt appliqué à nettoyer la plaie le plus succinctement possible, afin d’y voir plus clair, et tu fus étonné de la découvrir dans un état aussi critique. « Je ne pensais pas avoir tranché si profond. Je crains que tu ne repartes avec une cicatrice. » Tu accusais ta perte de contrôle autant que la lame parfaitement aiguisée de ton outil, et la violence de tes actes n'avait sans doute fait qu'empirer les choses. Tu n'y avais plus pensé, tu ne pensais qu’à ta frustration, qu’à cette obsession sinistre et à tes besoins pressants, et tu devrais à présent pâtir des conséquences. Mais malgré tous vos mensonges sur le secret de cette nuit blanche, il y aurait ici une trace qui ne s'en irait pas. C’était une chance au moins que dans pareil cas tu puisses compter sur tes talents. Cette nuit t’avait autant lessivé que rempli à ras-bord de cette rage de t’abandonner à tes passions, et tu trouvais, finalement, dans les restes de cette béatitude, de quoi réchauffer ces mains glaciales et guérir enfin autre chose qu’un mort.
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basil & shura

Fascination qui dérange et sentiment de honte grandissant, il ne saurait décrire ce qui se passe dans son esprit. Il avait l’impression d’avoir chuter de trop haut, et que l’atterrissage aurait réduit ses vertèbres en miette, le paralysant ainsi. Il ne parle plus, ne rit plus, ne cris plus tant sa voix était serrée et que l’épuisement tirait la sonnette d’alarme à en arracher la corde. Qu’avait-il fais ? Est-ce qu’il rêvait ? Kochtcheï voulait croire en un cauchemar. Un mauvais fantasme que seul l’onirisme lui autorisait l’accès car il y trouvait une part de satisfactions. Il avait gagné, en quelque sorte. Il avait gagné le droit de vivre parce qu’il aurait encaissé. Une victoire dont il ne tirait aucunes fiertés, et qui entaillait son ego. Mais qu’importe, il allait vivre, contentes-toi de ça, Kochtcheï. C’est comme si on ne lui donnait pas le choix et qu’on lui imposait sa récompense. Mourant, et pourtant, toujours en vie. La mort était fascinante, mais inconnue. Personne n’est revenu d’entre les morts pour donner son point de vue et on ne pouvait qu’embrasser le mystère et la froideur. Alors que la vie était pleine d’imprévue, de chaleur. Il y avait des hauts et des bas qui rythmaient son cœur, qui lui permettaient de se relever et savourer la victoire. Comme cette nuit. Plus bas que terre, sur son piédestal carmin. C’est ce phare qui lui permettait de ne pas craquer. Il espérait oublier, ne pas se souvenir et faire comme si de rien était, mais il savait. Il était conscient que cette scène le hanterait pour le restant de ces jours. Que le temps aurait beau l’adoucir et façonnait les angles pour la rendre moins tranchantes, elle serait gravée dans son esprit. Et pourtant, il ne pleurait pas. Il ne se laissait pas envahir par le chagrin alors qu’il était là, quelque part, mise à nu et à sang, en train d’hurler dans un coin de son cœur qui battait encore. Parfois, il lui arrivait de se poser des questions. Les occasions avaient été nombreuses pourtant, qu’est-ce qui pouvait lui arriver de pire que ce soir ? C’est peut-être ça son secret, se dire que cela pouvait toujours être pire.
