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 [P+18] (rod) it's the price of imagination.

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it's the price of imagination.
rod s. wilde

« I'm afraid I insist on it, no need for unnecessary suffering. Human emotions are a gift from our animal ancestors. Cruelty is a gift humanity has given itself. »
Les dernières mélodies traversent tes oreilles alors que tu es affairé à la cuisine. Dommage que tu n’es pas de domestique, ça te faciliterait la vie. Ou bien te ferait perdre le gout de l’effort et des bonnes choses. Fût un temps où tu en avais une à ton service. Elle s’appelait Miranda, et on ne peut pas dire qu’elle est bien finie. Tu relativisais, tu te dis que c’est de sa faute. Qu’elle avait passé la porte de trop malgré tes interdits. C’est tellement dommage, cela partait d’une bonne attention. Tu accordes ta confiance qu’à très peu de personnes, Wolfgang. Tu ne serais dire pourquoi. Il paraîtrait que c’est de famille. Que les Weïssmüller n’aiment pas les fouineurs et les invasifs dans leur quotidien. Tu n’as personne. Personne hormis Rashlan, et il le sait très bien. Le regard perfide de ton serviteur se glisse dans ton dos et ainsi, tu devines facilement qu’il est là, derrière toi. Il est toujours dans ton ombre, tu avais fini par t’y faire. Il te demande poliment ce que tu souhaites manger ce soir, et tu l’envoie chercher dans vos “réserves” pour estimer les provisions restantes. Pas ce soir, tu n’es pas seul avec lui. Tu ne peux pas te permettre. La lame bouchère s’abat alors sur un morceau de viandes bovines, épais et bien saignant comme tu les aimes. Tu prépares le tout pour le repas de ce soir, tu as envie de t’essayer à un bœuf bourguignon même si tu n’es pas féru des plats français. Mais c’est une correspondante de ce pays qui te rend visite. Un professeur, tout comme toi, qui t’apportait ses derniers ouvrages en matière d’incantation, alors tu devais de lui faire honneur. Tu ressemblais à un enfant à Noël quand ils t’apportaient ces nouveaux livres poussiéreux. Ton visage se déridait et tu découvrais de nouveau djinn, de nouvelles possibilités. Tu avais même ce petit temps de latence. Celui où tu savourais l’odeur des livres poussiéreux dont les pages s’écartent pour la première fois depuis des années. Il fallait revenir sur terre, tu n’y étais pas encore et les pas de ton djinn résonnaient dans la cuisine. Il était revenu pour t’interrompre, une nouvelle fois. Tu ne soupirais pas cela dit, tu te doutais bien qu’il n’en aurait pas eu pour plus de cinq minutes. Il t’annonce froidement que tu as encore de quoi faire, mais qu’il était temps de s’inquiéter, car tes cages se vidaient bien vite. Tu saisis alors le torchon devant toi sans empressement, mettant ta préparation au frigo le temps que tu ailles chercher ce qu’il te manque pour finir ton plat. Les mains ainsi libres, tu saisis ta canne pour prendre appuie dessus et faire volte-face. Ton visage est impassible, comme celui de ton fidèle ami. Vous vous échangez brièvement un sourire et tu te diriges vers le hall central pour attraper ta veste et ton chapeau. « Ne t’en fais pas mon ami, nous y remédierons ce soir. Je sors pour faire quelques courses, tu peux disposer pour le moment ». Tu n’en dis pas plus et tu sors en direction de la ville. Il avait bien compris où tu en voulais en venir, la satisfaction avait traversé son regard avant qu’il ne disparaisse. Tu avais rangé les morceaux de parchemin où résidait son cercle d’invocation que tu avais déchiré. Tu n’avais pas envie de prendre la voiture cette fois-ci, tu avais envie de marcher. Alors, c’est ce que tu fis. Tes pas s’emboitèrent à la cadence d’un militaire malgré ton handicape, c’est ainsi que tu maintenais la forme. Cela faisait bien longtemps maintenant que tu avais cette blessure. Elle faisait partie de toi. Tu y étais tellement habitué que tu arrivais même à courir lorsque le besoin se faisait sentir. Seulement quand le besoin s’en faire sentir d’ailleurs, car tu es très loin de faire partit des hommes pressés par le temps. Ce qui te rend moins jouasse, c’est l’idée de traverser Dragon Alley pour rejoindre Pilgrim Village. Ce quartier empestait la malfaisance et le misérable. Ta carrure imposante te préservait des agresseurs, c’est d’ailleurs pour ça que tu les trouvais lâches. Tu jalouserais presque les pauvres diables qui se font tabasser dans un coin de rue. Tu manques d’exercice, et personne ne pleurera la gueule cassée de deux-trois voleurs trop audacieux. D’ailleurs, en parlant de ceci, tu avais surpris un gars être jeter pour rejoindre un tas d’ordures et ainsi être réduit au stade de déchet. Tu t’étais arrêté, prenant appui sur ta canne à pommeau pour prendre le temps de contempler ce rat sortit de nulle part. Son crâne saignait abondamment, à l’avant comme à l’arrière et des ecchymoses apparaissaient sur ses mains et ses bras à en juger par le tissu arraché. Il était si pitoyable, si méprisable que tu n’avais pu résister à l’envie de lui en toucher deux mots. « Et bien mon garçon, j’espère que tu as quelqu’un pour effacer tout ça ». En vue de ton sourire, ta phrase semblait cacher bien des choses. A commencer par le véritable sens de ta remarque. Tu l’espérais ? Vraiment ? Non, tu t’en fichais en vrai, mais il fallait faire bonne figure.
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S. Wolfgang Weïssmüller & Rod S. Wilde

It's the price of imagination


Le voile noir sur tes yeux s’éclaircit peu à peu. Où es-tu ? Un lieu puant, humide. Les relents de pourriture alimentaire te montent au nez avec violence, et tu grimaces en retenant un haut-le-cœur. L’humidité sous tes talons a commencé à infiltrer un peu tes vieilles godasses, et le plastique troué des poubelles sous tes jambes tâche ton pantalon. Tu es dans un tas d’ordures, voilà ce que c’est – un mot te revient : Dragon Alley. Qui es-tu ? Pendant un instant, tu l’avais oublié. Mais à présent que tu devines où tu te trouves, la déduction se fait naturellement : un raté, une victime, un déchet. Tu as mal, dans tes bras, dans tes jambes. Ton crâne est douloureux, tu y portes la main et y devines du sang. Rod. Tu sais que ton nom est plus long que ça, mais pour un gars de ton envergure, trois lettres suffisent amplement. Pourquoi es-tu là ? A en juger par la douleur dans tes membres, probablement pour la même raison que chaque fois.
Pour tout ceci, il ne t’a fallu que quelques brèves secondes. Tu t’étais fait sonner si fort que tu en avais eu un brutal moment d’absence, et que ta conscience tremblait encore. Mais tu as tantôt réalisé que tu n’étais pas seul. En temps normal, tu te serais laissé reposer là un moment, épuisé par les coups dont on t’avait roué, pour te remettre de la douleur. Tu avais mal, et tu étais déjà courbaturé. Sauf que là, tu sentais un regard peser sur toi, alors tu entrepris le plus rapidement possible de te lever – rapidement, mais c’était encore infiniment trop lent, tu évoluais au ralenti, pris de vertiges et titubant.

