Une rencontre d'exception se fait toujours à l'unisson...

Assise devant le miroir de ma coiffeuse, je soufflais, contrariée.  J’avoue que ce soir je n’avais pas envie d’aller travailler. Non pas parce que mon travail ne me plaisait pas ni par fainéantise, non, je n’avais tout simplement pas envie de quitter la maison.  La veille, alors que je me promenais comme j’avais pris l’habitude de le faire chaque dimanche, j’étais tombée sur une renarde qui c’était prise la patte arrière dans un piège. J’avais pu la dégager et je l’avais ramené à la maison, dans mes bras. Impossible d’appeler qui que se soit sur place je n’avais pas mon téléphone et j’avoue que je ne sais même pas si je l’aurais fait… Quelque chose me disait que je devais m’occuper de cette pauvre petite créature inconsciente. Écoutant toujours mon instinct, je l’avais donc ramené sous mon toit sachant qu’Alarik, mon oncle avec qui je vivais, saurait s’en occuper de par son expérience, non pas de flic, mais de bénévole dans divers refuge et pour avoir accompagné son ex fiancée vétérinaire sur quelques opérations.

Toujours est-il que depuis hier, l’animal au pelage de feu, semblable à mes cheveux, ne s’était toujours pas réveillé… Toute ma journée de cours, je n’avais pu me concentrer et penser à autre chose… Al m’avait dit qu’elle avait de la fièvre et qu’elle avait grand besoin de repos…  Pendant mon heure de libre après mon école d’art, j’étais vite rentrée pour garder un œil sur elle… Mais maintenant il fallait bien que je me prépare pour me rendre à mon travail je ne pouvais me permettre de manquer un seul jour surtout que cela me permettait de financer les études que mes parents adoptifs, milliardaires, avaient refusés de prendre en charge car il s’agissait nullement de la carrière qu’ils avaient fixés pour moi. De toute façon ils m’avaient laissés partir à condition que je paie moi-même mes cours, mais surtout parce qu’ils m’en croyaient incapable… Pas une fois ils ne m’avaient entendu chanter, pas une fois ils s’y étaient intéressés… La vie d’artiste était pour les minables selon leurs propos… alors je serais une minable heureuse ! Bref, ceci étant dit, j’étais enfin prête, affublée de ma tenue de travail… ou plutôt mon costume. Heureusement que je n’avais pas à prendre le bus accoutrée ainsi, j’aurais eu bien des problèmes car, même s’il était tout de même décent, il n’en restait pas moins affriolant ! Une fois maquillée, j’allais retrouver Alarik en bas afin qu’il me dépose, en voiture, devant le « The green Fairy ». Y’a pas a dire ce lieu avait vraiment de la gueule ! J’adorais y être barmaid et y chanter !

Ce soir, comme d’habitude les lieux étaient bondés. La jeunesse aimait beaucoup s’y rejoindre en début de soirée pour aller en clubs ensuite. Beaucoup restaient cependant pour la deuxième partie de soirée afin écouter les artistes se présenter avec leurs titres ou reprises sur scène. J’avais le privilège d’avoir mon petit temps à moi chaque soir… Il me languissait toujours ce moment mais en premier lieu, derrière le bar mademoiselle Forrest ! Que l’absinthe, ainsi que les cocktails composés de ce breuvage, coule à flot !

