Tu étais devant ta future maison, et tu avais les larmes aux yeux, vraiment. Tu avais l’impression qu’obtenir ce petit bout de terrain, avec ta sœur, ça avait été le parcours du combattant. D’abord, trouver la maison qui vous plaisait. Une maison à retaper de vos propres mains. Ensuite, obtenir ce prêt à la banque. Du moins, surtout ce premier rendez-vous qui avait avorté, étant donné que tu avais été témoin d’un meurtre étrange là-bas… L’homme était mort entre tes mains, alors que tu t’étais battue pour l’aider. Batailler pour avoir un bon taux. Convaincre l’homme qui vendait que son prix était bien trop élevé pour l’état de la maison…
Tu venais de sortir de ta voiture, accompagnée de ta petite sœur, copropriétaire, cosignataire, partenaire idéale dans la vie. L’une des personnes que tu aimais le plus dans la vie. La parfaite personne pour t’accompagner, encore, dans cette aventure. Tu pris sa main, croisant tes doigts avec les siens, les apportant à tes lèvres pour y déposer un baiser d’encouragement, de remerciement, d’amour tout simplement.
Puis, tu pris un bon bol d’air encore frais en cette matinée. Ton premier jour d’année sabbatique, que tu allais consacrer à du bricolage, des réparations. « Et voilà, on y est. On va signer ! Tu as fait chauffer ton bic ? » Tu ris doucement à cette petite plaisanterie, qui n’en était pas tellement une, puisque vous en aviez des choses à signer. L’agent immobilier qui s’était garé à côté de vous semblait avoir du mal à porter sa serviette, qui devait contenir la montagne de paperasse à lire, parapher, signer. Vous alliez avoir mal au poignet !
Sans compter que le propriétaire partant était un véritable casse-bonbon, et il t’en avait vraiment fait voir des vertes et des pas mûres. Quoiqu’il semblait s’être adouci, car tu voyais déjà sur la table de la terrasse une cafetière à l’italienne chauffée, ainsi que des tasses disposées autour.
Sans doute cet homme était-il comme votre père, à Joaline et toi, un fermier vieux et difficile, avec un cœur grand comme ça et des mains bourrues par les longues journées de travail. Un peu malgré lui, ce vieil homme te touchait, en plein cœur, te rappelant ce papa que tu ne voyais plus beaucoup. « On devrait profiter de la matinée après pour aller voir papa… Ca fait longtemps, pas vrai ? » En même temps, tu évitais beaucoup ta mère, qui avait cette tendance à se montrer trop intrusive dans vos vies, à demander qui sera le prochain conjoint, le prochain petit-enfant, ces questions devenant gênantes au fil du temps.
Tu récupéras alors le courage auprès de ta sœur, lui laissant le soin de te répondre, puis de te guider vers le lieu de signature, tandis que tu étais transie à la fois par le froid que par l’émotion.
Heureusement que Samuel était en classe et non pas ici, à assister à sa mère qui devenait nerveuse comme une jeune fille, face à un avenir qui semblait des plus reluisants…
Invité
Jeu 28 Fév - 20:58
Invité
Lun 4 Mar - 18:46
Elle était prête comme toi, ta sœur, sauf qu’elle, c’était la force tranquille. Tu l’aimais tellement pour ça, capable d’être plus contenue quand toi tu avais envie d’exploser. Tu t’appuyais un peu sur elle, il fallait l’avouer, et sur ce coup-là, cela te permit de te préparer à signer sans être trop tremblante. Et de l’autre côté, tu supportais le petit vieux, que tu ne pouvais t’empêcher de comparer à votre propre père. C’était pour cela que tu avais proposé à Joa d’aller lui rendre visite, même si ça impliquait de voir votre mère. Tu savais que ça n’allait pas être simple, pour autant, tu savais ce que c’était toi aussi, et dans un certain sens, tu étais un peu semblable, à souhaiter un jour à ton fils de se trouver quelqu’un, et peut-être même un nouveau bébé à pouponner – ça te manquait un petit peu, tu devais te l’avouer.
Bien pour cela que tu avais un peu insisté auprès de Joaline : « Allez. Ce ne sera pas si terrible… Je suis sûre que ça se passera bien. » Et il n’en avait pas fallu beaucoup plus pour que ta sœur cesse ses yeux de biche, et capitule. Tu étais plutôt satisfaite – ton rôle de grande-sœur te plaisait aussi – et tu te laissas traîner vers les deux personnes qui allaient vous permettre de devenir, toutes les deux, propriétaires.
C’était peut-être une drôle d’idée, si un jour Joa se trouve quelqu’un, et si toi, ça marche avec ton propre inspecteur, vous auriez l’air fines à vous demander qui reste, qui se prend un nouvel appartement, mais pour l’instant, c’était un beau projet, et vous aurez bien le temps de voir venir. Pour l’instant, vous étiez heureuses, et même si tu avais dû mettre un petit coup de coude à Joaline pour éviter qu’elle s’endorme pendant la discussion pré-signature, tu resplendissais. Même toi, tu avais hâte que les blablas s’arrêtent pour qu’ils s’en aillent et donnent… Les clés. Enfin. Les clés !
