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 Fortunate Felony [Marine Charos]

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Fortunate Felony
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Un soleil à en faire chavirer les cœurs, un vent torrentiel à en faire oublier la paix. Les arbres du parc dansaient sous les nuages épars. La journée atteignait son pic au niveau de la clarté : deux heures pleines s’annonçaient pour les âmes esseulées en cette saison creuse du moral. Deux mères parlaient sur un banc, et surveillaient étroitement leurs progénitures jouer les uns avec les autres. Leur jeu de tague était des plus étourdissants, atterrissant le plus souvent au milieu des chemins sinueux qui traversaient le parc…

Une crinière d’un roux très clair, presque blond sous la force des rayons scinda son passage en lisant un carnet autant massacré par les notes en bordure que par les schémas gores qui y figuraient. Entre deux coups de talons aiguisés sur le sol refroidi et une gorgée de thé, Docteur Kean rangea son journal intime rempli de ronds de café, de procédures et de formules mathématiques pour le nicher dans son sac à main noir assez gigantesque. Dans cette antre aux milles merveilles se trouvait un ensemble dispendieux de scalpels chirurgicaux griffés, deux livres sur les prélèvements d’échantillons sur les organes vivants, du poivre de cayenne, un canif, un rouge à lèvres écarlate, une pince et les essentiels réguliers. Une bordure dorée affichait trois fois la lettre K sur la bandoulière.

Derrière des boucles envolées vers son épaule, son regard assoiffé de sang d’un violet saisissant fut obstrué par deux projectiles. Le premier était un gamin de huit ans assez grand qui lui rentra dedans. Le second représentait une autre crinière de la même nuance. Certes le premier obstacle la plongea dans une transe imprévue, un souvenir enterré des batailles qu’elle pensait avoir oublié.  Arrêtée au milieu du chemin, le regard teinté de blanc, vide d’existence, son âme semblait loin de l’Irlande – un ailleurs horrible, infernal.

Des cieux bleus se créa une bruine intermittente, des rafales froides et violentes. Capitaine Kean en tenue combat se retrouva dans les flots à combattre une vague avec ferveur. Les deux petits corps dans ses bras ne bougeaient plus, ne respiraient plus. Sur la berge, la réanimation commença. Un frère et une sœur, à peine dix ans, se ressemblaient comme deux gouttes d’eau. Un soupir annonça les prévisions du docteur qui essaya de les ramener fougueusement l’un et l’autre en alternance. C’était la première fois qu’elle rencontrait des enfants décédés. En particulier, il s’agissait d’orphelins. Des êtres de sa fibre. Des êtres de son rang. Des êtres qui n’avaient eu aucune chance dans ce monde. Pendant une heure, elle cracha ses poumons sur eux et pompa leur cœur à coups de bras. Elle s’en cassa même trois doigts, mais continuer lui semblait la seule et unique priorité…Une heure supplémentaire s’ajouta à son exercice éreintant, mais qui ne lui offrait aucun répit. La mort était là, puissante et incontournable. Certes elle ne parvenait pas à s’arrêter : observer ces enfants heureux quitter les terres horribles de leur naissance lui était d’une jalousie incompréhensible. Elle se vengea en les écartelant, en cassant leurs côtes pour tenter de les ramener, pour tenter de les sauver…

L’impact fut brutal sur son épaule gauche, mais les deux corps se croisèrent amèrement. Un sandwich de rouquines pour les humoristes, un duo aux antithèses pour les idéalistes. Rentrée l’une dans l’autre, des sacs à main tombèrent bruyamment sur l’herbe. Le gamin au milieu s’excusa aux deux damoiselles avant de fuir en direction de sa mère qui s’avérait très inquiète. Sans un mot ou un regard, Kyara reprit son bien égaré et prit la poudre d’escampette. Ses mains s’appuyèrent sur ses paupières faibles, fatiguées par les dernières vingt heures de travail qu’elle venait d’accumuler. Elle aimait se déchaîner dans sa vocation, empiler la diversité et varier ses techniques. Chaque formation qui existait, son esprit avare d’informations lui imposait de la feuilleter. Le secret de la perfection, n’était-ce pas de relever chaque défi qui se dressait à sa portée? S’améliorer sur les bases et les techniques avancées lui était vital : même quelques conférences à Berlin s’étaient ajoutées à son emploi du temps déjà serré.

