I guess that means you trust meRod S. Wilde & Yukon Z. WrightLes joues rouge à cause de l’air si frais du matin, le front pourtant trempé de transpiration, comme à peu près le reste de mon corps, je fis encore deux petits tours du pâté de maison avant de m’engager sur le petit sentier qui me ramènerait chez moi, suivit par ma troupe à quatre pattes. Évidemment, les plus petits et les plus traînards étaient en fin de cortège, alors que les plus fous et les plus rapides m’avaient déjà dépassé. Les plus jeunes et les nouveaux étaient en laisse, que j’attachais à une ceinture-sangle autour de moi pour pouvoir courir sans être trop gêné. Depuis quelques années maintenant que j’avais toute cette ménagerie chez moi, j’avais fini par trouver les bonnes méthodes pour concilier les balades et mes habitudes. Le problème résidait surtout dans le fait que cette même ménagerie ne diminuait pas, elle avait même tendance à grossir, et tout particulièrement depuis le tsunami qui a ravagé tout Golden Coast. Le refuge était envahit par les pauvres bêtes qu’on avait pût rescapé des eaux, que ce soit les animaux domestiques des familles vivants dans le quartier, des errants ou de ceux que la mer avait amené là. Et forcément, personne pour venir les récupérer ou leur donner un foyer. Du coup, j’en avais ramené quelques uns chez moi… grosse erreur de ma part. Mais c’était plus fort que moi, surtout après avoir rassurer ces pauvres bêtes, les avoir serrer dans mes bras alors qu’elles étaient encore tremblantes, impossible de les laisser derrière moi. Quand la ville se sera remise de la catastrophe, peut-être que quelques uns trouveront une nouvelle famille pour eux.
Le gravier crissant sous mes baskets, je m’arrêtais juste devant le porche, reprenant mon souffle tranquillement et jetant un œil derrière moi, attendant que mes quatre petits touristes se décident à se hâter un peu. Parmi eux, il y a avait une chienne de cinq ans, une Chow-Chow qui attendait des petits. Bientôt de nouveaux membres, mais qui ceux-là pourraient plus facilement trouver des propriétaires, les gens préfèrent toujours des chiots à des chiens adultes, hélas. Elle marchait dignement, en grande princesse qu’elle était, avec son air canaille. Bien sûr, contrairement aux autres qui avaient rappliqué bien plus vite quand j’avais commencé la distribution de croquettes sous le porche, elle prit tout son temps pour venir à mon niveau et me demander des papouilles avant de se pencher sur sa gamelle, toujours en princesse, parfaitement digne de son patronyme Princesse justement. Je profitais de leur temps de dégustation pour m’étirer longuement et filer en direction de la salle de bain, une bonne douche était nécessaire avant tout. Je n’avais pas tellement besoin de me presser pour aller bosser, déjà parce que The Fairy Road n’est pas très loin de chez moi et ensuite parce qu’en hiver, il y avait tout de suite beaucoup moins de monde qu’à la belle saison. Surtout qu’en dehors des Fées, il y avait peu de courageux sans ailes pour venir grimper les arbres et faire les parcours en plein froid. On en profité alors pour faire un peu de nettoyage, d’améliorer les terrains, de tester de nouvelles choses et de faire l’inventaire du matos. Rien de bien épique, mais ce calme loin de l’influence de la ville, loin de la réalité du drame récent, ça ne nous faisait pas de mal.
Tasse-thermos de thé en main, trois madeleines en bouche, je m’assurais que tout mon petit monde était dans le salon et au chaud devant le faux aquarium (parce que je ne me sens pas capable de garder des poissons chez moi, ce qui en soit est absurde), sur leur grand tapis duveteux avant de quitter mon foyer, verrouillant la porte mais laissant la trappe ouverte pour les chiens. Matin normal pour une journée normale, rien de plus. Sauf que la journée avait prit un aspect bien différent alors que sur mon lieu de travail, et devant le froid qu’il faisait, et l’approche des fêtes de fin d’année, les responsables, après à peine quelques heures, nous accorda le reste de la journée. En réalité, le temps qu’on nous livre de quoi éviter le gèle des parcours. Si la plupart, si ce n’est la totalité, de mes collègues étaient fort ravi de cette nouvelle, de mon côté j’étais déjà en train de soupirer et d’établir des plans afin d’occuper ma journée. Je détestais ne rien faire. Rester sans activité ne faisait pas parti de mes attributions, j’avais toujours ce besoin de faire quelque chose, de bouger, de pouvoir me servir de mes mains. Quelles étaient mes options ? Passer à l’entreprise familial voir s’ils n’avaient pas besoin de bras en plus. Passer au Refuge. Faire mes achats de Noël, parce que forcément, je n’avais toujours pas commencé à le faire. Ceci dit, en centre-ville, je pouvais toujours prospecter aussi auprès des familles qui voudraient un chien. Ouais, c’était peut-être bien le bon plan.
Mais en rentrant chez moi, cette nouvelle perspective de journée se cassa royalement la gueule en bas des escaliers. Déjà, devant la porte, je constatais qu’il y avait des traces de rayures autour de la serrure, des traces qui n’y étaient de toute évidence pas à mon départ. Fronçant les sourcils, je constatais que pourtant la dite-porte était fermée correctement, pas grande ouverte comme pour un cambriolage. J’allais vérifié que la clé de secours, celle que ma famille utilisait pour venir chez moi quand je n’étais pas là était toujours bien dans sa cachette (c’est-à-dire collé sous la gamelle de Foulkan, oui, c’est bien ce qu’il y a écrit dessus), ce qui était le cas. D’autant plus intrigué, je finis par entrer tout doucement, mais mon regard se posa immédiatement sur le tapis de ma ménagerie. Ils étaient toujours tous là, avec une silhouette en plus qui n’avait rien de canin ceci dit. Il me fallut quelques secondes avant de reconnaître qui était allongé là en plein milieu des chiens et de sourire, particulièrement attendrit. Estimant qu’il n’était pas nécessaire de le réveiller tout de suite, j’allais prendre la polaire sur le canapé pour l’en recouvrir tout doucement, lui épargnant ainsi de se chopper la crève. Le connaissant, et sachant sa situation, si c’était le cas, il n’allait pas se soigner de sitôt, ni même tout court.
Le laissant ainsi dormir, je préparais en cuisine du chocolat chaud avec de la chantilly, deux tasses avant de revenir dans le salon et de poser le tout sur la table basse. J’aurais aimé lui faire du café, mais depuis mon choc et en sachant que même le contact sur la peau pouvait provoquer mon allergie, je n’ai plus une seule trace de caféine chez moi. Au grand dam d’Alaska d’ailleurs. Accroupi à présent à côté de lui et de la meute, je le regardais dormir avec un léger sourire sur les lèvres, hésitant encore à le sortir des bras de Morphée. Finalement, et poussant un peu Brutus, je parvins à me faire une place dans ce sac de nœud, passant mes bras autour de lui et commençant à caresser son dos pour le faire émerger.
Ouais je sais, je viens de poster une absence, j'adore me contredire T'aimes les pavés non ? Prends-le comme un cadeau de Noël
Invité
Mer 27 Déc - 18:47
Spoiler:
Merci pour ce petit cadeau de Nowël
I guess that means you trust meRod S. Wilde & Yukon Z. WrightRod, c’était une longue histoire. Il avait l’âge, comme la plupart des gens que je connaissais à Bray, l’âge de mon petit frère, Utah. Je le connaissais depuis un moment déjà maintenant, ça avait commencé pour ma part au port, où il était là, assis à nous observer, sans qu’il y ait quelque chose de vicieux, de malveillant. Un regard innocent et rempli d’étoile sur notre tribu et sur le voilier familial, ce qu’aucun de nous ne puisse savoir ce à quoi il pouvait bien penser. J’avais été le premier à le remarquer, sans rien dire aux autres, comme pour le protéger, lui laisser cette tranquille, ce point d’observation sans que personne ne vienne le déranger. Après tout, il ne faisait rien de mal, il n’y avait rien de dérangeant de savoir son regard sur nous. Jusqu’à ce que Dallas le voit aussi et en parle aux parents. Non pas pour leur demander de faire quelque chose, mais juste pour le dire. Leur coupant tous l’herbe sous le pied, j’étais allé le voir pour lui proposer de nous rejoindre s’il le voulait, ou de boire un thé sur le voilier, de venir de plus près le voir, mais non. Il avait toujours refusé. Comme il l’avait fait bien des années plus tard quand je lui avais proposé de venir chez moi.
Ce qui expliquait mon agréable surpris de le voir là. De l’avoir là, dans mes bras. Pour le coup, c’était de mon fait ça. Mais rien qu’il ait franchit le cap et qu’il soit venu jusqu’ici, ça me faisait vraiment plaisir. J’avais eu cette envie, ce besoin de le prendre dans mes bras, de le sentir contre moi. Je ne m’expliquais pas cette nécessité, si ce n’est que lui-même avait besoin de recevoir un peu d’affection et de bienveillance. Loin d’avoir suivit toute sa vie, j’avais appris par un tiers ce qui était en train de lui arriver, sa vue baissait de plus en plus, et il la perdrait sans doute totalement. Je ne m’expliquais pas non plus pourquoi cette nouvelle me serrait autant le cœur. Il y avait sans doute une partie de moi qui se sentait bien trop chanceux par rapport à lui. J’avais eu de la chance que le couple Wright me prenne sous son aile, qu’ils me gardent, qui sait où j’en serais maintenant, dans quel état, ni même si je serais toujours là pour en parler ? J’aurais très bien pu avoir le même destin que lui et inversement.
A quoi ça tenait réellement la vie, hein… Ce qui me conforta d’ailleurs d’autant plus dans ma décision sur ma propre paternité. Il n’était pas question que je laisse la chair de ma chair avec cette roue du hasard de la vie pour une erreur de ma part et de mon incapacité à prendre mes responsabilités. Il n’était plus question de fuir. Il n’était pas question de rajouter un ou une malheureuse dans une souffrance inutile. C’était pour ça aussi que je voulais aider autant que possible Rod. Si on pouvait appeler ça de l’aide. Je tentais de lui apporter autant que possible ce dont il avait besoin, de le maintenir à flot. Ce qui n’était pas forcément évident avec sa confiance en lui quasi inexistante et qui estimait ne pas mériter quoi que ce soit. Il avait besoin de tout ça. Dans un sens, il avait de l’égoïsme dans mon comportement, je m’occupais de lui pour ne pas penser à ce qu’il y avait autour de moi, de ce que je devais faire pour me démêler de mes propres problèmes. De ce que je ne parlais à personne, de ce que je gardais pour moi et que je voulais réglais tout seul, mais plus tard, pour n’apporter de tort à personne. L’indépendance n’avait pas que du bon.
Quand Rod émergea, bafouilla, sursauta, ça oui, je l’avais bien senti aussi, je souris d’autant plus, ne parvenant pas plus que cela à me décrocher de lui, ne l’enfermant pas non plus contre moi. Je lui laissais la possibilité de s’échapper de mon étreinte comme d’y rester, sachant bien que ce n’était une chose facile pour lui. Je chassais ses excuses d’une moue. Cette clé était là pour qu’il puisse venir en mon absence, pas besoin de me prévenir. Elle était faite pour ces moments là. Que ce soit parce qu’il avait envie de me voir, de se mettre au chaud, de voir les chiens, ou n’importe quoi, il pouvait faire ce qu’il voulait. Et ce n’était pas faute de le lui avoir répéter. Je le regardais essayer de se redresser, j’étais prêt à l’aider quand il m’attrapa par les manches, ce qui me surpris un peu, ne sachant pas vraiment ce qu’il cherchait à faire par ce geste avant qu’il ne se mette à éternuer. Plusieurs fois. Bientôt imité par le plus petit de ma meute de poilu, Snoopy, à peu près le même que la bande dessiné. Ce qui me fit légèrement rire étant donné que leurs éternuements étaient quasi les mêmes. C’était adorable. Ayant profité qu’il m’ait relâché, je fit de même pour me lever, repoussant encore une fois Brutus qui en avait profitait pour s’affaler sur moi et allais lui chercher un mouchoir.
« Il n’est pas encore tout à fait midi. Enfin, il est pas encore onze heure et demi, pour être exact. Je t’ai fais un chocolat chaud. »
Je retournais près de lui pour lui tendre le dit mouchoir, ramassant au passage Snoopy qui était en train d’essayer de lui grimper dessus et de lui lécher le visage. En même temps, je remarquais les quelques gouttes de transpiration sur son front et son visage qui paraissait bien rouge. Ce à quoi je n’avais pas fait attention jusque là. Est-ce que c’était à cause de moi ? Je n’avais pas réfléchis en le couvrant, c’était un réflexe pour moi que de couvrir quelqu’un quand ce quelqu’un dormait, je n’avais pas réfléchis plus. Avec les chiens, le chauffage centrale et la couverture, ça avait fait un peu trop sans doute.
« Tu veux que je t’apporte un verre d’eau ? Si tu préfères quelque chose de frais plutôt que le chocolat, y a pas de problème tu sais. »
I guess that means you trust meRod S. Wilde & Yukon Z. WrightAssis sur l’accoudoir du canapé, surveillant du coin de l’œil les tasses sur la table basse, les coups de queue trop enthousiastes étaient si vite arrivés, je n’avais pas spécialement envie de devoir nettoyer le tapis de la meute, le reste de mon attention était posée sur Rod, toujours assis au milieu des chiens, toujours aussi rouge. Jamais il ne m’avait été permis de le voir autant sourire, aussi bien que quand il était avec eux. Une toute petite partie de moi leur enviait ça. Pouvoir le faire sourire, le faire rire. Peut-être même avoir ses câlins. Ce serait me mentir à moi-même que de nier vouloir son affection, même si jamais, ô grand jamais je ne lui en demanderais, parce que j’avais bien trop remarqué qu’il n’était pas comme ça avec les humains, mais aussi parce que si lui-même n’en demandais pas pourquoi est-ce que je lui imposerai ? Je n’avais pas été élevé comme ça. L’affection venait naturellement, j’en avais toujours eu naturellement, avec mes frères, avec ma petite sœur, mes parents, mes partenaires nocturnes. Rod, c’était ironique, mais parce que je savais que je ne pouvais pas en avoir de sa part, je n’en voulais que plus en crétin que je suis.
Perdu dans mes pensées, j’en sursautais presque quand il répondit à ma proposition de verre d’eau, tellement perdu dans ma contemplation, qui n’allait d’ailleurs pas finir. Il attendait sans doute une réponse de ma part aussi, que je dise quelque chose, sauf que honteusement, je n’avais pas du tout écouter. Heureusement, pour me sauver la mise, ma très vielle mémère, Pénélope (et ne me demandait pas d’où vient son nom, il est sortit comme ça dès que je l’ai vu), une labrador couleur crème de plus de dix ans, vint me réclamer des câlins en posant ses deux grosses patounes avant sur mes épaules. J’échappais un rire en la faisant simplement descendre sur mes cuisses pour gratter l’arrière de sa tête, les yeux de nouveau sur Rod qui se faisait pour sa part sauter dessus par Snoopy. D’accord, leur éducation n’était pas vraiment parfaite, ils avaient tendance à être sauvage, c’est vrai, et les plus petits même étaient nettement plus bourrins que les plus gros. J’avais la mauvaise habitude de penser que les futurs propriétaires pourraient ne pas être aussi sportifs et joueurs que moi avec eux. Enfin, il n’y avait pas de mal, et le plus jeune joua même avec le petit nerveux. Enfin, avant ça, Rod avait commencé à retirer son gros pull, et puis quelques autres qui étaient en dessous. D’une part, j’étais étonné de compter tout ce qu’il avait, tout en connaissant sa situation, je me mettais difficilement à sa place, et imaginer devoir porter autant de truc sur le dos pour avoir chaud me dépasser vraiment. Peut-être parce que j’avais grandis sur un bateau, là où on n’a pas particulièrement chaud, et parce que mon élément est lié à quelque chose qui peut être froid (ou très chaud), je n’étais pas du genre frileux. Un tee-shirt et un pull me suffisait, voir pas de pull du tout, en intérieur. Dehors, j’étais quand même plus raisonnable. Mais en même temps, savoir qu’il était aussi couvert à cause du froid serrer un peu plus mon cœur. Si je le pouvais, je serais prêt à aller installer du chauffage chez lui. D’autre part, et même si c’était sans doute idiot de le voir de cette façon, alors qu’il avait juste chaud selon toutes probabilités, voir qu’il n’était pas prêt à tourner les talons, à se mettre suffisamment à l’aise, au moins pour boire son chocolat me rassurait.
Continuant les papouilles pour Pénélope qui elle aussi avait le regard sur eux, du moins il me semblait, je continuais d’observer Rod et Snoopy en train de jouer, se faire des mamours et le tout avec une bonne humeur contagieuse. C’était adorable. Même si encore une fois, une toute petite partie de moi était jalouse. Pour rien au monde je ne l’aurais arrêté ou empêcher de passer un moment comme ça. Tout ce que je voulais pour lui, c’était justement qu’il ne puisse qu’avoir des moments de joie comme ceux-ci, le plus souvent possible. Même si je ne savais pas exactement ce qui se passait dans sa vie, déjà parce qu’il m’en parlait pas et qu’il ne le ferait sans doute jamais, il était facile de se rendre compte que rien n’allait comme il le faudrait. Il y avait un énorme pas en avant qu’il soit venu jusqu’ici et qu’il soit même encore là. Peut-être que petit à petit, il allait s’ouvrir un peu plus à moi, qu’il allait se sentir un peu plus en confiance, qu’il n’aurait plus peur de venir vers moi. Le chemin était sans doute bien plus long que ce que je pensais, mais j’aimais à croire que ma meute n’était pas la seule responsable.
Quand il se mit debout, le petite pile électrique à poil dans un bras, ses vêtements dans l’autre, je ne pus m’empêcher de sourire. Sourire de cette vision encore plus adorable. Sourire de notre différence de taille, et par la même occasion de personnalité, lui à baisser les yeux et la tête, recroquevillé sur lui-même, alors que j’étais beaucoup plus décontracté, les épaules dégagées, le dos bien droit. Même si au fond, j’avais un peu de peine pour ce que ça révélait de lui. Repoussant un peu ma vieille mémère câline, je me relevais pour prendre doucement ses vêtements.
« Je vais poser ça là, t’en fais pas. Que tu puisses te servir de tes deux bras, avec la terreur, et ton chocolat. »
Y allait doucement. Après nos retrouvailles un peu… virulente malgré moi, où j’avais débarqué chez lui avec les chiens, l’effrayant plus que le rassurant, j’avais appris à faire doucement, à ne pas avoir trop de gestes vifs. Et évidemment, ne pas trop le toucher. Ses pulls et son écharpe posés sur l’accoudoir que je venais de quitter, ils ne manquèrent pas de se faire renifler par ailleurs, j’allais attraper les tasses pour revenir près de lui et lui en tendre une. Entre le moment où je les avais fait et maintenant, la chantilly avait fondu et perdu de son gonflant. Dommage. Je ne doutais cela dit pas que Rod apprécierait quand même la boisson chaude. Et ce, même si je continuais de penser qu’un verre d’eau lui ferait aussi du bien après ça.
« Tiens. Tu peux t’asseoir où tu veux tu sais, ne te gêne pas. La seule chose que je te demande, c’est de ne rien renverser sur le tapis des chiens. Sur le canapé, sur la table, ça met totalement égal, mais pas sur leur tapis. Ça prend un temps fou à laver, et quand ils ne l’ont pas, ils s’accaparent mon lit. »
Pour ma part, je retournais m’installer sur le canapé, suivit de près par la mémère qui ne me quittait pas et qui envisageait très sérieusement de venir monopoliser à nouveau mes genoux, à défaut de toute ma personne. Sitôt assis, ses grosses pattes et sa tête étaient installées sur mes cuisses, m’empêchant à présent de remuer tout ce qui était sous le nombril. Pour la peine, je posais ma tasse sur le sommet de sa tête, ce qui ne fit que la faire souffler pour me faire comprendre son mécontentement. Soupirant, je regardais à nouveau Rod, incapable de me défaire de mon sourire. En sa présence, je ne pouvais que sourire. J’avais envie de lui transmettre ça, de le faire se sentir bien. Et puis… je voulais qu’il se souvienne de mon visage de cette façon. Avec le sourire. Que lorsqu’il songe à moi, ce serait avec le sourire.
« Je ne travaille pas aujourd’hui, alors si tu veux rester, tu peux. On pourra aller promener les chiens, si tu es prêt à les avoir tous autour de toi bien sûr. »
I guess that means you trust meRod S. Wilde & Yukon Z. WrightComplètement coincé par une bête d’au moins vingt-cinq kilos sur les cuisses, je n’avais donc pas d’autre choix que de rester où j’étais et d’attendre, tout simplement. Et de voir aussi Rod planté là devant moi, pendant plusieurs secondes, peut-être même minutes, sans oser se poser. Est-ce que j’avais été trop brusque par ma demande ? Je savais qu’il aimait être au beau milieu de la meute, mais connaissant sa maladresse et connaissant les fous, je savais que c’était une très mauvaise équation. Et pour peu que l’un d’eux reçoivent justement le chocolat chaud sur lui… ou plusieurs… Non, je n’avais pas envie d’y penser. Parce que la toilette de certains était un vrai calvaire. Sans compter ceux qui justement adoraient l’eau et voulaient eux aussi se retrouver dans l’eau… Dans ces moments là, je regrettais vraiment de devoir me charger d’eux tout seul. Encore que… j’étais certain que ça plairait à Rod et qu’il trouverait ça amusant. Alors à la limite… mais peut-être pas aujourd’hui, pas tout d’un coup.
Enfin, il fini par s’asseoir, à une distance peut-être un peu trop raisonnable à mes yeux, mais au moins, il était maintenant posé, et je me sentais soulagé qu’il ait accepté de le faire. Non pas par crainte des salissures, mais tout simplement de le voir continuer sur ce chemin de la confiance. J’avais de l’espoir, l’espoir de le voir s’ouvrir un peu plus à moi, le voir me faire de plus en plus confiance. S’il ne se sentait pas en sûreté avec moi, il était évident qu’il ne serait jamais là. A sa question, je souris, toujours en grattant les oreilles de Pénélope qui essayait de s’installer un peu plus franchement sur moi, jetais un rapide coup d’œil sur les autres toutous toujours installés pêle-mêle sur le tapis, certains laissant entendre des ronflements et des soupirs.
« Sans moi et en se montant les uns sur les autres, ils tiennent tous, » affirmais-je sans cesser de sourire pour ensuite reposer mon regard sur mon ami. « Bon, je ne te cache pas qu’il y quelques pattes qui dépassent, mais ça tient. Et dans ces moments là, je dors sur le canapé, puisque forcément, il ne reste pas la moindre petite place pour moi. »
Je le vis alors boire une bonne gorgée de son chocolat chaud, ce qui me fit d’autant plus sourire en constatant son évident plaisir. Rien que ça, ça suffisait à me rendre heureux. Le voir prendre plaisir pour une simple petite chose innocente. Il y avait bien là une part enfantine, mais chez lequel de nous deux ? Lui qui se satisfaisait d’un chocolat chaud ou moi qui était juste content de lui faire plaisir ? Mon sourire se fit encore plus grand à la découverte de la mousse sur sa lèvre inférieur et qu’il semblait l’avoir lui aussi remarquer puisqu’il essayait de l’enlever, même si malgré tous ses efforts, il resta encore quelques traces. J’avais fortement envie de lui enlever ce qui restait, juste avec le pouce, juste quelques secondes, pas pour le déranger. Mais craignant qu’il ne sursaute, qu’il ne prenne peur, je m’abstins et restais où j’étais, gardant mes mains sur ma vieille mémère dont la queue battait mes chevilles. Je savais qu’elle surveillait aussi Snoopy qui n’arrêtait pas de gigoter, les pattes avant sur le torse de Rod, les autres sur ses cuisses, pas si loin de sa tasse, essayant sans doute de lui lécher encore le visage.
Mais mon attention fut de nouveau attiré par mon ami qui ne rejetait pas totalement mon invitation, mais qui ne l’acceptait pas non plus, centrant surtout la conversation sur moi plus que sur la proposition en elle-même ou même ses propres désirs. J’avais l’habitude, Rod était comme ça, il ne s’imposait pas, il n’était pas du genre à penser à lui. C’était ce que je regrettais le plus, et j’avais bien l’intention de lui prouver qu’avec moi, il pouvait le faire. J’étais encore très loin d’y arriver, je ne savais même pas s’y j’allais y arriver, mais je voulais essayer. Me redressant comme je le pus, je posais un bras sur le dossier du canapé, me tournant autant que possible vers lui pour pouvoir le regarder dans les yeux, gardant toujours un ton de voix très calme et doux.
« En fait, je n’ai pas choisi de prendre un jour de congés, avec le temps qu’il fait, le froid qu’il fait, notre patron nous a donné la journée. Je n’avais pas encore de projets jusqu’à te voir ici, alors tu sais, tu ne chamboules rien du tout, et je n’éprouves pas non plus le besoin de me reposer. Alors, si tu as envie, on peut partir avec eux en promenade quand on aura fini les chocolats et que tu te sentiras un peu mieux. Et si tu veux, je peux même te prêter un manteau plus chaud et plus épais pour éviter que tu ais à remettre toutes ces couches. »
Deux choses. Déjà, j’avais bel et bien songé à des projets, mais justement, ce n’était que de la réflexion, rien de concret et c’était à défaut de pouvoir m’occuper. Et surtout parce que maintenant qu’il était là, je n’avais pas d’autre envie que de passer du temps en sa compagnie. Aller en centre-ville pour faire adopter les chiens était plus que secondaire. D’ailleurs… il ne valait mieux pas que je lui dise ça… Vu comme il s’était attaché à eux, et inversement, ça lui ferait mal sans le moindre doute. J’allais lui épargner ça pour le moment. La deuxième chose, le manteau. Je savais que là, c’était pour ainsi dire impossible qu’il accepte. Là encore, loin de moi l’idée de vouloir lui imposer quoi que ce soit, ni même de chercher à me l’approprier, je cherchais surtout son confort. C’était vraiment tout ce que je voulais. Qu’il soit bien et qu’il n’ait pas froid. J’avais bel et bien des manteaux qui pourraient lui aller, peut-être un peu petit de quelques centimètres aux manches et juste au-dessus de la ceinture, et encore. Enfin, la proposition était là, et je pensais bien déjà connaître la réponse.
Lâchant finalement une des oreilles de ma mémère, je repris ma tasse, la bougeant un peu d’ailleurs ce qui la fit râler… et monter définitivement sur le canapé, pile entre nous deux, me lançant en même temps un regard lourd de sous-entendus. Je l’avais dérangé, elle allait faire la tête pour quelques minutes, mais tant pis. J’avais donc repris ma tasse pour m’installer plus confortablement sur le canapé, ramenant mes jambes sur celui-ci en tailleur.
« Tu sais, j’essaye de passer le plus de temps possible avec eux. Les journées sont longues pour eux, c’est vrai, mais je fais toujours une bonne balade d’une bonne heure le matin, pareil pour le soir. Après, ils ont accès au jardin, ils se baladent… Ils savent qu’ici c’est la maison, qu’ils ont toujours de quoi manger, de quoi boire. Ça arrive de temps qu’un ou deux s’en aillent pour quelques jours, pour revenir tout contents. Ils font leur vie. Et ils reçoivent autant d’amour que possible. Doublement quand tu viens les voir. »
I guess that means you trust meRod S. Wilde & Yukon Z. WrightAvec le temps, j’avais fini par avoir l’habitude de ses refus, je savais que ce n’était pas tellement par le manque d’envie, mais sa peur de déranger, depuis toujours c’était comme ça, même l’époque où les parents lui avaient proposé de monter sur le voilier. Alors l’entendre dire que ça ne le gênait pas de remettre ses couches de pulls, ça ne me surprenait pas. J’aurais nettement préféré qu’il soit dans un de mes manteau qui lui tienne bien chaud que de le voir en mode bibendum, mais je ne pouvais pas non plus le forcer. Je ne voulais pas le forcer. Je souriais simplement, sans pour autant le regarder, sachant pertinemment que mon cœur flancherait si je le faisais, encore. Cependant, ça ne répondait pas tellement à ma question… Et bien, quand je sortirais la meute, on verra bien s’il se décide à me suivre… Dans tous les cas, j’espérais qu’il le ferait, j’avais envie de passer la journée avec lui, j’avais envie qu’il reste avec moi. Parce que je savais qu’il serait plus ou moins bien pendant tout ce laps de temps, je savais qu’il ne serait pas en souffrance.
Ça devenait de plus en plus délicat, il y avait quelque chose qui faisait obstacle, qui nous gênait tous les deux, et ce n’était pas que du fait de Pénélope. Il fallait dire aussi que je n’étais pas le mec le plus à l’aise au monde pour ce genre de situation. Laquelle ? Celle d’être aux côtés de quelqu’un qui avait droit à toute mon attention, toute mon admiration et toute mon affection sans parvenir à lui dire quoi que ce soit qui aille dans ce sens. Depuis le temps que je le connaissais, depuis le temps qu’il traînait avec mes cadets, j’avais eu le temps de comprendre un peu comment il fonctionnait, comment il se comportait, même si depuis que je l’avais réellement retrouvé, peu de temps après avoir découvert Alaska dans un état déplorable, ça n’avait pas été en s’améliorant. Mais au fond, il restait toujours le même, et c’était bien pour ça que je ne pouvais m’empêcher d’aller vers lui, d’avoir envie de le chérir, de le couvrir de cette affection qu’il lui manquait. Pourtant, c’était facile de lui dire tout ça, il n’y avait rien de bien compliqué. Sauf que j’avais peur qu’il prenne ça pour de la pitié. Qu’il se sente encore plus comme une corvée. A mes yeux il était tout sauf un poids, c’était le contraire même. J’avais même une certaine culpabilité à ressentir un tel plaisir à l’avoir avec moi, et surtout de l’une des raisons qu’il faisait que je l’accueillais ainsi : j’en oubliais le reste. Les problèmes. Et ce qui allait très vite m’arriver. Rien que d’y penser, je sentais une vague d’angoisse me parvenir. Dans ma main je serais toujours ma tasse, mais je tremblais. J’étais terrifié par l’avenir. Peut-être que ma mémère l’avait senti, elle avait bougé de nouveau, posant sa tête sur ma cuisse. Avec un faible sourire, je posais ma main libre sur le sommet de son crâne pour la grattouiller.