A quoi bon se creuser la tête, il était incapable de penser tout comme incapable de se relever. Sa volonté n’était pas assez puissante et elle ne suffisait pas à nourrir sa force. Kochtcheï n’avait plus rien, pas même sa dignité. Pour un victorieux, il avait perdu sur beaucoup de points. Il cherchait avec ses doigts quelque chose, il ne saurait dire quoi. Un outil, une couleur, un habit, quelque chose pour couvrir cette chute dégradante. Il avait chaud et froid en même temps, et cela ne l’aidait en rien à retrouver ses repères. Un gagnant qui avait tout perdu, à la hauteur de ce contraste si violent et si fort qu’avait engendré les actes de son hôte. Il ne tirait aucunes satisfactions, ni aucunes tristesses. Il était bloqué dans une neutralité silencieuse, essayant de trouver ses mots alors qu’il n’arrivait pas à se redresser. Relèves-toi, allez… Ses propres pensées insistaient pour qu’il ne reste pas ainsi, bafouée et démunis à terre, mais son corps s’y refusait. A quoi bon se relevait, le mal était fait. Il refaisait une tentative, souhaitant décoller son dos du plancher, mais il était retombé de nouveau. Son visage grimaçait faiblement, la douleur tordait ce dernier et l’incapacité de bouger l’incombait. C’était tout juste s’il osait bouger le bas de son corps tant son bassin crier l’indignation. Kochtcheï était à bout de forces, voir au-delà. Ses yeux étaient rivés sur le british qui avait retrouvé cet air supportable. Car à côté de ce qu’il avait vu ce soir, il préférerait nettement celui-ci. Mais il était trop muet pour lui en faire part, et trop haineux pour le lui avouer. La haine… Oh, elle était si grandiose et si indescriptible qu’il en aurait presque de l’empathie. Il le haïssait, il le haïssait du plus profond de son être. L’image face à lui de ce monstre avait beau être flouté, la silhouette en elle-même lui suffisait pour le haïr. Il le hait presque autant que son connard de patron, mais c’est peut-être pour ça qu’il l’apprécie aussi.

Il revenait à la raison trop tard, l’éclat de ses yeux était déjà figé, agonisant et il était ternit par l’horreur de ce soir. La poupée de chiffon était tout juste vivante, tout juste remuante et elle se demandait et maintenant ? Et maintenant, qu’allait-il faire ? Comment allait-il rentrer chez-lui ? En rampant ? En se métamorphosant pour cacher sa tenue derrière le pelage de l’équidé ? Serait-il vraiment assez fou pour le revoir ? Après ce qui s’était passé ? Ce et maintenant lui offrait une toute autre vision des choses, incapable de dire s’il le déteste ou non, donnant ainsi naissance à cette réponse simple, mais efficace. Ce connard qui résumait bien son ressentit. Connard parce qu’il avait abusé de lui sous le joug de la colère, mais connard parce qu’il avait été terrifiant, ce qui le rendait respectable aux yeux de Kochtcheï. Ce connard, il le hait parce qu’il se sent incapable de le détester totalement. Il n’avait fait que raviver cette curiosité et cela le frustrait. Il lui pardonnait, sans le vouloir après tout ce qu’il a perdu contre son gré. Il se tait, et il accepte ce pseudo-silence qui ne sera pas respecté par pure formalité. Ils se mentent, c’est évident. Ou alors, ils allaient se mentir mutuellement parce qu’il ne pourra pas supporter ceci dans son esprit éternellement. Que la présence de l’un ou de l’autre stimulera sa mémoire, ce qui aura pour effet de le tétaniser comme ce soir. Mais qu’est-ce que tu as fais …, la prise de conscience, et la prise de responsabilité. Son cou se mit à le lancer et il avait voulu cacher l’origine de cette autre meurtrissure. Une main l’avait saisi et il avait eu un spasme. Sa méfiance le rendait encore en alerte, et la peur nourrissait ses réflexes. Pourquoi l’écoutait-il encore ? Après tout ce qui s’était passé ? Kochtcheï avait tout sauf envie de lui donner sa confiance. Sauf que, là encore, il faisait l’exact contraire de sa volonté. Aussi pourrit soit-il, il n’y avait personne d’autres dans cette pièce qui pourrait lui venir en aide. Il ne cherchait pas à se libérer, tout comme il ne cherchait pas à rétorquer. Il était démunit, il ne pouvait pas lui faire pire châtiment et il avait affirmé qu’il ne le tuerait pas. Alors à quoi bon ? Pourquoi pas se disait-il, si ça en valait la peine. Il ne lui avait pas demandé son avis pour le toucher, et c’est trop tard pour lui refuser ce droit. « Bien Docteur … » avait-il soufflé, détournant ses yeux pour masquer son refus et sa frustration.