Tu as relevé les yeux pour voir – pour essayer de voir. Tu voyais comme une drôle de silhouette, une silhouette à trois pattes, dont l’une remarquablement mince servait d’appui. Tu devines alors une canne, bien que je crois que c’était la première fois que tu voyais quelqu’un en utiliser une. Tu avais beau ne pas voir grand-chose, cela te suffisait pour deviner toute la prestance de l’homme face à toi – homme, tu le devinais à son timbre de voix. Il dégageait la puissance et l’argent. Peut-être quelque chose d’autre, tu ne savais pas. Tu ne t’es pas attardé sur son visage parce que tu n’osais pas, alors tu t’es juste tenu debout et tu t’es un peu recroquevillé. « Non », tu lui as répondu d’une voix absente, « non, je n’en ai pas, monsieur ». Tu sentais qu’il fallait ajouter ce monsieur, tu le sentais dans son aura. Mais en fait Rod, heureusement qu’il était un peu loin et que t’avais pas osé le regarder, parce que si sa tête t’était revenue, ça se serait probablement mal passé.
Tu te souvenais maintenant ce qu’il t’était arrivé, par flash d’abord, puis de plus en plus clairement. On t’avait harangué alors que tu sortais de chez toi. « Eh, regardez, le PD sort de chez lui » qu’on t’avait balancé, et on t’avait écrasé sous des éclats de rire. T’avais pressé le pas, assez pour trébucher et t’éclater le genou et le menton sur le pavé. « Putain, il a oublié comment marcher ! » et encore des rires. Et là, ils étaient venus vers toi. Tu t’étais relevé, t’avais marché, t’avais fait comme s’ils étaient pas là – ça, ils avaient pas aimé. Alors ils t’ont suivi un peu, avec une pluie d’insultes – ça allait crescendo. Un fils de chien, un fils de pute – rien de bien inventif, mais ça faisait jamais vraiment du bien. On avait fini par te choper avec un « Eh, réponds » et de fil en aiguille, l’humain avait quitté l’humain.
T’as craqué face à ce retour de mémoire, t’as regardé tes bras, tu t’es mis à chialer. Et comme tu chialais, t’as eu honte de montrer ça à l’inconnu, peu importe qui c’était. Lui, il transpirait la réussite, tu savais même pas pourquoi il se baladait dans le quartier. Et toi, en face, t’étais juste pire que pitoyable. T’as tiré tes manches jusqu’à tes mains, pour cacher, mais ça te relançait la douleur et puis, pour là où le tissu était déchiré, t’y pouvais juste rien. T’as étouffé deux ou trois sanglots, t’as essuyé tes larmes et ton nez, et doucement, longuement, t’as fait en sorte de te calmer. T’avais le nez chargé, et t’avais froid aussi, pleurer te donnait froid, le vent s'engouffrait dans tes habits et tu commençais à t’enrhumer. T’as fouillé tes poches, t’as trouvé un vieux mouchoir, tu t’es mouché, secouant ton corps jusqu'à l'âme tellement il était affaibli. En fait, t'étais en hypoglycémie, tu tremblais. T’avais envie de t’asseoir, t’avais même envie de t’allonger et de dormir. Si t’avais pas à ce point peur de qui tu pouvais croiser, tu te serais couché à même le sol tellement t’en pouvais plus. Dire qu’à la base, t’étais sorti pour t’essayer à un travail – mais tu pouvais pas t’y pointer comme ça. Alors t’as renoncé, et ça t’a tellement désespéré que t’as eu envie de mourir – mais mourir, ça, t’osais pas.

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rod s. wilde

« I'm afraid I insist on it, no need for unnecessary suffering. Human emotions are a gift from our animal ancestors. Cruelty is a gift humanity has given itself. »
Tu le surplombais du regard sans ménager ce dernier. Tu n’en avais pas envie, pas avec un mécréant comme lui. Le seul désir qui te traversait en ce moment, c’était de lui écouter ses jours afin qu’il n’ait plus à souffrir. Par pure charité bien sûr. Ou pas, car tu avais envie de faire taire le dégout que tu ressentais plus que tu n’avais envie de l’aider. Tu n’éprouvais ni peine, ni compassion à son égard. Tout juste un peu d’attention parce qu’il se trouvait en ce moment même sur ton chemin telle une merde de chien abandonnée sur le trottoir. Tu profitais qu’il ne te regarde pas –malpoli en plus d’être puant- pour lever les yeux au ciel avec lassitude. Tu mâchais tes mots et ta mâchoire en craquait, signe que tu ménageais ta colère grondante. Elle se sentait d’ailleurs, dans le timbre de ta voix. Grave, mais tranchante. Tu ne pouvais rien faire contre, il paraitrait que c’est un défaut commun à vous autres, les allemands. Tu cherchais à le faire parler, mais s’il pouvait être muet, cela t’arrangeais. Ainsi, tes oreilles ne seront pas salies par le larmoyant son de ses cordes vocales. Non et ton regard se penchait un peu plus à son encontre. Mais encore ? Fallait-il que tu lui brises les côtes pour lui apprendre l’éloquence ? C’est une perspective plaisante qui te faisait sourire. A défaut de lui labourer le thorax à coup de canne, tu avais simplement tâtonné brièvement son épaule avec le pommeau de cette dernière pour te reprendre appuie au plus vite dessus. Non, je n’en ai pas, Monsieur, voilà qui est mieux. Beaucoup mieux même. Peut-être avait-il une chance d’avoir un soupçon de ta charité. Tu ne comptais pas traîner la conversation en longueur, et encore moins être vu avec déchet vautré dans les sacs poubelles. Aussi, tu l’avais invité à se relever. Plus ou moins délicatement d’ailleurs. « Tu ne risques pas d’attirer une quelconque attention en pleurant parmi les détritus. Et si tu commençais par te relever ? ». Rien, pas même un peu de douceur dans ta consigne pour la rendre plus digeste. Tu t’étais contenté de te redresser sur ta canne en sentant ton genou faire un caprice et t’électrifier d’une vive douleur. Il ne suivait pas la cadence. Tantôt tu marchais rapidement, tantôt tu restais immobile plus de deux minutes sans avoir ralentie préalablement. En plus, il faisait un froid de canards et tu sentais ta motricité se figer. Le bout de ta troisième jambe avait tapé deux fois sur le pavé, signe que tu te remettais en route. Cependant, tu ne comptais pas laisser ton jouet sans une petite once d’espoir… Pour mieux le lui arracher par la suite. « Viens avec moi. On va te trouver de quoi te soigner et te réchauffer ». Tu n’avais pas attendu sa réponse, et tu avais commencé à avancer. Dans l’état lamentable qu’il était, tu te doutais bien qu’il allait te suivre. Ce genre de pleutre n’avait rien ni personne à laquelle s’accrocher. Ils prenaient la première main bienveillante qui se tendait vers eux sans vérifier préalablement si elle était piégée ou non. S’en était presque trop facile à ton gout. Tout était trop facile pour toi, mon pauvre Wolfgang. C’est d’ailleurs pour ça que tu trouvais cette ville ennuyante et dénuée d’intérêt. « Ne traînes pas, à moins que tu es envie de te faire achever ». Pourquoi disais-tu ça ? Oh, cela devait être une tentative d’humour noire. Ou bien une mise en garde. Tu étais de dos, il ne pouvait pas le voir. Mais si quelqu’un te voyait de face, il apercevrait un début de sourire carnassier, remplit de sous-entendu et d’une folle envie de mettre à exécution ta petite prévention. Cela dit, tu te retenais. Pourquoi ? Jamais en public, voyons. Tu es professeur à l’université, tu es un érudit à la vue de tous. Tu ne voulais pas gâcher ça pour un sans-abri déglingué. Tu imposais ton rythme de marche sans t’assurer que ton nouveau “protégé” suivait derrière. Alors tu t’arrêtais avant de tourner à la prochaine rue, tapant lourdement ta patte en ébène avec une certaine touche d’agacement. Allons, tu pourrais faire un effort. Il est souffrant plus d’être chétif et tout tremblotant. Non ! Tu t’en fichais qu’il soit sur le point de s’écrouler. Ce n’était pas en se désarmant qu’il allait obtenir un peu d’aide. Et surtout pas avec toi. « Quel est ton nom, mon garçon ? Je ne voudrais pas t’affubler d’un surnom qui te dévaloriser…Plus que tu ne l’es déjà. ». Tu avais marqué une pause dans ta phrase, cherchant à la corriger en cours de route pour qu’elle ne soit pas trop insultante. Dieu que ça te rongeait de l’intérieur de lui hurler dessus. Tu attendais qu’il te rejoigne et tu avais tourné à droite pour aller à la pharmacie. A en juger par l’état de ses vêtements et du fait que tu l’avais cueillis dans les rebuts, tu allais sans doute payer pour lui. Espérons qu’il en soit redevable. Oh ! Tu y penses, mais il sera forcément redevable, d’une manière ou d’une autre.
(c) DΛNDELION
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S. Wolfgang Weïssmüller & Rod S. Wilde