Toutefois, hyper alerte depuis leur incident, Kyara observait son environnement avec méfiance. Lorsqu’elle chercha son calepin de sa main droite, ses doigts s’arrêtèrent au matériau de la bandoulière. Aucunes lettres. Aucune familiarité. Aucune idée de l’identité du propriétaire de ce sac. Elle l’ouvrit sans reconnaître aucun élément. Son erreur l’affligea, la scandalisa au plus haut point. L’ancienne militaire en laissa presque tomber l’objet parterre, mais se retrouva de nouveau complètement figée. La rage bouillonnait en son for intérieur, alors que son regard sombre foudroyait déjà son entourage à la recherche de la coupable.  







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FORTUNATE FELONY
KYARA & MARINE
Une jolie rousse courrait sur les trottoirs, son sac en bandoulière battant contre sa cuisse et son flanc, rompant le rythme de ses pas rapides. Sa masse de cheveux était rassemblée en une queue de cheval ; pour une fois qu'elle avait daigné les arranger. Même ainsi Marine avait cette sorte de frange envahissante qui lui cachait une grande partie du visage, résistante à toute sorte de contrôle. Habillée de vêtements de ville banals, passe-partout, les rares intéressés pouvaient en déduire instinctivement que la jeune femme était en retard pour un rendez-vous.

Instinct purement conduit par les enseignements de leur société.

Marine était, après tout, en train de courir pour le pur plaisir que cela lui procurait. Ses yeux azur pétillaient de joie alors que sa respiration se hachait de plus en plus et qu'un point de côté commençait à pulser douloureusement dans son flanc. Elle aimait courir, l'air glissait sur son visage comme l'eau. Une sensation douce-amère, qui lui rappelait ce qu'elle avait perdu tout en le remplaçant ; plus ou moins. Elle ralentit quelques instants plus tard, lorsque les muscles de ses jambes commencèrent à brûler de fatigue. Le sourire rayonnant que dessinaient ses lèvres s'attarda pourtant, alors qu'elle reprenait une allure paisible, respirant lourdement. C'était une bonne fatigue.

Elle ne cessa pas d'avancer, d'un pas simplement plus lent pour se permettre de récupérer de sa folle course. Son sourire rayonnant toujours sur ses lèvres, un pas léger, presque sautillant, la rousse leva la tête pour explorer son environnement. Elle était déjà venue au parc, brièvement, parce qu'elle devait le traverser pour aller plus vite. Elle avait du mal avec cette notion d'heures fixes, d'horloges et de montres. Elle avait vécu la majorité de sa vie dans l'obscurité relative de la Méditerranée ou au rythme du soleil lorsqu'elle était sur terre. La lueur qui animait ses yeux faiblit un peu alors que la douleur - habituelle après un an - lui serrait le cœur, étouffant ses battements. Un chant nostalgique lui monta aux lèvres et elle déglutit, essayant de le ravaler ; contrainte de le ravaler. Marine posa une main sur sa gorge, avec l'impression que ses cordes vocales brûlaient tant elle voulait chanter. Cela faisait des mois qu'elle n'avait pas chanté, vraiment chanté, avec toute son âme et toute sa puissance. Elle ferma douloureusement les yeux et prit une inspiration tremblante, se calmant à force de concentration et d'habitude. Sa volonté aurait pu l'aider ; si elle avait vraiment voulu se calmer. Elle savait pourtant, si elle chantait et enchantait des êtres, elle se ficherait complètement d'eux. De leurs sentiments ou des conséquences que cela engendrerait pour eux. Egoïste petite sirène. Qui ne pensait qu'à ses propres désirs. La seule chose qui l'empêchait de chanter en vérité était la menace des chasseurs.