Il craque, il en a marre. Ses nerfs lâchent et c’était la réalité de trop. C’était trop chère payée pour assurer sa vie et son droit de partir. Celle qui lui donna tort, une fois de plus alors qu’il affirmait ne pas avoir pleuré ce soir. Si, une larme ! Une seule qui perlait le long de sa joue. Elle avait tardé à venir, les yeux asséchés ne lui facilitaient pas la tâche mais, la voilà. Elle était là, cette petite perle digne d’un trophée. Elle aussi, il la masquait. Il voulait revêtir son apparence, ses faux-semblants, ses habits, et partir. Partir pendant des semaines, des mois, voir des années. Il ne voulait plus revenir ici, il ne voulait plus voir cette pièce, ni sentir ces odeurs. Pourtant, il avait juré de veiller personnellement à ce que ce secret qui est dorénavant le leur soit bien garder et qu’il ne s’ébruite pas. Encore une fois, il s’était piégé seul par curiosité et il enrageait intérieurement. A l’extérieur, il peinait à respirer. Il peinait à bouger, il peinait à parler. Il était cette loque qui luttait, encore et encore, pour ne pas sombrer dans l’inconscience. Chose qui ne saurait tarder d’ailleurs, car il avait déjà repoussé les limites trop loin sous l’effet de la terreur et de l’adrénaline.

Koctcheï avait entendu les ustensiles tintinnabulaient entre eux. Il y a peu, l’un d’entre eux était là, sur sa gorge à trancher lentement sa peau tandis que les menaces pleuvaient et les scènes macabres se dessinaient sous ses yeux. Aussi, il avait eu un élan de panique. Il était déjà hanté, et sa respiration s’accélérait, gonflant sa cage thoracique bruyamment au maximum pour qu’elle s’écrase et creuse ses côtes. Et ce à un rythme moyen, mais soutenu. Il avait à faire à un menteur, quoi de plus normal que d’avoir peur d’une rupture de contrat. Que le tout soit de la poudre aux yeux –sans mauvais jeu de mot- lancée pour mieux pouvoir le finir. La peur le rassurait quelque part, elle lui disait qu’il était toujours en vie, accélérait son pouls malgré son incapacité de se mouvoir et que les secondes s’écoulaient toujours dans ses veines. Finalement, cet état paranoïaque s’était effacé lorsqu’il s’était sentit soulever et que le désinfectant fit son œuvre. Le slave était rassuré, il tenait parole. Contre son grès, mais il le faisait. Face à ceci, un bref sourire apparut sur son visage. Ni moquerie, ni compassion, juste un sourire nerveux ou bien un tic incontrôlé. Une cicatrice ? Il s’en fichait comme de la dernière pluie, c’était rien à côté de rester en vie. « J’aurais une bonne raison de mettre un écharpe alors ». Une dernière plaisanterie pour se moquer de l’absurdité de cette soirée. Une dernière remarque pour témoigner de son pseudo-détachement. Un dernier mot pour montrer d’une certaine manière qu’il n’en a pas fini avec lui et Kochtcheï avait sombré dans l’inconscience. Il n’en pouvait plus, son corps lui forçait le repos et ainsi, il donnait contre son gré sa confiance à son bourreau.


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Basil Egerton
Basil Egerton
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Fais-lui tes adieux, à ta petite marionnette. Elle tremble et faiblit, elle frémit, elle angoisse. Qui es-tu pour tremper de peur un regard mort, pour en mouiller le bord et les cils. Et maintenant, Basil, que vas-tu faire ? Sauver des vies ? Tu étais tout de même un drôle de docteur. Tous tes savoirs de médecin ne t’en donnaient pas le coeur. Ce n’était ni par regret, ni par contrainte, ni par promesse, que tu t’apprêtais à refermer une plaie que tu avais crevé toi-même, seulement parce que c’était la chose à faire et que tu ne voulais pas qu’il succombe. Et maintenant ? Il n’était pas apte à repartir seul. Tu te retrouvais avec sur les bras un homme plus mort que vivant. Si tu avais épargné sa vie, ce n’était que pour un temps - il n’était qu’épuisement, honte et douleur. Comme si, parce que tu avais eu le bon sentiment de ne pas le tuer, il allait se lever soudainement et partir. Comme si il n’était pas encore à ton entière merci, comme s’il n’allait pas te haïr jusqu’à la fin de tes jours pour l’avoir porté à cette extrémité. Voulais-tu qu’il s’en aille ? Seulement pour mieux te revenir, mais reviendrait-il seulement. Tu en avais fini avec lui pour ce soir, il ne te restait qu’à le remettre sur ses talons ; mais il était comme mourant sous tes doigts agiles, et la conscience le quittait lentement. Pourtant tu ne te pressais pas, tu devais être conscient au fond qu’il s’agissait de vos derniers instants, et de toute façon, en bon Anglais, tu n’aimais pas précipiter les choses.