J’avoue que se service me parut tout de même interminable. Quand enfin fut venu le moment des artistes, Le bar se désemplie un peu, j’allais pouvoir souffler et m’asseoir deux minutes pour profiter un peu de la vrai musique ! Les premiers furent un groupe de métaleux, plutôt sympa d’ailleurs. Le chanteur avait une voix peu commune et le style était très noir et poétique. Le second artiste était une jeune femme qui à son tour, chanta plusieurs morceaux avec, pour accompagnement, un cd ou était les pistes de ses intrus. J’accrochais moins à son travail. Attention, je ne dis pas que ce qu’elle faisait n’était pas bon, ce n’était tout simplement pas à mon gout donc je serais mal placée pour juger un style dont je ne suis pas fan au départ… Pour juger tout court même ! C’était une artiste tout comme moi et elle travaille dur à ce qu’elle faisait et cela se voyait. Elle se donnait entièrement et même si je n’aimais pas particulièrement sa musique, il était très beau tout de même de la voir sur scène ! Partager à cœur ouvert son univers. Ce fut bientôt mon tour. Je montais sur scène pour me placer tout d’abord au piano ou j’entamais une balade poétique. Récit de mon propre passé. Les gens qui m’écoutais ce diraient sans doute que je racontais une histoire quelconque comme beaucoup d’artiste font, un fait divers qui les touches ou l’histoire d’un ami… là, c’était la mienne.  Quand elle fut fini, je m’emparais de la guitare électro acoustique pour faire quelque chose de plus rythmé histoire de repartir sur de la bonne ambiance,  sur l’histoire d’une jeune femme trompée mais qui quitte le fautif avec classe et dignité, non dénué d’humour… cette chanson cette fois-ci ne parlait pas de moi… je n’avais jamais été trompé… je n’avais jamais été avec quelqu’un tout court ne faite…  Sous les applaudissements généraux, je quittais la scène. Ce que j’aimais dans ce lieu c’est le respect qui y planait. Tout le monde dans cette salle n’avait pas aimé ma représentation, on ne peut pas tout aimer ni être aimé de tous, mais ici, tous applaudissaient pourtant après chaque chanson pour remercier l’artiste qui avait partagé un bout de son univers, de son travail, de sa passion. Je retournais au bar mais cette fois-ci coté clientèle puisque j’avais fini mon travail mais je restais toujours pour écouter les artistes suivants.


Perchée sur mon tabouret, je scrutais la salle en attendant que le chanteur sur scène finisse de s’installer. C’est là que je la vis. Magnifique petite brunette, regardant avec un large sourire dans ma direction. Je tiquais un moment en regardant à ma gauche, puis à ma droite et enfin derrière moi pour m’assurer de ne pas être ridicule si je souriais à mon tour. Non, il semblerait que ce sourire soit bien pour moi. Un jolie sourire est toujours le bienvenue aussi, je fis de même en faisant un signe de tête pour saluer la demoiselle. Je ne suis pas franchement très douée en rapport social. Renfermée sur moi-même j’ai beaucoup de mal à interagir avec les gens. Derrière mon bar c’est plus facile, c’est comme si un mur était entre nous… Sur scène quand je chantais c’était autre chose, c’est mon âme qui parlait, c’est le seul moment où je me sentais bien, prête à partager quelques chose avec quelqu’un… Mais dans la vie c’était beaucoup plus dur.

Je me retournais pour prendre mon cocktail sans alcool commandé pour en boire une gorgée après la paille jaune phosphorescente. Le chanteur commençait à chanter aussi mon attention se reporta devant moi où, je pu voir de nouveau la brunette me regarder… Avais-je quelque chose qui n’allait pas ? un trou sur ma tenue ? du noir sur le nez ? Une feuille de salade entre les dents ? Non impossible je n’en avais pas mangé en plus si c’était le cas cela aurait voulu dire que j’étais montée avec sur scène… honte intersidéral… fort heureusement je savais que ce n’était pas le cas… Ma timidité et mon manque d’assurance voulaient que je me pose tout un tas de question quand on portait son attention sur moi… je m’imaginais que cela était en général négatif… Mais qu’aurait-elle voulu sinon… Totalement perdue, je levais mon verre comme pour trinquer de loin avec elle… BOULETTTTTTT, c’est totalement nase ça ! En général on fait ça pour draguer non ? Dans ma tête c’était l’anarchie… OH MON DIEU la voilà elle c’était mis à se déplacer vers moi… J’eus l’impression d’entendre le retentissement d’une sirène d’alarme avec un commando qui me criait de me replier… J’avais une subite envie de lui obéir et de me mettre à courir ! Trop tard elle était là. Je posais mon verre et empoignait nerveusement l’assise de mon tabouret comme pour m’assurer de ne pas tomber…

L’inconnue se rapprochait maintenant dangereusement. Je regardais autour de moi comme pour chercher un trou de souris, avec de la bonne volonté j’étais sûr de pouvoir y rentrer ! Pas de poudre de perlimpinpin pour disparaitre… je n’avais d’autre choix que de faire fasse… ou de prendre mes jambes à mon cou pour déguerpir le plus vite possible… ce qui aurait fait de moi une personne des plus associable et complètement barge… mais ne l’étais pas déjà finalement ?