Cette pensée la refroidit, éteignit la brûlure de sa gorge et lui fit rouvrir les yeux. Son désir de chant, son sentiment d'exil, n'étaient pas partis - ne le partiraient jamais - mais l'évocation des chasseurs la poussait à les enterrer, les garder pour elle jusqu'à ce moment où elle pourrait nager en toute liberté et chanter avec la mer. En attendant, elle pouvait tout aussi bien profiter du parc et du temps clément. Venteux et froid, certes, mais avec un beau soleil. La tête à droite, à gauche, la respiration égale et l'esprit prudemment distrait des sujets brûlants qui l'agitaient. Marine avait l'air heureuse de sa promenade et s'appliquait à l'être.

Elle ne regardait pas devant elle en marchant, se laissant absorber par les arbres vides de feuilles, le ciel clair, les nuages suivant leur chemin, les buissons rachitiques ou les enfants bruyants. Raison, probablement, pour laquelle elle n'avait pas vu cette autre rouquine juste devant elle ni cet enfant qui courrait sans faire attention. En revanche elle les sentit bien en heurtant femme après avoir heurté le garçon. Avec la sensation d'être une de ses balles rebondissantes qu'elle avait vu au supermarché, Marine tituba d'un corps à l'autre avant de reculer de quelques pas. Tentant de se remettre d'aplomb, plus surprise qu'autre chose ; plus légère aussi, car son sac s'était fait la malle. La garçon s'excusa et se sauva. La rouquine inconnue réagit plus vite que Marine, attrapant son sac et se sauvant à grands pas. Marine resta encore une seconde ou deux au milieu du passage, son sac à ses pieds, avant de secouer la tête, espérant renouer avec ses neurones.

Elle attrapa le sac et le mit sur son épaule, avança de quelques pas, fronça les sourcils et repositionna le sac. Elle fit ce manège deux ou trois fois avant que ses doigts ne touchent une protubérance froide sur la bandoulière. Qu'est-ce que… Inquiète à l'idée que son sac ne soit abîmé, Marine s'arrêta de nouveau pour l'examiner. Oh. Elle haussa les sourcils. Ce n'était pas du tout son sac. Plutôt celui de la rouquine qu'elle avait heurté juste avant si elle devait deviner. Marine fit volte-face avec empressement et recommença à courir ; sa respiration s'emballa immédiatement, un point de côté presque aussi instantané se forma sous sa poitrine. Elle grimaça mais continua à courir dans la direction approximative que la femme avait empruntée.

La sirène eut de la chance, la femme n'était pas allée très loin. Peut-être s'était-elle rendue compte de l'échange également. Marine s'arrêta à quelques pas de la femme, se sentant ridicule avec sa respiration lourde comme si elle avait piqué un sprint depuis l'autre bout de la ville. Son regard clair fixé dans celui, sombre, de l'inconnue, elle lui tendit le sac en inspirant suffisamment pour sortir une phrase hachée.

« —On s'est - hhh - trompé de sac. -hhh-  »

Marine se pencha légèrement en avant, espérant faire partir le point de côté contre lequel elle avait plaqué sa main libre.
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Sans provoquer son impatience déjà virulente, elle surgit : la coupable. Cette dernière vint lui faire volte-face à la vitesse de la lumière : dévoilant une respiration saccadée et le sac précieux de la fée inavouée. Kyara, complètement déconcertée, recula d’un pas et rattrapa une deuxième fois le sac de l’inconnue. La méfiance teinta ses pupilles meurtrières, d’une agressivité rare qu’aucun résident de la ville ne savait jauger. C’était sauvage, purement incontrôlable. Une minute trancha le silence entre elles puis deux puis trois. Balançant d’un mouvement las sa chevelure de feu sur un côté, Docteur Kean tendit à son tour le sac à la jeune femme. Semblable à une marionnette, elle répéta chacun de ses gestes et l’échange fut précipité. La froideur de son faciès s’anima lorsque ses mains éventrèrent son sac à main pour l’éviscérer de ses biens. En particulier, le verre percuta le métal et une main ferme laissa entrevoir un ensemble d’instruments métalliques très aiguisés. Ce fut le soulagement qui accompagna son langage gestuel, alors que la rousse planta de nouveau son regard chimérique dans ceux de son interlocutrice :