Pourtant lorsqu’il avait porté la main à sa plaie béante, tu n’avais pas fait traîner ta réaction. Et tu ne t’étais pas attendu à voir son corps se soulever de la sorte, comme s’il s’était brûlé à ton contact. Cela te semblait absurde après vos ébats, vos corps étant restés en contact assez longtemps pour que tu t’y fasses. Mais tu l’avais laissé dans un tel état de souffrance, de détresse et de menace qu’un rien de ta part ressemblait à une agression. Un seul contact doux de ta main sur la sienne pour l’empêcher d’accentuer son mal, et la terreur, le dégoût, le sursaut le prenaient tout trois avec soudaineté et violence. Une part de toi trouvait cela grisant, l’idée que son organisme réponde au moindre geste minime de ta part, comme ancré par une leçon de vie, ou de mort plutôt, assez cruelle pour entraîner un réflexe de Pavlov. Tu l’avais conditionné à associer ton contact à ce qu’il y avait de pire, quelque part - il t’aurait suffi d’une caresse, d’un regard, d’un mot pour le plonger dans l’angoisse. Mais une autre partie de toi, plus grosse encore, trouvait cela contrariant. Oh, bien sûr, tu aurais pris un plaisir fou à l’enlacer par la suite et à te laisser bercer par tous ses moindres spasmes, les imprimer dans ta chair, sans pourtant rien lui témoigner d’autre que de la tendresse et qu’il soit terrifié malgré cela. Mais tu te disais surtout que pour être traumatisé à ce point, il ne voudrait sûrement plus jamais te revoir. Et cette idée te déplaisait beaucoup, parce que tu ne voulais pas te priver de lui. Tu ne voulais pas le pourchasser non plus, ni t’imposer à lui, tu n’étais pas ce genre de personne - mais tu aurais aimé que cette relation ne tourne pas au néant absolu. Tu voulais qu’il reste dans les parages, qu’il te passionne, qu’il te secoue, qu’il te mette des bâtons dans les roues avec son sarcasme bas de gamme. Mais à chaque seconde qui passait, tu réalisais devoir faire ton deuil. Autant le tuer alors, puisqu’il ne reviendra plus vers toi ? Pourtant malgré cela, tu ne voulais pas sa mort. Tu voulais au moins le réconfort de savoir qu’il y avait en ce monde quelqu’un, quelque part, capable de te faire autant de bien. Qui sait, s’il restait à Bray malgré ce cauchemar, vos chemins se recroiseraient peut-être.

Et ce petit mot, ce petit mot de sa bouche, qui compensait ta résignation et tes craintes, comme un petit espoir sans cesse ravivé. Pour t’appeler Docteur, pour s’obstiner dans cette voie, après toutes ces horreurs. Reviendrait-il ? Tu ne savais pas. Tu ne savais pas, mais toutes ces contradictions, tous ces gestes, tous ces mots, tout et n’importe quoi, lui en entier - bon sang, ce qu’il t’obsédait, tu ne pouvais t’en détacher et la seule pensée de renoncer à cette distraction te donnait intérieurement envie de hurler. Tu aurais raffermi ta poigne sur sa main, tu l’aurais serrée pour ne pas le laisser partir, tu l’aurais portée à tes lèvres pour supplier contre sa peau - tu aurais pu, mais tu n’en fis rien. Tu t’étais déjà levé, les soins plus que nécessaires ne pouvaient attendre davantage et tu prenais sur toi pour calmer tout le reste. Il ne faisait pourtant rien pour t’aider à sortir de cet enchevêtrement de pensées. Tu avais senti sa panique, l’agitation dans son corps pourtant trop amorphe pour se mouvoir, en réponse au tintement de tes ustensiles. Avais-tu accentué tes mouvements pour l’inquiéter davantage, pour surprendre encore du coin de l’oeil un spasme, ou un glapissement peut-être ? Allez donc savoir. Mais cette peur profonde que tu avais écrit dans ses gènes te partageait toujours entre inquiétude et plaisir irrationnel. Il y avait une part de toi qui adorait ça, et probablement pas la part la plus saine - celle qu’il avait réveillée tantôt sans doute, celle qui serait prête à l’attacher là et à revenir abuser de lui chaque fois qu’il lui plairait. Mais en homme doué de raison, tu la faisais taire, te contentant de savourer le sentiment de frustration qui en émanait comme une vapeur toxique. Peut-être, au fond, qu’il valait mieux que Kochtcheï ne te revienne jamais. Peut-être qu’il était ce poison miraculeux qui te plongerait dans le noir. Peut-être qu’il t’écrivait dans la chair, lui aussi, de nouvelles réactions que tu ne contrôlais pas. Peut-être qu’il était l’un de ces rares êtres à pouvoir te jeter d’un rien hors de tes gonds. Peut-être qu'il était ta fin et tu adorais ça.