It's the price of imagination


A quel moment était-il venu si près ? Tu avais eu un sursaut en sentant le tapotement de sa canne contre ton épaule. Ta vue était si médiocre au travers tes yeux mouillés que tu peinais même à en apprécier les distances. Et ce contact - ce contact qui pour toi avait des airs de menace. Tu avais frémi avec une sorte d’horreur, amorçant comme un mouvement pour te recroqueviller sur toi-même. Des amorces seulement, tu n’avais pas bougé, mais c’était évident : comme si la peur d’être battu te torturait, comme si tu t’y étais attendu. Tu ne savais rien des intentions de l’homme bien sûr, mais à cet instant, vous étiez probablement deux à envisager le même traitement : le bâton t’écrasant les os sans ménagement. Tu n’osais pas le regarder. Ce n’était pas par manque de respect ou de politesse, mais pour ne pas avoir l’air de le défier, et par honte de ce que tu étais. Tu étais comme ces gosses qui, jouant à cache-cache, considèrent qu’aussi longtemps qu’ils ne voient pas ils ne seront pas vus. Si seulement c’était le cas, cela t’aurait fait une bonne compensation au fait de devenir aveugle. Hélas, tout ce que cela faisait concrètement, c’est que tu ne voyais plus le danger arriver. Comme à cet instant.
Tu ne savais pas quoi penser de lui. Sa voix était désagréable et méprisante, presque un crachat. Tu te demandais même si tu n’y décelais pas un accent, quand bien même son anglais était largement plus impeccable que le tien. Il t’avait relevé, ce que tu avais entrepris de faire d’ailleurs, quoi qu’avec cette lenteur irritante du fait des coups dont on t’avait roué. Tu avais mal, mais peur aussi - le contact te rendait mal à l’aise. C’était toujours comme ça. Une main sur toi pouvait présager tant de chose, et tu l’acceptais mal, même si c’était de l’aide. Ton esprit avait beau te crier de rester calme, ton corps y réagissait comme à une menace, et tu tremblais presque. « Je suis désolé », tu lui as répondu sans réfléchir, obéissant à son incitation à te lever. Tu essayais de te tenir droit, mais la tête résolument baissée, ça te donnait des airs de vautour comme si ton crâne était trop lourd à porter, comme si on t’avait brisé la nuque. Tu essuyais tes yeux pour effacer tes larmes, ils étaient pas moins rouges pourtant, mais ils étaient toujours explosés, tout le temps.

Il t’a surpris ensuite. T’as relevé la tête d’un coup, à moitié tremblant. Il t’invitait à le suivre, mais t’étais tellement sous le choc que t’as pas réagi tout de suite. T’avais même pas eu le temps de voir son visage qu’il était déjà parti, dans ce bruit de canne cliquetant sur le pavé - un bruit que tu retiendrais longtemps à l’avenir. T’avais envie de refuser, parce que t’avais pas confiance, parce qu’il avait une aura qui te faisait flipper, parce qu’il était trop bien pour toi, parce que t’avais envie d’être seul et de t’abandonner au sommeil, paisible, chez toi. Mais c’était peut-être ton jour de chance, ta seule opportunité. Cet homme transpirait l’argent et inspirait le respect - c’était inespéré. Et si tu arrivais à l’attendrir encore, s’il te prenait sous son aile, si ta vie changeait radicalement à cet instant ? Bien sûr, ce serait trop beau, ça n’arriverait jamais. Mais ça t’a incité à le suivre au moins. T’as pris sa suite, aussi vite que tu pouvais. T’avais mal dans tes bras, dans tes jambes, dans ton dos, t’avais envie de t’écrouler pas après pas. Tu voulais juste dormir, t’allonger là, par pitié, s’il vous plait. Mais pour une fois qu’on te proposait des soins, tu pouvais juste pas refuser.
De quoi te soigner, te réchauffer. Tu savais pas tellement à quoi t’attendre, à dire vrai. Tu savais même pas où il comptait t’emmener, t’espérais juste que tu croiserais pas grand monde. T’avais eu envie de le remercier, mais tu mettais déjà tous tes efforts à essayer de tenir sa cadence, et tu souffrais tellement que tu étais essoufflé. Ses mots suivant ne sont pas pour te rassurer, et il faut avouer que tu as émis quelque chose qui tenait du glapissement étouffé. Parce que t’avais pas vraiment envie d’être renfoncé dans ta galère à coup de poing. Ou de canne, d’ailleurs - parce que t’étais pas vraiment sûr qu’il parle des autres ou de lui-même quand il te disait ça. A l’idée qu’il te menaçait ouvertement mais que t’étais trop con pour le réaliser, ton coeur a manqué un battement. Mais t’étais trop faible et t’avais trop peu de volonté pour arrêter de le suivre.

Tu pouvais pas t’empêcher de penser à lui. D’essayer de le cerner, mais t’y arrivais pas. Tu te mettais à essayer de distinguer son visage mais il te tournait constamment le dos et maintenait une belle avance sur toi. Pourtant, même sans ça, il te laissait une impression folle - tu l’imaginais dur, tu te sentais pénétré par chaque claquement de sa canne sur le pavé. Son pas lourd, inégal. Sa voix grave et sèche. Sa présence, comme une aura, qui t’écrasait littéralement. Ce soulèvement de ton estomac, tu comprends pas pourquoi. C’est un tableau, cet homme - un monument, un film, un bouquin. Tu te demandes presque s’il est réel. Si c’est pas une autre hallucination. Plus t’avances, plus ce pas claudiquant te dit quelque chose. Merde, Rod, t’as l’impression de vraiment virer schizo. T’as peur, soudainement, peur d’être en fait tout seul derrière ton méchant imaginaire, de le suivre sans savoir où, et on te prendrait pour un cinglé, et on te battrait, on t’attacherait, on t’internerait peut-être.
A peine t’arrives à son niveau enfin, tu te prends les côtes, rétamé, douloureux de la tête aux pieds. Tu te sens mal, nauséeux, t’as envie de pleurer encore, et tu te sens terrorisé. Cette sensation de virer fou, de plus en plus à chaque tac, tac, tac, et cette voix impérieuse qui semble te commander entièrement. T’as envie de mettre la vie sur pause ou sur fin. Il te demande ton nom, tu sens qu’il veut déjà repartir. Stop, stop, t’as envie de lui crier, arrêtez-vous j’en peux plus, je veux souffler, je veux… « Rod », t’as répondu dans un souffle. Pour une fois, t’avais voulu donner ton nom complet, pour te rendre moins misérable, mais t’avais tellement du mal à t’exprimer à ce moment-là que c’était comme si la vie elle-même t’avait coupé la parole. Comme si tu pouvais pas prétendre être plus que Rod. « Je suis.. Je suis à bout, moins vite par pitié ! » Tu l’as dit, enfin, d’une voix éteinte, sans souffle, presque honteuse, et tu t’es arrêté tout à fait pour te tâter les jambes, le ventre, t’avais les bras figés comme une poupée de glaise parce que chaque mouvement te faisait mal.
Là, tu as relevé la tête. Tu cherchais du regard où vous alliez mais t’étais trop bigleux pour voir. En revanche, ce que t’as vu, c’est son visage. Et quel visage. Des dents beaucoup trop blanches. Un regard perçant qui lisait sous la chair et les vêtements. Des épines noires enserrant ses joues en guise de favoris. Terrifiant. Terrifiant pour toi, surtout, parce que ce visage, tu l’avais cauchemardé. Et là, t’étais absolument certain : t’étais encore en train d’halluciner. T’as eu un vif mouvement de recul, t’as trébuché dans tes propres jambes, et tu t’es vautré sur le cul en pleine rue juste devant lui. T’as balbutié deux ou trois secondes, et t’as commencé à gémir des « non, non », et t’as oublié les trois quarts de tes douleurs pour te relever tant bien que mal et t’as voulu te barrer en courant.