La demoiselle me faisait maintenant face avec un sourire de plus rassurant. Il était indéniable que ma nervosité c’était faite remarqué. D’une voix douce mais prononcé par le manque d’audibilité du lieu, elle se présenta à moi. Eileen. Ce prénom était tout à fait des plus charmants et lui allait très bien. Il était doux et harmonieux comme les traits de son visage. Sans me laisser le temps de me présenter à mon tour, elle me demanda si elle pouvait prendre place à côté de moi. Je n’eux encore une fois le temps de répondre qu’elle prenait déjà place. Contre toute attente je ne pus m’empêcher de sourire. Eileen me demanda enfin si je chantais souvent ici. De toute évidence la demoiselle cherchait à lancer une conversation. J’avais le droit de choisir de décider d’y couper court et partir comme j’en avais ressenti l’envie alors qu’elle venait vers moi… Mais un « je ne sais quoi » en elle me disait que je devais rester, que je ne le regretterais pas… et comme toujours je suivais mon instinct.


Je lâchais enfin mon siège. Cela fut un réel soulagement tant les jointures de mes doigts, blanchies par l’intense accroche, étaient devenues douloureuses. Je lui tendais enfin ma main pour la saluer comme il se doit.

- Salut Eileen, moi c’est Hope, enchantée…

Mon certain rang social faisait que j’employais des présentations conventionnelles avec petit mot final de circonstance… qui n’était pas toujours des plus sincères. C’est juste une formule de politesse. Pourtant, je ne sais pourquoi, j’étais déjà ravie que cette demoiselle ce fut présentée à moi. J’aurais tant aimé avoir cette assurance. Il était impensable pour moi d’aller voir un inconnu et d’engager la conversation, comme ça…

- Je suis ravie que tu ais aimé ma prestation.


C’était toujours un réel plaisir quand on aimait votre travail mais surtout quand on prenait la peine de venir vous le dire ! Cette demoiselle était vraiment des plus délicieuses décidemment. Je parvenais à me détendre de plus en plus, si, si… incroyable nan ?!

- Oui, je travaille également ici. Je suis barmaid. J’ai la chance de chanter pratiquement tout le temps. Le personnelle artiste du Green Fairy peut prétendre à un passage régulier...Il dure moins longtemps que les artistes extérieurs. Une à deux chansons par soirs en comparaison aux cinq demandés aux musiciens extérieurs. Mais c’est juste génial de pouvoir partager ce petit moment chaque soir avec la clientèle. Cela donne de l’expérience de la scène également.

Mon dieu quel miracle ! Je venais de parler… je veux dire de vraiment parler ! Une succession de plusieurs phrases à la suite… moi qui ne me contentais que d’une seule ou du plus court que je pouvais faire. Voilà que je tenais discourt et mieux encore j’allais le relancer.

- Et toi, tu viens souvent ? Je ne t’ai pas encore vu. Je n’oublie jamais un visage. En même temps cela fait que deux semaine que je travaille ici et trois que je suis en Irlande.

Voilà que je ne m’arrêtais plus. C’était bien la première fois que je me laissais allez à tant de confidence à une inconnue. Mais, Eileen avait vraiment quelque chose de spécial. C’était comme si j’avais l’impression de pouvoir avoir confiance. Qu’elle ne rirait pas de moi à mes faux pas et mon manque d’expérience sociale. Pour une fois, je ne doutais pas qu’elle puisse s’intéresser à moi. A ce que je faisais, à qui j’étais. Etrange, moi qui doutais de tous, de tout, et surtout d’être assez intéressante pour éveiller quelconques attentions…