C’est à ce moment là que je le vis se pencher vers elle, se coucher en fait sur elle, avec Snoopy qui avait glissé par la même occasion. Ils étaient beaux. Il était beau. Je mourrais d’envie de glisser mes doigts dans ses cheveux, un geste tout ce qu’il y avait de plus innocent, un simple geste tendre. C’était plus fort que moi ces envies là. Mais je les enfouissais toujours plus profondément, toujours sous une tonne de fausses raisons, de principes, d’excuses, dans l’espoir qu’elles ne ressortiraient que bien plus tard et avec d’autres personnes bien qu’elles n’aient pas la même saveur. Voilà pourquoi je voulais qu’il passe du temps avec moi, je ne pouvais pas savoir ce qu’il y avait dans sa tête et dans son cœur, mais il avait l’air bien ici, entouré par les chiens, même sans moi j’étais certain qu’il était bien. Sa question me surpris quand même. J’étais tellement perdu dans mes pensées que je ne m’étais pas attendu à cela, à une question si innocente, presque enfantine. J’en souris un peu plus, toujours avec cette envie de passer ma main dans ses cheveux, pour poser mon regard sur les autres toutous sur le tapis, complètement affalés et la moitié en train de ronfler. Si je leur manquais ? Une question que je ne m’étais pas posé jusque là.
« Peut-être bien… je ne sais pas, en fait… ça m’arrive d’être absent pendant de longues heures quand je ne suis pas au boulot, mais quand je suis avec eux… Ils sont comme ma famille en fait. Mes parents me l’ont fait remarqué, mais je reproduis ce qu’eux ont fait avec nous, c’est-à-dire récupérer des petits abandonnés et leur offrir un toit. Je leur donne tout ce que je peux leur donner en réalité, autant d’amour que possible, de la nourriture bien évidemment et du temps. Il y en a sans doute certains qui sont indépendants et qui n’ont pas autant besoin d’attention, mais d’autres, c’est moins le cas. J’imagine quand même que d’ici quelques années, si je me séparais de quelques uns, je leur manquerai. C’est déjà arrivé qu’après avoir trouver un foyer à un d’eux, il revienne ici, devant la porte. Dans ces cas là, je les garde. Pénélope, par exemple. Elle m’a fait le coup trois fois. Alors je l’ai gardé. »
Et à l’inverse, c’était pire. Quand je me séparais de l’un d’entre eux. Même si je savais que je devais prendre du recul, même si je devais ne pas trop m’attacher, c’était extrêmement difficile. Et en suivant j’en recueillais un nouveau, généralement. Parce que j’étais trop faible. Parce que je n’arrive pas à faire autrement. Tout en sachant que ça finirait par me mettre en difficulté. En me décollant un peu du canapé pour décroiser les jambes de sous mon corps, je constatais que Rod serait à moitié Pénélope contre lui, qui n’avait pas bougé, seulement qui avait légèrement tourné la tête vers lui pour lécher ce qu’elle pouvait atteindre de lui et la reposer sur ma cuisse, levant ses yeux vers moi, essayant sans doute de me faire passer un message que je ne recevais pas totalement. Ou que je ne voulais pas recevoir. Comment voulait-on que je reste sans rien faire face à une telle image ? Il était magnifique, et il était doux, il me semblait tellement fragile… Je voulais le serrer contre moi. De nouveau cette envie, ce désir puissant de l’étreindre, de pouvoir le toucher juste un peu, mais pour lui donner surtout de l’affection. Ce serait trop pour lui. Je le savais pertinemment. Je le savais, et ça me faisait mal. J’avais envie de hurler, pas contre lui, contre ce monde qui l’avait rendu comme ça, de crier ma frustration. Je devais probablement être le dernier des Wright duquel il accepterait un tel geste. Il était plus proche d’Utah et d’Alaska que de moi, surtout à cause de leur âge. Une injustice terrible si j’en écoutais la petite voix de la jalousie. Finalement, je me laissais glissais au bas du canapé, voulant lui laisser plus de place, mais aussi parce que je me sentais mal avec cette distance physique entre nous, et pour tuer dans l’œuf mon envie. Je fixais mon regard devant moi alors que ma mémère posait sa tête contre la mienne, sur mon épaule, tout en continuant de la caresser. Snoopy vint renifler ma même et la lécher tout en essayant, si je m’en fiais au bruit, de grimer sur la matriarche canine, sans doute toujours pas fatigué de courir partout.
« Tu sais… je crois que je les envie quelque part. Ils ont une famille si nombreuses, ils sont toujours tous ensemble, tout en vivant chacun de leur côté, ils ne se posent pas tellement de questions. Ils sont heureux. J’en suis certain, ils le sont. Ils mènent une vie insouciante et douce… Ensemble. Pas de question, pas d’inquiétude plus que de me voir rentrer en retard certains soirs. Et de prendre un bain quand les puces sont dans le coin. Et surtout, ils ont un grand copain pour jouer. Et ça, c’est un grand moment pour eux. »