Et après une période longue comme cent ans à signer, à user ton poignet qui était pourtant habitué à écrire des ordonnances à la pelle, tu finis par mettre le point final… Et à prendre ta sœur dans tes bras. Vous y étiez ! L’aventure pouvait commencer ! Tu saluas le départ des deux hommes peut-être un peu trop vigoureusement, ne pouvant pas attendre l’arrivée des déménageurs qui allaient vous rapporter les meubles. Vous, vous aviez le ménage à faire, d’ailleurs, tu avais rapporté le nécessaire dans ta voiture. « Ménage ! Allez, je sais que ce n’est pas ton truc, mais les déménageurs étaient déjà bien assez chers, on n’allait pas prendre une batterie de femmes de ménage avec. » Tu récupéras dans ton coffre balai, serpillère, seau, produits ménagers dans le cabas, serviettes, et accessoirement, des vêtements de rechange avec trousse de toilette, pour quand vous aurez fini et besoin d’une douche, sans forcément devoir fouiller les cartons.
Tu donnas une partie du matériel à ta petite sœur, et tu déclaras : « Allez ! On a trois heures pour tout récurer. Après, les déménageurs seront là. Et demain, on a Sammy à la maison ! Et on essayera de caler une visite aux parents. Ne crois pas que j’ai oublié. » Avec un petit sourire taquin, tu ne pouvais pas t’empêcher de l’embêter avec ça, tu te doutais tellement qu’elle comptait sur le fait de ne plus en parler pour te mener à oublier cette idée.
Tu retroussas légèrement tes manches – pas trop car il faisait tout de même froid – et tenant ta sœur par le coude, tu ouvris solennellement la porte. Petite pause devant, grand moment… Puis tu t’y engouffras avec une énergie venue tout droit de tes vingt ans, pour ouvrir chaque fenêtre, chaque volet, afin d’aérer cette odeur de vieille soupe qui semblait être indissociable des logements de vieilles personnes. « Le plus important, c’est salle de bain, chambres, cuisine. » Bon, après ces trois-là, il ne restait que le salon, la buanderie et les extérieurs, on ne pouvait pas dire que ça aidait beaucoup dans l’attribution des priorités, mais au moins, c’était dit. « Je vais commencer par les chambres, tu fais les salles de bain ? » Et sans attendre une quelconque réponse… Tu étais déjà partie avec le balai.
Invité
Ven 29 Mar - 22:36
Invité
Lun 15 Avr - 3:55
La séance de ménage se passa entre les plaintes de Joaline qui n’aimait pas le ménage, les petits incidents comme un seau à serpillère qui se renversa et la découverte de toiles d’araignées habitées par… Hé bien des araignées. Le choix des chambres avait été fait très rapidement aussi, tu avais laissé Joa choisir la sienne, ça t’allait bien, après tout, une chambre était une chambre. Tu étais à peu près certaine que ta sœur avait pris la plus grande, mais toi, celle du fond du couloir te plaisait bien, elle était dirigée vers le soleil levant et tu adorais l’idée de te réveiller avec un rai de lumière sur toi. Ca, et l’esprit de campagne, même si vous n’étiez pas si loin que ça de la ville, ça te faisait du bien. Ca te remontait le moral, et petit à petit tu arrêtais de penser à cet homme mort à la banque.
Il était temps. Même si parfois, la tentation de demander à Ian où ça en était devenait extrêmement difficile à contrôler. Mais tu respectais le fait qu’il n’avait pas le droit de parler d’une enquête en cours, comme tout le monde, tu allais te contenter de ce que le journal te rapportera.
Le gros du boulot se fit exactement comme on l’attendrait de la part de deux frangines trop habituées à vivre ensemble – comme si l’adolescence ne datait que d’hier – avec beaucoup de bruits, de rire et de râleries. Mais tu étais la grande sœur, et tu étais maman aussi, gérer des chantiers, tu savais faire. Tu essayais de marchander une heure de plus de ménage, toujours un peu plus de courage, comme ça après, c’est fini ! Et tu abandonnas aussi l’idée d’aller voir les parents juste après. « Non, en fait, tu as raison, c’est une très mauvaise idée. On va jamais réussi à être prêtes avant vingt heures, et si on y arrive, on aurait l’odeur de la sueur, les cheveux décoiffés… Bref, c’est un coup à se prendre tous les commentaires du monde. On ira une prochaine fois. » Tu te doutais que tu allais avoir droit à des soupirs de soulagement, à un acquiescement vigoureux, tout ça… Mais au final, ce n’était pas plus mal. Il fallait être raisonnable, parfois. Et ça, tu l’étais beaucoup, de raisonnable.
Le ménage étant désormais derrière vous, tu avais sorti du café de ta thermos, pour le servir dans des gobelets. Vous n’aviez plus qu’à attendre que les déménageurs déposent les cartons, et vous n’aurez même pas à bouger le petit doigt, étant donné que chaque carton avait une indication de l’endroit où ça devait être déposé, et tu avais mis des papiers devant les portes précisant à qui était quelle chambre, quelle salle de bain.
Tu t’étais installée sur une chaise à la table qui était restée là, tout en te demandant, juste avant que les déménageurs arrivent : « Cette table est un peu pourrie quand même. Il est sympa d’avoir laissé des trucs, mais quand même… J’ai bien envie qu’on l’envoie à la poubelle. Ou à une association caritative, mais vraiment, ce serait cruel. »
Contenu sponsorisé
une nouvelle maison (karen&joaline)
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum