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 From the Queen of England to the hounds of Hell | ft. Evelynn G. Page

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From the Queen of England to the hounds of Hell
Evelynn & Gidéon

« Don't want to hear about it. Every single one's got a story to tell. ~ All the words are gonna bleed from me and I will think no more. »
Gidéon Ò Murchù était un homme très occupé. Sept heure tapante, heure de lever; l’aurore de l’homme d’affaire et le début d’une interminable journée. Enchaîner les responsabilités n’avait jamais été un problème, et il n’était pas rare de surprendre l’homme à superposer ses activités. L’efficacité était une priorité telle qu’elle justifiait un multitasking impressionnant, la moindre des choses pour un homme d'une telle influence. C’était sans doute l’une des raisons pour lesquelles Gidéon Ò Murchù sortait peu. Son rythme de vie exigeait de lui qu’il ait vue sur tous les domaines depuis un point central qu’il voyait comme un sommet : le siège social de Oax Pharmaceutics, à Bray - qui ne se distinguait plus tout à fait de la demeure familiale des Ò Murchù tant le travail était constitutif de leurs moeurs de vie. Il y avait bien sûr une autre raison pour laquelle le père Ò Murchù sortait peu, et ce n’était pas encore par crainte du mauvais temps. Plutôt qu’en cinquante-trois ans d’existence, il avait eu tout le loisir de se trouver des ennemis, et certains d’entre eux auraient mis la ville à feu et à sang pour parvenir jusqu’à lui. Il n’avait pas réellement peur, car il se voyait encore comme un être difficilement atteignable, et il l’était - mais sa mort aurait été un formidable contre-temps qu’il ne pouvait se permettre, et l’âge avait fortement apaisé son goût du risque.

En ce 2 novembre pourtant, il n’avait pu se départir d’une visite en toute formalité. Le géant avait quitté son arrière-garde et avait dû se rendre en voiture à l’hôpital de Bray. Officiel ? Il y avait toujours une part de préparation fastidieuse ainsi qu’une part de secret, il était difficile de déterminer qui était exactement au courant des déplacements de l’homme. Il avait de nombreuses mains et des bras longs - mairie, hôpital, université, on ne se serait pas étonné de le voir à l’avenir se saisir de l’aménagement du territoire et l’immobilier, et c’était encore sans compter son poids non négligeable dans la représentativité locale des Dux Tenebris. Pour faire simple, dans une civilisation capitaliste, l’argent faisait tourner le monde et Gidéon était Bray (en arrondissant grossièrement, nous ne sommes pas à une vache près). En tant que PDG d’une entreprise pharmaceutique majeure, le partenariat avec le centre hospitalier local était inévitable. Et c’était là qu’il se rendait, trop serein peut-être pour l’accueil qu’il y aurait.
Il était calme, ne laissant pas apparaître la moindre nervosité - semblant juste un peu empressé peut-être, car il tenait à régler cette affaire avant sa prochaine cigarette, et le manque commençait déjà à poindre. Il avait traversé le bâtiment d’un bon pas, objectif en tête. Ajustant sa cravate dans une symétrie parfaite. Un regard de fausse compassion et un sourire encourageant au personnel - les malades quant à eux étaient presque invisibles à ses yeux, et ce n’était jamais plus que la plus formelle des politesses. Et on s’écartait pour le laisser passer, car l’argent avait plus de valeur que la santé. Couloirs pleins, couloirs vides - à mesure qu’il approchait de l’administration. Les plus reclus, les plus oubliés, les moins nécessiteux - ou peut-être plutôt les plus fortunés, ce qui justifiait par l’argent un droit à la tranquillité.
Cela se passa au tournant, Gidéon était trop distrait, ou peut-être trop imprudent. Une douleur fulgurante, si vive qu’elle embrouilla ses sens, le faisant vaciller et tituber en plein couloir, et beugler de douleur autant que de rage. L’étonnement, l’incompréhension, la vue obscurcie, floue, brumeuse, embuée. L’impression d’avoir le dos trempé, et sentir cette sueur épaisse couler à terre, rougir le carrelage blanc. L’agresseur avait déserté comme un courant d’air, mais il avait manqué le coeur de peu. Jeudi 2 novembre 2017, Gidéon Ò Murchù aura bien failli perdre la vie, cela dit celle-ci ne lui était pas encore rendue. Dire que sa fille s’y était essayée et avait échoué, alors qu'une ombre sans nom ne l’avait pas manqué. Vous l’auriez vu - trainant les jambes, manquant de trébucher à chaque pas dans ses propres pieds : il était déboussolé, les sens en pleine contradiction et la tête au bord de l'explosion. Mais, surtout, il était grièvement blessé, et le couteau n’avait pas été délogé de son dos. Prostré sur lui-même, longeant le mur, l’angoisse se mêlant au reste, il cherchait une porte, une aide, n’importe quoi qui le tire de ce désastre. Il refusait la mort, trouvant qu’elle survenait bien trop tôt, et surtout d'une manière bien trop inattendue. La Une potentielle du lendemain - Gidéon Ò Murchù assassiné à l’hôpital de Bray - lui semblait soudainement beaucoup trop réelle à son goût.
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from the queen

gidéon & evelynn

DON'T WANT TO HEAR ABOUT IT. EVERY SINGLE ONE'S GOT A STORY TO TELL. ~ ALL THE WORDS ARE GONNA BLEED FROM ME AND I WILL THINK NO MORE.