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rod s. wilde

« I'm afraid I insist on it, no need for unnecessary suffering. Human emotions are a gift from our animal ancestors. Cruelty is a gift humanity has given itself. »
Tu détestais ce lieu, tu reniais ce quartier. Si ta présence ici était uniquement motivée par un passage obligatoire, tu n’avais clairement pas l’intention de rester dans les parages. Nul ici ne serait assez fou pour te provoquer ou bien te voler. Tu en étais tout à fait conscience, Wolfgang, c’est pour ça d’ailleurs que tu n’avais pas cherché à contourner ce quartier. Tu te donnais en spectacle, tu semblais tirer une certaine satisfaction d’être ici. Oh oui, tu le faisais exprès de te faire remarquer. Tu voulais voir combien il y avait d’âme courageuse dans les environs. Tu voulais savoir si de pauvres abrutis seraient capables de t’extorquer quelques beaux billets. Et tout ce qui tu avais gagné à prendre la peine de ce passage, c’était un idiot débraillé embrassant les poubelles. Piètre récompense, mais tu attendais de voir avant de juger. Après tout, tu recherchais la distraction dans de tels lieux. Tu ne t’attendais pas à ce qu’on t’accueille avec des dorures et des courbettes. Pourtant, dans sa gestuelle, il semblait si habitué que tu en aurais presque de la peine pour lui. Seulement presque, car tu t’en fichais. Tu ne voyais là qu’un moyen de montrer l’exemple à Bray. L’exemple de ta supériorité, de ta pseudo-charité qui adoucissait les préjugés à ton égard pour mieux les bafouer. Tu le poussais à parler, tu levais les yeux en l’air lorsqu’il traînait, mais une chose était sûre : tu avais jeté ton dévolu sur sa personne. Après tout, si tu te fichais totalement de lui, tu ne perdrais pas ton temps en politesse. Politesse piquante qui avait plutôt la sonorité d’une raillerie. Il te suivait, péniblement d’ailleurs. Cela dit, tu ne prenais pas la peine de ralentir. Ta canne rythmait ton pas avec quelques notes répétitives, et tu semblais te perdre dans tes pensées. Cela devait être pour ça que tu ne te rendais pas compte de ta vitesse. Tu songeais à ce qui te poussait à l’aider. Tu voyais déjà le sourire de ton Djinn qui aurait un nouveau jouet, une nouvelle cible avec lequel s’amuser. C’est que Rashlan était plutôt du genre difficile. Puis tu te remémorais sa faible silhouette, cette corpulence de crevette et tu portais ta main droite à tes lèvres pour coincer l’ongle de ton pouce entre tes dents. Il ne fera pas long feu, sans aucun mauvais jeu de mots bien sûr. C’est plutôt toi qui en tireras plaisir, bien que ton fidèle compagnon n’allait pas être ravi. Vous étiez deux joueurs, deux personnes qui n’aimaient pas que l’un s’amuse sans l’autre. Pas de jalousie, ni de mépris, seulement une petite touche de gaminerie macabre. Tu te voyais déjà devoir lui expliquer, lui proposer un autre corps à calciner pour qu’il te laisse celui-ci. Cela impliquerait une nouvelle chasse et de nouveaux détours, mais c’était le prix à payer pour combler un caprice. Tu voulais qu’il te laisse en paix. Tu souhaitais qu’il passe outre ton égoïsme. Puis en te tournant, tu pouvais constater que l’autre venait tout juste d’arriver à proximité de toi. Il était haletant, plier en deux de douleur et toi, tu te délectais de cette vision. Il n’y avait rien dans ton regard qui pouvait traduire de la compassion ou bien de la pitié. S’il pensait vraiment obtenir ceci avec toi, c’était loupé. Toi-même avais besoin d’une petite pause pour trouver ce que tu cherches à savoir une pharmacie. Tu allais lui offrir ses soins et une boisson chaude en guise de cadeaux pour votre première rencontre, ce n’est déjà pas mal non ? Mais pour ça, tu avais besoin d’une pharmacie en premier lieux, et d’un café convenable. Tu ne comptais pas salir ton beau costume en t’accoquinant des soûlards dans leurs pubs. « Rod … Un diminutif je suppose ? Enchanté ». Tu avais enfin répondu à ses présentations durant ta pause. Ta main droite était venue remonter ta manche gauche pour que tu puisses regarder l’heure à ta montre. Tu allais être en retard, mais ce n’est pas bien grave. Ton partenaire était habitué à ce que tu ne respectes pas les heures. Aussi, tu comptais sur lui pour qu’il accueille convenablement ton invité si tu n’es pas rentré à temps. Ton regard s’était glissé en direction de ton “protégé” et tu avais pu lire l’effroi dans son regard avant qu’il ne tombe à terre de nouveau. Pourtant, tu ne semblais pas être surpris. Sans le quitter des yeux, tu avais remis ta manche comme il faut. Tes dents blanches rendaient ton sourire étincelant et pourtant, il y avait une touche malsaine. Parce que tu adorais ça, tu adorais les voir trembler devant toi. Tu contenais ton excitation du mieux que tu pouvais, mais tes yeux s’illuminent; flamboyant de psychopathie. « Décidément, tu ne tiens pas sur tes jambes, Rod. Qu’as-tu vu ? Un fantôme ? Rassures-toi, je suis gentleman. Je n’aime pas tabasser des agneaux à moitié mort. Alors je vais te remettre en état, et qui vivra verra… ». Tes mots sont remplis de sous-entendus, car en cet instant, tu te doutais bien que sa réaction excessive en voyant ton visage n’était pas anodine. Fantôme du passé, ou bourreau du futur, tu prends très au sérieux ces visionnaires sur l’avenir de ce monde. Mais ils te rebutent autant que les tritons, les sirènes ou bien les fées. Tu les loges tous à la même enseigne, mais tu ne peux accuser sans preuves. Alors à la place, tu avais attrapé fermement son poignet pour le relever et pour t’assurer qu’il ne s’échappe pas, tu avais maintenu ta prise. « Nous y sommes presque, il faut encore que nous traversions la route pour atteindre la pharmacie. Et je ralentis si cela peut te satisfaire ». Tu ressemblais à un père qui remettait sur les rails son fils alors que vous n’aviez aucuns liens de parenté. L’entraînant avec toi à un rythme beaucoup plus soft, tu étais entré dans la pharmacie en présentant son état pitoyable au pharmacien. Ils n’étaient pas médecin, mais ils étaient dotés d’un minimum en cas de blessés pour s’occuper de lui. Tu l’avais lâché qu’à ce moment-là, t’abstenant de le suivre jusqu’à l’arrière-boutique pour rester à la caisse et sortir une belle somme.
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S. Wolfgang Weïssmüller & Rod S. Wilde

