Like a shadow you and me friends or brothers wild and free no matter where you are life can not kill.
J'ai la carte dans les mains, cette carte abîmée, tâchée. Lorsque le grain du papier se cale sur mon empreinte, je repense à ce fameux jour. Josh est entré comme n'importe quel inconnu et il s'est avéré être bien différent de tous ceux que j'avais pu croiser jusque là. La conversation est imprimée dans ma tête avec de l'encre indélébile. Elle me brûle encore le crâne à m'en faire mal. Cet instant de rage aussi, qui remonte, cette scène qui tourne en boucle. Le déni, mon visage face au sien et cette évidence, cette foutue évidence.
Il ne mentait pas, pas besoin de mots, de photos ou quoique ce soit. Juste voir son regard, son faciès et ses expressions. Il était mon reflet, probablement en mieux. Parce que notre mère l'avait choisi, qu'il a pas été baladé comme un poulet qu'on veut vendre, comme un esclave même pas vraiment bon à prendre. J'ai pas à me plaindre de mon enfance, Andy a été là si vite et pourtant, depuis Joshua ma colère ne dépérit pas. Elle reste là, comme une boule de douleur qui vit, un deuxième cœur uniquement emplit de haine. Pas contre lui spécialement mais contre le poids du bagage qu'il m'a apporté. Contre cette vérité dont je me serai finalement passé.
Depuis, ma vie a bien changé. Si j'avais une famille avant lui, en retrouvant mon sang j'ai vu s'étioler les liens qui me tenaient à ma famille. Je sais plus comment parler, comment fonctionner. Je fais n'importe quoi, je veux effacer les images qui se répètent dans ma tête. Alors je bois, je sors. Je m'assomme avec l'alcool et la fatigue. Si je ne sors pas je travaille, si je ne travaille pas je sors. Hors de question de penser, de laisser mon cerveau fonctionner autrement que par automatisme. Trop dangereux, trop douloureux. J'ai les yeux fatigués, des cernes plus noires que jamais lorsque je regarde cette carte qu'il m'a laissé.
Le temps a passé et j'ai promis, promis de l'écouter. Un autre jour, un moment où je serai plus près, le temps de digérer. J'ai l'impression qu'une éternité s'est passée depuis ce moment et qu'en même temps, il était hier. Je me perds dans le temps à faire de mes journées des copies conformes. Alors je me décide, sortant mon portable de ma poche. Je compose le numéro et laisse un texto. Pas prêt pour entendre sa voix, pas comme ça. Un lieu de rendez vous, en plein cœur de la forêt. Une heure complètement improbable, le soleil à peine lever. Je ne veux pas qu'on nous repère, et puis je dos pas.
Et puis c'est ça où rien, que je me répète jusqu'à recevoir l'approbation du mec que je vais rencontrer.
Les quelques jours passent comme tous les autres. Ce soir là, je travaille de nuit, ma garde se termine à cinq heures tapantes. Je sors dehors, tout le monde se dit bonne nuit. Des sourires de principe et des étirements contre la fatigue. Je regarde ma montre, m'allume une clope et me dirige vers le lieu à pieds. On a beau être en été, la veste posée sur mes épaules n'est pas de trop. Le climat n'est jamais idéal ici et la fatigue ne doit rien arranger. Je renifle, finis une première cigarette avant d'en entamer une autre. Je suis en avance, évidemment. Je m'avance lentement vers la clairière pour finir par m'y asseoir. Entièrement seul, face à moi-même dans cette nuit qui regorge de secret. Andy détesterait savoir que je suis là seul alors que les choses ne sont pas simples en ville, qu'il a toujours peur qu'on soit en danger. Kyle me frapperait sans doute un bon coup pour ne pas lui avoir dit où j'allais. Mais mes préoccupations se balayent à l'instant où la silhouette du brun se dessine devant moi. Mes yeux se relèvent, le tracent dans son entièreté. C'est un peu comme pour vérifier si j'ai pas enjolivé mon souvenir, si je me suis pas persuadé qu'il me ressemblait alors qu'on avait rien en commun. Une dernière chance de reculer, d'avoir un déclic qui me dit que le mec me baratine et qu'il va m'arnaquer. Ou m'assassiner, voler mes organes. Un psychopathe hyper organisé.