Evelynn voyait le bout de cette journée sans fin. Elle était debout depuis trois heures ce matin, sans avoir eu le temps de s’accorder une petite sieste pour récupérer. La blonde était sur les genoux, prête à s’effondrer à tout moment à terre tel un soldat à bout de forces. Mais du nerf ! La journée n’était pas finie ! Il y avait eu énormément de blessés avec le passage du tsunami, sans compter les morts qui s’entassaient à la morgue. Bien trop occupé au bloc chirurgical avec les urgences qui affluaient, Adam lui avait confié les réserves de l’hôpital à vérifier. Avec tous les soins administrés ces derniers jours, il craignait que l’endroit tombe en rade produits, de médicament et autres nécessaires de soins. C’est donc dans la réserve que la blondinette se trouvait, accoudée aux bureaux devant les listings. Elle tâchait de se concentrer du mieux qu’elle pouvait, notamment en ne notant pas des chiffres erronés. La tâche était délicate, elle sentait ses paupières se refermer lentement, ses doigts se laissant glisser dans ses bouclettes blondes au fur et à mesure que sa tête se penchait dangereusement vers la table. Mais les bruits alentours, aussi soudain qu’inopinés la faisaient se redresser et elle regardait en direction de la porte par crainte qu’on la surprenne en train de flâner durant la mise à jour. Evelynn reprenait alors une grande inspiration, s’étirant légèrement sans se lever de sa chaise et elle revérifiait pour la énième fois la liste afin de situer à peu près à quel moment elle avait décroché.
Elle tentait de positiver, de se dire qu’elle avançait malgré tout, mais pas à un rythme suffisant. Elle s’était mise des petites tapes sur sa joue, elle prit une bonne gorgée de thé –tout juste tiède-, et elle avait mis les bouchés doubles. Si elle voulait finir à l’heure et dans les temps, elle avait tout intérêt à s’y mettre sérieusement. La blondinette était loin de se douter qu’en ce Jeudi 2 Novembre, elle allait être marquée à jamais.

Elle n’avait pas vu les heures passées et les employés de l’hôpital désertaient les lieux petit à petit. Elle se disait simplement que ce n’était qu’un calme un peu trop durable et qu’ils étaient sûrement tous occupés. Hors quand elle avait entendu courir dans les couloirs, elle se mordait les doigts pour se retenir de râler. Qui était le crétin qui courrait dans un lieu pareil ? Il fallait être totalement irrespectueux pour les autres qui tentaient de travailler malgré leurs fatigues. Une première fois, elle ne dit rien. Une deuxième fois, elle s’était contentée de soupirer. Mais au troisième passage, elle avait fini par être excédée, sans montrer le moindre signe de violence. Tout juste un petit cri étouffée ridiculement mignon et la moue de colère. L’infirmière avait fini par se lever de sa chaise, ouvrant la porte et constatant alors qu’il n’y avait plus grand monde. Seule la lumière de son bureau aux archives alimentait les environs et quelques autres des bureaux voisins qui n’avaient pas encore déclarés forfait. Il était tout juste 19h, l’heure à laquelle les employés quittaient leurs bureaux pour les moins solides. Evelynn, elle, faisait partie de ses oubliés qui ne comptaient pas les heures tant que cela pouvait être utile à d’autres. Soudain, un beuglement de douleurs avait retentit dans le couloir le plus désert, faisant décrocher un frisson à la petite anglaise. Qui ? Où ? Sans plus attendre, elle avait pris un pas de courses, arpentant le dédale de marbre et de parquet pour trouver le plaintif en peine. Elle n’avait vu qu’une vague silhouette au loin courir comme s’il avait le diable aux fesses. Elle aurait bien voulu le rattraper, mais à peine avait-elle rattrapé la distance qui la séparer de son précédent emplacement qu’il avait déjà disparu.

A la place, en tournant la tête dans l’autre direction du couloir, elle voyait un spectacle qui l’horrifiait. Un homme, bien plus grand qu’elle, avait un couteau de cuisine planté dans le dos. Elle s’était précipitée en sa direction, se laissant glisser sur le parquet du couloir pour se mettre devant lui et ainsi, l’empêcher d’avancer pour épuiser les forces précieuses qu’il lui restait. « Oh mon dieu ! Monsieur O’Murchù ! Ne bougez pas, je vais vous chercher un fauteuil et vous emmenez auprès d’un médecin ». Elle le tenait pas ses épaules trapus, tournant nerveusement la tête de gauche à droite pour sonder les environs. Forcément, il a fallu qu’il se blesse dans le seul endroit de l’hôpital où on a jugé bon de ne pas laisser traîner des fauteuils ! Quoi que, il ne faudrait pas qu’elle se plaigne face au fournisseur agonisant de l’hôpital, ça serait assez cocasse. Bon tant pis, en attendant, elle avait saisi le passe des employés de l’hôpital à sa ceinture pour ouvrir le premier bureau à leur portée. « Je vais vous installer là en attendant. Il va falloir vous enlever ce couteau du dos et stopper l’hémorragie, ça serait déjà moins pénibles pour vous s’il faut vous déplacer ». Elle n’était pas sûre de vouloir faire ça, aucunement à l’abri de ses réactions. Après tout, derrière ses sourires d’encouragement, le PDG d'Oax Pharmaceutics avait pas mal de rumeur qui courait sur lui dans l’hôpital. Cela dit, ce n’est pas ces rumeurs qui allaient empêcher Evelynn de le sauver.
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From the Queen of England to the hounds of Hell
Evelynn & Gidéon

« Don't want to hear about it. Every single one's got a story to tell. ~ All the words are gonna bleed from me and I will think no more. »
Le monde s’effondrait autour de lui par pans entiers. Les contours devenaient flous et les choses incertaines, la douleur était la seule réalité qui lui était encore vive et palpable, ses autres sens étant plongés dans une curieuse ivresse. Bien sûr, le monde n’avait pas changé - le couloir était resté strictement le même : large, froid, blanc, un couloir d’hôpital, pavé de carrelage et peu accueillant. Il était plongé dans le même silence serein, si l’on omettait bien sûr le taureau blessé abandonnant derrière lui un cheminement de tâches de sang. Il n’allait pas bien loin, et ce n’était pas faute d’essayer. Toute en hauteur, avec ses fortes épaules - c’était comme une montagne qui titubait ; on aurait dit une pièce montée dont on aurait voulu découper une part et dans laquelle le couteau serait resté planté. Il était presque écrasé par la blancheur de murs autour de lui, et pourtant il n’en voyait rien, confiné dans son propre crâne, submergé par les sensations. Il se sentait comme arraché à ses sens, comme si son corps ne répondait à sa volonté qu’avec une pénible latence, avec une difficulté insupportable. Et les bruits ne lui parvenaient qu’indistinctement à travers un voile dense, tant et si bien qu’ils doutaient que ceux-ci soient réels ou seulement imaginés.
La voix d’Evelynn lui était parvenue alors, de très près et pourtant si loin. Il l’avait entendue avant même d’avoir remarqué le contact de ses mains. Elle s’était mise devant lui et le soutenait de son mieux pour ne pas le laisser s’effondrer en plein couloir, mais c’est à peine s’il était en mesure de le sentir. Il se sentait crouler bien qu’il tenait encore sur ses deux jambes - encore que celles-ci avaient un mal fou à répondre à sa volonté. Mais ce n’était certainement pas elle qui aurait pu le soulever s’il s’était laissé tomber de tout son poids. Il ne reconnaissait rien d’elle, pas plus le son de sa voix que les traits effacés de son visage - tout ce qu’il pouvait deviner, c’est qu’elle était une femme, et bien plus petite que lui ; une forme vagabonde venue poindre sous ses yeux. Que disait-elle donc ? Cela, il n’en savait rien, mais trop heureux d’obtenir de l’aide en cette situation des plus complexes, il se laissa guider sans plus de protestation.

Il titubait pas à pas là où elle désirait le mener, jusqu’à ce que tout cesse subitement de résonner - il devinait être entré dans une pièce plus étroite, où il était potentiellement moins exposé au danger, du moins dans l’hypothèse où cette femme ne lui voulait aucun mal. Il avait davantage saisi ses mots cette fois-ci, le choc avait dû commencer à passer un peu et il se faisait à la douleur, mais il lui semblait peiner davantage à respirer chaque seconde. Réfléchir plutôt que ressentir, autant que faire se peut. Sa blessure se faisait un peu plus tolérable, quoi qu’il se sentit toujours désespérément faible, à cause de tout ce qu’il perdait de sang. Elle disait vouloir ôter le couteau - à vrai dire il aurait même plus ne plus y être car il ne le sentait même pas, rien d’autre que la brûlure de la plaie, mais quelque chose lui disait que la sensation ne serait pas non plus des plus agréables. Et s’il était en hémorragie alors même que l’arme était encore enfoncée dans son dos, il n’était pas pressé de découvrir dans quel état le mettraient ses saignements une fois celle-ci retirée.
Sa vue recouvrait par moments un peu de sa netteté. Il faut dire que même une entaille aussi profonde ne lui avait pas arraché une larme, et c’était à se demander s’il n’avait pas fait retirer ses glandes lacrymales dans une quelconque opération secrète. Au contraire, le contour de ses yeux était sec, et il s’était comme obstiné à garder ceux-ci ouverts depuis l’incident, ahuri, sous le choc, et tâchant de surmonter ce manque flagrant d’attention pour ne plus échapper le moindre détail. Il distinguait les meubles et déduisait alors qu’il était dans un bureau - il aurait mieux valu une chambre, un bloc ou n’importe quoi d’autre, mais il était visiblement incroyablement chanceux ce jour-là. Allait-on réellement l’allonger au sol ? Même grièvement blessé, il n’était pas certain de vouloir entâcher encore davantage sa fierté. Il profitait de ce moment de lucidité pour porter la main à son col, desserrant sa cravate - sa respiration était tellement difficile qu’il suffoquait presque. Une fois celle-ci arrachée, il s’attacha à desserrer son col de chemise, mais sa main tremblait trop pour qu’il parvienne à en décrocher le bouton. Un étourdissement le rappela à l’ordre, pliant ses jambes, écrasant son genou à terre. De l’assistance, il lui fallait de l’assistance. Et une réponse, à sa principale préoccupation. Ce n’était pas ses chances de survie, d’en sortir sans de lourdes séquelles, ou quoi que ce soit du genre. « Vous l’avez vu ? » - c’est ce dont il s’enquit de sa voix étranglée et haletante, sa voix pétée, grave et beaucoup trop rauque, mais basse et proche de flancher. Qui, qui était l’auteur de ce crime infâme, qui le poussait dans ses retranchements, qui le faisait ployer devant une femme ? Qu’on lui donne un nom, et il saurait vivre jusqu’à le lui faire payer.
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gidéon & evelynn

DON'T WANT TO HEAR ABOUT IT. EVERY SINGLE ONE'S GOT A STORY TO TELL. ~ ALL THE WORDS ARE GONNA BLEED FROM ME AND I WILL THINK NO MORE.

Il n’y avait plus rien qui comptait en cet instant. Il y avait un homme agonisant suite à une attaque dans les couloirs de l’hôpital. Alors ses moyens, sa force, ses possibilités, tout ceci avait beau être moindre, Evelynn avait une volonté de fer. C’est pour cette raison qu’elle continuait à lui tenir tête. Elle n’allait pas mentir, cet homme l’effrayait. Bien plus grand, bien plus imposant, plus froid, et colérique selon ce qui se raconte, qu’elle. Mais, ça ne suffisait pas pour la faire trembler. Le monument qui était à la fois respecter et détester chanceler devant elle. Il menaçait de s’écrouler à tout moment, tenant tout juste sur ses jambes. Lui qui aimait se tenir droit comme une montagne en temps normal. Alors, la blonde ne pouvait pas de permettre de prendre son temps ni de s’attarder sur des détails. Elle l’accompagnait et le soutenait du mieux qu’elle pouvait. Il allait devoir faire abstraction de la qualité du service, Evelynn avait une toute autre carte à jouer dans sa manche. La porte du bureau ouverte, elle fût surprise une ou deux fois dans ses moments de faiblesse notamment avec son genou se posant à terre qui lui avait valu une courbature sur le côté pour le maintenir, mais elle continuait de faire de son mieux. Il fallait qu’il tienne le coup, juste le temps qu’elle puisse l’installer comme il faut. A défaut d’avoir une table d’opération, cela sera un bureau. Cela serait beaucoup trop austère le sol, bien qu’elle n’oserait pas remettre en doute la prestation de la femme de ménage en charge des locaux. La fée avait suivi sa chute, venant se placer devant lui pour l’aider à se relever au moins pour les deux derniers mètres à parcourir. « Tenez bon, je vais vous installer sur le bureau » dit-elle avec une voix étouffée par l’effort pour le relever. Juste une petite impulsion, un dernier petit effort. Dommage qu’elle ne soit pas magicienne, ça aurait été tellement plus pratique. Elle l’aurait fait léviter pour le déposer en douceur sur le bureau et on n’en parle plus.
Pendant que son patient improvisé lui posait sa question –ce qui était une bonne nouvelle, cela voulait dire qu’il était encore conscient et lucide-, elle avait viré tout ce qui se trouver sur le bureau avec une main libre. Heureusement, il n’y avait pas d’ordinateur, sinon il y aurait eu de la casse en plus. Ce n’était qu’une table, deux chaises et une quantité industrielles de paperasses. « J’ai vu quelqu’un oui. Grand, mince, une silhouette, mais c’est tout. Quand je suis arrivé, il avait déjà filé et c’est vous que j’ai vu surtout. Allongez-vous, j’vous en prie ».

Malgré la gravité de la situation, Evelynn était toujours aussi courtoise et polie. Son sourire par contre s’était envolé, la situation ne lui permettait pas. Elle ne savait pas comment il réagirait si jamais elle lui souriait. Soit bien, et ça le rassurerait. Soit mal, et il prendrait ça pour une raillerie. Et en vue de son état et des conditions dans lequel elle allait devoir le soigner, la deuxième possibilité était la plus probable. « Je reviens ! ». Il lui fallait un minimum, à commencer par de quoi nettoyer cette plaie une fois qu’elle aura retiré Escalibur de son socle. Parce que même si l’image était drôle, du point de vue d’Evelynn, c’était ce qu’il y avait de plus approprié. Une fois la porte du bureau de nouveau passé, elle avait triché un peu pour aller plus vite. A cette heure-ci, peu de chances qu’on la voit. Ses ailes de papillons bleues étaient ressorties et elle avait usé du vol pour aller chercher un bon kilo de compresse et de désinfectant. Vous me direz : pourquoi elle ne l’a pas emmené directement en bloc opératoire ainsi ? Et elle vous répondra qu’elle tenait sans doute trop à la vie pour batifoler avec un blessé dans les bras. Il ne lui avait fallu que cinq minutes pour faire l’aller-retour et revenir avec le minimum. Entre temps, son patient s’était installé. C’était folklorique comme installation d’ailleurs. Mais c’était soit ça, soit elle le vidait de son sang en le faisant marcher jusqu’à un bloc d’opération : au choix. Avant d’entrer une nouvelle fois dans le bureau, elle avait rangé ses ailes et c’est à pied qu’elle réapparut. Elle avait déposé le matériel sur une chaise à côté, la rapprochant avec son pied. « Bien, on commence, j’enlève le couteau à trois. Un, deux, … » Trois, et la lame avait quitté la chair. Elle s’était empressée de déposer une première compresse pour éviter l’écoulement du sang, jetant l’arme du crime dans la corbeille. Elle nettoiera après de toutes façons.

Ce n’était pas une bonne idée, elle le savait. Mais, elle espérait que sa conscience vacillait entre la présence et l’inconscience pour qu’il ne prête pas attention sur l’utilisation de ses dons. C’était une erreur, au fond elle le savait. Mais elle n’avait pas le choix. Elle en mordait ses lèvres carmin, ses mains déposées en croix sur la compresse. La poudre brillante avait fini par revenir lorsqu’elle avait usé cette dernière comme super-médicament. Elle fermait les yeux, visualisait la profondeur de la blessure. Elle ne pouvait pas tout réparer, pas si elle avait trois bonnes heures devant elle. Alors elle réparait de manière superficielle les tissues pour qu’ils puissent tenir au moins jusqu’à ce qu’il est une opération descente pour recoudre la plaie. Les mains de la fée se couvraient du sang de l’homme, mais elle ne se concentrait pas là-dessus. Car un tel spectacle l’aurait sans doute fait tomber dans les pommes. C’était bien trop important comme blessure, elle sentait déjà ses soins perdre en efficacité. Alors ses ailes bleues se sont mises à frétiller derrière elle pour réalimenter en poudre. Refermer la plaie était le plus urgent et elle y était presque.
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Evelynn & Gidéon

« Don't want to hear about it. Every single one's got a story to tell. ~ All the words are gonna bleed from me and I will think no more. »
Elle faisait de son mieux, la petite infirmière, elle manquait de crouler sous lui mais plutôt ça que de le laisser s’effondrer tout à fait. Pour s’obstiner à ce point, il fallait qu’elle ait le coeur sur la main - mais cela, Gidéon s’en moquait. Lui, ce qu’il voyait, c’est qu’elle avait balancé sans vergogne des dossiers très ordonnés qui ne méritaient pas cela, un manque de respect pour le pauvre type qui travaillait là - et si c’était elle, eh bien, ce n’était pas tellement plus admirable. Mais somme toute, cela valait mieux que de les tâcher de sang, et surtout que de se résoudre à sa propre mort, alors il ne le relevait pas. Il n’en était pas moins horripilé par ce détail, cependant, et son crâne qui se fendait déjà entre la douleur et différents sujets de réflexion ne méritait pas cette préoccupation supplémentaire, irritante qui plus est. Enfin, à présent que tout était à terre, il ne s’en plaindrait pas - le bureau lui semblait toujours plus confortable que le sol, et il fut plus que ravi de se rattraper à son bord, à s’en faire pâlir les jointures des doigts pour ne plus reposer entièrement sur sa bienfaitrice. Avec tout l’agacement du monde vis-à-vis de sa propre faiblesse, il s’affaissa tout à fait sur ce qui serait peut-être son lit de mort, s’étranglant un peu plus tandis qu’il se penchait - mais il faisait des montagnes d’effort pour rester attentif à tout ce qui l’entourait, et plus encore à ce que l’infirmière avait à lui apprendre. Elle l’avait vu. Elle l’avait vu, bien qu’assez peu, mais toujours plus que lui-même. Il ne la laisserait pas s’échapper avec ses informations, pensait-il - au moment-même où elle s’échappa, avec un « je reviens » presque chantant.
Comment ça, je reviens ?! Ne voyait-elle pas l’état dans lequel elle l’abandonnait, croyait-elle qu’à son âge il pouvait se permettre de patienter indéfiniment avec un poumon troué ? Il avait presque la faux de la Mort sous la gorge, il pouvait sentir son contact, sa lame qui lui irritait la peau, qui pressait sa trachée, qui l’étranglait alors même qu’il peinait tant à respirer. Non, un peu de réalisme, il ne pouvait s’abandonner à ses fantasmes - ce n’était pas une faux, pas plus que ce n’était la Mort - juste son propre col, serré par habitude, qui en temps normal ne faisait pas face à une respiration si difficile. Il n’avait pas su lui répondre, et la conscience recommençait à le quitter, tandis qu’à demi couché sur le ventre pour laisser la plaie dégagée, il se mettait à ne presque plus respirer. Quelle idée stupide, d’ainsi l’abandonner, oppressant son thorax sous son propre poids. Qu’elle fasse vite. Qu’elle fasse vite où il la tuerait. Dans la seconde, il avait plus de colère et de haine à l’encontre de cette infirmière qui l’abandonnait ainsi, qu’envers le type élancé et encapuchonné qui avait tenté sa chance - lui, au moins, avait de l’audace, et avait bien failli réussir son coup. D’ailleurs, si elle ne se hâtait pas un peu, il pourrait considérer l’avoir tout à fait réussi.

Combien de temps l’avait-elle fait attendre ? Cinq minutes, pour un mourant, c’est cinq éternités. Chaque seconde pouvait être la dernière, et il se sentait faiblir à un point tel qu’il ne l’aurait jamais imaginé. Pendant deux minutes entières, ou presque, la conscience l’avait quitté tout à fait, et à son retour, les formes avaient pris cette allure indistincte et floutée, tant qu’il en oubliait presque l’endroit où il se trouvait. Il en oubliait qui, quand, quoi et pourquoi. Il luttait tant et tant, il s’empêtrait dans ses pensées - chaque réflexion, chaque souvenir était une occasion de se vautrer dans sa propre identité, et il en oubliait presque son nom. Sa seule certitude, à cet instant précis, c’était qu’il voulait respirer. Respirer. Respirer. Et non pas vivre, car à mesure que les secondes s’égrenaient, il commençait à trouver la mort plus douce, un réconfort presque, et il regrettait que ce ne soit pas elle à ses côtés.
Mais à quoi pensait-il ? Il délirait. Il délirait de façon absurde, et il était préférable de ne plus espérer le faire parler, car le résultat ne se serait approché d’aucune langue connue à ce jour, et il n’aurait même pas eu l’esprit de s’en sentir humilié. Son souffle - il s’amenuisait, il se faisait sifflant, et toujours plus irrégulier. Et sa vue, plus trouble et tâchée qu’une mare envahie par la mousse. Son ouïe, c’était un grésillement continu qui lui éclatait les tympans, et il n’entendait plus.
Et la douleur. Fulgurante, vive, soudaine, inattendue. Comme un second coup de poignard, mais cette fois, le flot de sang en était décuplé. Plutôt que de penser qu’elle le lui avait retiré, il crut d’abord à une seconde tentative d’assassinat. Il aurait dû se méfier, elle voulait le tuer, elle allait le tuer, c’en était fini de Gidéon Ò Murchù, et de son souffle de vie.
Pourtant, la douleur avait comme ranimé ses sens, la douleur qui s’était faite presque oubliable était de nouveau des plus déchirantes, et même s’il n’arrivait plus à hurler, il s’était raccroché à tous ses nerfs pour se maintenir dans la réalité. Ses nerfs, les nerfs de l’homme de fer, ces nerfs qui l’avaient poussé un million de fois à éclater de colère, parce qu’il était nerveux cet homme, dessous sa couverture d’acier. Et là, il n’y avait plus que ses nerfs pour le garder en vie, face à cette femme qui attentait peut-être à sa vie. Il ne se laisserait pas crever, pas ici, et certainement pas comme ça. S’il devait mourir violemment, ce devrait être chez lui, et de sa propre main.
Et là, il la perçut. Cette poussière, qui en prenant l’air, s’était délicatement posée sur ses mains. Cette poussière dorée comme une pluie de pétales d’or minuscules, à la surface de son sang frais. Cette poussière… poussière de fée. On dit souvent qu’à l’approche de la mort, on voit sa vie défiler de derrière sa rétine. Et lui, qui se vidait de son sang mais se sentait pourtant de mieux en mieux, sentait son coeur accélérer, à la pensée de la seule femme qu’il ait jamais aimé. Son image, épurée et délicate, à côté de ce qu’il était à présent, vieux et mourant. Mourant, mais de moins en moins - et la colère, une colère des plus violentes avait ranimé ses traits, alors que sa vue se faisait plus nette et distinguait tout à fait la poudre, les mains et le sang frais. Et il s’était étranglé et redressé de son mieux, livide et rouge, au final violet. Et il s’était jeté sur elle, l’assassin, la fée, la fée carabosse pour la couvrir de bosses comme il se mettait à la frapper. De tout son poids il l’écrasait à présent, et il ne répondait qu’à ses nerfs, et il n’arrivait plus à penser. Il fallait qu’il la tue, qu’il la batte jusqu’à ce qu’elle crève, il ne la laisserait plus le toucher. Lui qui détestait les femmes, lui qui détestait les fées - il ne réalisait pas encore, bien sûr, qu’il aurait à le regretter.
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gidéon & evelynn

DON'T WANT TO HEAR ABOUT IT. EVERY SINGLE ONE'S GOT A STORY TO TELL. ~ ALL THE WORDS ARE GONNA BLEED FROM ME AND I WILL THINK NO MORE.

