Il fait nuit noire, mais c'est pour moi le début de la soirée. Il est 23h30, dans une demie heure, je prends ma garde. J'entre dans l'hôpital, me dirige vers mon service en soupirant. J'aurais préféré m'occuper de ma fille, Emma, que de la laisser encore une fois à mes parents. La petite était malade, et même si elle était heureuse avec ses grands parents, je savais bien au fond de moi que ma puce avait besoin de sa mère. Je me promis d'aller la dorloter, une fois sa garde accomplit. D'ici là, elle sera sans doute réveillée si la fièvre la laisse un peu tranquille.
Je dépose mes affaires dans mon vestiaire et coupe mon téléphone à contre cœur. Je prends ensuite une douche à la bétadine et enfile ma tenue d'aide soignante. Je prépare les salles, fait le suivi des patients, et j'en passe. J'enchaîne toute une partie de la nuit, concentrée sur mon travail et sur les personnes qui ont besoin de moi, collègues, comme inconnus. Il est 3h30, et ça commence déjà à tirer. Il est temps de faire une pause. Je me dirige vers la salle de repos et essaie de ne pas revivre le cours de la soirée, comme je le fais à maintes reprises, dans ma tête.
Cette nuit, il y avait eut des soucis, et comme souvent, certains qu'on pensait hors de danger n'avaient pas pu être sauvés. A présent, je suis rodée. Mais certains départs demeurent plus difficile que d'autres pour moi, et certaines images s'imprègnent bien malgré moi. Je ferme les yeux, et m'allonge, j'essaie d'éviter de m'endormir. Un collègue vient me prévenir quand le temps imparti est écoulé. C'était un deal qu'on avait fait avant que je parte en pause, pour plus de sûreté.
Il me laisse me redresser, sort de la pièce et je remets mes chaussures pour regagner mon poste. Je dois aller récupérer des gens pour les amener jusqu'à la salle d'attente, et en amener d'autres dans des salles d'opération, en toute urgence. J'ai l'impression de passer mon temps à courir. La salle des urgences fini par se vider mais elle pourrait très bien de nouveau se remplir, alors je reste un peu et traînasse dans les couloirs en attendant qu'on daigne réclamer mon aide.
Je soupire et m'affale contre le mur. Je rêverais de retirer mon chignon, ma blouse, tout ce qui me force à me tenir à quatre épingles, mais je ne peux pas encore. Je ferme les yeux un instant pose mes mains sur mes tempes pour les masser du bout des doigts. J'entends des bruits de pas, mais je ne rouvre pas les yeux pour autant. Si c'est moi qu'on me cherchait, la personne finirait par m'adresser la parole. En attendant, je savourais ce moment de solitude après une nuit agitée et bruyante.