It's the price of imagination


Tu te croyais l’esprit torturé, tu te croyais en proie à la folie, t’étais intérieurement et presque entièrement convaincu que ton cerveau était malade et s’imaginait un bourreau avec des airs de Comte Dracula. Un humain, ça ? C’était pas possible, c’était presque un cliché de film noir. On aurait dit un assemblage Lego de tout ce qui te terrorisait - à moins que tu craignes tout cela justement à cause de lui ? Son regard luisant te donne des sueurs froides. Ni humain, ni animal, plutôt un démon sorti des neuf cercles de l’Enfer. Y’a pas de mot, même pas d’image à mettre sur ce que cet homme t’inspire, c’est une horreur sourde, muette, aveugle - le genre de truc insoutenable qui te soulève les tripes, le genre où tu te dis : Non, c’est pas possible, ça peut pas être vrai. C’est pour ça que tu crois à ta folie : ça peut pas être vrai.
Tu retrouves tout maintenant, dans ta mémoire trouée, mais imbibée de peur et de souffrance. Ces bruits de canne si familiers tapotant le pavé à côté de toi. Des tas et des tas d’hallucinations partielles, autour de cette figure hostile et à la fois presque trop chaleureuse. T’avais jamais compris pourquoi des fois t’entendais ce bruit, quand tu rentrais seul de nuit chez toi. Cette sensation d’être suivi, toujours, à la trace, sous un regard plein d’appétit. C’est lui depuis tout ce temps. C’est lui aussi, ce regard qui se superpose au tien quelques fois devant la glace. Ces dents blanches, comme un flash, qui semblent dévorer ta face. Une chaleur étouffante, dans laquelle tu suffoques pendant ce qui semble une éternité. Quand tu vois la peau de tes mains, de tes bras, se rétracter sous la flamme, se déchirer et perler de sang, brûler - la brûlure aussi, tu la sens. Tu la sens à en hurler, et t’as le crâne qui se fend, à chaque fois, à chaque fois.

Mais là, merde, c’était carrément différent. T’avais pas ce mal de crâne à t’en arracher les yeux. Tu sentais pas seulement son contact - il arrivait à réellement te saisir, à te remettre sur pied, tu chancelais sous sa force, sous ses impulsions. Tout, absolument tout était beaucoup trop vrai. En quelques secondes, t’avais dû encaisser le choc de la réalité. Ton coeur semblait avoir pété les plombs, t’étais devenu blanc comme un linge comme si t’étais soudainement vidé. T’étais en pleine crise de panique aussi, mais ton envie de crier s’était comme bloquée dans ta gorge - ta gorge où le sang tapait, tapait, tapait, à t’en faire mal. Sa main sur ton poignet, sa main écrasante, tu te sens faiblir, tes jambes mollir, tu te mets à pleurer. Tu pleures, tu t’en rends à peine compte, juste qu’à cause de ça, t’arrives plus à le voir du tout. Et ça, c’est pas vraiment fait pour te rassurer. Qu’est-ce que t’as vu ? Il ose te poser la question, pourtant y’avait pas des masses de possibilité. T’as pas senti le sarcasme, tu comprends pas ses mots, sa manière de parler - tu sens qu’il y a des sous-entendus mais tu les comprends pas. Tout ce que tu ressens, c’est la mort, partout, la mort qui t’écrase le bras, ta mort qui va venir c’est sûr et certain.
Tu gémis, on dirait un chien battu, qui se tord sous le seul contact de sa main. Tu le crois pas quand il tente de te rassurer, tu sais ce que tu as vu, tout ce que tu as affronté et ça peut pas être anodin. « J’vous en supplie, par pitié, par pitié ne me faites rien... » Tu peux pas t’empêcher de le supplier. Même si t’es déjà à moitié mort, même si c’est un gentleman et qu’il a rien fait pour te blesser. T’es pris d’une telle panique qu’il y a juste rien d’autre qui te vient. T’essayes de tirer sur ta main mais rien n’y fait. Il s’est accroché si fort - tu peux plus lui échapper. Et il s’était pas soucié de te remettre dans un meilleur état, même si t’arrivais plus ni à marcher, ni à parler, ni à respirer, ni à vivre. Il t’a trainé comme un veau à l’abattoir. T’as continué à supplier, et puis tout d’un coup, la chaleur de la pharmacie, le chauffage. C’est agréable, mais tu peux pas t’empêcher d’être tendu et terrorisé, en pleine crise d'angoisse devant les pharmaciens. Tu les regardes même si tu les vois pas, t’as l’air de les supplier. Forcément, ils l’interprètent pour tes bleus, t’aimerais leur expliquer pourquoi tu pleures mais tu trouves pas les mots. « C’est lui », tu t’es mis à répéter à mi-voix, dix ou quinze fois. Tu savais pas où il était, s’il était à côté, mais il t’avait lâché et c’est les pharmaciens qui s’occupaient de toi.

T’avais envie de mourir. Tu détestes ça, qu’on te touche, qu’on te déshabille. T’as voulu t’accrocher à tes vêtements, ils ont dû s’y reprendre à plusieurs fois. Ils ont fini par comprendre qu’ils arriveraient à rien avant que tu te calmes et ils ont cherché des trucs à te faire avaler pour te détendre. Un verre d’eau, des plantes, des trucs et d’autres, des mouvements sur ton épaule, des mots réconfortants. T’as commencé à te sentir totalement épuisé, à cause de tout ce que t’avais chialé, à cause de la tension de tous tes muscles, et puis tout ce qu’on t’avait mis dans le bec aussi. Tu te sentais comme groggy de fatigue, t’étais pas loin de t’évanouir. T’as eu droit à du sucre un peu, c’était assez infect, en fait t’es pas certain de ce que c’était. Quand finalement t’as arrêté de te débattre, quand t’as recommencé à douter d’avoir imaginé ton homme, ils ont pu t’arracher ce qui te servait de pull et s’occuper des ecchymoses qui te couvraient de la tête aux pieds et de ton crâne éclaté. Tu vois, même si c’était des pharmaciens, même s’ils savaient ce qu’ils faisaient, même si c’était un peu leur job, tu détestais ce contact alors que t’étais aussi vulnérable. Quand une main voulait t’appliquer de l’Hemoclar, t’avais l’estomac qui se soulevait - c’était juste tellement évident de voir combien ça te bouleversait. Mais t’étais déjà trop mort pour résister à quoi que ce soit. T’as juste continué à supplier quand ça devenait trop insupportable pour toi, luttant entre ce contact insurmontable et toutes ces réflexions autour de l’homme qui te venaient. C’était la première fois qu’il te demandait ton nom, et t’avais toujours pas la moindre idée du sien. C’est pas forcément ce point-là qui t’importait - plutôt de savoir s’il avait pour projet de faire de toi la prochaine Jeanne d’Arc, la pucelle de Bray.