« Je vous remercie. Infiniment. Je ne peux pas vivre sans mes outils de travail. » Le véritable caprice d’avoir son ensemble personnel, de l’avoir commandé des quatre coins du globe des spécialistes les plus dispendieux du domaine et d’en assurer le nettoyage fastidieux. Kyara possédait de l’amour véritable pour sa pratique, et ces instruments valaient le monde à ses yeux.

« Je suis responsable de cette situation. Je n’ai pas vérifié quel sac je prenais avant de quitter. Réellement, merci. »

Des yeux chargés d’intensité et de rage ne purent dissimuler une absence d’humanité doublée d’une incapacité totale à sentir la culpabilité. De plus, elle ne savait pas présenter ses excuses. Ces mots n’avaient même jamais traversés ses lèvres. Ce jeu de marionnette complètement faux lui donna une impression des plus ridicules. L’ancienne militaire haussa les épaules devant son incompétence en société avant de reprendre d’un ton posé, glacé : « Comment puis-je vous remercier? Voulez-vous de l’argent? N’importe quoi? » D’une survivante envers sa sauveuse. D’une brebis aux pattes cassées sans ses accessoires, quasi dénuée de sa quête idéaliste d’atteindre la perfection. Kyara attendit de longues minutes les yeux plantés dans les siens avant de regarder autour d’elles.

Les enfants riaient en plein éclats, hilares et se tapant le ventre. La fée manqua presque de grincer des dents, avant de ressentir des vertiges. Ses mains voulaient se crisper sur les pans de sa jupe en tailleur. Des ongles courts vinrent se planter dans sa paume droite, y laissant des empreintes indélébiles. Un pas sur l’arrière dévoila son inconfort, mais elle se rattrapa en secouant son crâne de gauche à droite. L’un des gamins, celui qui leur avait rentré dedans, jetait des yeux effrayés vers les deux rousses. Certes la plus intimidante demeurait celle aux yeux de monstre : un appétit de chair, une soif de sang épouvantable. Le désir d’assassiner toutes ces aberrations purulentes de bonheur lui sauta au cœur et à la gorge. Tout ça parce qu’elle n’avait pas pu sauver les précédents; tout ça car elle ne savait pas distinguer sa propre jalousie de sa mélancolie. Le seul mécanisme de défense de son organisme restait l’opposition : la rage. À peine trente secondes écoulées, elle reportait sa concentration sur son interlocutrice.

La crinière de cette dernière l’attisa, lui montrant une seconde vérité. L’intention de lui demander ses origines lui traversa l’esprit, mais étant donné leur situation, quoique ce soit serait déplacé. De plus, son aura respirait le mystère, une certaine élégance dans le lâcher-prise. Elle avait un côté sauvage qui plaisait au caractère horrible de la jeune fée, et sa beauté sans équivoque évidemment. De plus, son intuition lui chuchotait qu’elle courait par pur plaisir. Qu’est-ce qui provoquait une telle réflexion? Le fait qu’un sentiment positif émanait de son visage. À mesure de profiler la douleur des gens à tous les jours, Kyara avait développé une certaine empathie. Comprendre les sentiments ou du moins en dresser un profil sans jamais les partager. Il ne fallait pas tomber dans la sympathie quand même. En cette seconde, seul le stress de leur rencontre semblait avoir choqué leur journée mutuellement paisible.

La sensation de se sentir scrutées de toutes les parts devint de plus en plus incommodante. L’ancienne militaire finit par se retourner et lever les bras au ciel en jetant un regard assassin aux morveux. La décence lui imposa de retenir les injures qui voulaient franchir le seuil de ses lèvres – aussi une impulsion psychopathe de vouloir tous les étrangler. L’ancienne militaire redressa son poignet pour regarder l’heure. Hormis le bracelet en cuir noir, un poignet défiguré par d’horribles cicatrices rayonnait. Des iris profonds, au pourpre torrentiel, semblèrent moins froids tout à coup.


« Est-ce que votre sac à main contient tous vos effets personnels? Manque-t-il quelque chose? Je ne voudrais rien avoir perdu en chemin. »

Kyara s’efforça de sourire modérément afin de montrer son honnêteté. Malgré ses traits sévères forgés dans les rangs militaires et médicaux, un pan de sa personne semblait plus fragile – plus accessible. Et n’importe qui savait en la regardant quelle misanthrope pure elle avait toujours été.

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KYARA & MARINE
Marine s'appliqua à respirer correctement, une main sur son point de côté et le sac à bout de bras. Les yeux rivés au sol, elle vit les pieds de l'inconnue reculer un peu et grimaça. Elle avait été un peu brusque. Elle releva le regard pour voir son propre sac lui être tendu sans autre mot. Elle le prit, y jeta un coup d'œil et s'estima satisfaite en voyant portable et portefeuille. Le reste n'avait pas d'importance, ce n'était que bouibouis que Maura l'avait persuadé être indispensables. Un tintement retentit, attirant son attention et elle aperçut l'éclat métallique d'instruments bien plus aiguisés qu'elle ne l'aurait soupçonné. La jolie sirène pencha légèrement la tête, perplexe. Était-ce normal pour une femme de se promener avec ce genre d'outils ? Personne ne lui avait rien dit dessus mais elle ne se souvenait pas d'en avoir vu dans le sac de Maura. Et Maura était sa référence dans tout ce qui était « humainement acceptable ».

« Je vous remercie. Infiniment. Je ne peux pas vivre sans mes outils de travail. Je suis responsable de cette situation. Je n’ai pas vérifié quel sac je prenais avant de quitter. Réellement, merci.
— Oh, pas de soucis, ce n'est rien. »


Marine haussa les épaules, ajusta son sac sur son épaule et croisa le regard si particulier de l'inconnue à la chevelure de flammes. Elle se pétrifia. Hypnotisée, absorbée. Les pupilles merveilles de cette inconnue dégageait quelque chose que Marine pensait avoir perdu à jamais. Telle une sirène exilée de la terre, le regard de cette femme dégageait une sauvagerie qui charmait la petite sirène qui était exilée sur terre. Rage, intensité. Absence d'humanité. Absence de la logique trop rationnelle qui éveillait sa pitié. Pauvre d'eux, humains, incapable de ressentir la charmante sauvagerie de l'océan et sa petite sœur la mer.

« Comment puis-je vous remercier? Voulez-vous de l’argent? N’importe quoi? »

Marine cligna les yeux, ne répondit pas, ne se donna même pas la peine de comprendre les paroles de la femme aux yeux de rage. Incapable de quitter la mer de son esprit pour revenir sur terre. Les yeux sauvages la tenait prisonnière. A travers eux, elle respirait plus facilement, son nez captait les effluves des embruns, ses oreilles rejouaient les sons de la mer, son esprit se rappelait de la maison. De la façon dont elle fendait les courants, dont elle accompagnait les flots furieux des tempêtes. La façon dont elle chassait les requins pour manger et chantait pour faire gonfler les eaux et attirer des invités aussi sauvages que sa mère. Les yeux cruels lui rappelaient la sauvagerie qu'elle avait dû bannir pour vivre au sein de la société humaine ; bien plus cruelle que la mer ne le serait jamais.