Tu n’avais pourtant pas le moindre sadisme lorsque tu t’étais mis à le soigner. Tu étais cet homme composé, cet homme qui savait ce qu’il faisait. Et tu avais pris le temps, l’éternité nécessaire, pour panser cette plaie, en faire cesser l’écoulement sanguin, et comme un couturier macabre tu avais fini de la refermer tout à fait. Kochtcheï avait perdu connaissance bien avant que tu achèves, sur une dernière plaisanterie que tu ne relevas pas, trop concentré sur tes faits et gestes pour t’en soucier - trop sérieux lorsqu’il s’agissait d’un travail minutieux. Et tu étais repassé sur l’intégralité de son corps, usant de tes pouvoirs pour le débarrasser de toutes ces égratignures, griffures, morsures et j’en passe, que la brutalité de ton désir avait creusé dans sa chair - et il ne fallut pas longtemps pour qu’à regret elle ne redevienne intacte.
Tu n’en avais pas fini pourtant, tu étais loin d’en avoir fini, et Kochtcheï pourra t’être reconnaissant - car avant de l’abandonner pour reprendre le cours de tes activités, encore fallait-il le rendre présentable. Mais tu n’en étais plus à ta première toilette mortuaire, et quoiqu’il fallut t’assurer d’abord que ton cher cousin ne soit plus dans les parages, tu fus capable (après d’innommables galères pour le monter à l’étage il faut bien l'admettre) de laisser reposer ta victime sur le canapé de ton salon, lavé et habillé par tes soins, et quasiment épargné. Il souffrirait sûrement, au cou comme au séant, mais probablement bien moins que si tu n’avais pas fait l’effort de t’occuper de lui convenablement - et tu avais fait cela bien.
Encore fallait-il que tu ramènes Maurice au cimetière, que tu l’enterres avant que des visiteurs ne viennent te déranger, et que tu leur ouvres le portail - que tu fasses aussi bien le ménage de la scène de votre massacre, dans cette cave qui sentait autant le sang frais que séché et que la putréfaction de cadavre - et ainsi de suite qui t’occuperait hélas pour toute la matinée, ce qu’il te faudrait cacher intégralement aux regards indiscrets d’un cousin ou d’un voisin trop bavard. Mais cependant, tu pris le temps de laisser un petit mot à Kochtcheï dans un recoin de pantalon de deuil, conscient que tu avais peu de chance d’être à son chevet pour son réveil, et conscient aussi qu’il ne t’attendrait pas pour prendre la fuite. Ce n’était en rien un mot d’excuse, pas plus de remerciement ou rien de ce genre. « Nous avions convenu, avais-tu écrit de tes belles boucles féminines - que tu serais libre de partir en échange de ton silence et à condition que tu me reviennes. Je ne suis pourtant pas suffisamment idiot pour croire en ce dernier point, mais toutefois j’ai tenu parole. Bien sûr, si j’ai le plaisir de te revoir, je n’ai aucune intention de t’infliger à nouveau ce traitement. Je t’ai accordé ma confiance, fais-en bon usage. » Tu l’avais signé de ton prénom seulement, avec un double post-scriptum, le premier pour lui proposer de le raccompagner à son domicile - le second n'était autre qu'un numéro de téléphone.
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