L’installation bancale pour ses soins se faisait sentir. Cela ne relevait pas de son domaine de compétences, mais la moindre des choses, c’est d’essayer. Evelynn n’assurait pas une guérison totale, seulement des premiers soins qui pourraient calmer l’hémorragie. Ce qui serait un bon début. Ainsi, les chirurgiens derrières seraient plus calmes et moins pressés par le temps si elle leur mâchait le travail. Dans un bureau administratif, certes, ce n’était pas le plus pratique. A l’avenir, si Monsieur Ò Murchù pouvait aller se faire poignarder directement dans le bloc opératoire, ça serait plus facile. Elle ne savait pas quoi lui dire, consciente quelque part qu’elle avait primé l’urgence à une intervention impeccable. Elle réalisait petit-à-petit ses erreurs et elle semblait lui demander pardon. Ses yeux marrons étaient teins de compassions, de tristesse et de douleur pour cet homme. Elle se fichait bien de savoir qui il était, ce qu’il faisait, ce qu’il avait fait. C’était un patient à l’heure actuelle, et c’est tout ce qu’il comptait. Evelynn jetait un œil sur ses doigts crispés sur le bureau, se mordant la lèvre inférieur avec ses ivoires. Elle ne devait pas se laisser déconcentrer et elle devait le garder en vie. Car avec ses erreurs, le temps s’écoulait à une vitesse folle. Elle sentait les hémoglobines couler entre ses doigts tels les grains d’un sablier. La blonde devait se concentrer. Son père lui répétait souvent que sa poussière féérique était un grand atout, mais qu’elle devait l’utiliser qu’en cas d’extrême urgence. C’était une urgence, n’est-ce pas ? Une extrême urgence, car ses mains sentaient que le souffle de l’autre homme était en train de s’éteindre.
Elle y était presque, ses yeux fermés pour se concentrer et visualiser les tissus à recoudre. Les petits éclats dorés pénétraient la chaire pour se dissoudre et ainsi créer des cellules neuves mais fragiles. Evelynn sentait la fatigue pointer le bout de son nez. Les racines de ses ailes commençaient à se raidir, donnant ainsi lieu à des courbatures. Elle ne s’arrêtait que lorsqu’elle avait besoin de changer la compresse avec un geste à la fois vif et délicat. Un automatisme qui laissait présager que ce n’était pas sa première fois en matière d’urgence. L’usée rejoignait le couteau dans la poubelle tandis qu’une neuve prenait sa place sur le dos de son patient. Elle s’imbibait de moins-en-moins vite de son sang, ce qui lui laissait présager que ses soins étaient efficaces et qu’elle réussissait à contenir l’hémorragie. Elle retrouvait le sourire, la petite fée. Car elle était rassurée de voir que tous ses efforts n’étaient pas inutiles et qu’il allait avoir la vie sauve. Elle n’avait pas pensé un seul instant que ses remerciements seraient tout autre. Pas de politesses, pas de gratitudes, rien de tout ceci. A la place, une pluie de poing qui s’abattait sur elle sans qu’elle n’ait eu le temps de finir quoi que ce soit.

Ce même poids qu’elle avait eu du mal à soutenir était en train de l’écraser et de la forcer à rester immobile pendant qu’elle encaissait. Encaisser quoi ? Rien du tout. Sa fragilité n’était pas illusoire et elle ne tiendrait pas longtemps face à autant de forces et de coups qui s’abattaient sur elle. Pourquoi ? Qu’est-ce qu’elle avait fait ? La blondinette avait mis ses bras en croix devant elle. Une bien faible barrière qui se dressait face à ce monstre. Elle ne saurait dire si c’était son teint livide et étranglé par une rage inexpliquée, ou bien si c’était sa force qui s’écrasait contre sa chaire faible qui l’effrayait, mais elle criait. Elle criait dans l’espoir d’alarmer quelqu’un à son tour et qu’on daigne à venir l’aider. Elle se tortillait, se débattait contre lui avec des larmes qui coulaient le long de ses joues. Elle étouffait dans l’effroi, ne sachant où regarder. Tout sauf en face d’elle, tout sauf ce visage de meurtrier. « Arrêtez !! Mais arrêtez !! Pitié… ». Evelynn s’étouffait dans ses propres sanglots et ses doigts essayaient d’arrêter les poings sans grande réussite. Une différence de forces bien trop grande dont elle ne pouvait rien faire. Alors, elle n’avait plus qu’à supplier, espérer que sa colère lui passe. Qu’est-ce qu’elle avait fait ? Quelque chose de mal ? C’était flou, elle n’arrivait plus à réfléchir. Elle était bien trop douce pour rejeter la faute sur les autres. Alors, elle la rejetait sur elle-même, elle avait honte et elle souffrait. Les chocs à répétition l’avaient bien trop secoué, et quelques perles rouges venaient entachés le recoin de ses lèvres carmins. Il ne s’arrêtait pas. Pas si elle ne fait rien en tout cas. Qu’est-ce qu’elle devait faire ? Elle n’avait pas fini de le soigner en plus, il allait rouvrir sa plaie et réduire à néant tous ses efforts pour une raison qu’elle ignore…

La poussière. Même sa poussière de fée perdait de son éclat au fur-et-à-mesure que sa conscience vacillée. Mais, elle restait encore son meilleur atout. Alors, Evelynn lui en avait soufflé au visage en rassemblant ses dernières réserves, lui faisant inhaler ce qui, un peu plus tôt, le soigner. « Je suis pas là, il n’y a personne avec vous… ». Sa voix était tremblante, étouffée par ses larmes et son mal. Elle jugeait que cette illusion était la meilleure pour s’enfuir. C’était le meilleur choix à faire. Ses ailes ne batifolée plus derrière elle, elles étaient engourdies à force de rouler dessus. A l’instant de pause propice à une évasion, elle s’était reculée toujours assise par terre. Elle avait l’impression d’être dans ces mauvais films d’horreurs. Dans un hôpital, coincé avec un homme qui avait le diable au corps. Elle devait se relever, elle devait s’en aller. La poudre ne fera pas éternellement effet. Elle ne savait pas ce qui lui faisait le plus mal au cœur entre abandonner un patient à la solde de la mort, ou bien être elle-même incapable de tenir sur ses jambes. Une chose est sûre, c’est qu’elle avait honte. Affreusement honte. Elle ne voulait pas que ça se sache, et la connaissant elle allait se murer dans le silence. Un silence qui était déjà tombé d’ailleurs. Il n’y avait que de faibles sanglots qui traversaient sa bouche pour accompagner ses yeux globuleux. La fée devait se taire, ne pas faire un seul bruit pour que son illusion soit crédible. Après tout, il était seul dans la salle, selon ses dires.
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From the Queen of England to the hounds of Hell
Evelynn & Gidéon