Mais rien de tout ça n'est vrai, plus il s'approche et plus le déclic prend un tout autre sens. Celui de l'évidence, celle qui tâche et qui braque. Qui fait mal et qui donne envie de hurler. Je serre les dents et rallume une clope avant qu'il n'arrive à ma hauteur. Sans prendre la peine de me lever, mes yeux épuisés se fixent sur le reflet et articulent, lentement. « J'pensais que tu changerais d'avis. » Froid, stupide, blessé. « Assieds-toi, le lever de soleil est sympa ici, c'est d'jà un début. » Je hausse les épaules. Maladroit, chamboulé. Tout se bouscule dans ma tête et se répète. Je sais pas comment m'y prendre, alors comme à mon habitude, je me lance les deux pieds devant. « Désolé pour l'autre fois, j'sais pas, j'm'y attendais pas. » C'est pas vraiment ce qu'il faut dire, pas vraiment comme ça non plus mais tant pis. Je hausse les épaules et lui tends mon paquet. « T'en veux une ? »
J'évite le sujet, le plus longtemps possible. Je tourne autour du pot sans jamais réellement le toucher. Parce que j'ai peur que ça dégénère, que la boule de rage qui fait boum boum dans ma poitrine explose et que je doive cacher son corps dans la forêt. Et j'ai déjà failli laisser un cadavre pour lui, je m'en voudrais de l'y laisser lui.
doctor sleep | quote : Heart & Soul - Joyca.
Invité
Ven 21 Sep - 22:49
Brother. We've taken different paths and travelled different roads. I know we'll always end up on the same one when we're old. And when you're in the trenches And you're under fire I will cover you.Zach & Josh
Heart broken
Les mains de Joshua avaient tremblé lorsqu'il avait lu ce fameux texto. Un message qu'il pensait ne jamais recevoir mais qu'il attendait toujours, dans un recoin de son esprit. S'il avait pu réussir à tuer pour de bon cet espoir insensé, sans doute aurait-il moins morflé. C'est sournois l'espoir, ça entretient les rêves les plus impossibles, ceux qu'on cache à tout le monde, y compris à sois-même. Il avait lu et relu ces quelques lignes pour se convaincre qu'elles existaient réellement, prostré dans le fauteuil de son bureau, son regard rivé à l'écran comme s'il l'hypnotisait. Il n'arrivait pas à réfléchir, alors il s'était contenté d'une réponse brève, qu'il n'avait réussi à rédiger que plusieurs heures plus tard, se noyant dans ses pensées troublées. Ok, j'y serai.
Le soleil n'était pas encore levé lorsqu'il se mit au volant de sa prestigieuse voiture, une luxueuse berline qui le mena aux abords de la forêt, jusqu'à ce qui soit contraint de continuer à pieds, bon grès mal grès. La faible lueur de l'aube n'était pas suffisante pour traverser les feuillages des arbres et seule la lampe torche de son téléphone lui permettait d'y voir un peu. Ses chaussures italiennes, parfaitement cirées, s'imprégnèrent de la boue du petit sentier. Pendant un moment, Joshua cru s'être perdu et il maudit entre ses dents sa propre stupidité. Pourquoi avait-il accepté de s'aventurer en pleine forêt, à cette heure si matinale ? Cela ressemblait tant à une farce, voire à un piège, que c'en était consternant. Non pas qu'il avait peur de quoique ce soit, ou peut-être... de ne pas réussir à empêcher la déception de lui broyer les entrailles. Lorsqu'il s'avança vers la trouée lumineuse que formait la clairière, les oiseaux se mirent à chanter joyeusement. Une note incongrue dans cette ambiance d'incertitude.