Puis les yeux brisèrent leur emprise et Marine vacilla. Prit une grande bouffée d'air avec la sensation d'étouffer. Trop d'oxygène dans cet air libre, elle voulait la légèreté de la mer. Mais elle ne l'aurait pas (elle ne devait plus jamais l'avoir) alors la petite sirène détourna les yeux vers les buissons bordant le parc, manqua le spectacle sauvage de la femme s'emportant dans le silence de la mort portée. Son regard de mer se reposa presque de lui-même sur cette femme cependant et la trouva en train de la fixer, de nouveau. Marine n'en fut pas ébranlée cette fois, pas autant, et elle savoura la sensation de ce regard cruel posé sur elle. C'était comme retourner à la maison, dans le froid des flots, à l'époque où sa mère la contemplait d'un regard un peu semblable ; cruel, bien plus lointain dans la sauvagerie cependant que cette femme. Les cicatrices ignobles qui furent exposés lorsque la femme regarda sa montre firent sourire Marine.  Des cicatrices, bien entendu ; c'en était naturel avec un tel regard. Un regard réchauffé aux iris à la couleur merveille. Presque aussi beaux que les coraux que Marine avait côtoyé toute sa vie.

« Est-ce que votre sac à main contient tous vos effets personnels? Manque-t-il quelque chose? Je ne voudrais rien avoir perdu en chemin. »

Marine cligna des yeux, se reconnecta avec le cauchemar de la réalité qu'elle avait un instant oublié. Elle n'était plus dans la mer, n'était plus chez elle, n'avait plus de mère. Une inconnue lui avait fait revivre ces sentiments perdus et Marine savait que c'était précieux. Elle se souvenait de la question précédente. Un paiement ? Elle pouvait se servir de ça. Elle ne voulait pas laisser l'inconnue sauvage disparaître dans les rues de la ville sans pouvoir la revoir. Elle voulait garder contact avec cette femme au regard de rage. Alors elle sourit, sincèrement, chaleureusement, et répondit ; enfin, après tant de temps à se perdre dans les flots de ses pensées.

« Oui, j'ai tout, merci ! Un café comme remerciement, si ça vous dit ? »

Elle souriait, ses yeux pétillants d'avidité. (Avidité honnête, elle voulait connaître cette femme, et avidité égoïste, elle voulait retrouver ces sentiments qu'elle n'avait connu qu'en tant que sirène.) Elle souriait, la petite sirène, ignorante que cela pouvait paraître déplacé dans une conversation ; ignorante des interactions sociales qui interdisaient d'inviter une inconnue, ou seulement si on était intéressé romantiquement, elle qui ne connaissait cette notion nébuleuse que théoriquement. Cruelle société aux normes trop réductrices pour une petite sirène libre.
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Fortunate Felony
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« Un café? Pourquoi pas! J’ai du Rhum, du Bailey’s ou de l’Amarula si vous désirez ajouter du goût au vôtre. Je vous suis! »


Définitivement, prendre un litre de café par jour aromatisé d’alcool semblait naturel et vital pour la chirurgienne. Un sourire sans sincérité, complètement faux, fendit le bas de son visage en deux. Ces lèvres de sang terrifiantes exclamèrent une autre expression de joie fausse en prenant la jeune inconnue par le bras comme si elles étaient sœurs ou des amies très proches. Le deuxième détail choquant fut la froideur de sa chair, la pâleur morbide de celle-ci, la douceur des pores et des blessures de la guerre, la fermeté des tissus musculaires, la rigidité et la force brute de son emprise sur son petit coude de sirène. La malice régnait au fond de ses yeux, la soif de sang reluisait dès que ses iris exploraient les horizons verdâtres remplis de jeunes têtes innocentes. Elles marchèrent dans cette ambiance pendant un moment.


« Allez. Continuons ta course! »


Soudainement, Kyara retira ses talons aiguilles rouge sang hauts de treize centimètres puis roula sa jupe en cuir trop serrée pour permettre à ses jambes de se séparer pleinement. L’ancienne militaire lança un regard orgueilleux, empestant le défi à son interlocutrice puis l’encouragea d’un signe de la main à la suivre – avant de s’emparer impudiquement de la sienne et de l’inciter à affronter toutes les épreuves qui se dresseraient sur leur chemin avec elle. Éprise de sa course à haute intensité, ses bas de nylon noir frappèrent l’asphalte puis l’herbe. Son sac de cuir en bandoulière demeurait mal fermé, et son autre main était occupée à tenir ses escarpins de secrétaire fétichiste. À chaque instant, un élément semblait pouvoir s’échapper de son fameux sac à main, et ce sans y réussir. Kyara continuait de prendre de grandes enjambées dans l’espoir d’encourager l’inconnue à ses côtés de lui révéler cette fibre instable, sauvage qui la tyrannisait. Docteure Kean lui lança un second regard aiguisé, raffiné de taquinerie. Presque à brûle-pourpoint, la fée osa même se retourner d’un tour élégant avant de continuer à marteler la plante de ses talons avec des pierres coupantes. Les pieds remplis d’infimes injures, elle continua son manège encore et encore, sans trouver un seul paradis dans toute cette adrénaline. Inerte, l’âme de l’orpheline continuait de quémander à chaque instant un sentiment de supériorité, de royauté. L’entièreté de cet univers devait devenir sien. Une couronne d’ego seyait sa crinière de flammes bouclées lorsqu’elle s’arrêta subitement sur une rue menant à un café.


La chair sèche, le souffle contrôlé, les poumons brûlants et le cœur en chamade, Kyara éclata de rire en échangeant une autre expression maléfique avec l’inconnue. Sa paume glacée libéra la sienne, non sans lui donner une poignée de fer – de celles qui ont manié plus de métal que bien d’autres. Sereine, la fée renfila ses chaussures en retrouvant des allures mornes, décédées. Ses mains angéliques ouvrirent la porte pour son invitée, et sa silhouette dont l’ourlet de la jupe redescendit assez vite se propulsa presque au comptoir du petit café. Le col de sa blouse fut également déboutonné parmi leur agitation, laissant naître la vue de régions interdites. Kyara reprit son souffle, d’une légèreté désinvolte, essuyant d’un mouchoir de tissu blanc brodé à ses initiales d’un triple K de couleur dorée. Elle rangea son petit carré dans son sac à main en bandoulière avant de le croiser sur son corps, ouvrant de plus belle son col. Arrivées devant la serveuse, la rousse aux yeux violacés se racla la gorge afin de ramener son attention sur la planète Terre. En effet, cette dernière jouait à une console de jeu vidéo en douce derrière le comptoir. Sans pouvoir manifester le moindre sourire, le faciès stoïque de la docteur formula d’un ton des plus froids, outrepassé d’agressivité :



« Un Americano triple expresso, tout ce que demandera Mademoiselle, et une pointe de chaque gâteau que vous servez. Je veux tous les goûter! »



Cette même voix paisible, pesant chaque syllabe avec une mélodie épouvantablement suffocante de méchanceté, ajouta sur un ton digne des pires pimbêches de cet univers : « Merci, Mademoiselle. Voici un pourboire décent. »

En toute honnêteté, la jeune rouquine n’avait jamais compris la nécessité de donner un pourboire à qui que ce soit. Ce furent les commentaires de plusieurs serveuses qui la convainquirent de porter attention à ses manières envers les étrangers. Rien que les premiers épisodes de ses premières rencontres dans la petite ville irlandaise de Bray lui avaient dévoilées toute une autre dimension des relations interpersonnelles. Encore trop crue pour la normalité de ce monde, docteure Kean invita galamment Marine à prendre siège auprès d’elle. L’adolescente aux lunettes épaisses et noires vint servir sept pointes de gâteaux sophistiquées, et laissa plusieurs couverts aux deux jeunes femmes. Dans l’ensemble, la première saveur dévoilait l’érable dans un ton caramel, la seconde le cappuccino dans une crème fiévreuse, la troisième le sel de mer perdu dans une saveur décadente et chocolatée, tandis que les autres ne faisaient que continuer cette harmonie de l’appétit injustifié – celui de la gourmandise évidemment.


« Je vous mets au défi de trouver le meilleur. »



C’est ainsi que Kyara croisa ses bras en se reculant sur son siège. Quel manège manigançait-elle encore? Seule l’expression orgueilleuse, autant joueuse que moqueuse, ornait son joli minois.




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