« Don't want to hear about it. Every single one's got a story to tell. ~ All the words are gonna bleed from me and I will think no more. »
A force de battre, le geste en était devenu mécanique. L’élan du coup précédent motivait le suivant – c’était même pour cela que les coups parvenaient à soutenir leur violence, l’un après l’autre. Mais si la colère le rendait sourd et aveugle à la réalité, la réalité elle se devait d’intervenir dans l’injustice. La blessure, la blessure qui était toujours belle et bien présente, et qui n’avait été comblée que légèrement par des tissus fragiles, s’étaient rouverte, et chaque coup supplémentaire résultait en un autre flot de sang. Et ainsi, la force dans ses poings qui ne répondait qu’à ses nerfs baissait drastiquement à mesure que la viande qu’il surplombait se tâchait d’ecchymoses. Il s’essoufflait aussi, l’écume de rage qui lui prenait le fond de la bouche, le souffle incertain – il peinait à respirer et son cœur s’était affolé si fort qu’il lui faisait souffrir le martyr en lui cognant les côtes, écrasant son poumon percé. Il était en train de se tuer, il se tuait de colère, mais il n’y pouvait rien hélas, car c’était un de ces traits de caractère qui le détruisait depuis toujours et qu’il ne contrôlait en rien. Et ses cris, ses cris - il n’en pouvait plus de cela, ces cris qui lui résonnaient dans la boîte crânienne, qu’il aurait voulu faire taire à tout jamais. « Mais tu vas la fermer, ta gueule ?! » beugla-t-il avec presque autant de rage que de détresse. Il l’aurait tuée juste pour qu’elle se taise.

Il avait dû faiblir, il avait dû ralentir, et son organisme ralentissait de même malgré lui. De violet, il repassait à blanc, à force de se vider du sang qu’il lui restait. Il en avait les membres tremblants, et il forçait sur ses muscles plus que ceux-ci ne pouvaient le supporter. En voulant se sauver, elle les sauvait tous les deux. Sa poussière de fée lui atteignit les yeux et quoi que cela décupla sa rage, elle lui provoqua une douleur vive qui, en s’ajoutant à celles qui le taillaidaient déjà, lui scinda le cerveau si fort qu’il ne put plus le supporter. Il gémit, de souffrance, de colère, un grincement grave et insupportable, tandis qu’il se couvrait les yeux, qu’il tombait sur le côté, à bout de souffle, à bout de nerf, comme un taureau de corrida. « Tu paieras pour ça ! » lança-t-il sans même y penser. Mais il n’y avait plus rien à faire.
Il n’arrivait plus à voir, même si la poudre était sans effet sur lui. En revanche, il avait parfaitement entendu qu’elle tentait de le manipuler en le croyant sous l'effet de la drogue, et c’était en soi suffisant pour l’enrager davantage. Il ne savait pas si elle était encore là ou si elle avait fui, mais il peinait trop à ouvrir de nouveau les yeux - il sentait comme sa présence qui le fixait, mais si elle n’était pas totalement stupide, elle devait être partie à la première occasion. Il la haïssait. Il la haïssait tellement, à en crever, comme si avant de mourir il ressentait le besoin de déverser tout ce qu’il lui restait de haine sur quelqu’un. L’esprit embrumé, non par la drogue mais par le sang qui venait à manquer, et la bête s’affaissait. Mais il était encore conscient, il pensait encore, même si cela lui coûtait beaucoup. Il avait envie de lui lancer une énième insulte, mais son souffle était devenu trop énorme pour le laisser parler tant il peinait à respirer.

Et les forces le lâchèrent d’un coup, en fait c’était ses nerfs qui lâchaient, parce qu’il n’avait d’autre choix que se calmer dans l'état auquel il était réduit. Il était vaincu, force était de le reconnaître - vaincu sous le regard d'une fée. Pourquoi la haïssait-il ? Il ne savait plus. C’était peut-être parce qu’elle était une fée. Parce qu'elle était différente de lui. Mais tous l'étaient. Peut-être parce qu’elle était une autre race. C'était pourtant la plus propice pour le soigner. C’était peut-être pour les Sweetman, ou pour les Egerton. Tous pesaient un tant soit peu dans la balance. Mais elle, pourquoi ? Il fallait bien le reconnaître après tout. Elle n’avait rien fait de mal. Rien sinon le soigner - tenter de le soigner, même si elle s’y prenait assez mal. Et le regret, le regret commençait à poindre. Comme il haïssait ce sentiment plus encore que les fées. Mais pour cette fois... Pour cette fois il était trop affaibli, trop proche de la mort, pour pouvoir l’ignorer tout à fait. Gidéon ne partirait donc pas fièrement ni la tête haute, mais sur une ultime connerie après une ultime humiliation ? Il ne pouvait… Il ne pouvait accepter cela. Il ne voulait pas partir. Il croyait connaître la mort, pour l'avoir tant causée. Il croyait ne pas être surpris par la sensation. Il croyait en être infiniment loin, même aujourd'hui. Pourtant, là, il la sentait. Froide comme une lame lui crevant l'abcès. Il était un abcès de ce monde. Froide, une main glacée, qui décrochait ses membres un par un. Comme il avait froid, il était gelé, il ne bougeait pas, il ne pouvait plus. La mort, on ne la repoussait pas, elle était venue pour lui, pour la première fois. Il aurait pû avoir peur, mais il ne pouvait déjà plus. Il ne voulait pas partir - mais la vie l’abandonnait - à moins que ce ne soit la conscience - à moins que ce ne soit l’humanité. A moins que ce ne soit l’humanité qui lui revenait. A moins que. Etait-elle là, encore ? Mais qui ? La fée. A quoi ressemblait-elle, déjà ? Blonde... Ou peut-être brune... Ou rousse… Quel était son nom… Il ne s’en souvenait pas… Et son nom à lui ? Gidéon… Gidéon, prononcé par - par une voix de femme - une voix horrible - une voix haineuse et détestable - la voix de sa mère. Et le souffle, et le coeur, et l'attente, et le silence, et le noir.
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from the queen

gidéon & evelynn

DON'T WANT TO HEAR ABOUT IT. EVERY SINGLE ONE'S GOT A STORY TO TELL. ~ ALL THE WORDS ARE GONNA BLEED FROM ME AND I WILL THINK NO MORE.