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« I'm afraid I insist on it, no need for unnecessary suffering. Human emotions are a gift from our animal ancestors. Cruelty is a gift humanity has given itself. »
Pauvre garçon, te disais-tu. Il était loin, très loin du bout de ses peines. Son attitude et son physique soudainement blafard t’avaient mis la puce à l’oreille, et il venait de s’enchainer à ton supplice. Cela commençait à peine, et tu t’en régalais d’avance. S’il suppliait seulement en croisant ton regard, que serait-il face à tes doigts qui se resserrent sur sa chaire. Il avait l’air si fragile, le petit oisillon, dans la gueule du dragon. Car il venait de se jeter pleinement dedans par manque de discrétion. Son sursaut sera sa condamnation, et toi tu t’en réjouissais. Tu t’imaginais déjà toutes les tortures que tu pourrais lui infligeait et tu te demandais jusqu’où tu pourras aller avant qu’il ne se disloque. Tu trépignais et tu faisais craquer ta nuque pour passer cette soudaine excitation. Tu avais soudainement envie de lui poser bien des questions, tu voulais savoir ce qui le prenait et ce qu’il avait vu. Mais, tu hésitais. Tu ne voulais pas qu’il te gâche le plaisir en te révélant tout à l’avance. Alors, tu t’étais contenté de le mettre en garde en le saisissant par mesure de précautions. Ça serait dommage qu’il s’échappe dorénavant alors que vous commencez tout juste à faire connaissance. Il s’agitait, et la peur guidait ses gestes. Tu te disais qu’il avait bien raison d’avoir peur, et tu flattais intérieurement sa lucidité. Il était puant, pitoyable et dénué de fortune, indigne de ton attention. N’importe qui aurait pu se contenter de passer à côté et de ne pas y faire attention. Sauf toi, ça te rendait exceptionnel… D’une certaine manière. Car on ne peut pas flatter ta bienveillance, ce n’est qu’une facette. Tu n’en as aucunes. Et si une personne capte ton attention, c’est souvent pour ravitailler tes jouets. Tu le traînais jusqu’à la pharmacie sans un mot. Tu ne pouvais pas lui garantir que tu ne lui ferais rien, car c’est tout l’inverse que tu avais programmé dans ton esprit. Il était bon pour un interrogatoire musclé, mais ce n’était pas ton genre de battre des bêtes à moitié blessé. Tu avais laissé ton agneau meurtris aux bons soins des pharmacologues. Ils pourront au moins lui prodiguer les premiers soins, c’était mieux que rien te disais-tu. Seulement, ton regard s’était noircit. Il répétait c’est lui lorsqu’ils lui avaient demandé d’où il tenait tous ses bleues. Tu te taisais, tu ne disais rien et tu prenais appuis sur ta canne. Tes doigts resserrés l’aigle en fer, une poigne qui rougissait doucement tes phalanges tant tu passais ta colère sur cette étreinte. Le pharmacien te regardait, et tu ne laissais rien transparaitre. « J’ignore de quoi il parle, il ne cesse de répéter cela depuis que je l’ai récupéré ». Ta voix se voulait interrogative, et le pharmacien avait simplement acquiescé d’étonnement lorsque tu avais fait part de ton interrogation. Tu l’avais laissé partir, tu ne jetais même pas un œil pour savoir s’il se tenait tranquille ou bien s’il continuait de rejeter la faute sur toi. Ainsi le prenais-tu et tu bouillonnais intérieurement. Il n’était pas à l’abri de ta rage à la sortie, il avait  tout intérêt de s’y préparer. Tu allais devoir l’éduquer ce petit. Parce qu’il semblait te connaître sans te connaître, et qu’il était très discourtois de pointer du doigt son sauveur. « Je vais vous prendre une boite d’antidouleur et de la pommade pour les hématomes aussi ». Ce n’était pas pour toi, c’était pour lui. Tu te fichais éperdument de son état de santé, tu voulais surtout le faire tenir plus longtemps. Tout ceci n’était pas donné, mais tu essayais de relativiser. Il ne rentrera pas chez lui ce soir. Du moins, s’il a bien un chez-lui. Car vu sa tenue vestimentaire, ça ne serait même pas étonnant qu’il loge sous un carton. Tu levais les yeux au ciel, tu trouvais le temps terriblement long et l’attente interminable. Tout était réglé, il n’y avait plus qu’à partir. Partir boire ce fameux chocolat chaud. Sauf que tu as changé de programme. Tu comptais bien rentrer chez-toi et envoyé Rashlan faire les courses de dépannage pour ton invité. Finalement, tu allais le ramener à la réalité. Ta canne avait de nouveau cliqueter contre le carrelage de la boutique et tu t’étais déplacé pour assister au spectacle. Car voir ainsi le déchet se tortillait entre malaise et fatigue, c’était amusant. « Vous vous en sortez ? Rassurez-moi, il n’aura pas besoin d’aller à l’hôpital ? » Car je compte bien l’y expédier moi-même…, le sourire de ta pensée ne trahissait pas cette fausse-bienveillance. Tu sondais le moindre geste, le sac en papier plié dans tes mains. Tu avais rangé ton portefeuille à l’intérieur de ta veste, et tu attendais. Encore et toujours. Tu ne voulais pas t’asseoir, même si on te le proposait. Tu étais bien trop fier pour ça. Le professionnel annonçait qu’il avait bientôt fini et qu’il avait visiblement du mal avec ce garçon. Parfait, te disais-tu. Il avait fallu une dernière touche de pommade avant que tu ne puisses l’emmener. Tu avais salué poliment les tenanciers et tu étais sorti. Quelques pas, aucuns excès sur ton visage, tu avais prononcé d’une voix froide, très loin du ton bienveillant d’auparavant. « Te rends-tu compte de l’embarras dans lequel tu m’as mis, Rod … ». Ce n’était pas une question, mais une introduction. Tu revenais sur tes pas, tu prenais la direction de ton manoir. Tu ne maintenais plus aucunes emprises sur lui, mais tu te tenais prêt. Prêt à lui barrer la route s’il tentait de s’échapper.
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S. Wolfgang Weïssmüller & Rod S. Wilde

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Combien de temps, Seigneur, pour cette foutue torture ? T’en pouvais plus, toute cette angoisse en si peu de temps, ça t’épuisait le corps et les nerfs. Si t’avais pu rentrer chez toi, tu te serais effrondré, t’aurais pu dormir près de vingt heures. Mais tu pouvais pas. Tu pouvais pas et tu tâchais au mieux de rester alerte, de suivre ce qui se passait, mais t’arrivais à rien capter. Tu voyais rien, mais t’entendais mal aussi. Y’avait comme un sifflement dans tes oreilles à force que ton coeur batte trop fort, à force d’aller aussi mal, à force de manquer de sucre - tant et si bien que t’entendais mal ce qui se disait. Il y avait la voix de l’homme, la voix du pharmacien. Tu savais qu’ils parlaient de toi, mais tu parvenais pas à mettre le doigt dessus. T’avais envie de supplier pour que ça s’arrête, et finalement ça s’est arrêté - à ce moment-là, t’as commencé à te dire que peut-être tu aurais préféré que ça continue: parce que t’allais devoir quitter cette antre synonyme de sécurité.
Des bruits de transaction commerciale, de pas, de mots échangés, de caisse enregistreuse. Pendant ce temps, t’étais resté assis sur ton tabouret, tremblant et couvert de pommade, ton vieux pull dans les mains que t’avais supplié à demi-mot pour remettre par tes propres moyens. T’avais pas de force dans les bras, tellement que t’arrivais pas à les lever, à les remuer - alors t’es resté là, torse nu, honteux, en larmes, à trembler, à profiter de la chaleur ambiante, baignant dans cette odeur de plantes, d’antiseptiques et de médicaments. T’avais envie de mourir, putain à quel point t’avais envie de mourir… Mais pas de façon violente. Mais t’avais pas le temps. T’avais pas le temps parce qu’il était déjà sorti, et il comptait bien t’embarquer. Toi tu voulais pas bien sûr, alors t’as traîné sur place autant que t’as pu - mais t’aimais pas le regard des pharmaciens sur toi. Tu te sentais de trop, tu te sentais un poids. T’avais envie de supplier pour qu’on te garde en sécurité, loin de lui, le plus loin possible - mais t’osais pas. T’osais pas. Alors, tant bien que mal, les joues baignées de larmes, t’as remis ton pull par dessus ton corps douloureux. Tu t’es remis sur tes jambes, au moins aussi lourdes et douloureuses. Tu te sentais basculer en avant, la tête appesantie par la douleur, la peur, le chagrin. Et lentement, timidement, t’es sorti.