Il était là. Assis à même le sol parsemé d'herbes folles et de fleurs sauvages, une clope au bec, comme s'il était venu faire du camping, Zachary donnait l'air de le narguer. Lorsque leurs regards se croisèrent de loin, Joshua enfonça ses ongles dans sa propre paume. Avait-il eu si peur de ne découvrir que l'absence ? Un vague soulagement l’inondait ainsi qu'une certaine appréhension. Son pas large et assuré foula l'étendue herbeuse tandis que son visage restait fermé et qu'il s’obstinait à se défaire de toute émotion parasite. Il s'était déjà rendu à des rendez-vous dans des endroits bien plus louches ou glauques lors de ses affaires, Kyle aurait pu en témoigner. Et même si le citadin se sentait tout sauf à sa place dans cet endroit, il n'en laissa rien paraître. Il rangea son téléphone dans la poche de sa veste à la sobriété élégante et, alors qu'il le rejoignait, les mots glacés de l'insolent le heurtèrent. Il laissa échapper un soupir bref.
« Hé bien non, je suis là... Pour ta gouverne, je respecte toujours ma parole.»
Joshua esquissa un sourire ironique, ébauche de rictus décontenancé qui mourut face aux excuses, auxquelles il ne s'attendait pas. Son regard s'arrêta sur le paquet offert qu'il accepta, au bout de quelques secondes d'hésitation.
« J'veux bien... Merci. »
Ses doigts s'y glissèrent pour en tirer une cigarette sans l'allumer. En lieu de cela, il resta debout, rechignant à salir ses fringues pour suivre les caprices d'un morveux. Les taches d'herbe sont les ennemies des tissus délicats... Abaissant les yeux vers le fumeur, Joshua attarda son regard sur cette tête aux cheveux châtains, si semblables aux siens. La rosée matinale qui perlait sur les brins d'herbe s'accordait à la fraîcheur de l'air et aux odeurs boisées pour créer une atmosphère étrange. Presque trop paisible. Il fouilla ses poches pour dénicher le briquet qui embrasa sa clope et se retourna pour apprécier l'horizon. La clairière se trouvait sur une petite colline qui dominait la forêt et leur permettait en effet d'apercevoir les premiers rayons de l'astre. Joshua plissa les yeux.
« T'as l'âme d'un poète. Le cadre est très romanesque, c'est vrai. Et idéalement désert. »
Il se retourna vers le gamin vers qui il souffla doucement sa fumée. Qu'il ne lui fasse pas croire qu'il l'avait invité dans cet endroit et à cette heure, rien que pour la beauté du paysage. Le ton de sa voix chaleureuse portait l'assurance de ceux qui n'essuient jamais de refus.
« Tu ne veux pas aller ailleurs ? Ma bagnole n'est pas loin, on pourrait aller prendre un p'tit dej quelque part. Je t'invite, bien-sûr. »
Que l'argent ne soit pas un frein. Joshua n'avait rien contre le fait d'admirer un lever de soleil mais il se serait senti plus à son aise dans le cadre agréable de ce petit café qu'il avait en tête, aussi confortable que luxueux, et qui proposait des petits déjeuner somptueux, pour peu qu'on y mette le prix. Nul doute que son frère apprécierait également, il y serait mieux installé que sur ce sol froid et humide, Joshua ne songeait même pas qu'il puisse en être autrement. Pensif, il toisa le jeune homme avec curiosité pendant un léger instant avant de reprendre pour plonger dans le vif du sujet.
« Tu dis que tu t'y attendais pas, mais tu devais quand même bien te douter que t'avais de la famille quelque part. »
Contrairement à ce qu'il avait affirmé, Zachary aurait dû s'y attendre, logiquement. Il croyait quoi, qu'il était né dans un chou ? C'était lui qui avait une tête de chou, tiens.
«T'as jamais eu la moindre intuition sur... »
Sur moi. Sur ce lien si particulier qui unissent des jumeaux, même s'ils sont dissemblables. Est-ce que je ne t'ai pas manqué, dans le fond de ton inconscient ? Est-ce que toi aussi, tu as ressenti cette sensation étrange d'être incomplet toute ta putain de vie? Les mots de Joshua restèrent bloqués dans sa gorge et il fuma en silence, contemplant les yeux sombres de Zachary.
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