Qu’avait-elle fait ? Cette question se répétait encore et toujours dans son esprit tandis qu’elle cherchait à se défendre. Et encore, se défendre était un bien grand mot. Evelynn en était tout bonnement incapable et elle pouvait seulement hurler à l’aide. Il lui ordonnait de se taire, et elle obéissait bien sagement quelques secondes dans l’espoir que cela change quelque chose. Mais non, rien du tout, alors elle avait repris de plus belle. Les ecchymoses fleurissaient sur sa peau blanche, de jolies fleurs du mal qu’elle subissait allégrement. Les larmes ne cessaient de perler sur ses joues, répondant à la douleur que son corps fracassé subissait en coup. La blonde, dont quelques mèches de sa chevelure s’étaient teintes de rouge dans cette agression, plaquait désespérément ses mains sur les poings lourds de l’autre homme pour les arrêter, en vain. Elle avait dû attendre que lui-même flanche à cause de sa plaie rouverte pour que tout ceci se stoppe. Elle en avait profité pour lui jeter de sa poussière aux yeux, l’aveuglant ainsi et son juron à son égard l’avait fait sursauter. Elle le payera ? Oh non, elle en doutait fort. Elle avait tout sauf envie de subir de nouveau, d’où son recul soudain, ses yeux globuleux de terreurs et de larmes. Elle avait bien du mal à se mouvoir, ses articulations étaient engourdies en plus de répondre difficilement à ses envies. Elle prenait appuie sur une étagère à côté d’elle, et elle se murait dans le silence. Evelynn regardait cette bête agonisée devant elle, priant pour qu’il cesse de bouger et qu’il ne revienne pas à l’assaut. Elle ne pouvait pas le laisser là, mais elle ne voulait pas non plus l’approcher.
Elle était démunie, les doigts crispés sur le carrelage tandis qu’elle reprenait son souffle. Souffle dont il était privé petit-à-petit et qui avait eu raison de lui. Le monstre s’écroulait définitivement, et Evelynn restait en suspens. La peur l’empêchait de réaliser tout mouvement, mais il fallait qu’elle sorte d’ici. Alors elle avait grimacé de souffrance, ses ailes battant une dernière fois pour l’aider à se relever. Elle ne courrait pas, elle ne pouvait pas courir sans risquer une chute de toutes manières. Elle longeait les murs, marchaient rapidement pour s’éloigner au plus vite de cette salle infernale. Elle culpabilisait, elle se mordait la lèvre inférieur tout en retenant ses sanglots pour ne pas alarmer quoi que ce soit. Elle était défigurée, avec l’allure d’un clown triste à cause de son maquillage qui avait coulé. Elle était débraillée, tant l’envie de partir même pris au piège l’avait remué. Elle était mal en point, ses mains tremblaient encore de terreur.

L’infirmière avait peiné à retourner à son bureau, son lieu de travail. Elle fit néanmoins un dernier geste, même pour son agresseur, ne pouvant définitivement pas se résigner à le laisser agoniser dans le bureau. Elle avait saisi le téléphone à disposition dans le couloir pour composer le numéro des urgentistes. L’attente était insoutenable, son regard traumatisé se baladait dans tous les sens pour sonder la moindre présence potentielle dans le hall. Au bout de quelques secondes, l’un de ses collègue avait décroché et elle ne savait quoi lui dire hormis « Il y a un homme blessé d-dans… J’ai voulu l’aider mais… Viens le chercher s’il te plait, il est très mal en point ». Elle ne réalisait sans doute pas que tout ceci pouvait se retourner contre elle. Que si on trouvait le patron d’Oax Pharmaceutics dans cet état alors qu’elle était celle qui l’avait vu pour la dernière fois, elle serait mise sur le banc des accuser. Elle avait raccroché rapidement le téléphone. Du moins, elle croyait l’avoir raccrochée, car elle avait loupé le coche et elle l’avait laissé pendouiller derrière elle.  Si bien qu’on pouvait entendre la voix à l’autre bout du fils la réclamer et lui demander si tout allait bien. Mais Evelynn avait repris sa route pour aller s’isoler de nouveau dans les archives. Une fois la porte fermée, elle avait fait ses derniers pas pour se rassoir à son bureau, face à son listing.

Il n’y avait plus rien sur son bureau. Tout était parfaitement ranger et une boite de chocolat l’attendait à la place. Elle s’était effondrée sur sa chaise, essuyant du mieux qu’elle pouvait les dernières traces de son expérience marquante avec un geste faible et inutile. Adam était passé le temps de son absence, sans doute était-il venu la chercher pour lui signaler que tout était bon. Qu’ils pouvaient repartir à la maison. Attention, il doit y en avoir quelques un avec de l’alcool de cerises dedans – merci et joyeuse fête, Adam. Automatiquement, elle avait laissé un petit sourire bref apparaître sur son visage en comprenant que malgré son attitude égocentrique, il lui arrivait de penser de temps en temps aux autres. Elle l’avait ouverte par curiosité, sa main abimée et écorchée venant en attraper un pour y gouter. Elle ne saurait dire si c’était l’attention ou la montagne russe qui lui faisait cet effet, mais en croquant dedans, ses pleurs avaient repris de plus belle. Le chocolat était délicieux, bien loin de cette fin de journée. Et dans un excès de colère, la reconnaissance avait un gout amer ce soir. Elle avait poussé violement la boite avant de s’effondrer en larme sur le bureau. Ainsi avait-elle fini sa journée de travail, la tête dans ses bras et seule dans les archives pour avoir voulu aider un patient difficile.
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