Le froid, le vent, ça t’a giflé le visage bien comme il faut. T’avais soudainement les yeux aussi secs que ta gorge et tes lèvres, tu te sentais desséché en plus de douloureux. Et tu l’étais, y’a pas à dire : t’avais besoin d’eau, et ta voix ne ressemblait plus à rien. Mais à qui t’aurais bien pu demander ça ? T’allais quand même pas faire demi-tour et redemander quelque chose aux pharmaciens. Fallait que tu rentres, vite, très vite, que tu croises personne. Que tu t’enfermes à double-tour, que tu te recroquevilles sous un drap et que tu sortes plus pendant deux mois. T’aimais mieux y crever de faim que de remettre le pied dans la rue après ça. Sauf que ce que tu ignores, c’est que t’es loin d’en avoir fini Rod. Et ça, la voix de ton bourreau n’a pas tardé à te le faire savoir. Comme une menace claquant tes tympans à l’intérieur de tes oreilles que le froid commençait à attaquer d’engelures. Ses mots, cette froideur - si t’étais pas rendu si sec, tu aurais pu te faire dessus. Ton visage s’est un peu tordu, comme prêt à pleurer à nouveau. T’as pas pleuré. Mais putain, t’en crevais d’envie, c’était la seule chose que tu croyais pouvoir faire.
Il est parti, t’as entendu sa canne s’éloigner doucement. T’as pas compris d’ailleurs, tu t’es dit que peut-être il te laissait seul, qu’il en avait fini avec toi et c’était tant mieux. T'étais comme ça Rod, un pauvre type sans libre-arbitre, il t'avait pas demandé de le suivre alors tu l'avais pas suivi. T'étais un gars obéissant, mais quand l'ordre était pas clair, t'étais beaucoup trop con pour le suivre, t'avais peur surtout de mal l'interpréter et qu'on te le reproche. Alors tu t’es senti presque soulagé, et t’es resté immobile, tête baissée, corps tremblant, debout devant la pharmacie. « Pardon », tu lui as balbutié, et tu l’as répété à mi-voix en boucle, jusqu’à ce qu’il s’en aille. T’attendais le moment où tu l’entendrais plus du tout, où tu serais seul. T’espérais qu’il recroiserait jamais ta route, t’espérais pouvoir rentrer. Mais tu savais même pas où t’étais, tu savais pas comment rentrer. D’un mouvement de manche, t’as essuyé tes yeux - ton nez te brulait. Pourtant c’est bizarre, il s’éloignait pas, ton sale type. Il restait pas loin. Mais t’attendais encore. Tout crédule que t’étais, t’avais même commencé à chercher dans ta poche ton téléphone, tu pensais que ça serait fini. Tu te disais que Google Maps t’aiderait à rentrer. Tu pouvais pas être sorti sans, pas vrai ? T’allais bien finir par le trouver. Le voilà, tu le sors de ta poche - manquerait plus que ton homme pense que t’appelais de l’aide ou des flics tiens, mais c’est pas à ça que tu pensais. C’était comme si tu l’ignorais, comme s’il n’existait plus, et t’essayais de te tuer les yeux à lire ton écran, alors que t’étais encore aveuglé par tout ce que t’avais chialé, que tu voyais flou. Et t’as commencé à tapoter. Tu crois qu’il aimera ça, dis, quand il va le remarquer ?

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« I'm afraid I insist on it, no need for unnecessary suffering. Human emotions are a gift from our animal ancestors. Cruelty is a gift humanity has given itself. »
Tu avais beau te pavaner et garder cette allure de gentleman, la colère te rongeait. Petit ingrat, petite chose fragile et pitoyable qui ne sait faire que pleurer et supplier. Il ne cherchait même pas à se défaire de toi et il ne prenait pas attention à ses paroles. Il se contentait de se tortiller et de supplier à voix basse. Pauvre gamin, te disais-tu, tu allais devoir lui inculquer la triste réalité. Jusqu’où était-il prêt à aller pour profiter de ton aide ? Ta canne ne tapait pas contre le carrelage de la pharmacie. Elle restait solidement ancrée, t’offrant ainsi la possibilité de te tenir droit. Tu adorais ça. Tu adorais surplomber les autres, avoir cette sensation de pouvoir. Tu l’avais, le pouvoir. Tu pliais sous tes ordres un djinn de deux-millénaire qui avait accumulé meurtres et désolations. C’est lui qui te confiait ton pouvoir et l’avoir à ta botte te prouvait qu’il te considérait comme ton égal. Ce n’est pas un petit vers-de-terre comme ce Rod qui allait te faire flancher. Tu étais un monument, une montagne froide et mystérieuse qui cachait une cruauté sans pareille. Ses yeux pouvaient être humidifiés par ses larmes, son corps chancelant par sa faiblesse, tu t’en fichais. Tu voulais le détruire ! Mais à petit feu, tu n’étais pas le genre d’homme qui aimait se presser. Une pensée avait traversé ton esprit : tu te demandais quel goût il avait. Et peu de temps après, ta langue était passé sur tes lèvres en imaginant ses reins, son fois et surtout son cœur dans ton assiette. Tu adorais les palpitants, tu éprouvais une certaine satisfaction lorsque tu les avais en bouche. Le sentiment de dévorer la chose la plus chère dans son monde, le morceau de viande doré qui fait battre les amourettes. Tu le détruisais, tu le réduisais en charpie avec tes incisives. Ainsi, tu rappelais aux divinités que dans ce bas-monde, il n’y a aucune Happy Ending. Que la loi du plus règne et cela depuis des millénaires. Tu étais le plus fort, le plus cruel derrière tes airs de noble gracieux. C’est une loi naturelle, la chaîne alimentaire qui s’arrêtait à l’homme. Mais tu étais encore au-dessus. Tu étais le prédateur des hommes, de Rod. Tu le regardais tandis que tu étais sorti de la pharmacie. Si faible, si fragile, si chétif… Il ne tiendra pas deux jours dans tes cachots. Alors autant prendre son temps et profiter. Ta main caressait le pommeau de ta canne et tu imaginais tes phalanges broyer ses côtes, crever ses yeux, arracher ses cheveux. Un léger frisson t’a parcouru et ta tête s’était penchée en arrière dans l’élan. Tu en avais fait craquer ta nuque, et tu souriais. Quelle image agréable. Mais pour mettre tout ceci a exécution, tu devais avant tout t’assurer de ne pas t’en prendre à un parfait innocent ou un humain lambda. A un petit être définitivement trop fragile et impuissant pour avoir de l’intérêt dans tes yeux. Après tout, le but, c’est que tu t’amuses. Ce n’est pas drôle de s’en prendre aux humains, ils sont incapables. Tu n’avais pas oublié ses mots dans la pharmacie, alors tu avais soufflé une petite introduction. Ce à quoi il avait répondu par un misérable pardon. Pardon d’être aussi inutile, pardon de t’avoir offensé… Ce n’était pas suffisant. Tu ne voulais pas lui pardonner aussi facilement et le pauvre se croyait visiblement tiré d’affaire en sortant son portable. Bien, tu allais commencer par le priver de cet objet. Ta canne avait tapé le rythme de tes pas sur le bitume. Très cadencé, très rapide, si bien qu’il n’avait pas eu le temps de se dérober. De toutes façons, tu doutes qu’il en aurait été capable cet empoté. Tu avais arraché son téléphone des mains, puis tu regardais sans aucunes gênes ce qu’il comptait faire. Google Map pour un paumé, que c’est cocasse …  Tu avais verrouillé le téléphone d’un geste habile de la main, ton regard de vautour s’était tourné de nouveau vers lui. « Ainsi donc, tu as bien un chez-toi. C’est bon à savoir … Je sais où te raccompagner après dans ce cas. Je t’invite chez-moi, je te dois toujours un chocolat chaud après tout… ». Le pauvre bougre n’était pas au bout de ses peines. Tu avais glissé l’une de tes mains dans son dos pour le pousser et tu avais entamé la marche vers ton manoir. Il avait fallu quitter Dragon Alley, puis traverser West End, mais tu y étais dorénavant…
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T’avais dû te croire momentanément hors d’atteinte, épargné, ou que sais-je. Peut-être que t’avais eu tellement peur que tu t’étais raccroché entièrement à ton seul espoir, comme si l’adrénaline de l’angoisse était retombée dans une mélasse de détresse et d’impuissance où tu te consolais avec le peu que tu trouvais. Tu te disais qu’il allait te laisser tranquille, après tout il était venu vers toi, il avait eu pitié de ton état lamentable, il t’avait aidé. Il t’avait emmené à la pharmacie, c’était fini maintenant, pourquoi s’obstinerait-il à vouloir passer plus de temps avec un type dans ton genre ? Tu essayais de passer sous silence le fait qu’il t’avait acheté des soins et les avait finalement gardés, ce qui aurait dû pourtant te mettre la puce à l’oreille quant au fait qu’il comptait pas te lâcher de si tôt. C’était tellement stupide, quand j’y pense, de te croire sorti d’affaires. Au profil du bonhomme, à ses sous-entendus, aux visions que t’en as eu, à la peur qu’il t’inspirait, tu savais pertinemment que ça s’arrêterait pas là. Mais t’avais tellement peur d’envisager le pire que tu te réfugiais dans l’aveuglement - ironie d’oracle raté. Tu te disais peut-être que si tu faisais tes adieux, si tu rentrais chez toi, il trouverait pas les mots pour te dire de rester. Y’avait toujours quelque part la peur qu’il te suive, et rien que d’imaginer son regard planté dans ton dos, t’en avais des frissons d’effroi - mais c’est aussi pour ça que tu t’attardais, que t’attendais qu’il s’en aille. Si tu savais… Si tu savais les choses qu’il envisageait pendant que tu te laissais aller à l’inattention. Jamais la menace “j’vais te dévorer tout cru” n’avait été aussi peu métaphorique. T’étais simple d’esprit, commun, tout sauf tordu. Je suis même pas sûr que tu saches ce qu’est le cannibalisme, ou au moins que c’est un phénomène qui existe bel et bien. Jamais t’aurais pu penser par toi-même… Mais c’est aussi pour cela que ce serait aussi exaltant de t’y confronter.
Tac. Tac. Tac. Le rythme de la canne battant les pavés s’était fait si rapide que tu n’eus pas le temps de réagir, mais chaque coup résonna dans ta tête douloureusement et te coula des sueurs froides le long de la nuque. Tu as cessé de respirer et ta main s’est mise à trembler, soudain tu le sentais juste à côté de toi, sa silhouette obscurcissant ta vue embuée. Il avait pris ton téléphone, et tu voulais émettre une protestation, un faible « non ! » plaintif s’était noyé aussitôt dans ta gorge, comme si tu l’avais regretté avant même d’achever la syllabe. Ton coeur, celui qu’il s’imaginait mordre tantôt, battait la chamade plus que jamais, la peur revenait l’étreindre. T’avais avancé ta main pour récupérer ton bien puis tu l’avais reculée presque instantanément, t’avais peur qu’il te la prenne, qu’il te la touche, et t’avais peur des reproches. Il avait ton téléphone maintenant, c’était fini, c’était plus le tien. Le racket tu connais ça, cela dit c’est la première fois que ta racaille est un bourgeois aussi atypique avec d’horribles favoris. Tu déglutis, tu attends je ne sais quoi, le coup peut-être, la violence, l’insulte, n’importe quoi. Tu aurais préféré je crois. Parce que ses mots te font réaliser qu’il connait ton adresse à présent, aussi pitoyable soit elle. Tu ne saurais mettre un mot là dessus, mais c’est comme si ta vie basculait, comme si on t’avait refusé ton dernier sentiment de protection. Le monde était hostile, le monde était menaçant, et ton appartement, plus que tout le reste à présent. Pitié non…

Il t’avait embrigadé derechef, et tu ne voulais rien moins que de recommencer à peiner à le suivre, le passage par la pharmacie n’avait en rien mis fin à ton épuisement et à tes douleurs, et l’angoisse grandissante ne faisait que les accroître. Tu n’étais pas entièrement stupide, ce n’était pas un chocolat chaud qui allait te donner l’envie d’aller chez cet homme entièrement douteux. Tu n'étais pas sûr d'ailleurs qu'il t'offre quoi que ce soit de la sorte, mais il arrivait à remettre en doute tes moindres certitudes. Il n’était pas agressif après tout, il n’avait officiellement encore rien fait de mal, sinon bien sûr voler ton téléphone. Ses sourires étaient peut-être déformés par ta paranoïa, et de même pour tous ses sous-entendus. Peut-être après tout ne te voulait-il pas de mal… Mais tes visions, celles qui te torturaient depuis des années maintenant, tu ne pouvais passer outre. Toute ta conscience te hurlait de ne pas le suivre, mais tu avais peur, une peur terrible des représailles dans le cas où tu le refuserais nettement. Il savait où tu habitais, ce n’était pas comme si tu pouvais échapper à rien. En plus de cela, il avait pris ton téléphone, et tu étais désormais dans l’incapacité pure et simple de rentrer tout seul. Qu’est-ce que tu aurais dû faire ? Rentrer dans une boutique en courant, supplier pour qu’on te protège, pour qu’on te raccompagne, en lieu sûr peut-être, pourquoi pas chez Yukon ? Mais tu n’osais pas, même dans cette extrémité, tu n’osais pas déranger les autres alors même que tu te sentais en danger.
Alors tu es resté tétanisé et silencieux, et tu eus un violent sursaut lorsque surgit de nulle part le contact de sa main dans ton dos. Aussitôt, tu avanças de quelques pas, la peur au ventre, l’envie de te recroqueviller sur toi-même et de ne plus bouger se faisant de plus en plus tentante. « Je... Je crois que je n'ai pas très soif... » C'est tout ce que tu as trouvé à dire pour essayer de refuser son invitation, et tu le disais d'une voix sèche, enrouée, d'une bouche pâteuse aux lèvres gercées. Mais au moindre mouvement de sa main, tu flanchais et avançais encore pour échapper à son contact. Tu avais envie de pleurer, encore - et tu pleuras sans doute sur le trajet, en cherchant un million d’échappatoires pour te défaire de sa présence et qu’il ne te retrouve jamais. Mais quand on avait une vue aussi médiocre ! C’était à peine si tu voyais autre chose que lui autour de toi. Fataliste, tu allais vers ta mort. Et ton esprit s’interrogeait encore et encore sur les intentions de l’homme. Qu’allait-il faire, te frapper ? Te brûler vif ? Te tuer tout de suite, te faire languir ? Ou te préparer un chocolat chaud et se découvrir bon samaritain ? Pouvais-tu seulement te fier à des hallucinations pour juger un homme qui te tendait la main ? Cette marche, où tu titubais encore, où chacun de tes mouvements était raide, te parut durer un temps infini, et tu cherchais encore de tout côté un visage ou une rue qui te soient familiers et où tu pusses te réfugier au plus vite en laissant passer l’orage. Mais l’orage, sans te toucher, te tenait résolument en laisse. Tu n’osais pas fuir, tu n’osais pas refuser, tu n’osais pas supplier ni demander à l’aide - quels arguments avais-tu ? Pardonnez-moi monsieur, je vous ai vu me tuer. Et ce mot, résonnant dans ton crâne, te faisait piteusement japper.

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